Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonsoir, bienvenue dans le grand studio d'RTL pour cette édition du Grand Jury, la dernière de l'année, et vous en êtes l'invité, Jean-Louis BORLOO, bonsoir. Vous répondrez aux questions de Pierre-Luc SEGUILLON de LCI et de Nicolas BEYTOUT du Figaro. Pour essayer de bien cadrer les propos, comprendre de quel endroit vous nous parlez, Jean-Louis BORLOO, on comprend que vous voulez peser sur l'élection présidentielle, c'est naturel, tous les responsables politiques souhaitent le faire, mais est-ce que vous le faites avec le souci éventuellement d'être candidat vous-même, ou bien est-ce que vous excluez cette hypothèse ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Écoutez, ça fait des mois que je dis que je ne suis pas candidat à l'élection présidentielle. C'est donc pas une information à votre micro. Je ne me suis d'ailleurs jamais positionné dans ces circonstances-là. En revanche, ce que je crois c'est que notre pays est arrivé à la fin d'une période de 30 ans, les 30 Glorieuses, 46-76, il y a eu trente années d'hésitation où on a un peu pillé le capital général du pays, et puis on a essayé de faire des réformes. Des périodes un peu de mutation, et on rentre dans une nouvelle période. Et moi je suis maintenant convaincu, et j'ai travaillé une grosse dizaine d'années à Valenciennes, travaillé dans un ministère ayant en charge des sujets du quotidien, le logement, l'emploi, comment passer du chômage à l'emploi, la cohésion sociale, et je suis arrivé à des convictions que j'assume d'ailleurs comme quasi inébranlables. Mon sentiment c'est que si, sur 5 défis vitaux, je dis bien vitaux, j'espère qu'on va pouvoir en parler, nous ne rentrons pas dans des réformes radicales, je pense que notre pays va continuer à gérer son mal de vivre, avec quelques succès parfois et un sentiment général où plus de la moitié des Français pensent que leurs enfants auront un sort moins bon que le leur, et qu'à l'inverse si on les prend à bras-le-corps, ces sujets-là, eh bien on peut redevenir des leaders européens. Alors pour répondre à votre question politique, je ne veux pas passer à côté, moi je ne m'associerai qu'à un projet présidentiel qui intègre ces grandes priorités, ces méthodes, voire probablement un ou deux référendums pour pouvoir les appliquer.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord. Juste, vous dites : 30 glorieuses, 30 piteuses...
JEAN-LOUIS BORLOO
Piteuses, c'est vous qui l'avez dit. Moi j'ai dit 30 hésitantes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors j'ai lu 30 piteuses quelque part. Bon, on ne va pas faire de querelle de mots tout de suite. Mais qu'est-ce qui vous fait dire qu'on entre dans une nouvelle période. Qu'est-ce qui vous permet de le dire, quel est l'élément qui vous permet de l'affirmer ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je vais vous dire. Prenons les sujets si vous voulez bien...
JEAN-MICHEL APHATIE
Non non, qu'est-ce qui vous fait dire qu'on va rentrer dans une nouvelle période ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Ce que je pense c'est que jamais une élection présidentielle n'a été à ce point attendue. On commence à en discuter, moins d'ailleurs, il y a eu la période du choix, des sélections. On termine cette période-là. Mais on voit bien qu'il y a à la fois une grande crainte devant cette élection, vécue à la fois comme une menace si on ne répond pas à un certain nombre de questions, ou au contraire une très grande chance. Je crois vraiment qu'on est rentré cinq mois avant à un niveau de débat qui était dans les trois ou quatre semaines qui précédaient le référendum constitutionnel sur l'Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est l'attente du pays que vous ressentez comme cela ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Oui.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Étant entendu que vous n'êtes pas candidat, que vous estimez qu'il y a cinq grands défis à relever, que vous voulez incarner, si j'ai bien compris, la droite sociale, entre qui et qui hésitez-vous encore comme candidat aujourd'hui pour incarner le projet présidentiel dont vous venez de nous parler ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Ça ne se pose pas en ces termes, monsieur SEGUILLON.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Attendez...
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais je vous le dis très très clairement. On peut pas demander un ralliement à quelqu'un qui porte, à juste titre ou pas, et qui en tous les cas est complètement investi sur ces grands sujets-là, mais j'aimerais bien qu'on en parle de ces sujets-là, et en même temps parler de la forme, auprès de qui et avec qui. Moi je suis dans un système qui est d'une totale loyauté, d'une totale clarté, mais il va bien falloir qu'on se mette d'accord sur ces réformes-là et la façon de les appliquer.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Mais vous n'excluez aucun ? Autrement dit, l'offre étant aujourd'hui, si j'ai bien compris, à droite, entre Nicolas SARKOZY...
JEAN-LOUIS BORLOO
C'était ça votre question. Non moi je suis dans le camp, c'est tout à fait clair, je suis au Parti radical, le plus vieux parti de France, qui est un parti allié, associé à l'UMP. Donc l'UMP va désigner son candidat. Moi j'ai pas de discussion là-dessus.
NICOLAS BEYTOUT
Donc vous allez être appelé à voter pour ce candidat ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Sous condition...
NICOLAS BEYTOUT
Mais quel est votre choix ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Attendez, je suis un homme libre, monsieur BEYTOUT...
NICOLAS BEYTOUT
Oui mais quel est votre choix ? Si votre parti est associé à l'UMP, quand l'UMP aura désigné son candidat, ou sa candidate...
JEAN-LOUIS BORLOO
Ça vous ennuie qu'on parle des enjeux du pays ?
JEAN-MICHEL APHATIE
L'émission vient de commencer, on va en parler...
NICOLAS BEYTOUT
Quelle est votre latitude de choix ? Si vous ne vous prononcez pas pour lui, pour qui vous prononcerez-vous ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais monsieur BEYTOUT, moi je n'imagine pas une seconde qu'on ne puisse pas avoir, puisqu'on va rentrer dans les projets présidentiels, pour l'instant il y a eu les plates-formes de l'UMP, maintenant on va rentrer des deux côtés dans le projet présidentiel. Je pense vraiment qu'on peut faire un projet présidentiel partagé, je ne parle pas d'une candidature, il n'y aura qu'un président de la République, mais un projet présidentiel partagé. Je vous donne des exemples. Moi je suis par exemple absolument convaincu que le modèle des 30 glorieuses, ou l'essentiel des sécurités sociales portait sur le travail, c'est-à-dire sur le salaire direct encaissé par le salarié et sur les charges de l'entreprise, qui aujourd'hui atteint 600 milliards d'euros, monsieur BEYTOUT, vous le savez, c'est un scandale pour le salaire direct et c'est un scandale pour la compétitivité de nos entreprises.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je vous promets qu'on va en parler...
JEAN-LOUIS BORLOO
Attendez, c'est pour illustrer vos propos. Si l'on dit, ce que je souhaite, que de ces 600 milliards, 300 milliards aillent sur d'autres sources de financement, les sources de financement, elles ne sont pas miraculeuses, il va falloir faire des choix politiques. Sur les droits de succession, moi je pense que les droits de succession c'est une fiscalité passive. Moi je suis pour de la dynamique. Sur les droits de mutation, sur des écotaxes, sur l'impôt sur les sociétés, sur l'impôt sur le revenu, vous n'augmenterez pas les salaires directs des salariés français, ce qui est indispensable, sans qu'il y ait une rerépartition des charges collectives de notre pays. Et ça sera un débat et le président de l'UMP est plutôt pour l'allégement des droits de succession, et moi pas.
NICOLAS BEYTOUT
Et s'il vous dit : l'allégement des droits de succession, j'y tiens, et puis 300 milliards, je prends vos propres termes, ça va gueuler... Et si, ce qui n'est pas absolument impossible, il vous dit : je peux pas te le promettre, qu'est-ce que vous faites ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais c'est pas me le promettre. Je pense que ça doit être dans le projet présidentiel.
NICOLAS BEYTOUT
Et si ça n'y est pas, qu'est-ce que vous faites ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Eh bien je prendrai mes responsabilités en mon âme et conscience, monsieur BEYTOUT. Et jusqu'à nouvel ordre j'ai l'habitude de les prendre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous disiez que vous étiez membre de l'UMP, il y a une procédure de désignation qui est ouverte...
JEAN-LOUIS BORLOO
Moi je suis membre du parti Radical qui est associé à l'UMP. Pour cinq ans, c'est un contrat de législature qui arrive à son terme d'ailleurs dans quatre mois...
JEAN-MICHEL APHATIE
Début janvier.
JEAN-LOUIS BORLOO
On renégociera les conditions de ce contrat. D'ailleurs les militants demandent une évaluation, je ne sais pas ce qu'ils décideront.
JEAN-MICHEL APHATIE
Début janvier, vous participez ou pas à la désignation du candidat de l'UMP ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Moi à titre personnel je n'y participe pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Parce que le candidat de l'UMP va être désigné le 14 janvier.
JEAN-LOUIS BORLOO
Normalement, oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, il y a peu de doute qu'il ne le soit pas. Donc ça veut dire...
JEAN-LOUIS BORLOO
Il n'y a pas de doute non plus sur le résultat.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est-à-dire ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je pense que la désignation mènera à un résultat clair pour le président de l'UMP.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc Nicolas SARKOZY probablement candidat. Donc c'est dans l'intervalle entre le 14 janvier et quel moment, on est à peine à quatre mois de l'élection présidentielle, que vous chercherez à le convaincre de choses aussi importantes. Vous n'avez pas commencé ce travail avant ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais monsieur, il y a des périodes. Vous ne dites pas à madame ROYAL : vous êtes candidate, vous avez été désignée et vous ferez votre projet après la démocratie participative.
JEAN-MICHEL APHATIE
On vous donne quatre mois.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais attendez, la démocratie participative, elle met un peu de temps, ou alors c'est du cinéma, elle va mettre du temps. Moi je crois tout à fait à l'authenticité de la démarche, mais enfin ça ne va pas se régler en quinze jours. Sur ces grands sujets-là je pense qu'on peut débattre. Ou se projet présidentiel se rapproche d'un projet présidentiel qui, pas forcément tout, c'est pas tout noir ou tout blanc la vie, et puis j'ai pas forcément raison à 100 %. Mais il se trouve que je suis assez convaincu de ça. Et il faudra le mener d'ailleurs avec l'ensemble des partenaires car vous verrez que sur tous ces sujets les partenaires sociaux seront absolument cruciaux comme interlocuteurs, ainsi qu'un certain nombre d'acteurs.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Vous dites « c'est pas tout noir, c'est pas tout blanc », est-ce qu'une réflexion sociale pour vous c'est forcément à droite, je veux dire quelqu'un comme François BAYROU n'incarne pas justement la conjonction de toutes les bonnes volontés sur un pôle social ? Qu'est-ce qui vous empêcherait d'adhérer à sa démarche ? Vous qui voulez être indépendant ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais il ne me paraît pas complètement exclu qu'à un moment ou à un autre il y ait des conversations approfondies sur le projet pour le pays, entre le président de l'UMP, le président de l'UDF et le président du Parti radical. Je ne vois pas ce que ça aurait en soi de choquant. Mais la vraie question...
JEAN-MICHEL APHATIE
Monsieur BAYROU est très critique sur l'action que vous menez depuis cinq ans. Donc dialoguer avec lui ne doit pas être aussi naturel que vous le dites.
JEAN-LOUIS BORLOO
C'est pas tout à fait exact...
JEAN-MICHEL APHATIE
Il n'est pas critique vis-à-vis de l'action que vous menez depuis cinq ans ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Écoutez, en matière de logement je n'ai pas entendu de critique, en matière de politique de l'emploi, je n'ai pas non plus...
JEAN-MICHEL APHATIE
Il vote contre les budgets ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Ni le plan de rénovation urbaine, j'ai même lu que dans son discours de démarrage de campagne, il parlait du chantier du siècle concernant les banlieues et il faisait allusion à la rénovation urbaine qui est effectivement chantier du siècle, comme vous le savez.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Ce qui veut dire qu'un dialogue entre le président du Parti radical et le président de l'UDF candidat serait plu aisé qu'un dialogue entre le président de l'UMP et le président de l'UDF ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non mais vous savez, on dialogue toujours sur des projets. Franchement, on arrive à un moment où on n'est pas sur le casting, on est sur des projets. Je pense profondément, moi je suis convaincu que c'est ce pays qui a depuis cinq ans fait des réformes un peu difficiles, qui a créé des dynamiques dans certains secteurs, veut passer de deux points de compétitivité à quatre points de compétitivité, si ce pays veut donner de vraies chances à tous, on a cinq réformes puissantes, vitales, incontournables, sans lesquelles on n'y parviendra pas. Voilà, moi je me battrai là-dessus, avec mes armes, avec mes forces, avec vous, avec les Français. Vous savez, les Français sont dans une attente très très forte. Croyez pas qu'ils vont se contenter simplement des pré-désignations. Les grandes surprises électorales n'appartiennent pas au passé, monsieur SEGUILLON.
NICOLAS BEYTOUT
Est-ce que vous avez déjà parlé de ça avec Nicolas SARKOZY et est-ce que éventuellement vous avez déjà senti des inflexions dans ses discours et ses propositions ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Oui, un peu. Oui, dans le programme UMP il y a un certain nombre de points qui ont été repris, des propositions du Parti radical, notamment faites par Michel TIELLER et André ROSSINOT. Mais là on est sur des sujets qui sont difficiles, c'est-à-dire pas forcément populaires. Il sera populaire de dire : on augmente le salaire direct de 15 ou 20 %. Ça sera populaire de dire : pour la compétitivité on va alléger les charges réelles sur le travail des entreprises. Il va être beaucoup moins populaire de dire sur quel type de financement on va l'asseoir, beaucoup moins populaire. Eh bien ça c'est une obligation de courage absolue. Et moi je suis convaincu qu'il faudra en passer par un référendum. Je demanderai à ce qu'il y ait un référendum sur ce nouveau bouquet de recettes pour relancer notre pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
Rentrons sur le débat là-dessus, sur cette mesure précisément, trouver d'autres assiettes pour les prélèvements fiscaux. Qu'est-ce qu'il faut taxer si on détaxe le travail ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Alors, un, moi j'ai été frappé de voir la réunion de l'autre jour, la conférence sur l'emploi et les revenus dans l'après-midi, dans la partie de travail un peu au fond, avec les partenaires sociaux, donc, l'idée de regarder objectivement ce sujet-là, tout en préservant le paritarisme, parce qu'on confond celui qui est en charge du financement et l'assiette sur lequel il est assis. Eh bien c'est un débat qui n'est pas fermé. Nous sommes le pays d'Europe, monsieur APHATIE...
JEAN-MICHEL APHATIE
Quelle est votre proposition. J'ai bien compris la nécessité de le faire...
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, mais je le redis. Qui taxe le salaire et le travail le plus, de manière directe ? Et ce qui était très difficile à une époque où il y avait moins de besoins de santé, moins de besoins de protection, devient mortel aujourd'hui. Et plus on va rentrer dans une société de la connaissance, plus on va rentrer dans une société où la part du facteur humain sur les coûts va augmenter, plus cette réforme est vitale et cruciale...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça c'est de l'ordre général de la réforme. Mais si on taxe moins le travail, qu'est-ce qu'on doit taxer davantage ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais il faut taxer évidemment les successions, évidemment les mutations, évidemment...
NICOLAS BEYTOUT
Les mutations, c'est-à-dire les ventes d'appartements, de maisons...
JEAN-LOUIS BORLOO
Les droits de mutation ont explosé cette année, la seule Ville de Paris a plus d'un milliard d'euros de plus de recettes exclusivement par les droits de mutation. C'est une ressource majeure. Moi je pense, à l'instar d'ailleurs des économies dynamiques, qu'il faut permettre à chacun d'avoir des revenus considérables, ou bien meilleurs, par son propre travail, mais qu'une fois qu'on est en fin de vie la transmission du patrimoine, qui est une politique statique, ne mérite pas d'être exonérée à ce point-là. C'est des vraies difficultés.
NICOLAS BEYTOUT
C'est un sujet un peu compliqué. Grosso modo ce que vous proposez sur les 600 milliards d'euros de taxes sur le travail, on en prend 300 et on les transfère sur les impôts. En gros vous baissez les taxes et vous montez les impôts ?
JEAN-LOUIS BORLOO
J'augmente les salaires...
NICOLAS BEYTOUT
Si vous baissez les taxes vous augmentez les salaires.
JEAN-LOUIS BORLOO
Tout ça est en fait un flux...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne réduisez pas les charges des entreprises.
JEAN-LOUIS BORLOO
Tout ça est un flux à jeu nul. C'est à quel moment et dans quelles circonstances de sa vie qu'on contribue à la solidarité nationale ? C'est ça
la question.
NICOLAS BEYTOUT
Alors ma question, puisque vous voulez transférer 300 milliards d'euros, ça ne s'est jamais vu dans aucune réforme...
JEAN-LOUIS BORLOO
À l'étranger, si.
NICOLAS BEYTOUT
Mais pas chez nous. Et au contraire, on l'a vu depuis deux ans, le gouvernement a essayé, à la demande pressante de Jacques CHIRAC, de modifier ne serait-ce qu'un tout petit peu la taxe professionnelle, qui est un des impôts qui pèse sur le travail : échec complet. Comment est-ce que vous allez faire, comment est-ce que vous feriez pour transférer 300 milliards d'euros, alors qu'on n'a pas réussi à changer la virgule de la taxe professionnelle ?
JEAN-LOUIS BORLOO
C'est ça les présidentielles. C'est un moment donné poser une question au pays : le mandat, c'est quoi ? Est-ce que vous acceptez qu'on taxe un peu la consommation, plus la consommation, c'est-à-dire ceux qui consomment plus payent plus. Le gasoil, les successions, les mutations, l'impôt sur les sociétés des entreprises, voire même pourquoi pas l'impôt sur le revenu, et qu'on vous restitue tout ça pour recréer une dynamique sur le salaire direct et sur la compétitivité de nos entreprises.
NICOLAS BEYTOUT
Et alors, les retraités...
JEAN-LOUIS BORLOO
Ne plus se regarder les bras croisés comme on le fait depuis 20 ans ou 25 ans. Tout le monde connaît ce problème, tout le monde sait qu'on taxe, tout le monde sait que la négociation sur les salaires en France est bloquée. Parce que quand vous avez une négociation et que pour 100 donnés par l'entrepreneur, il n'y en a que 79 qui rentrent dans la poche du salarié, et 145 de dépenses. On a tué la dynamique de l'augmentation des salaires par la meilleure qualification, par l'effort de qualification, par la meilleure adaptation du poste de travail.
NICOLAS BEYTOUT
Il y a une catégorie qui instantanément va y perdre beaucoup, c'est celle des retraités.
JEAN-LOUIS BORLOO
Eh bien il faut en débattre avec eux. Il faut en débattre évidemment avec eux.
NICOLAS BEYTOUT
Parce qu'ils n'ont pas de salaire, en revanche ils vont payer des taxes sur leur revenu, enfin tout ce que vous proposez d'augmenter.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais je pense que pour les retraités il y a d'autres sujets. Je pense par exemple qu'en matière de logement on doit arriver à un moment, quand on arrive à la retraite - et je ferai des propositions très précises, c'est parfaitement faisable, qu'on n'ait plus de coût de logement. En tous les cas payer à 92 ans un loyer et des charges dans un allongement de la durée de vie, c'est un non-sens économique, technique et moral.
JEAN-MICHEL APHATIE
Au passage vous avez évoqué une possible augmentation des impôts pour permettre ce transfert de charges. Vous participez à un gouvernement qui depuis cinq ans les baisse. C'est assez incohérent ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, c'est pas incohérent. À partir du moment où vous ne modifiez pas l'assiette générale, il était normal qu'il y ait une relance par le pouvoir d'achat en restituant par les baisses d'impôt. Mais si en contrepartie vous augmentez massivement les salaires directs, vous retrouvez l'ensemble des flux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est un peu paradoxal de voir un ministre qui a participé pendant cinq ans à un gouvernement qui a baissé les impôts évoquer la possibilité d'augmenter les impôts.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais les présidentielles... Il ne s'agit pas de baisser ou d'augmenter un peu, il s'agit de faire une révolution dans notre pays pour rendre du pouvoir d'achat et pour augmenter la compétitivité.
NICOLAS BEYTOUT
Qu'est-ce que vous faites pour les fonctionnaires ? Parce que là il n'y a pas de taxes qui pèsent sur l'État. Qu'est-ce que vous faites pour augmenter leur pouvoir d'achat ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais ça fait partie du débat. Évidemment qu'on va le faire avec les partenaires sociaux. La seule question de fond...
JEAN-MICHEL APHATIE
l'État a-t-il les moyens d'augmenter les fonctionnaires ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais d'abord il y a un certain nombre de taxes sur les salaires des fonctionnaires, bien entendu. Le problème général c'est celui : nous taxons le travail. Moi je préfère qu'on taxe d'autres formes de ressources.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous interpellez Nicolas SARKOZY là-dessus...
JEAN-LOUIS BORLOO
Ça sera un débat, et puis on fera peut-être qu'un bout du chemin.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est dommage que vous n'en ayez pas parlé un peu avant avec lui.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais on en parle un peu.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Je vous écoute depuis un moment, je suis un peu surpris, vous arrivez aux présidentielles, ça fait cinq ans que l'actuelle majorité est au pouvoir, elle fait une conférence sur les revenus et l'emploi quatre mois avant les élections présidentielles. Est-ce que vous croyez vraiment que les électeurs vont donner crédit aux réformes que vous proposez maintenant, après cinq années d'exercice du pouvoir ? Est-ce que vous n'avez pas le sentiment... Est-ce que vous ne sentez pas dans l'opinion une envie plutôt de sanctionner que d'adhérer à des propositions qui n'ont absolument pas vu le jour pendant cinq ans ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Attendez, monsieur SEGUILLON, on n'est pas en train de faire - ou alors on peut commencer à le faire - un débat sur la politique gouvernementale. Moi c'est pas le membre du gouvernement qui s'exprime, c'est quelqu'un qui depuis 20 ans, à Valenciennes et dans ses fonctions travaille sur un certain nombre de sujets et qui, à un rendez-vous présidentiel, dit ce qu'il croit au plus profond de bien pour ce pays. Alors on peut parler politique gouvernementale, on peut parler du triplement du logement social, on a eu PERISOL qui est ici, on peut parler de l'état de l'emploi aujourd'hui, du déblocage du service à la personne. Enfin on peut parler d'un certain nombre de choses. On peut parler des morts sur les routes, on peut parler de la politique étrangère de la France, on peut parler... Mais c'est pas le propos. Il y a un moment, sur la présidentielle, où il va falloir qu'il y ait un mandat qui soit donné par le peuple français vers des grandes orientations. Celle que je propose, c'en est une des cinq, c'est alléger les taxes sur le salaire direct. Voilà ce que je propose.
NICOLAS BEYTOUT
Vous nous avez dit tout à l'heure que les Français attendaient aujourd'hui des mesures radicales. Quelle est la différence entre une attente de mesures radicales et la proposition d'une rupture ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Vous savez c'est Jaurès qui disait que quand on sent qu'on ne peut pas changer les choses on change les mots. Alors les mots ça m'est un peu égal, franchement. Moi je suis pour des mesures... C'est pas le sujet. Il y a un deuxième sujet qui me tracasse, qui est assez simple...
NICOLAS BEYTOUT
C'est pas le sujet, mais ça veut dire que vous pensez...
JEAN-LOUIS BORLOO
Que je vais proposer une autre mesure radicale.
NICOLAS BEYTOUT
Non, ça veut dire que vous pensez que le candidat que vous soutiendrez doit se présenter face aux Français avec un discours de changement radical ou de rupture par rapport à ce qu'est aujourd'hui la politique du gouvernement ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Écoutez, les discours, les mots ou les constats, tout le monde a plutôt envie d'avoir un beau logement, que ses enfants soient éduqués, d'être en meilleure santé, qu'il y ait le plein emploi et que le pays fasse 4 % de croissance. Le vrai problème c'est les méthodes réelles, donc difficiles, qui sont proposées. Je vous propose un deuxième sujet vital si vous voulez bien.
PIERRE-LUC SEGUILLON
L'éducation.
JEAN-LOUIS BORLOO
Le couple éducation-formation. Enfin, la France est un pays qui est capable, elle l'a fait à une époque, d'avoir 100 % de sa jeunesse formée et qualifiée. Aujourd'hui c'est 71 %, alors qu'on a un dispositif de formation extrêmement nombreux, extrêmement financé, extrêmement financé...
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors pourquoi ça marche pas ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais qui est complètement cloisonné.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Qu'est-ce qu'il faut faire ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Il faut une opération transparence, évaluation, décloisonnement, de l'ensemble du dispositif. Il n'est pas supportable, il n'est plus supportable que nous n'ayons que 50 000 places ouvertes dans les écoles, dans les 62 grandes écoles, celles qui revendiquent le titre de grandes écoles françaises. C'est le même chiffre qu'il y a 20 ou 25 ans. Et vous savez que sur ces 50 000 postes il y en a 43 000 de pourvus. Il faut que cette puissance éducative soit complètement au service du pays, qu'elle double ou qu'elle triple ses capacités, qu'elle établisse des passerelles avec l'université, entre l'université et ces écoles-là, qu'il y ait évidemment des concours d'intégration alternative, des passerelles entre l'université et ces écoles-là. Il faut évidemment qu'entre les formations professionnelles, non seulement les formateurs mais les collecteurs d'informations professionnelles que sont les partenaires sociaux, 23 milliards pour la formation, très peu pour les très très jeunes, 195 000 jeunes sortent du dispositif éducatif aujourd'hui sans formation réelle. Et quant à ceux qui sortent de l'université, il y en a un tiers qui sont déclassés ou qui se sentent déclassés. Lorsqu'on voit les universités, collèges, IUT, BTS, lycées, grandes écoles, et le puissant dispositif de formation professionnelle que nous avons, eh bien si on fait une vraie opération transparence, une vraie opération évaluation des coûts et de l'efficacité, qu'on essaie de mettre tout ça, un peu comme on a fait sur la rénovation urbaine, où on est parti de l'objectif où on refait les quartiers, et on a mis en même temps les partenaires sociaux, les villes, les épartements, les régions, la Caisse des Dépôts, l'État. Et puis on avait un objectif, on refait tous les quartiers et on le fait de manière transparente. Eh bien pour ce grand plan de la quête de 100 % de qualifiés dans notre pays, ce grand plan on ne peut le faire que tous ensemble.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Vous parlez de transparence...
JEAN-LOUIS BORLOO
Vous vous rendez compte l'écart de compétitivité pour notre pays ? Est-ce que vous vous rendez compte qu'on a près de 30 % de la jeunesse qui ne concourt pas à la compétitivité.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Vous disiez à l'instant transparence. On sait très bien aujourd'hui qu'on consacre un énorme budget au secondaire et qu'on ne consacre pas suffisamment d'argent au supérieur. Est-ce que vous dites, au nom de la transparence, ça on le sait, il suffit de faire de la comparaison avec ce qui se passe dans les autres pays européens, on transfère une partie de l'argent qui est sur le secondaire sur l'université ?
JEAN-LOUIS BORLOO
D'abord ça ne marche pas exactement comme ça, monsieur SEGUILLON, parce que vous observerez que quand on parle du supérieur on oublie toujours d'intégrer le coût ou la dépense publique générale, quel que soit son financement, sur les grandes écoles. Qu'un élève de grande école a un coût aujourd'hui, enfin un investissement, très très supérieur à celui de l'université. Donc il ne faut pas opposer les uns aux autres. Il faut avoir un programme commun de l'ensemble des formations, je le redis, formation professionnelle, formation continue, les chambres consulaires, les universités, les grandes écoles. Quant au secondaire, restituer ses capacités au chef d'établissement. Quand
FERRY avait lancé...
NICOLAS BEYTOUT
C'est lui qui doit pouvoir choisir les profs ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Attendez, quand FERRY avait lancé son grand programme, il n'avait pas corseté tout ça, il avait juste dit : un instituteur par village et une école par village.
JEAN-MICHEL APHATIE
FERRY Jules.
JEAN-LOUIS BORLOO
Jules FERRY.
NICOLAS BEYTOUT
Est-ce que les chefs d'établissements doivent pouvoir sélectionner, choisir les enseignants ?
JEAN-LOUIS BORLOO
En tous les cas il faut que le socle commun des connaissances soit absolument national. Moi je suis pour que les chefs d'établissements aient un budget parfaitement autonome pour faire des variables, des variations. Vous n'avez pas la même école lorsqu'elle est parfaitement homogène ou quand vous avez 29 nationalités, à l'évidence. Donc il faut qu'il y ait de grandes libertés.
JEAN-MICHEL APHATIE
Sur votre premier chantier il y avait une condition, 300 milliards de transfert de charges. Mais là, c'est quoi la condition ? À quel moment vous considérerez qu'un candidat accède, parce que votre propos est assez général, tout le monde peut être d'accord avec ce que vous dites...
JEAN-LOUIS BORLOO
Pas forcément.
JEAN-MICHEL APHATIE
Que l'éducation marche mieux, je ne vois pas qui sera en désaccord avec vous. C'est quoi la condition ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Vous savez moi je suis pas dans une situation de c'est à prendre ou à laisser. Je dis que ce sujet-là, qui peut peut-être nécessiter des moyens complémentaires, globaux mais à condition que ce soit affecté à des endroits bien particuliers, sur les universités des métiers, sur la coordination, la passerelle entre les différentes formations, il n'y a pas : t'as tort ou t'as raison.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une réforme qui coûte de l'argent, d'après vous ?
PIERRE-LUC SEGUILLON
C'est le premier budget de l'État.
JEAN-LOUIS BORLOO
Oui, et encore on ne compte pas tout, monsieur SEGUILLON. Si on intégrait le soutien scolaire, qui à lui tout seul génère plus de flux que l'ensemble de l'université, on n'a pas encore tout intégré. Parce qu'il y a encore d'autres façons...
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut dégager encore de l'argent pour l'éducation ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je sais pas. Regardez la rénovation urbaine. Le programme aujourd'hui est à 35 milliards. Mais au fond ces milliards existaient, ils étaient bien dans des tuyaux, ils étaient dans des fonds propres d'organismes, ils étaient avec nos partenaires sociaux qui ont accepté de le faire, et il y en avait des tas, il y en avait à l'Europe, il y en avait dans les régions, il y en avait dans les départements, il y en avait dans des communes. Si vous voulez, c'est pas toujours juste des budgets d'État qu'il faut traiter, c'est la coordination de l'ensemble.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans une campagne présidentielle, tout de même, c'est une question qui lui est directement adressée, à un candidat.
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, c'est aussi la capacité à faire bouger tous les acteurs.
NICOLAS BEYTOUT
Lorsque vous avez hier parlé de l'école vous avez opportunément rappelé que Jules FERRY avait proposé un poste de Premier ministre et de ministre de l'Éducation. Est-ce que c'est une condition que vous mettez par exemple, comme Nicolas HULOT avait mis comme condition à son pacte qu'il y ait un vice-premier ministre chargé de l'environnement et dudéveloppement durable ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, je rappelais simplement hier, parce que ça avait un sens à l'époque, que le ministre de l'Éducation nationale était aussi le chef de gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça aurait un sens aujourd'hui ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, je suis pas convaincu. Parce que, une fois de plus, on est dans une société plus complexe, les types de formations sont très diversifiés et c'est bien la coordination qui est un problème de l'éducation nationale, la communauté éducative fait tout ce qu'elle peut. C'est vraiment la coordination de filières différentes, de financements différents, de modes d'enseignement différents qui doivent être coordonnés.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va écouter les informations et on se retrouve tout de suite après.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous sommes de retour avec Jean-Louis BORLOO. Vous avez décrit pendant la première demi-heure les grandes conditions pour cette nouvelle période que vous appelez de vos voeux. Évidemment Jacques CHIRAC ne peut pas incarner cette nouvelle période, on peut le dire comme ça ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Écoutez... Jacques CHIRAC incarne d'abord la politique internationale de notre pays comme je crois aucun leader politique n'aurait probablement réussi à le faire dans cette période très difficile, cette période extrêmement troublée. Pour le reste...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça je suis d'accord, mais je veux dire la nouvelle période, ça suppose un changement d'individus, changement de génération ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Écoutez, il ne m'appartient pas de prendre une position sur ce point.
JEAN-MICHEL APHATIE
On le déduit de vos propos, de votre raisonnement.
JEAN-LOUIS BORLOO
Vous savez, on ne peut pas réduire ça à des histoires personnelles ou des histoires d'hommes. Laissons le président prendre sa décision et ses responsabilités.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais ce qui vient d'échouer c'est la logique de votre raisonnement, c'est ça que je voulais dire.
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, Monsieur, la logique de mon raisonnement c'est de vous dire, à vous monsieur APHATIE : vous vous avez continué à vivre pendant trente ans, là, sur le rythme des 30 glorieuses...
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui, moi ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Vous et moi. On a continué à pomper sur planète...
JEAN-MICHEL APHATIE
Je croyais que c'était un propos personnel.
JEAN-LOUIS BORLOO
Non non. On a continué à prendre sur la planète, on a tapé dans le capital, on laisse des déficits et on n'a que 70 % des jeunes qui ont une qualification. Alors je dois dire que... il faudrait peut-être un peu qu'on se ressaisisse. Et vous savez pourquoi on a fait cette erreur, monsieur APHATIE ? Je vais vous dire pourquoi. Pas par égoïsme, parce que notre génération a cru que quoiqu'il arrive la génération d'après irait mieux. Que quoi qu'il arrive on avait fait les bons choix énergétiques, que quoi qu'il arrive on avait les meilleurs formations du monde, que quoi qu'il arrive demain serait meilleur qu'hier. Et on sait pas. Et finalement les 35 heures ça a été le dernier reflet de cette période de distribution générale et de non préparation de l'avenir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais le moment est venu d'une nouvelle génération qui incarne la période nouvelle.
JEAN-LOUIS BORLOO
Je sais pas si c'est un problème de génération, c'est un problème de sagesse et de détermination. Je peux vous donner d'autres exemples...
NICOLAS BEYTOUT
Lorsque vous dites que l'existence et la force de Jacques CHIRAC est essentiellement à l'international, est-ce que ce n'est pas une condamnation implicite de son bilan et de ce qu'il a fait pendant les années où il était président ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, je pense qu'on a tous... Voyez, il y a une vraie responsabilité collective. D'abord, attendez, c'est pas des années tout noir non plus, c'est des années de mutation de la société française, dans un pays qui a bougé à toute vitesse. Alors il y a des parties de la CGT qui ont suivi cette mutation mais nos gros systèmes qui ont du mal d'ailleurs à se parler les uns les autres, le modèle français de ce point de vue-là est un peu autiste, n'a pas bougé assez vite. Je vous donne un autre exemple : la crise sociale territoriale. On ne peut pas continuer à accepter, alors qu'il y a une décentralisation puissante, que les villes riches soient de plus en plus riches et les villes pauvres de plus en plus pauvres. Quand il y a autant de responsabilités confiées au fait urbain. Comment peut-on accepter, mais au nom de quel principe républicain peut-on accepter de continuer à avoir cet écart de richesses. Entre les départements riches et les départements pauvres, entre les villes riches et les villes pauvres. Je souhaite qu'il y ait un programme de justice fiscale territorial.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Je reviens un instant en arrière. En 1995, Jacques CHIRAC avait fait le diagnostic que vous êtes en train de faire, qui était celui, instruit par notamment monsieur TODD, de la fracture sociale. Il a totalement échoué à la combler ? Puisqu'on fait aujourd'hui le même diagnostic qu'il y a douze ans ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, ça a changé, il y a des choses qui ont changé. Le programme de rénovation urbaine qu'on attendait depuis 30 ans, excusez-moi de vous dire, il est démarré. Non seulement il est démarré mais je vois le maire de Bourges qui est là, il peut vous dire que c'est en pleine mutation dans ces villes. Lutter contre cette ségrégation urbaine, c'est il y a 30 ans qu'il fallait le faire. Ça a démarré il y a deux ans, deux ans et demi, il y a eu deux ans de mise au point.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Donc le début du comblement de la fracture sociale a commencé quand vous êtes arrivés au gouvernement, si je comprends bien ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, enfin le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, suivi par Dominique de VILLEPIN, sur une impulsion absolue du président CHIRAC. Et je vous signale que, il y a quelques années, il y a eu une cohabitation deux ans après son arrivée. Donc, vous savez, tout ça est un peu facile. Il y a une chose qu'on ne peut pas contester à Jacques CHIRAC, c'est que tout ça il le porte en lui. Et la société française a...
NICOLAS BEYTOUT
Est-ce qu'il l'a proposé trop tard ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je pense qu'il y a un moment où une société se met à bouger. C'est pour ça que le choix du futur président de la République est très important parce qu'il faudra à la fois qu'il donne quelques très grands programmes, et qu'il fasse bouger tous les acteurs de la société française, pas seulement l'État, tous les acteurs.
NICOLAS BEYTOUT
Vous avez parlé à l'instant de la disparité entre les territoires, il y a un certain nombre de législations qui ont été adoptées, la loi SRU ou les péréquations. Qu'est-ce qu'il faut faire de plus très précisément aujourd'hui. Qu'est-ce que vous proposez ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je peux en parler d'autant plus volontiers que j'ai fait voter une loi dite de solidarité urbaine. On a transféré 650 millions d'euros. C'était énorme...
NICOLAS BEYTOUT
C'est pas suffisant.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais on est très loin de l'échelle.
NICOLAS BEYTOUT
Alors qu'est-ce qu'il faut faire ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Eh bien il faut faire, par un système, alors il faut qu'on travaille avec tout le monde techniquement mais globalement on a 30 milliards d'euros de DGF, eh bien il faut faire une répartition qui rééquilibre en tenant compte des spécificités particulières des uns et des autres. Un autre exemple, les filets de sécurité sociaux français. Michel ROCARD avait raison quand il a fait le RMI à l'époque, c'était un filet de sécurité qui devait être provisoire ou temporaire...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous étiez pour ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je n'étais pas parlementaire à l'époque. Mais je l'aurais fait avec plaisir, comme beaucoup de gens de l'opposition l'ont fait, je vous rappelle, à cette époque-là. Aujourd'hui, de manière standard, permanente, on est entre 1 et 1,2 million. Ce sont des réserves humaines de ce pays qu'on laisse comme ça dans cette situation. Il faut absolument le réformer, en faire, alors que ce soit le contrat unique d'insertion de Martin HIRSCH, le contrat d'avenir de Jean-Louis BORLOO, ou d'un autre, peu importe. Qu'on augmente les revenus, qu'en échange il y ait une qualification obligatoire et un travail d'intérêt général dans les périodes où il n'y a pas la formation. C'est une absolue obligation, nous avons besoin de ces qualifications et on ne peut pas rester dans cette situation-là.
JEAN-MICHEL APHATIE
Parmi les problèmes importants de déficit budgétaire, cette année le déficit continue, 66 % du PIB, la totalité de l'impôt sur le revenu consacrée au remboursement des intérêts, des emprunts contractés par l'État français. Qu'est-ce qu'on fait ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Quand je vous dis que les 30 hésitantes continuent à vivre comme à l'époque des 30 glorieuses.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu'est-ce qu'on fait ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Eh bien je crois que c'est ces réformes-là, ça peut vous paraître bizarre...
JEAN-MICHEL APHATIE
Elles sont coûteuses...
NICOLAS BEYTOUT
Il n'y a pas grand-chose qui économise...
JEAN-LOUIS BORLOO
Parce que vous pensez que quand on investit, on fait passer de 70 % à 100 % d'une classe d'âge qualifiée pour relancer l'économie de votre pays, vous pensez que ça...
NICOLAS BEYTOUT
Pour résorber le déficit on dépense ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais c'est pas de la dépense, c'est de l'investissement. Vous m'avez dit la même chose sur la rénovation urbaine, ici-même. Vous m'avez dit la même chose sur le logement il y a un an. Vous savez quoi, le programme de logement, le doublement du logement général, le triplement du logement social, eh bien ça crée de la richesse dans notre pays, ça a augmenté les recettes de TVA, ça augmente les recettes de l'UNEDIC, ça augmente les recettes de la sécurité sociale. C'est ça la dynamique d'un pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et chaque année on est un peu plus en déficit, c'est ça la dynamique d'un pays ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais la rénovation urbaine et le logement, c'est pas du déficit, monsieur APHATIE...
JEAN-MICHEL APHATIE
Le déficit croît toujours.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais ça n'est pas du déficit, je vous explique, c'est des recettes. Changez vos lunettes, ce sont des recettes. Je ne vois pas en quoi le doublement des effectifs des grandes écoles va être un problème budgétaire majeur dans notre pays, quand on va former 50 000 brillants de plus, je vois pas en quoi c'est une dépense, je vois que c'est un investissement.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Si je comprends bien ce que vous dites, il y a le bon et le mauvais déficit. Le bon déficit, c'est celui qui est consacré à des investissements.
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, le déficit c'est pas bon, en soi, il y a des investissements à faire, investir sur la rénovation urbaine, j'espère qu'aujourd'hui vous allez accepter de dire qu'il fallait faire pour le pays et que ça rapporte des recettes globales.
NICOLAS BEYTOUT
Il y a un sujet que vous avez abordé il y a quelques jours avec le premier ministre qui est celui du dialogue social et du pouvoir d'achat. Au sortir de cette réunion, la totalité des partenaires sociaux ont exprimé soit de la déception, soit du mécontentement. Alors est-ce qu'il est trop tard pour que le gouvernement renoue le dialogue social, est-ce que la perte de confiance qui a été gravement marquée il y a un an avec l'affaire du CPE est impossible à combler ou est-ce que finalement ce sont les partenaires sociaux qui ont tort ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, d'abord, vous savez, c'était une conférence qui avait été conçue après une commande sur un travail confié à Jacques DELORS...
NICOLAS BEYTOUT
Qui n'était d'ailleurs pas là jeudi.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais il n'avait pas à être là, il avait remis son rapport quinze jours avant, avec Nicole NOTAT, enfin c'est un rapport sur l'ensemble des problématiques de revenus et d'emploi dans notre pays. Un rapport remarquable que je vous conseille de lire. Il s'agissait de travailler autour de ce rapport-là. Et puis petit à petit, comme c'est souvent le cas dans notre pays, petit à petit ce rendez-vous a commencé à devenir un rendez-vous de demande de réponse à des sujets concrets. Comme par ailleurs, depuis un an, six mois dans certains cas, on travaillait avec les partenaires sociaux sur des sujets concrets : la garantie des risques locatifs qui a été faite avec les partenaires sociaux. On a des centaines de milliers de logements disponibles dans notre pays, on a des personnes qui ont des CDD, de l'intérim, de la précarité, qui n'ont pas accès à ces logements-là. On a travaillé près d'un an pour mettre en place enfin une garantie universelle...
NICOLAS BEYTOUT
OK, mais ça ça demande pas une grande conférence sur les revenus...
JEAN-LOUIS BORLOO
Attendez, il se trouve que ça arrive en même temps. Il se trouve que le conseil d'administration du 1 % a lieu le jeudi, et le bleu de Matignon le lundi. Évidemment que ça devient une mesure concrète, opérationnelle, mais qui télescope un peu. Ce qui n'est pas tout à fait un télescopage c'est quand le Premier ministre accepte qu'il n'y ait plus d'écart entre l'augmentation des loyers et les revenus et qu'on augmente l'aide personnalisée au logement de 2,8 %. Ce qui est concret c'est lorsque, dans le plan de service à la personne, qui est un plan massif sur tous les services à domicile ou aux personnes, eh bien qu'à la finale il n'y ait pas seulement de l'exonération fiscale pour celui qui utilise une heure pour aller aider la grand-mère ou l'enfant, mais qu'il y ait un crédit d'impôt, c'est-à-dire que l'État paye 50 % de la prestation, pour ceux qui ne payent pas d'impôt. Et ça va impacter des millions de foyers.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Est-ce que toutes ces mesures...
JEAN-LOUIS BORLOO
Je terme. Cette conférence s'est presque transformée maladroitement, maladroitement, en une forme de conférence de presse. Il y a une vraie... Non mais je vous le dis comme je le pense, parce qu'il faut dire les choses, et je prends ma part de responsabilité dans cette affaire-là. En fait il y avait des annonces par ailleurs qui étaient très demandées. J'ai la dépêche de François CHEREQUE de la veille qui demandait exactement ça : l'APL, la garantie des risques locatifs, etc. Mais il y a une mauvaise organisation et du coup, à juste titre, les partenaires sociaux se sont senti assistés à une conférence de presse, alors que c'était vraiment pas l'intention...
PIERRE-LUC SEGUILLON
Vous êtes sûr que c'était pas l'intention du Premier ministre ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, je suis sûr que c'était pas son intention, parce que écoutez, le Premier ministre est suffisamment responsable et intelligent pour savoir que s'il avait voulu l'organiser comme ça, il y aurait eu une faute de goût. Enfin il n'est pas idiot, il le sait.
NICOLAS BEYTOUT
Représentativité des syndicats, l'ensemble des sujets liés à tout ce qui était en débat jeudi, tous ces sujets qui sont ouverts aujourd'hui et sur lesquels on a l'impression que le gouvernement avance avec presque frénésie, est-ce que c'est pas un peu tard pour faire toutes ces réformes, est-ce que tous ces sujets sont des sujets qu'il faut ouvrir trois ou quatre mois avant la fin d'une législature et d'un mandat présidentiel ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais la vie continue tous les jours.
NICOLAS BEYTOUT
De la même manière ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Parlons du dialogue social, monsieur BEYTOUT. La loi sur le dialogue social a été votée définitivement à l'assemblée la semaine dernière. Il n'y a pas eu un seul vote contre, pas un seul vote contre. Sur la représentativité, sujet qui a 30 ans, vraiment la représentativité syndicale en France, c'est un sujet qui a 30 ans. On prend nos responsabilités, on a saisi Jacques DERMAN et le Conseil économique et social, on a un rapport, on va envoyer des lettres de proposition, selon la nouvelle formule du dialogue social français, pour qu'on en débatte avec les partenaires sociaux. On continue à avancer. Évidemment, jour après
jour.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va parler du prochain mandat avec deux ou trois questions assez précises. Nicolas SARKOZY, vendredi, a dit : un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite ne doit pas être remplacé. Bonne ou mauvaise idée ?
JEAN-LOUIS BORLOO
D'abord vous me permettez de dire un mot... Il y a toujours une expression qui m'a amusé, c'est qu'il y a deux catégories de fonctionnaires dans la bouche de certains. Il y a les grands commis de l'État, et puis il y a les autres. Comme si les autres c'était des petits commis de l'État. Cette façon de parler - je parle pas de vous mais j'en profite pour le dire - de distinguer la grande fonction publique du reste, m'horripile au plus haut point.
JEAN-MICHEL APHATIE
Maintenant, départ à la retraite massif dans la fonction publique ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais ça dépend où et sur quoi.
NICOLAS BEYTOUT
Mais au total ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais attendez, quand on aura fait le plan transparent 100 % de jeunes, est-ce que dans certains secteurs il faudra sur l'alternance qu'il y ait plus de fonctionnaires et qu'il y en ait beaucoup moins pour la collecte par exemple des finances du pays...
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc c'est peut-être une bonne idée mais il faudra pas présenter aux Français les choses comme ça avant les élections ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais c'est absurde...
JEAN-MICHEL APHATIE
D'accord, c'est un jugement.
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais attendez, excusez-moi. Le chiffrage qui considère que quoi qu'il arrive, tous secteurs confondus, qu'à la finale on arrive à un allégement par des réformes de l'État parce qu'il y a de la nouvelle technologie, parce qu'il y a de la bureautique, parce qu'il y a de l'informatique. Eh bien avançons, allégeons. Mais je ne veux pas que ce soit vécu comme une forme... Vous savez, cette idée que la fonction publique ça coûte. D'abord, la fonction publique ça rend service.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que les services spéciaux de retraite peuvent être maintenus ou pas ?
JEAN-LOUIS BORLOO
On a dit 2008. Mais on est un pays organisé démocratique.
JEAN-MICHEL APHATIE
On va voter en 2007, on va parler aux Français...
JEAN-LOUIS BORLOO
On a dit qu'on avait un rendez-vous en 2008.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais on va leur dire peut-être avant, aux Français, parce qu'ils vont voter, si les régimes spéciaux de retraite de certaines catégories d'agents publics peuvent être maintenus ou pas.
JEAN-LOUIS BORLOO
Il faut aussi en débattre avec les partenaires sociaux, comme il va falloir débattre de mes cinq chantiers...
NICOLAS BEYTOUT
Mais sur le principe est-ce qu'il faut les modifier ou pas ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je pense que c'est pas quantitativement un enjeu majeur et crucial...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est symbolique, peut-être ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Oui. Vous savez, je pense qu'il faut aller vraiment vers des mesures radicales. On n'est pas obligé d'aller toujours sur tous les symboles qui fâchent.
NICOLAS BEYTOUT
Autre symbole qui peut fâcher, en tout cas qui fâche souvent les usagers, le service minimum en cas de grève. Nicolas SARKOZY précisément a dit : si je suis élu, en juillet la réforme sera faite. Est-ce que vous êtes pour ?
JEAN-LOUIS BORLOO
C'est pas un problème sur lequel moi j'aurai la moindre difficulté avec Nicolas SARKOZY, comme sur d'ailleurs beaucoup de ses propositions. Je veux dire, on a quand même beaucoup plus de choses sur lesquelles on est heureusement d'accord. Heureusement, indépendamment de ses qualités propres dans son énergie, du fait qu'il dit ce qu'il fait, il fait ce qu'il dit, sa grande capacité d'écoute. Souvenez-vous de l'époque de la crise de l'éducation nationale en 2003, qui on est allé chercher à l'époque ? C'est quand même un peu paradoxal dans notre pays, pour aller dialoguer, c'était le ministre de l'intérieur de l'époque, qui on est allé chercher pour dialoguer ? Mais il y a quatre ou cinq points en gros, une plate-forme sociale pour notre pays, qui me paraît indispensable et qui sera les conditions personnelles de mon adhésion.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand Nicolas SARKOZY dit : service minimum dès juillet 2007, ça vous paraît...
JEAN-LOUIS BORLOO
J'ai pas de conflit là-dessus avec lui.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Est-ce que l'enjeu européen est un enjeu important pour vous ? Est-ce que vous êtes sur la ligne de ceux qui critiquent par exemple la Banque Centrale Européenne qui se montre très critique et finalement très méfiante vis-à-vis de l'Europe ou est-ce que vous avez une autre attitude ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Un, sur la Banque Centrale Européenne, moi je pense, mais comme beaucoup et je crois que c'est en train de bouger un peu, notamment chez nos partenaires allemands, l'idée que la Banque Centrale Européenne ne gère que l'inflation, c'est en train de bouger. Il faut qu'elle puisse gérer la croissance mais on ne fera bouger ça qu'avec nos partenaires et dans le dialogue avec eux, je crois que c'est possible. Ce problème de la BCE ou de l'euro fort ne nous exonère en aucun cas
des réformes qui sont à faire aujourd'hui, en aucun cas. Parce que vous savez, la peur de l'Europe pour un pays qui est fondateur de l'Europe, ce projet magnifique, que notre pays, le pays des artisans plombiers ait peur du plombier polonais, ça veut dire quoi ? Qu'on n'a pas, nous, confiance en notre avenir. Nous n'aurons plus peur de l'Europe, ça sera un soutien dès lors qu'on aura confiance en nous. Et pour avoir confiance en soi, il faut savoir que ces enfants seront parfaitement qualifiés, qu'ils seront armés pour préparer l'avenir, qu'on aura amélioré le pouvoir de vie, parce que le pouvoir d'achat c'est pas un indice, c'est le pouvoir de vivre. Vivre avec un logement adapté, avoir de la mobilité, non pas perdre son emploi mais changer d'emploi. C'est ça le pouvoir de vivre. Eh bien redonnons-le à notre pays.
NICOLAS BEYTOUT
Toujours des questions sur le programme que vous aimeriez voir appliqué. Cette semaine on a vu que Johnny HALLYDAY allait s'installer à Gstaad, en Suisse, et il dénonce la pression fiscale. Vous nous avez expliqué dans la première partie de l'émission que vous vouliez transférer 300 milliards d'euros sur plus d'impôt et plus de taxes. Comment vous faites pour faire revenir Johnny HALLYDAY ou d'autres, mais tous ceux qui, presque tous les jours, quittent la France pour payer moins d'impôt ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Attendez, je reviens une seconde là-dessus, parce que je ne veux pas me faire enfermer dans un débat, pas de votre faute mais de ma propre capacité d'expression, sur : il va taxer ça. Ce que je dis, comme le président CHIRAC le fait avec les financements alternatifs sur la pauvreté dans le monde pour le sida, taxer des billets d'avion... Il faut qu'on soit assez imaginatifs pour mettre en place des financements alternatifs. On a des opérations de monopoly... Il y a du monopoly financier, il y a d'énormes flux dans notre pays, qui circulent, qui subissent la même taxation que le garagiste qui fait son transfert d'activités... Il faut des financements alternatifs.
NICOLAS BEYTOUT
Comment vous faites pour faire revenir les émigrés fiscaux.
JEAN-LOUIS BORLOO
Écoutez, en ce qui concerne Johnny HALLYDAY, moi ça me fait de la peine, très franchement ça me fait de la peine...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça vous choque pas ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Ça me fait de la peine.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça ne vous choque pas ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je sais pas si c'est choqué ou pas choqué...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est pas la même chose, vous faire de la peine ça veut dire vous regrettez que Johnny soit parti ou ça vous choque que le citoyen ait quitté la France, fiscalement ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Moi d'une manière générale c'est quand les talents partent que ça ne m'amuse pas. Pas seulement ceux-là. MONTAGNÉ qui va aux Etats- Unis, et c'est pas une critique parce que notre dispositif d'exonération en recherche n'est pas suffisamment puissant. La coordination entre le privé et le public, le décloisonnement...
NICOLAS BEYTOUT
MONTAGNÉ c'est pas Gilbert c'est Luc MONTAGNÉ, celui qui travaille sur le sida, parce qu'on parlait de Johnny HALLYDAY.
JEAN-LOUIS BORLOO
Oui. Voilà...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais quelles conséquences on en tire. Par exemple l'impôt sur la fortune, on le laisse, on l'enlève, qu'est-ce qu'on fait ? On tire une conséquence. Johnny HALLYDAY ça a créé un choc, parce que c'est pas le premier exilé fiscal...
JEAN-LOUIS BORLOO
Oui, parce qu'il est adoré par les Français, parce que bien entendu...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais peu de critiques lui sont adressées.
JEAN-LOUIS BORLOO
Oui, parce que au fond...
JEAN-MICHEL APHATIE
Quelles conséquences on en tire ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Vous savez, dans les économies dynamiques il y a beaucoup de fondations. Je pense notamment aux Américains, parce qu'il y a l'idée que quand on a pu avoir beaucoup de succès dans un pays, on fait des fondations, qui est une petite façon de rendre la chance qu'on a eue, le développement des fondations anglaises, américaines, c'est ça, c'est des pays qui sont un peu plus libres d'entreprendre, on taxe moins le travail, mais on taxe les successions et de manière civique on crée des fondations...
NICOLAS BEYTOUT
On invite à donner pour les autres.
JEAN-LOUIS BORLOO
Absolument. Et je trouve que c'est une belle idée et c'est vrai que de ce point de vue-là c'est un peu dommage.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas de conséquence particulière du départ de Johnny...
PIERRE-LUC SEGUILLON
Vous êtes ministre de l'Emploi, vous avez contribué à faire baisser le chômage, notamment par un certain nombre de contrats et d'emplois qu'on a appelés parfois assistés, parfois financés. Les emplois marchands ne sont pas très nombreux à être créés, il y en a un peu plus de 100 000
qui ont été créés. Comment est-ce qu'on peut augmenter les emplois marchands dans notre pays, et non pas les emplois financés ou assistés ?
JEAN-LOUIS BORLOO
350 000 emplois ont été créés, 350 000 cotisants à la sécurité sociale de plus et à peu près autant à l'UNEDIC.
PIERRE-LUC SEGUILLON
Dans le secteur marchand ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais les emplois c'est tous secteurs confondus...
PIERRE-LUC SEGUILLON
Attendez, je vous pose la question dans le secteur marchand, comment est-ce qu'on peut faire en sorte qu'on n'ait pas une désindustrialisation et qu'au contraire les emplois augmentent ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Augmenter la compétitivité de notre pays. Et pour l'augmenter c'est les pôles de compétitivité, c'est arrêter de taxer le salaire direct. Pourquoi les services à la personne, vous avez vu les chiffres, 136 000 emplois créés cette année pour les services à la personne. Et je vous signale qu'on est dans un nouveau modèle économique où en gros le salaire net égal le salaire brut. C'est pas tout à fait l'effet du hasard. Et donc là on a de la vraie création d'emploi et de la vraie création de richesses. Il s'agit de réorganiser notre création de richesses dans notre pays et on peut arriver au plein emploi, évidemment. Évidemment, mais à ce prix-là.
JEAN-MICHEL APHATIE
Souvent les journalistes posent la même question, on en est toujours désolés, mais il faut quand même vérifier chaque fois. Donc vous n'êtes pas candidat à l'élection présidentielle, vous l'avez dit. Vous dites aussi tout le temps, quand la question vous est posée, que vous ne serez pas candidat à Paris, je ne sais pas comment vous le formulez mais c'est comme ça. Moi je lis dans LE JOURNAL DU DIMANCHE, le 19 novembre vous avez acheté un appartement dans le 12e arrondissement, là où on dit justement que vous pourriez être candidat à la députation. C'est vrai ou c'est faux ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Eh bien c'est faux.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est faux, vous n'avez pas acheté...
JEAN-LOUIS BORLOO
C'est faux. Ni acheté ni loué.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous ne serez pas candidat aux élections législatives à Paris ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non. Je serai candidat dans le valenciennois.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais donc vous ne serez pas candidat à Paris aux élections législatives ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Je vous le confirme, la réponse est non. Aujourd'hui il y a un débat présidentiel qui est crucial pour notre pays, moi je souhaite débattre de la plate-forme sociale du projet présidentiel...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez en parler quand avec Nicolas SARKOZY, sérieusement ? Parce que là j'ai l'impression que vous n'en avez pas beaucoup parlé, encore ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Mais vous savez, en politique il faut aussi que les choses soient publiques. D'abord il faut avoir les idées claires soi-même. C'est pas si simple, monsieur APHATIE. Si vous savez, vous, comment en trois minutes on réforme l'éducation, la formation, qu'on fait passer 70 % de la jeunesse qualifiée à 100 %. Si vous croyez pas que ça demande un travail de fond, de réflexion, y voir clair soi-même. Vous savez moi j'ai vécu 20 ans comme ça avec parfois des cicatrices, des moments de blocage difficiles, parfois que j'ai surmontés. Voilà, je rêve qu'on puisse redevenir ce grand pays.
NICOLAS BEYTOUT
Une question sur les législatives à Paris en cachait évidemment une autre sur les municipales à Paris. Est-ce que c'est quelque chose qui occupe une partie de votre esprit ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, ça n'occupe absolument pas mon esprit, c'est dans deux ans et demi.
NICOLAS BEYTOUT
Donc ça ne veut pas dire que ça ne viendra pas ?
JEAN-LOUIS BORLOO
Non, je vous signale qu'il y a une candidate qui était très légitimement désignée, qui s'appelle madame de PANAFIEU. Vous dire que Paris n'est pas une ville qui m'intéresse, ce serait faux, mais très franchement c'est dans deux ans et demi, on verra plus tard.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous réfléchissez. Le Grand Jury de Jean-Louis BORLOO est terminé et on se retrouve l'année prochaine. Bonsoir. FINSource http://www.partiradical.net, le 19 décembre 2006