Texte intégral
Q- Au mois d'octobre, la décrue du chômage avait subi un coup d'arrêt. Il était resté inchangé, à 8,8 %. Est-ce que les chiffres de novembre marquent une amélioration rassurante du nombre de demandeurs d'emplois.
R- C'est un chiffre qui doit s'apprécier dans la durée. En gros, depuis qu'on a mis en place les mesures, il y à dix-huit mois, cela fait 15 % de chômeurs en moins, 15 % de personnes en plus au travail. Et dans l'année 2006, si l'on considère que novembre... On est en décembre, mais ce sont les chiffres de novembre, ce sont les douze derniers mois, cela fait 10 %. Donc, on est sur une baisse...
Q- Pour vous, c'est donc une bonne année ?
R- Ce n'est pas une bonne année parce qu'il n'y a pas de ministre de l'Emploi de bonne humeur quand il y a encore 8,7 % de chômeurs dans son pays. Mais on est sur une baisse structurelle. Cela n'empêchera peut-être pas un ou deux mauvais mois parce que sur un mois c'est difficile. Mais si on regarde... le sentiment, il y a vingt mois ou vingt cinq mois, quand j'ai pris mes fonctions, où tous les mois, irrémédiablement, pendant quatre ans et demi, tous les mois, toutes les fins de mois, on avait 20, 25 ou 30.000 demandeurs demandeurs d'emploi en plus. Et maintenant, on est, en moyenne, à 20.000 demandeurs d'emploi par mois en moins.
Q- Ce qui va compter, ce sont les premiers mois de 2007, peut-être, d'un point de vue électoral ?
R- Non, parce que vous savez, les Français sont plus fins que ça. Le débat électoral présidentiel c'est : que fait-on des vingt ans qui sont devant nous ? C'est cela la question présidentielle. Je ne crois pas une seconde que les deux fois trente jours qui viennent aient une influence sur ça, sauf sur le sentiment qu'on peut prendre des mesures qui ne dépendent que de nous, qui sont une meilleure organisation du marché de l'emploi et, petit à petit, jour après jour, semaine après semaine, que les choses s'améliorent.
Q- Est-ce que vous faites une observation particulière pour le chômage des jeunes ?
R- Oui. Il y a deux catégories qui, ce mois-ci, baissent particulièrement : le chômage des jeunes, 1,8 % et le chômage de longue durée. Vous savez que c'est quelque chose qui est le plus terrible...
Q- Pour les demandeurs d'emploi qui sont inscrits à l'ANPE depuis plus de deux ans ?
R- Un an, puis deux ans, trois ans, il y a trois catégories. Et là, il y a une baisse très significative. Et c'est probablement ce qu'il y a pour moi de plus rassurant dans les chiffres de ce mois-ci. Moi, je suis convaincu qu'en poursuivant vraiment avec acharnement, ténacité, il y a plein de secteurs qui n'ont pas encore donné, des réformes qui n'ont pas encore toutes produit leurs effets ; le plan senior n'a pas encore produit ses effets. Sur les services à la personne, on n'est qu'au décollage et pourtant, il y a 130.000 emplois en plus, et on n'est qu'au décollage du programme ! Moi, je ne vois pas vraiment, avec ce qui a été mis en place, et probablement d'autres choses encore car il faut s'adapter en permanence, pourquoi nous ne serions pas les bons élèves de la classe européenne en matière d'emploi. Il n'y a aucune espèce de raison.
Q- Il y a un collectif "Autres chiffres du chômage" qui prétend que les statistiques de l'ANPE ne prennent pas en compte ceux qui cherchent un emploi temporaire, les chômeurs en formation, etc. Cela ferait en tout plus de 2 millions de sans emploi non comptabilisés.
R- On a un thermomètre qui sont des statistiques actuelles, qui sont les mêmes, elles n'ont pas bougé, c'est celles qui sont validées par le Bureau international du travail. Quand vous avez un thermomètre, il ne faut pas changer de thermomètre quand cela vous arrange. Donc, le thermomètre, il dit moins 15 %, en dix-huit mois, de demandeurs d'emploi. Ce que, en revanche, on peut dire, qui est vrai, c'est que toute personne qui est au travail peut avoir le souhait, soit d'avoir un temps plein, lorsque c'est un temps partiel alors qu'il préférerait avoir un temps plein. On peut aussi dire que les gens en formation ne se forment pas et préféreraient être plus rapidement en emploi...
Q- Cela les fait échapper aux statistiques...
R- Non, cela ne fait échapper à rien du tout. Un instrument de mesure, cela vous mesure une tendance : est-ce que le chômage monte, ou est-ce que le chômage baisse ? Qu'ensuite vous estimez que le marché de l'emploi pourrait être meilleur, que les rémunérations pourraient être meilleures,
que le temps plein pourraît être meilleur... Evidemment ! En tout état de cause, les outils validés par le Bureau international du travail n'ont pas changé depuis des décennies et cela permet bien de mesurer l'évolution.
Q- Il y a un autre sujet qui dépend de votre ministère, c'est le logement. On a vu qu'a été annoncé un plan par C. Vautrin, de 70 millions d'euros. C'est le maximum que peut faire un gouvernement pour trouver des solutions de logement en faveur des SDF ?
R- Ecoutez, il faut être sérieux. En quatre ans, ce gouvernement a mis en place un triplement du logement social en France. Jamais aucun gouvernement n'a fait un tel effort en matière de logement social !
Q- Il sera difficile d'aller plus loin à votre avis ?
R- Non, parce que je vous annonce qu'on poursuit le plan. Que de 100.000 logements sociaux en parc public, l'objectif de 120.000 est bien celui de 2007, pour arriver au total à 168.000. Dans toute cette gamme, le retard était tel qu'il y a encore des points difficiles, des points de tension. En matière d'urgence, ou du moins de logement particulier, pour les demandeurs d'asile, nous avons portés à 37.000 les places et il n'y a pas de difficultés. Les CHRS, c'est-à-dire les centres où il y a un accompagnement, où on est là avec un accompagnement d'insertion, toujours dans le domaine local, a été porté aussi à près de 40.000. Et puis, on a le problème particulier, très particulier, des 13.500 places de l'hébergement d'extrême urgence qui n'est de nuit, vous savez, avec les maraudes, en gros le Samu social. Dans ce domaine, C. Vautrin a proposé que ces 13.500, pour l'essentiel, deviennent non pas des places provisoires mais des places avec un hébergement 24 heures sur 24. Et enfin, j'ai lu qu'on demandait qu'on poursuive le logement social ; oui, mais c'est ce qu'on fait, et à une vitesse...
Q- Mais qui demande ça ? C'est N. Sarkozy, par exemple, qui dit qu'il faut faire plus ?
R- Non, un certain nombre d'associations, l'association les Enfants Don Quichotte. Aucun gouvernement - parce que c'est facile de venir après donner des leçons - aucun gouvernement n'a fait un triplement de logements sociaux ! Le dernier sujet qui est le logement opposable : j'entends parler du droit au logement opposable...
Q- N. Sarkozy parle effectivement du droit au logement opposable.
R- Le droit au logement opposable, j'ai donné mon accord il y a des mois et des mois dans le cadre de la loi engagement national pour le logement. D. de Villepin et moi-même avons confié à X. Emmanuelli un rapport, parce que droit opposable à qui ? Est-ce que c'est à la ville, à l'agglomération, au département, à l'Etat, à l'office d'HLM ou à la SA HLM ? Donc, nous avons confié cette mission à X. Emmanuelli qui nous rend son rapport dans les quinze jours, ce qui nous permettra de saisir le Parlement, mais sur un texte précis.
Q- Autrement dit, tout ce que dit N. Sarkozy actuellement, en insistant sur ce dossier, arrive après la bataille ?
R- Rien n'interdit un candidat à la présidentielle, puisque ce n'est pas encore fait, de le mettre dans son programme, surtout que c'est plutôt une bonne idée.
Q- Cela nous amène à la politique. Qu'est-ce que vous dites, par exemple, de la récente séquence à l'UMP où M. Alliot-Marie a participé à des forums avant de dire qu'elle ne participera pas à une primaire face à N. Sarkozy ?
R- Elle a, en tout cas, permis qu'il y ait ces forums. Sans elle, je ne sais pas s'ils auraient eu lieu. Cela permis aux uns et aux autres dé débattre, probablement de clarifier un certain nombre de choses. C'est pendant cette période de forums que le paysage politique a légèrement bougé, notamment à Bordeaux. Donc, voilà, c'est une séquence de débats internes à l'UMP.
Q- Il peut y avoir un espace pour se présenter en dehors de l'UMP ?
R- Cela me paraît compliqué, mais chacun est face à son destin dans ce genre de chose. Je la laisse vraiment le soin d'apprécier, c'est une femme éminemment courageuse.
Q- Vous-même, vous avez dit qu'en janvier vous allez présenter un projet social d'ordre présidentiel que vous discuterez avec le candidat choisi par l'UMP. Vous en êtes où ?
R- Je travaille. Vous voyez ma mine, je travaille avec acharnement. J'y vois très clair. Vous savez, c'est très facile la société des "y a qu'à", "faut que", d'avancer des chiffres et dire "ça serait formidable que". En gros, tout le monde a envie de vivre plus âgé, d'être en bonne santé, d'avoir un beau logement pas cher et très grand. Tout le monde a envie d'avoir un ascenseur social. La vraie question, c'est comment on fait ? Vous voyez, moi, je suis un pratique. Il y a cinq chantiers principaux, absolument cruciaux pour les vingt ans qui viennent ; j'ai bien l'intention d'en débattre avec les Français et avec l'UMP, évidemment, le candidat qui sera désigné par l'UMP.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 janvier 2007