Texte intégral
Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que je m'adresse aujourd'hui à vous, à l'occasion de l'ouverture de ce premier Forum des acteurs français du codéveloppement, en présence de partenaires européens et de témoins du Sud.
Pourquoi, un tel forum dédié aux acteurs du codéveloppement ?
Tout simplement, parce que le lien entre migrations et développement est devenu un enjeu essentiel de la relation internationale. Et surtout, parce que le codéveloppement est reconnu comme l'un des moyens privilégiés d'assurer ce lien nécessaire entre migrations et développement.
Désormais, en effet, la mobilisation est acquise en faveur d'une approche globale, partenariale et équilibrée de la question migratoire : en témoignent les engagements pris conjointement par les pays de départ, de transit et d'accueil, lors des récentes conférences euro-africaines de Rabat puis de Tripoli, cette année.
Aujourd'hui, l'ensemble des pays concernés par la question migratoire sont d'accord pour promouvoir avec vigueur toutes les actions qui touchent au codéveloppement. Je reviens ainsi du Mali, où je coprésidais le comité bilatéral des migrations, instance originale et exemplaire au sein de laquelle nous abordons le phénomène migratoire dans toute sa globalité, en faisant le lien entre gestion des flux de personnes, intégration des Maliens vivant en France, et aide au développement du Mali. C'est en mettant le développement au coeur de la question migratoire, que l'on parvient à éviter de se focaliser sur sa seule dimension sécuritaire. C'est en privilégiant une approche globale, que l'on évite les tabous et les polémiques, au profit de la recherche de solutions durables. C'est en trouvant le bon équilibre entre la nécessaire surveillance de nos frontières et l'indispensable développement des pays du Sud, que l'on répond le mieux aux attentes de nos concitoyens, dans chacun de nos pays.
Tous, nous partageons ici la conviction que le codéveloppement constitue une réponse à la hauteur de la complexité et de la sensibilité de la question migratoire. Tous, nous savons que le codéveloppement est une voie originale et prometteuse, mais qu'il nous faut encore aller au-delà des actions engagées à ce jour. C'est tout l'objectif de notre forum : échanger sur les expériences déjà menées, et faire ressortir les "bonnes pratiques" du codéveloppement, au travers de projets modèles.
Pour ma part, et en guise d'ouverture à vos travaux, je souhaite évoquer devant vous les initiatives gouvernementales prises pour chacun des trois axes mis en oeuvre par mon ministère au titre du codéveloppement, à savoir : le développement local, la mobilité des personnes, et la mobilité de l'épargne.
1) S'agissant d'abord du développement local, nous intervenons de trois manières différentes :
- en accompagnant financièrement les projets initiés par les associations de migrants installés en France, et qui visent à financer des équipements collectifs, tels des écoles, des centres de santé ou des projets d'électrification rurale, dans les pays d'origine ;
- nous soutenons également les projets d'investissements productifs que ces migrants vivant dans notre pays peuvent avoir dans leur pays d'origine : je pense par exemple à la création par des Marocains résidant en France, de gîtes ruraux dans des régions touristiques du Moyen Atlas ;
- enfin, nous intervenons en appui à la réinsertion économique des migrants dans leur pays d'origine : me vient à l'esprit l'exemple d'une Malienne mère de famille, venue en France pour travailler comme secrétaire en 2001, et qui a décidé trois ans plus tard de rentrer au village pour construire un centre multimédia dans son quartier de Yirimadio, non loin de Bamako. Son projet a bénéficié d'une aide à la création d'entreprise de la part du gouvernement français, ainsi que d'une formation sur l'utilisation d'Internet. Ce centre multimédia a participé activement au désenclavement numérique du quartier, en permettant aux habitants de ne plus se déplacer jusqu'à la capitale pour bénéficier d'une connexion. Mieux que tout discours, cet exemple illustre une réinsertion réussie, dans le cadre d'un projet de codéveloppement.
Au Mali qui est pour nous un pays pilote, c'est ainsi 432 migrants qui sont rentrés dans leur pays grâce à un projet de réinsertion et qui ont créé 1 200 emplois dans le cadre de ces micro-projets soutenus par des micro-crédits.
J'indique à cet égard, qu'après avoir expérimenté ces actions avec quelques pays, nous élargissons désormais le champ géographique de nos programmes de codéveloppement, en fonction des besoins exprimés, mais aussi de la mobilisation des diasporas. C'est l'ensemble des pays subsahariens membres de la francophonie, ainsi qu'Haïti, le Vanuatu et l'Ethiopie qui seront désormais bénéficiaires de projets de codéveloppement.
2) Le deuxième axe de notre politique de codéveloppement s'attache à la mobilité des personnes : nous voulons ainsi proposer aux migrants les plus qualifiés qui souhaitent demeurer en France, de transmettre leurs compétences, soit au travers de missions d'assistance technique de courte durée, soit par l'enseignement à distance.
En matière universitaire, je tiens à citer le programme "INTER PARES", qui vise à faciliter directement les échanges entre personnels qualifiés du Nord et du Sud, par le biais de doubles chaires, grâce auxquelles les universitaires du Sud résidant en France travaillent alternativement en France et en Afrique. Ainsi, cette action favorise à la fois le retour des compétences, et la consolidation de l'enseignement supérieur africain par les Africains eux-mêmes.
Ce type d'action de codéveloppement a d'ailleurs aussi vocation à s'adresser aux jeunes Français issus des migrations : tel est le sens du contrat d'objectifs et de moyens que j'ai signé ce matin même, avec Jacques Godfrain, ancien ministre et président de l'Association française des volontaires du progrès : il s'agira pour cette association de mobiliser, via les réseaux de migrants (et notamment le forum des jeunes issus de l'immigration), un nombre croissant de jeunes Français issus des migrations, en leur proposant notamment des missions de 6 mois ou un an dans les pays d'origine de leur famille.
3) Enfin, le troisième axe de notre politique en faveur du codéveloppement concerne la mobilité de l'épargne des migrants, qu'il s'agit à la fois de faciliter en diminuant le coût des transferts, et de mieux orienter vers l'investissement productif.
Sur la sécurisation et la diminution des coûts des transferts, nous nous employons à promouvoir une plus grande transparence des services offerts aux migrants par les différents professionnels du secteur. Dans cette optique sera très prochainement lancé un site Internet à destination du grand public, qui permettra de présenter les différentes prestations disponibles pour le transfert de l'épargne des migrants. Un tel site répond à un besoin des migrants. Il s'agit encore à ce stade d'une version expérimentale, mais vous pourrez prochainement vous connecter sur www.envoidargent.fr. Ce site devrait également inciter ses usagers à davantage recourir aux opérateurs officiels de transfert d'argent.
Sur cette question des coûts de transfert, je salue également l'initiative prise par le groupe La Poste et par l'Union postale universelle, pour la création d'un nouveau mandat "express international" qui garantit un transfert électronique d'argent en deux jours, pour un prix souvent inférieur de moitié à celui du service jusqu'ici le plus utilisé, faute de choix. La Poste s'apprête, dans les jours qui viennent, à généraliser à l'ensemble de ses bureaux un outil informatique qui facilite l'accès à ce service. Dans le même temps est lancé un projet régional africain visant à connecter entre eux et au réseau mondial électronique 26 pays d'Afrique supplémentaires, et qui offrira aux populations le même service à un tarif calculé au plus juste. Ce service démarre cette semaine de manière pilote entre plusieurs de ces pays, grâce à la mobilisation et à l'impulsion de La Poste française.
Pour ce qui est de l'orientation de l'épargne des migrants vers des investissements productifs dans leur pays d'origine, vous savez sans doute désormais que la loi du 24 avril 2006 a créé un compte épargne codéveloppement. Celui-ci offre aux migrants la possibilité de mesures de défiscalisation pour les sommes transférées en faveur d'investissements productifs dans les pays d'origine. Je peux vous annoncer que ce dispositif sera pleinement opérationnel en janvier 2007.
Je citerais également la création d'une mutuelle d'épargne et de crédit, pour l'instant circonscrite au Sénégal et au Mali. Il s'agit, par ce biais, de favoriser l'accès à des prêts se situant entre micro-crédit et prêt bancaire classique, et qui font encore défaut.
Si nous voulons que le concept soit à la hauteur des enjeux, il nous faut également privilégier une approche dynamique de recherche scientifique, sur laquelle l'OCDE, que je remercie d'être représentée aujourd'hui, dispose d'une compétence reconnue. La France pour sa part a mobilisé des équipes de chercheurs et d'experts sur le sujet. C'est ainsi que l'Institut de recherche pour le développement, dont je salue le président, a fait des migrations un thème prioritaire de son plan d'action et a créé une unité : "migration, mobilité, dynamique du peuplement du territoire" dont les travaux constituent des références.
Je conclurai mon intervention en soulignant, ainsi que le préconise d'ailleurs Charles Milhaud dans son récent rapport, qu'il convient de faire du codéveloppement un enjeu européen. Je me réjouis à cet égard de la présence parmi nous du directeur général du Développement de la Commission européenne, pour lui dire combien je partage l'approche préconisée par le Commissaire Louis Michel en vue d'un programme européen sur les migrations et le développement en Afrique, dans le cadre d'une approche globale de la migration. Dans ce contexte, j'attache un intérêt tout particulier à l'idée de "migration accompagnée", et à la création de véritables plate-formes de coopération dans les pays d'origine, en lien avec la Commission et les Etats membres.
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Voilà donc brièvement les pistes de réflexion que je souhaitais partager avec vous, et que je vous propose d'explorer ensemble, à l'occasion de ce Forum national des acteurs du codéveloppement.
Ce Forum témoigne de notre volonté et de notre engagement sur la voie d'une coopération renforcée, afin que les migrations et le développement soient désormais pensés ensemble, dans le cadre d'une approche globale, partenariale et équilibrée.
Nos travaux vont être animés cet après-midi par M. Patrick Simonin, journaliste à TV5, que je remercie et à qui je laisse la parole sans plus tarder.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 décembre