Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Représentants de la presse étrangère,
Merci à vous d'avoir répondu à mon invitation, qui vise à vous présenter le premier Forum national des acteurs du codéveloppement que j'ouvrirai cet après-midi au Centre de conférences internationales, et auquel vous êtes bien sûr toutes et tous cordialement conviés.
Mais auparavant, je suis particulièrement heureuse de saluer la présence auprès de moi du député Jacques Godfrain, ancien ministre et président de l'Association française des volontaires du progrès, l'AFVP, avec qui nous allons procéder devant vous à la signature d'une convention entre son association et mon ministère.
Vous savez tous que l'AFVP, à travers le volontariat de solidarité internationale, mobilise des jeunes, depuis de nombreuses années, au profit d'actions de solidarité et de développement dans les pays du Sud.
Or, la convention que nous nous apprêtons à signer permettra, pour la première fois, de mettre un accent particulier sur la mobilisation des compétences et des personnes issues de la migration. C'est donc en cela que cette signature se rattache au codéveloppement, et au Forum qui s'ouvre aujourd'hui sur le sujet. Et c'est donc pour cette raison que nous avons choisi de procéder à sa signature aujourd'hui, en marge du Forum : l'engagement pris par l'AFVP d'associer davantage de jeunes issus des migrations à ses actions, illustre bien l'intérêt croissant qui est porté au codéveloppement dans notre pays. Mais cette convention concrétise aussi la volonté du gouvernement d'associer davantage les personnes issues de la migration aux actions de développement de la coopération française, sous toutes ses formes. Il s'agit en effet d'un volet essentiel du plan d'action que le gouvernement a adopté en faveur du codéveloppement lors du Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement du 19 juin dernier.
En quoi, cette initiative prise par l'AFVP relève-t-elle bien du codéveloppement ?
Tout simplement, en faisant en sorte que le bénéfice retiré des missions confiées par l'association à ses jeunes volontaires soit mutuellement profitable, pour le Nord comme pour le Sud :
- pour la France, il s'agit bien sûr de favoriser l'intégration de ces jeunes issus de la migration, dont beaucoup sont prêts à s'engager en faveur du pays d'origine de leurs parents, au travers d'actions valorisantes, faisant appel à leur générosité et à leurs compétences : c'est par de telles actions concrètes de solidarité au profit du Sud que nombre de ces jeunes peuvent mieux découvrir et assumer leur identité plurielle, et devenir des "ponts" entre pays d'origine et pays d'accueil, des "facilitateurs" de nos relations bilatérales ;
- pour les pays du Sud bénéficiaires de ces actions, il s'agit aussi bien sûr de tirer parti du retour de compétences que leur offre la mise à disposition de tous ces jeunes volontaires.
Je passe la parole à Jacques Godfrain qui vous présentera l'AFVP mieux que je ne saurais le faire, avant de signer la convention...
(...)
Permettez-moi à présent de vous dire quelques mots sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui, le codéveloppement, et sur le Forum consacré à ses acteurs.
On parle beaucoup du codéveloppement depuis quelque temps. Je me réjouis d'ailleurs qu'il puisse devenir un thème de la prochaine campagne électorale. Mais trop peu de gens encore en connaissent la véritable définition, et surtout trop peu de propositions concrètes sont formulées. C'est donc chacun de ces deux aspects - la définition du concept, et les propositions concrètes - que je souhaite aborder brièvement devant vous, pour vous montrer les initiatives fortes prises en la matière par le gouvernement.
1. S'agissant d'abord du concept même de codéveloppement, nous le définissons très simplement comme toute action d'aide au développement à laquelle participent des migrants vivant en France.
Le codéveloppement peut donc aussi bien concerner les immigrés qui sont prêts à retourner dans leur pays pour y créer une activité, que ceux qui, tout en étant durablement établis en France :
- soit, sont disposés à investir dans leur pays d'origine pour y promouvoir des activités productives et y réaliser des projets sociaux (école, centres de santé, etc) ;
- soit, souhaitent faire profiter leur pays d'origine de leurs compétences, de leur savoir-faire et de leurs réseaux de relations.
2. L'intérêt du codéveloppement, c'est donc bien de faire en sorte que la migration soit mutuellement profitable au pays de départ et au pays d'accueil.
C'est aussi de faire le lien entre les politiques d'immigration et les politiques de coopération, en privilégiant une approche globale et équilibrée de la question migratoire, rendant possible un véritable partenariat entre pays de départ et pays d'accueil, sans tabou ni polémique : c'est en mettant le développement au coeur de la question migratoire, que l'on parviendra à éviter de se focaliser sur sa seule dimension sécuritaire. Pour cela, il nous faut trouver le bon équilibre entre la nécessaire surveillance de nos frontières, et l'indispensable développement des pays du Sud.
3. Avec le codéveloppement, il s'agit donc de valoriser le formidable potentiel que représentent les communautés de migrants pour aider au développement de leur pays d'origine, et ce à un double titre : non seulement, par les fonds qu'ils rapatrient et qui sont évalués à 5 milliards d'euros chaque année ; mais aussi par les qualifications, les compétences et l'expérience que bon nombre d'entre eux ont acquises, souvent dans des domaines utiles à leurs pays d'origine.
C'est donc à la fois cette mobilité des compétences et cette mobilité de l'épargne des migrants que nous nous efforçons d'encourager, ainsi d'ailleurs que le développement local, au travers de mesures concrètes que je développerai cet après-midi lors du Forum :
- s'agissant d'abord des transferts financiers des immigrés vers leur pays d'origine, et dont 10 % seulement profitent actuellement aux investissements productifs, nous voulons inciter cet argent à s'investir dans le développement : à la fois en réduisant le coût de ces transferts par une plus grande concurrence entre établissements bancaires, et en créant des incitations fiscales pour que ces fonds soient davantage consacrés au secteur productif. Tel est le sens du compte d'épargne codéveloppement créé en juin dernier, et qui permet de déduire du revenu imposable, 25 % des sommes consacrées à un investissement dans un pays en développement (dans la limite de 20 000 euros par personne).
- s'agissant par ailleurs de la mobilité des compétences, nous voulons associer les élites installées chez nous au développement de leur pays d'origine, en proposant notamment aux médecins, ingénieurs ou universitaires de participer à nos programmes de coopération pour des missions de courte durée, ou bien encore en leur offrant la possibilité de transmettre leur savoir à distance par l'utilisation des nouvelles technologies.
- enfin, nous souhaitons accompagner les projets initiés par des migrants et visant au développement local de leur pays d'origine, soit pour réaliser des équipements collectifs comme des écoles ou des centres de santé, soit pour réaliser des investissements productifs comme la création de gîtes ruraux dans l'Atlas par des Marocains de France, soit encore pour accompagner la réinsertion économique dans leur pays d'origine des migrants en situation d'échec dans notre pays : non pas par un simple pécule qui ne sert souvent qu'à tenter de repartir, mais par le financement de micro-projets qui permettent de rentrer dignement, en créant de l'activité et des emplois. Au Mali, les derniers chiffres sont éloquents : 432 retours ont permis de créer 1 200 emplois.
Voilà donc les différentes pistes suivies par le gouvernement pour donner corps à cette voie originale et prometteuse du codéveloppement.
4. Et c'est évidemment pour aller encore au-delà, que le gouvernement a décidé en juin dernier de lancer ce premier Forum national des acteurs français du codéveloppement, qui se tiendra aujourd'hui et demain au Centre de conférences internationales.
Son objectif est de permettre une mutualisation des expériences, et d'encourager le déploiement d'actions de codéveloppement et la diffusion des bonnes pratiques. Pour cela, il associera les personnes bénéficiant d'une bonne expérience du terrain, ou ayant engagé une réflexion sur ce sujet, au niveau national comme au niveau européen.
Tous les acteurs français du codéveloppement y participeront, ONG, organisations de solidarité issues des migrations, collectivités locales, experts, et entreprises. Nos partenaires européens les plus actifs dans ce domaine, je pense aux Belges ou aux Allemands, ainsi bien sûr qu'à la Commission européenne, seront présents, ainsi que des témoins venus des pays du Sud.
A cette occasion, j'annoncerai un certain nombre de mesures importantes, en particulier le lancement d'un site Internet qui permettra d'améliorer la transparence des services offerts aux migrants qui envoient leurs économies à leur famille, ainsi que la mise en place par le Groupe de La Poste d'un mandat électronique qui permettra de réduire fortement les coûts des transferts.
***
Pour conclure, et avant de répondre bien volontiers à vos questions, je souhaite vous dire ma conviction que le codéveloppement peut apporter une réponse au triple échec qu'est trop souvent le parcours de l'immigré clandestin, fuyant la pauvreté :
Au premier échec que constitue son départ même du pays qui l'a vu naître, nous voulons opposer d'ambitieux projets de coopération, mieux ciblés sur les régions sources d'émigration, et surtout créateurs d'emplois sur place, pour permettre aux populations d'y rester (exemples Anjouan, Kayes Nippes à Haïti...)
Au deuxième échec que constitue l'installation en France dans la précarité d'une situation irrégulière et clandestine, nous voulons opposer une politique de gestion concertée des flux migratoires, qui ne doivent être subis ni dans le pays de départ, ni dans le pays d'accueil. Il ne peut y avoir d'immigration choisie au Nord sans émigration choisie au Sud. Les visas que nous délivrons aux candidats au départ doivent pouvoir s'appuyer sur des perspectives réalistes d'intégration dans notre pays et ne pas organiser une fuite des cerveaux au détriment de nos partenaires du Sud.
Au troisième échec que constitue enfin le retour au pays à la suite d'une mesure d'éloignement, nous voulons opposer un retour dans la dignité grâce à un véritable accompagnement et un appui à la création d'activité, par le financement de micro-projets et de formations. Les expériences menées jusqu'à présent sont très positives, chaque migrant ainsi accompagné ayant créé en moyenne 3 emplois (432 Maliens - 1 200 emplois). Autant de candidats potentiels à l'émigration que nous maintenons sur place.
Au total, le codéveloppement est bien l'illustration de cette "stratégie gagnant - gagnant" qui est pour moi au coeur de toute politique de développement : c'est en aidant les pays du Sud à se développer en y créant de l'activité économique et des emplois, que nous contribuons aussi à réduire la pression migratoire qui s'exerce sur les pays du Nord. Il ne faut donc pas se tromper de combat : c'est bien à la pauvreté qu'il faut d'abord s'attaquer, car c'est elle qui est la première motivation à quitter son pays d'origine. C'est évidemment toute la raison d'être de notre politique de coopération. Et c'est aussi pourquoi les questions d'immigration et les questions de développement sont autant indissociables.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 décembre 2006