Texte intégral
Q- J.-F. Lamour, on va parler dopage évidemment. Mais je voudrais pour commencer vous poser une question toute simple : comment se fait-il qu'on voie le président des Boulogne Boys, qui est un Club de supporters du PSG, interdit de stade lui-même, reçu au ministère de l'intérieur ?
R- Parce que, quand N. Sarkozy a demandé à A. Cayzac de réunir l'ensemble des associations de supporters, A. Cayzac nous a proposé cette association et ce président. J'y vois un gros avantage : c'est que M. Dupont, comme les autres d'ailleurs - M. Perreira, M. Drille, et d'autres - ne pourront pas dire qu'ils n'ont pas été tenus informés et au courant des mesures qui ont été prises ou qui allaient être prises. Voilà. Tout le monde est prévenu, chacun est devant ses responsabilités, en particulier sur les trois ou quatre grandes mesures qui ont été prises ou annoncées : je pense à l'interdiction renforcée d'un certain nombre de pseudo-supporters pour qu'ils aillent pointer au commissariat pendant les matchs de foot, la dissolution, je viens de signer le décret hier soir, N. Sarkozy l'a signé juste avant moi, le décret va donc être publié dans les toutes prochaines heures, et pourra être applicable. Mais c'est aussi, pourquoi pas, la fermeture d'une partie de Boulogne, on parle "R1, R2", je ne sais pas, ce sera au préfet de police, P. Mutz, de décider en fonction de la situation ce qu'il faudra. Mais je crois qu'il faut effectivement un peu marquer les esprits, et puis surtout, identifier la billetterie. Et A. Cayzac s'est engagé, d'une part, très vite, à faire en sorte de vendre les billets uniquement à des spectateurs qu'il connaît, qu'il reconnaît, donc avec une traçabilité du billet, et très vite, il veut mettre en place - ça va certainement coûter très cher - un système de billetterie identifiable, avec des cartes d'abonnement avec photo pour qu'il puisse savoir à qui il a vendu le billet, si ce billet se retrouve dans une main étrangère, d'une autre personne, que celui qui a l'abonnement puisse être là aussi interdit de stade.
Q- Mais alors ceux qui sont au stade et qui par exemple font des gestes nazis, on les connaît, on les a filmés, alors ceux qu'on a filmés, justement, l'idée c'est de les mettre à l'écart des matchs ?
R- C'est ce qu'on appelle "l'interdiction administrative", contrairement à une interdiction qui est due à une décision de justice. Alors, P. Mutz en déjà prononcées, 25 il y a quelques jours, il est en train de monter en puissance parce que c'est une des armes nouvelles qui est à notre disposition, mais effectivement il fait très attention, pourquoi ? Il n'y aurait rien de pire que d'interdire administrativement et d'aller faire pointer un type comme ça dans un commissariat, et que la justice, parce que le tribunal administratif et le Conseil d'Etat pourraient remettre en cause cette décision, et qu'en gros ce type-là vienne nous faire des bras d'honneur à l'entrée du stade en nous disant : voyez, je vous ai bien eus ! Donc, le préfet de police monte en puissance, mais il le fait en tenant compte d'un certain nombre d'informations, de vidéos, d'éléments qui constituent un dossier pour ce pseudo-supporter.
Q- [...] Je remarque au passage l'exemplarité de clubs comme Lyon, Lille, ou d'autres clubs qui, et ce n'est pas un hasard, sont, eux, qualifiés pour les 8èmes de finale de la Ligue des champions... Je ne vais pas opposer les clubs aux uns aux autres, et vous non plus.
R- On va dire les choses clairement : A. Cayzac est dans une situation très difficile, donc il faut le soutenir dans sa démarche de remettre à flot le Club. Mais c'est vrai qu'on a d'autres exemples qui sont quand même beaucoup plus forts et beaucoup plus sympathiques pour le football français. Et c'est sur ces exemples et finalement sur ces bonnes pratiques - je sais que J.-M. Olas a un contact régulier, pratiquement, je ne dirais pas quotidien, mais régulier avec ses associations de supporters, il nous avait fait rencontrer sur un Lyon-Metz il y a quelques mois, lors de la saison dernière, on voit que ça va bien. Mais d'un autre côté aussi, nous, au Gouvernement, nous avons pris nos responsabilités. Regardez, ce jeune pompier volontaire qui s'était fait arracher deux doigts, eh bien le type qui a lancé, je ne sais pas d'ailleurs un fumigène, je ne sais plus ce que c'était exactement, tout pouvait rentrer, ce type-là a été sanctionné, parce que justement nous avons mis en place ce dispositif.
Q- Ce qui me gêne c'est qu'on réagit toujours après, après le drame ?
R- Non, regardez ! La loi sur l'interdiction des stades, la loi sur la dissolution des supporters, ce n'est pas maintenant qu'elle a été votée, elle a été votée au printemps et au mois de juillet derniers. Donc, nous, au Gouvernement, nous avons pris nos responsabilités. L'arsenal...
Q- Cela veut dire que les clubs n'ont pas toujours suivi les recommandations ou la loi ?
R- Je ne vais pas jeter la pierre sur telle ou telle responsabilité, aujourd'hui, il y a un vrai souci, je crois que c'est bien dans l'esprit des uns et des autres, à la fois des partenaires d'ailleurs de ces clubs, ceux qui financent, soit sous forme de sponsoring ou sous forme de subventions, il faut aussi qu'ils prennent leur part de responsabilité dans l'augmentation de ce que j'appellerais "la sécurité du périmètre du stade". Et puis quant au Gouvernement, encore une fois, nous avons pris nos responsabilités.
Q- Je regarde quand même des chiffres : les dépenses de sécurité pour les matchs du PSG ont été multipliées par près de quatre en quelques années. En moins de dix ans !
R- Deux remarques, et vous avez entièrement raison, totalement...
Q- Je me mets à la place du contribuable, tout simplement...
R- Attendez ! Ce n'est pas le contribuable qui paye, c'est le club qui paye, ça c'est la loi Pasqua. C'est Pasqua qui avait décidé : "Ce qui se passe dans le stade, c'est du domaine du club, ce qui se passe autour du stade, c'est-à-dire, la sécurité publique, ce sont les pouvoirs publics, mais c'est le club qui paye". Attendez, ce n'est quand même pas au contribuable de payer tout ça. Par contre ce que je dis avec force, c'est qu'on ne meurt pas à 25 ans dans ou autour d'un stade, ce n'est pas possible. Et tant que le monde du football... J'avais appelé cela il y a quelques jours la banalisation de ces petits gestes, on met en cause la décision de l'arbitre, on se bagarre dans les tribunes, on se bagarre en dehors du stade, pas simplement d'ailleurs pour le foot pro, vous le savez les arbitres en ont marre. C'est pour cela d'ailleurs que j'ai fait voter une loi qui renforce la protection des arbitres. En résumé, quand un arbitre se fait agresser sur un terrain ou en dehors d'un terrain, celui qui l'agresse prendra le double de la peine d'une agression normale, pour un quidam normal. Donc, là, j'ai réaffirmé que le rôle de l'arbitre est incontournable. Je crois qu'il faut que maintenant on retrouve comme dans n'importe quel autre sport - je pense en particulier au rugby - qu'on retrouve le respect de la règle et le respect des autres, ce qui a été, il faut bien le dire, un petit peu laissé de côté dans le champ du football.
Q- Regardons le dopage, le docteur Fuentes... On se souvient de ce qui s'est passé autour du dernier Tour de France, la police espagnole a découvert du matériel de dopage sanguin. C'est du dopage sanguin dont on parle...
R- Il n'y a pas que cela, on a aussi trouvé de l'EPO dans les poches de sang. C'était un libre service, on y trouvait un peu de tout, semble-t-il...
Q- Selon le docteur Fuentes, il n'y a pas que le cyclisme qui est concerné, d'ailleurs le monde du cyclisme commence à en avoir assez que l'on ne parle que du cyclisme, d'autres sports sont concernés, selon le docteur Fuentes, et notamment le football. Pourquoi est-ce que dans le football, les contrôles ne sont pas les mêmes que dans le cyclisme ?
R- Là, je vous parle en tant que vice-président de l'AMA [Agence Mondiale Antidopage], parce que jusqu'à juin dernier, la FIFA n'avait pas accepté le code pour des raisons juridiques, en particulier de ce que l'on appelle l'automaticité des peines. Il y a eu un long débat - je n'ai pas dit combat, mais ce n'est pas loin - entre l'AMA et la FIFA. Il a même fallu l'intervention de mon collègue anglais R. Caborn pour que les deux protagonistes se mettent autour d'une table, et qu'enfin, il y ait un accord sur l'adoption du code. Ce code a été adopté par le congrès de la FIFA en juin dernier, juste avant la Coupe du monde. Maintenant, aujourd'hui, le code est applicable par la FIFA et donc le code est applicable dans son entièreté, c'est-à-dire tout autant pour des contrôles urinaires classiques que pour des tests sanguins. Puisque là, effectivement, dans ce domaine, ce sont bien des tests sanguins qui pourraient apporter la preuve. Mais la remarque sur Fuentes - j'aurai pu le faire sur l'affaire Cofidis ou sur d'autres affaires assez récentes - c'est qu'heureusement, aujourd'hui, la police et la justice rentrent dans le jeu de la lutte antidopage. Regardez ! La plupart des grandes affaires - l'affaire Balco, sur l'athlétisme, vous voyez qu'il n'y a pas que le cyclisme - donc l'affaire Balco par exemple, l'affaire Cofidis ; on ne revient pas au temps de Festina, mais Puerto aussi, l'affaire de Turin sur les athlètes des JO de Turin, c'est la police qui fait très bien son travail maintenant et qui permet maintenant de remonter un certain nombre de filières. Pour moi, c'est l'autre pilier de la lutte antidopage, il faut la renforcer. J'ai d'ailleurs organisé, au mois de juin dernier, ici à Paris, la première rencontre entre l'Agence mondiale antidopage et Interpol, justement, pour renforcer ces liens et arriver à démonter ces filières. Parce que quand on est dopé, cela ne tombe pas tout cuit, du ciel, il faut avoir des produits qui sont fournis. Et on a vu que monsieur Fuentes, semble-t-il, est un spécialiste en la matière.
Q- J'ai une question toute simple : est-ce que vous allez obliger le football à faire pratiquer des tests sanguins dans le championnat de France de football de ligue 1 ?
R- Mais bien évidemment ! D'une part, vous savez que maintenant, de par le code mondial antidopage, y compris la loi française, c'est à la FIFA, pour le niveau international, à organiser, à décider, pour les athlètes de niveau international, du modèle et de l'organisation des contrôles.
Q- Nous, en France, on ne peut pas décider tout seul ?
R- L'Agence française de lutte contre le dopage, pourra, si elle le veut, en relation avec la fédération internationale et l'AMA, décider du nombre de contrôles dans le domaine du football, parce qu'elle est maintenant indépendante et de la qualité de ces contrôles.
Q- Et vous êtes favorable à ses contrôles ?
R- Attendez ! Mais bien évidemment que je suis favorable à ces contrôles et je ne vous cache pas qu'à l'AMA, en tant que vice-président, puisque j'ai cru comprendre que peut-être, monsieur Blatter rejoindra le conseil de fondation de l'AMA ; eh bien nous aurons dans ce domaine un large débat pour effectivement faire en sorte que la...
Q- Ce qui veut dire qu'il y aura bientôt des tests sanguins dans le championnat de France
de football ?
R- Bien sûr. Dans le championnat de France de football, et pour les joueurs français membres de l'équipe de France, il y a ce que l'on appelle également un suivi longitudinale, c'est-à-dire que ces sportifs sont suivis, trois, quatre fois, officiellement par an, avec un bilan complet, bilan sanguin, physio, biologique, et c'est un médecin qui décide, si oui ou non, les paramètres sont perturbés, pouvant même aller jusqu'à l'interdiction de pratiquer. Donc ce dispositif en France qui est un dispositif préventif, qui est du domaine du ministère, fonctionne bien. Il fonctionne en relation avec la Ligue et les clubs, quand bien évidemment il s'agit du football professionnel ou des sports professionnels.
Q- Vous avez une question à poser aux auditeurs.
R- Ma question : vous avez, avec ces deux questions, démontré que ça brassait dans le champ du sport, en particulier dans le champ du football. Je demande donc à vos auditeurs quand vous entendez cela, est-ce que vous n'avez pas envie de vous investir dans les clubs - les petits, je ne vous parle pas des clubs pro - pour rappeler deux choses : le respect de l'autre et le respect des règles. Le respect des règles, c'est pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de violence sur les terrains, quels que soient d'ailleurs les terrains de sport, pas simplement le football.
Q- Vous dites : investissez-vous dans les clubs...
R- Voilà. Devenez bénévole. Vous savez qu'on manque de bras. Le sport fonctionne bien en France, parce qu'on parle malheureusement des choses qui ne vont pas mais...
Q- Enfin, si c'est pour se faire cracher dessus tous les week-ends, se faire insulter en permanence...
R- Eh bien, c'est pour cela qu'il faut réaffirmer ce que doit être l'éthique dans le sport, et ce besoin d'être ensemble dans un club, mais en respectant les règles. Donc, je leur dis : est-ce que vous avez envie d'y aller ?
[...]
- Réponse des auditeurs à la question de J.-F. Lamour.
Q- P. Dufreigne : Réponse à la question posée : est-ce que vous avez envie de vous investir, de devenir bénévole dans les petits clubs ? Sylvain de Gironde : "j'avoue que cela ne me donne pas envie de m'investir... D'ailleurs, au niveau local, il faut se rappeler qu'une bonne partie des gens qui s'investissent le font surtout pour faire partie de l'élite locale, pour être bien introduit". David nous dit "non, personnellement, j'en perds l'envie, je ne dois pas être le seul. Pour le cyclisme, par exemple, je me suis désintéressé". Encore une autre réponse négative : "devenir bénévole dans les clubs de foot, pas question, je l'ai fait, résultat : on m'a brûlé ma voiture, on l'a saccagé, le bénévolat m'a coûté cher."
R- Je trouve que les réponses sont violentes, si je puis dire, et je crois vraiment que les responsables fédéraux, présidents de fédération, devraient se pencher vraiment sur ce problème-là car là, on a des bénévoles qui sont en général plutôt des retraités, qui en ont marre d'être traités comme ça, et je ne vois pas arriver aujourd'hui un renouvellement de cette génération de bénévoles.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 décembre 2006