Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la croissance économique, les exportations, le pouvoir d'achat, le prix du carburant, les enjeux économiques de l'élection présidentielle : démographie, immatériel, post-pétrole, Paris le 19 décembre 2006.

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Circonstance : Conférence de presse trimestrielle à Bercy le 19 décembre 2006

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de nous avoir rejoints ce matin pour notre 8e rendez-vous trimestriel. Comme vous le voyez le Gouvernement travaille et Bercy en particulier est plus que jamais en action : les ministres délégués et les directeurs du ministère sont engagés à 200 % et je veux saluer leur action ! Et je veux répéter devant vous qu'il en sera ainsi jusqu'au dernier jour de mon mandat ! Et d'ailleurs, je vous réunirai plus souvent à partir de la rentrée car j'ai encore beaucoup de choses à vous dire.
Je voudrais ce matin, comme à l'habitude, faire le point avec vous sur l'actualité de notre économie et différents projets que je mènerai dans les prochaines semaines.
A. ACTUALITÉ ÉCONOMIQUE
1. CONJONCTURE - RADAR : un point sur la situation conjoncturelle
La situation est bonne - car nous serons bien dans notre fourchette -, mais vous le savez, cela ne me satisfait pas : la France doit faire mieux.
Après une croissance du 3e trimestre que j'avais jugée, vous vous en souvenez, décevante mais pour l'essentiel accidentelle, l'Insee vient de confirmer que l'économie française restait bien dans la course tant en 2006 qu'en 2007. Je m'en réjouis et cela conforte l'analyse que j'avais esquissée à l'époque : l'accélération exceptionnelle du 1er semestre et l'atonie du 3e trimestre sont en réalité liées :
- notre économie a en effet progressé au 1er semestre sur un rythme annuel de +3,4 %, dans le peloton de tête de la zone euro ;
- et le ralentissement accidentel de l'été se confirme bien comme un contrecoup technique, provenant notamment du fort déstockage des entreprises qui avaient abondamment garni leurs stocks au 2e trimestre.
Par conséquent, si l'on gomme ses mouvements de « yo-yo » statistiques et que l'on regarde vraiment la tendance de fond de notre économie, on voit bien que le diagnostic conjoncturel que je portais il y a 6 mois reste le même : l'économie française connaît depuis la mi-2005 une phase de franche accélération. C'est d'ailleurs bien ce que montre le « radar » réalisé sur les 6 derniers mois disponibles, c'est-à-dire les 2e et 3e trimestres - je sais que certains parmi vous l'attendaient impatiemment, le voici ! Comme vous le voyez, l'économie française continue son expansion dans pratiquement toutes ses dimensions - à l'exception des exportations, je vais y revenir. Plus précisément :
- la moyenne annualisée de la croissance des 2e et 3e trimestres ressort à +2,3 %, contre seulement +1,4 % il y a un an ;
- cette accélération de la croissance reflète surtout celle de notre demande intérieure, à la fois consommation et investissement, qui reste la « valeur sûre » de l'économie française et, pour moi, le meilleur indicateur de confiance des acteurs économiques, ménages et entreprises ;
- la consommation est elle soutenue par l'accélération du pouvoir d'achat et la poursuite de la baisse du chômage, qui atteint 8,8 % fin octobre, soit 1 % de moins qu'il y a un an et proche de ses records depuis 25 ans.
Un mot sur nos exportations qui vont beaucoup mieux que ne le laisse apparaître le radar de ce semestre :
- d'abord, vous le savez, il y a des anomalies statistiques en cours d'investigation dans les chiffres du commerce extérieur des 6 premiers mois de l'année, notamment des flux inhabituels d'imports-exports de téléphones portables ;
- ensuite, les chiffres du commerce extérieur du 3e trimestre ont été affectés par le décalage de la signature de quelques « grands contrats » qui ont des calendriers bien spécifiques ; en revanche, les perspectives de livraisons de « grands contrats » sur les prochains mois sont au contraire très bien orientées.
Surtout, je rappelle - et je salue le travail remarquable de Christine LAGARDE à mes côtés - que sur les 9 premiers mois de l'année 2006, nos exportations ont progressé de près de +10 % par rapport aux 9 premiers mois de 2005 ; la progression atteint même +39 % vers la Chine, +36 % vers la Russie et +31 % vers l'Inde !
Mais ce qui m'intéresse surtout aujourd'hui, ce sont les perspectives de croissance pour le 4e trimestre qui sont bonnes, voire très bonnes :
- le climat des affaires dans l'industrie, comme dans les services et la construction, se situe nettement au-dessus de sa moyenne ;
- la consommation manufacturée d'octobre a progressé de +0,9 % et les mois de novembre et décembre devraient être soutenus par le niveau très faible de l'inflation, à +1,4 % seulement en novembre, malgré un pétrole toujours élevé ; le « chariot-type » a même baissé depuis septembre, ne coûtant plus que 100,91 euros, soit une augmentation de seulement 91 cents en près de 2 ans, soit 3 fois moins que l'inflation globale !
- les perspectives d'accélération de l'investissement des chefs d'entreprises sont aussi le signe de leur confiance dans l'avenir : les industriels tablent pour 2006 sur la plus forte progression de leurs investissements depuis 2000 ;
- dernier point et non des moindres, l'environnement international reste porteur : le prix du pétrole se maintient autour de 60 $, la conjoncture européenne et notamment allemande est au plus haut depuis 6 ans et le taux de change euros/$, après une volatilité excessive il y a 2 semaines, s'est de nouveau stabilisé. Tous ces éléments, et la disparition des événements ponctuels qui ont perturbé les trimestres précédents, devraient permettre à nos exportations de rebondir nettement au 4e trimestre.
Au total, cela conduit l'Insee à anticiper une croissance de +0,9 % au 4e trimestre, qui effacera en grande partie le 0 % du 3e trimestre. La croissance devrait se situer dans la première moitié de la fourchette de 2 %-2,5 % que j'ai toujours retenue : c'est le potentiel actuel de notre économie, mais vous savez que je ne m'en satisfais pas, et je vais y revenir.
Début 2007, notre économie devrait poursuivre sur cette tendance entre 2 % et 2,5 % - c'est aussi l'avis de l'Insee, avec notamment la perspective d'un chômage revenu à 8,6 % dès la fin de l'année, puis à 8,2 % en juin prochain, soit les meilleurs résultats depuis 1983, notamment grâce à mon ami Jean-Louis BORLOO qui fait un travail formidable !
Il y a aussi dans ces perspectives l'effet de la réforme fiscale qui prendra effet en 2007 et qui va redistribuer aux Français près de 0,5 point de pouvoir d'achat et contribuera à soutenir consommation et baisse du chômage.
Alors oui, s'agissant de la question fiscale, je suis littéralement effondré quand je lis à la une du Monde hier que François HOLLANDE annonce « Nous reviendrons sur toutes les baisses d'impôts ! ».
Je suis effondré parce que, malheureusement pour nous, il est sérieux. Voilà une promesse de campagne dont on peut être certain que les socialistes l'appliqueront s'ils arrivent aux affaires. Au pouvoir dans 20 régions françaises, ils ont déjà fait exploser les impôts locaux et viennent même de mettre leur part régionale de TIPP au maximum possible, comme si le pétrole n'était pas assez cher comme ça !
Je suis aussi effondré parce que :
- dire qu'on va augmenter les impôts, ça revient à dire qu'on va baisser le pouvoir d'achat de tous les Français ! J'avais pourtant cru entendre des promesses de Mme Royal sur la « vie chère » et le pouvoir d'achat !?
- dire qu'on va augmenter les impôts des Français, ça revient aussi à dire qu'on veut casser la consommation et la croissance. Alors autant dire qu'on veut des chômeurs en plus !
Décidément, la gauche française se veut moderne mais elle a toujours le même vieux problème avec le sens de l'histoire économique :
- elle baisse l'âge de la retraite quand l'espérance de vie explose ;
- elle nationalise à tout va quand les autres pays privatisent ;
- elle réduit le temps de travail à l'heure de la mondialisation ;
- et aujourd'hui, en pleine compétition fiscale, la voilà qui promet à tous les Français de, je cite : « revenir sur toutes les baisses d'impôts ». Augmenter tous les impôts des Français comme « désirs d'avenir », au moins, ça a le mérite de la clarté : les Français jugeront !
2. POUVOIR D'ACHAT : LA NÉCESSITÉ DE MIEUX MESURER LE COÛT DE LA VIE
Restons un instant dans le domaine des indicateurs économiques. Je voudrais en effet préciser les conclusions que je tire de la Conférence de l'Emploi et des Revenus de jeudi dernier en matière de mesure du coût de la vie, sujet de préoccupation majeure pour nos concitoyens.
Le constat partagé, et explicité dans le rapport du CERC, c'est l'écart grandissant entre le ressenti de nos concitoyens et les indicateurs macroéconomiques qui mesurent usuellement l'évolution du coût de la vie. Selon la plupart des enquêtes, cet écart est aujourd'hui au plus haut depuis 20 ans.
Certes, je suis le premier à reconnaître que certains prix ont bondi lors du passage à l'euro. Mais je trouve que l'euro a « bon dos » : d'autres facteurs ont joué, comme le pétrole ou le logement. Surtout, les hausses de prix liées au passage à l'euro, qui ont également eu lieu dans d'autres pays d'Europe, ont été absorbées, preuve qu'aujourd'hui tout ceci est bel et bien derrière nous... Pour autant, en France, on continue aujourd'hui à incriminer l'euro. Je dis stop ! Il faut regarder la vérité en face : des facteurs spécifiquement français ont joué, je veux parler des 35 h. Car quand on renchérit le coût du travail, il ne faut pas s'étonner ensuite que les prix des produits et services de proximité augmentent !
Au-delà de ces effets "mécaniques", il y a l'impact des nouveaux modes de consommation, dont la régulation est d'ailleurs l'objet de mon projet de loi sur la Consommation. C'est pourquoi le Premier ministre a, sur ma proposition, souhaité disposer, à côté des indices déjà produits par l'Insee et dont la qualité n'est pas en cause, d'autres indicateurs permettant de coller au plus près des nouvelles modalités de consommation. J'ai donc décidé d'ouvrir trois chantiers sur ce sujet :
- Le premier besoin identifié est celui de disposer d'indices de prix catégoriels, c'est-à-dire en finir avec la seule image « moyenne » et « monolithique » de l'indice des prix global, dans laquelle personne ne se reconnaît. L'Insee a mis en place 8 premières segmentations de la population qui permettent de mieux se repérer. Il me semble donc indispensable que ces développements puissent être poursuivis, en s'appuyant notamment sur les réflexions en cours au Conseil d'analyse économique (CAE), de façon à mieux saisir l'inflation à laquelle sont exposées des populations particulières, et par conséquent mieux mesurer l'évolution de leur pouvoir d'achat spécifique. Vous pouvez en découvrir ici quelques exemples, avec les écarts d'évolutions par rapport à la moyenne des prix auxquels font face les plus de 75 ans, les ménages urbains de l'agglomération parisienne, les couples avec 3 enfants et plus ou encore les personnes aux revenus les plus modestes. Sans être radicalement différentes de l'inflation globale, ces indices catégoriels donnent effectivement une image nuancée de la réalité du pouvoir d'achat de nos concitoyens.
- Deuxièmement, le logement mérite un effort spécifique. L'indice des prix ne prend en effet en compte qu'une partie du coût du logement, plus précisément les loyers et pas le coût d'acquisition des logements quand on fait le choix de devenir propriétaire. Conformément à la demande formulée par la CLCV, je souhaite que l'Insee puisse me proposer d'ici fin janvier différentes pistes pour prendre en compte les prix de l'ensemble des dépenses de logement des ménages, y compris les dépenses d'achat de logement, notamment les remboursements d'emprunts. Ceci reflètera beaucoup mieux par exemple la hausse des prix de l'immobilier que l'on ne voit pas dans les prix à la consommation.
- Troisièmement, le sujet essentiel des dépenses dites "contraintes". Il est raisonnable de penser que ces dépenses représentent désormais beaucoup plus du tiers des dépenses des ménages : l'Insee les estime grossièrement à 36 %. Je souhaite d'abord que cet indicateur de l'Insee soit affiné et suivi régulièrement à partir de mars.
Ensuite, il nous faut aussi suivre de près les prix de certaines de ces dépenses contraintes. C'est pourquoi j'ai décidé de faire élaborer un « bouquet de services-type », sur le modèle du « chariot type ». Cet indicateur me paraît particulièrement utile pour certaines dépenses contraintes qui sont liées par des contrats, des abonnements et des forfaits en tous genres pour lesquels les consommateurs ne savent plus vraiment ce que leur coûte le service rendu. Il pourrait à mon sens contenir par exemple le coût des services bancaires, des assurances de toute nature, de la téléphonie fixe et mobile, d'Internet, de la télévision, de l'énergie... Il sera évidemment indispensable de définir des profils type de consommation, tout le monde n'ayant pas Internet ou le câble, chaque ménage n'ayant pas le même nombre d'abonnements de téléphone, ni les mêmes besoins de couverture d'assurances.
Ce nouvel indicateur, élaboré sur la base des dépenses mensuelles avec les associations de consommateurs, constituera un outil de lisibilité et d'alerte puissant pour éviter les dérives et le cas échéant les corriger. Pour mener à bien ce chantier, je souhaite que tout le monde - Insee, DGCCRF, DGTPE, Institut national de la consommation, Credoc et associations de consommateurs - se mette autour de la table et j'ai demandé au DGCCRF d'animer ce travail collectif avec l'objectif de fournir la première valeur de ce « bouquet de services » portant sur les dépenses de février prochain. La première réunion de ce groupe de travail se tiendra le 5 janvier.
3. LA CRÉATION DU SITE CARBURANTS
Il est une dépense particulièrement contrainte pour nos concitoyens : le carburant. Dans le prolongement des initiatives que j'ai déjà prises en matière d'énergie et de carburants, je crois que le nouveau contexte pétrolier et le poids du carburant dans le budget des ménages justifient que le Gouvernement améliore encore l'information de nos concitoyens dans ce domaine.
C'est la raison pour laquelle, comme l'a annoncé le Premier ministre le 15 mai dernier, j'ai voulu innover et créer un site Internet d'information permanente sur les prix des carburants avec l'ambition de donner aux automobilistes la possibilité de consulter en temps réel les prix pratiqués par les différents points de vente de l'hexagone pour le super, le gazole et bientôt le superéthanol E85. C'est un outil très puissant de transparence et d'information sur le marché des carburants qui sera ainsi à disposition du consommateur.
Un arrêté, publié au JO samedi dernier, rend obligatoire la déclaration des prix pratiqués par toute station service vendant un volume significatif (500 mètres cube annuel de carburants). Cet arrêté formalise plusieurs mois de travail avec les distributeurs. Près de 8 000 stations seront référencées sur le site et les premières vont maintenant se mettre à rentrer leur données, et à les mettre à jour chaque fois que les prix varient à la pompe.
Je peux d'ores et déjà vous montrer tout ce que vous allez trouver sur le site à compter du 2 janvier :
Comme vous pouvez le voir, la page d'accueil du site offre plusieurs fonctionnalités :
- des conseils : dans une optique de renseignement aux consommateurs, 10 conseils pratiques leur permettront de rouler en maîtrisant mieux leur consommation.
- une information sur les prix : les consommateurs pourront choisir d'une part le type de carburants sur lequel ils désirent des informations : gazole ; sans plomb95 ; E85 (à compter de janvier 2007).
D'autre part, ils pourront choisir le secteur géographique sur lequel ils désirent des informations (département ou commune), sachant que nous sommes en train de réaliser une application qui dans quelques temps leur permettra en plus de sélectionner un itinéraire.
Prenons l'exemple du Pas-de-Calais. Un écran de résultats paraît alors, classant les points de vente par communes, noms et marques ; les prix pratiqués sont indiqués (les prix ne sont pas indiqués pour cette présentation, leur mise à jour sera faite pour l'ouverture du site) ainsi que la date de dernière mise à jour. L'écran de résultats permet de trier par ordre de prix, de commune, de marque ou de point de vente.
De même qu'on peut choisir de rechercher par département, on peut aussi rechercher par commune.

Prenons l'exemple de la ville de Nice. Des fonctionnalités de recherche seront là aussi disponibles, comme pour le département. Un tri simple par prix, marque et nom du point de vente sera possible ainsi que des fonctions de recherche plus affinées.
En cliquant sur une station, les internautes pourront obtenir des informations complémentaires, son adresse, ses heures d'ouverture et jours de fermeture, les services offerts...
Dans l'exemple, vous pouvez voir que la station sélectionnée propose des automates, une boutique alimentaire et une non-alimentaire, vend du fioul domestique, des carburants de qualité supérieure, du GPL, qu'on peut y vérifier la pression de ses pneus, laver son véhicule, y faire effectuer un certain nombre de travaux et qu'il y a aussi une piste pour les poids lourds...
Voilà les informations auxquelles les automobilistes vont désormais avoir accès. Rendez-vous donc le 2 janvier !
4. PROJET DE LOI CONSOMMATION
Dernier point d'actualité en matière de pouvoir d'achat, je vous rappelle que le Gouvernement a adopté début novembre sur ma proposition un projet de loi en faveur des consommateurs, qui sera discuté à l'Assemblée nationale à partir de la dernière semaine de janvier. Cela nous donne le temps nécessaire pour son examen parlementaire. Il comporte en effet de très nombreuses mesures très concrètes pour améliorer le pouvoir d'achat par le renforcement de la concurrence et par un rééquilibrage des rapports de force au profit des consommateurs dans de nombreux domaines économiques. Ce sera donc un rendez-vous important pour la défense du pouvoir d'achat de tous nos concitoyens.
B. TROIS ENJEUX ÉCONOMIQUES DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
J'en viens maintenant à ce qui occupe de plus en plus un grand nombre d'entre vous : les grands enjeux économiques de l'élection présidentielle. En économie, qui dit enjeux, dit vision. Pour ma part, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire que j'inscrivais jusqu'au terme de mon mandat l'action de Bercy autour de 3 ambitions :
1re ambition : à horizon de 25 ans, la France peut se mobiliser pour prétendre faire partie du « top 5 » des économies mondiales.
2e ambition : dans ce but, à horizon de 10 ans, notre pays doit chercher à devenir l'économie la plus dynamique parmi les grands pays européens.
3e ambition : d'ici 2010, pour réussir ces défis, il faut être le pays le mieux préparé à ce que j'appelle « l'économie d'après ».
Les règles et les facteurs de compétitivité économique sont en train de changer en profondeur en raison de 3 grands renversements de tendance bien connus. L'avènement d'une économie post transition démographique, post industrielle et post pétrole va définir de nouveaux modèles de croissance. Voilà pour moi 3 enjeux économiques majeurs de l'élection présidentielle : la transition démographique, l'économie de la connaissance et de l'immatériel, l'énergie.
1. LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE
L'enjeu démographique est en réalité double : un enjeu de finances publiques (comment continuer d'assurer un haut niveau de protection sociale à nos aînés sans dégrader l'état de nos finances publiques ?) et un enjeu économique (comment continuer de croître alors que les seniors sont de plus en plus nombreux ?).
a. Finances publiques :
Dans le domaine des finances publiques, je ne reviens pas sur les efforts sans précédent qu'ont accomplis les gouvernements de Jean-Pierre RAFFARIN et de Dominique de VILLEPIN : installation de la norme « 0 volume » pendant 4 ans, réformes des retraites et de l'assurance maladie, mise en oeuvre de la LOLF...
Aujourd'hui les premiers résultats sont là :
- la France est le premier des grands pays européens à être revenu sous les 3 % dès 2005 et nous devrions officiellement sortir le mois prochain de la procédure pour déficit excessif dans laquelle les 35 h non financées nous avaient fait plonger en 2003 ;
- je suis confiant quant à la réduction annoncée de notre déficit public cette année, à -2,7 %, qui devrait d'ailleurs se poursuivre l'an prochain conformément au PLF 2007, pour revenir à -2,5 % ;
- l'endettement devrait baisser de 2 % du PIB en 2006 puis de 1 % en 2007 : c'est du « jamais vu » dans notre histoire budgétaire !
Mais plus important encore : tous ces résultats s'inscrivent dans le plan quinquennal que nous avons fixé avec le Premier ministre il y a un an et qui vise le retour à l'équilibre de nos comptes publics et le retour sous 60 % du PIB de notre endettement en 2010. Et les résultats obtenus montrent précisément que nous tenons le cap de ce plan quinquennal : c'est d'ailleurs ce que le Gouvernement a rappelé en début de mois dans son programme de stabilité 2008-2010 transmis à Bruxelles. Il figure sur le site du ministère pour ceux qui n'en auraient pas encore pris connaissance. C'est bien cet engagement qui sous tendra la prochaine Conférence nationale des finances publiques qui tiendra sa deuxième réunion en février prochain à Bercy.
Je ne vois pas de raison qui justifierait aujourd'hui de repousser de 2 années supplémentaires la poursuite de la diminution de la dépense publique et de la réduction de notre endettement : notre objectif doit impérativement rester 2010. C'est un enjeu de crédibilité, c'est un enjeu de confiance, c'est un enjeu de croissance.
b. Emploi - temps de travail :
Parallèlement, pour faire face au vieillissement de nos populations, l'emploi et le temps de travail sont aussi des enjeux économiques essentiels. Je ne reviens pas sur les très nombreuses réalisations de ce Gouvernement en la matière. Juste un mot pour vous dire que, comme vous savez, j'ai souhaité que la Conférence de l'emploi et des revenus aborde la question du niveau de croissance potentielle de notre économie et, par conséquent, la question centrale du temps de travail. Le Premier ministre a ainsi souhaité reprendre la proposition que je lui ai faite de lancer une réflexion au Conseil d'analyse économique (CAE) sur "Temps de travail, pouvoir d'achat et compétitivité". La question est simple : comment "libérer" le temps de travail de ceux qui souhaitent travailler plus pour gagner plus, sans affaiblir la compétitivité des entreprises et si possible en la renforçant ? La question des 35 heures sera évidemment traitée dans ce cadre. Mais ce pourrait être aussi l'occasion de préciser les enjeux économiques de l'ouverture des magasins le dimanche : on voit bien ces temps-ci que c'est là une question que beaucoup de nos compatriotes se posent.
2. IMMATÉRIEL
Deuxième enjeu majeur pour notre économie : la réussite de l'entrée de plain-pied dans l'économie de l'immatériel et de la connaissance. Pour porter notre croissance à 3 - 4 % par an, j'ai indiqué que je prendrai plusieurs mesures concrètes immédiates dans le prolongement des recommandations du rapport « Lévy-Jouyet » sur l'économie de l'immatériel, qui est évidemment un enjeu décisif de cette « économie d'après ».
1) D'abord, le rapport Lévy-Jouyet propose de dynamiser la marque France afin de favoriser la création et l'innovation, et dans ce cadre j'ai décidé d'engager une première initiative pour moderniser notre signature nationale.
En effet, notre traditionnel « made in France », pour être apposé sur notre production, exige une réalisation industrielle localisée sur le territoire. Ce faisant, nous ne pouvons pas mettre en avant notre image de marque quand certains produits sont réalisés à l'étranger mais à partir d'un concept, d'une recherche, d'un design ou d'un style français. Là aussi, on ne doit pas se cacher derrière son petit doigt : l'organisation mondiale de la production change en permanence et ce qui sera de plus en plus décisif sera de conserver le coeur de la valeur ajoutée, la capacité de se différencier par rapport aux autres.
Pour combler cette lacune et inventer les outils nécessaires, j'ai décidé de confier à une personnalité renommée la présidence d'un groupe de travail, que j'installerai dans les prochaines semaines, pour me faire des propositions opérationnelles.
L'idée principale est de mettre à l'étude un label « Conçu en France » ou « Designed in France », adapté à l'économie de l'immatériel, pour permettre à notre pays de valoriser et protéger notre créativité, notre style, notre image de marque, notamment quand les produits sont industriellement réalisés ailleurs mais que nous leur avons apporté cette touche distinctive qui fait la différence et la valeur de notre pays.
Je vous donne donc rendez-vous tout début janvier, pour vous dévoiler, avec Christine LAGARDE - qui travaille sur ces sujets à mes côtés -, le nom de celui qui assurera la Présidence de ce groupe de travail, à l'occasion de son installation.
2) Dans cette nouvelle économie de l'immatériel, il faut aussi mieux protéger et défendre nos actifs immatériels, nos marques, notre savoir-faire. Je me suis personnellement exprimé lors de la dernière réunion des ministres des finances du G7 à Singapour pour réaffirmer l'importance de la lutte contre les contrefaçons et le piratage pour la France. Nous avons été à l'origine, avec le Japon et les États-Unis, d'une initiative pour définir des standards internationaux dans ce domaine. Nous allons continuer de travailler activement avec nos partenaires afin de dégager le consensus international le plus large possible sur la lutte contre la contrefaçon. C'est pourquoi, pour compléter cette approche, je vais personnellement écrire à chacun de mes homologues pour proposer la mise en place d'une véritable structure internationale en charge d'organiser de manière permanente la coopération dans la lutte contre la contrefaçon sur le modèle du GAFI, initiative française d'il y a quelques années pour lutter contre les circuits financiers occultes et le financement du terrorisme.
3) L'économie de l'immatériel est aussi l'économie des Technologies. Avec François LOOS, nous souhaitons la constitution d'un nouveau pôle de compétitivité du logiciel libre et de l'open source. Les acteurs français se sont fortement mobilisés, un dossier a été déposé et formalisé avec l'appui des services. Ce très beau projet doit pouvoir être présenté et labellisé lors du prochain CIADT, au 1er trimestre 2007. Il constituera un second creuset de l'immatériel avec PARIS EUROPLACE qui va créer une passerelle entre notre savoir faire scientifique et notre savoir faire financier et auquel le Premier ministre a déjà donné son accord pour sa labellisation en pôle de compétitivité de dimension mondiale
4) J'ai également indiqué que mon ministère allait s'organiser pour mieux prendre en compte les enjeux liés à l'économie de l'immatériel, ce qui est aussi une recommandation phare du rapport Lévy-Jouyet. A cette fin, je vous annonce que je charge M. Claude RUBINOWICZ, Inspecteur général des Finances d'une mission de préfiguration d'une nouvelle agence des actifs immatériels de l'État, sur le modèle de l'agence de l'immobilier « France Domaine » pour l'immobilier de l'État, ou de l'agence des participations de l'État, et qui aura pour mission de mieux évaluer et valoriser les actifs immatériels publics.
5) L'économie de l'immatériel change enfin notre rapport au Temps. Dans un monde où le « juste à temps » et le « temps réel » sont désormais la référence, le Gouvernement a retenu l'une des recommandations phare de la Commission Lévy-Jouyet : la mise en place du prélèvement de l'impôt à la source. Avec Jean-François COPÉ, nous souhaitons maintenant engager le débat public. À cette fin, j'ai décidé de charger Raymond VIRICELLE, ancien avocat général à la Cour de Cassation, Claude BEBEAR, président du Conseil de surveillance d'AXA, et François AUVIGNE, Inspecteur général des Finances, ancien directeur général des Douanes et ancien directeur de cabinet de Christian SAUTTER, de conduire ce débat essentiel dans le cadre d'une large concertation avec les Commissions parlementaires, les partenaires sociaux les entreprises - notamment les PME -, les caisses de retraite, les associations de contribuables, les administrations concernées et bien sûr les syndicats de Bercy. Elle devra notamment porter, avec l'appui des directions concernées sur cinq sujets principaux :
1- le champ des revenus concernés par la retenue à la source ;
2- le choix du taux de prélèvement par les membres d'un même foyer fiscal, sachant qu'il n'est évidemment pas question de remettre en cause le quotient familial ;
3- la confidentialité des données personnelles de nos concitoyens vis-à-vis des employeurs ;
4- l'accompagnement des adaptations informatiques nécessaires pour les entreprises ;
5- les garde-fous à mettre en place pour éviter des comportements abusifs d'optimisation fiscale en 2008, dont je vous rappelle que je propose qu'elle soit une année de non imposition.
3. POST-PÉTROLE
Troisième enjeu essentiel pour notre économie, mais aussi pour la place de la France dans le monde : l'énergie, au seuil de l'ère de l'après-pétrole. Notre responsabilité est d'adapter notre pays et nos entreprises aux bouleversements auxquels nous assistons chaque jour dans ce secteur.
Jusqu'aux années 2000, nous vivions encore essentiellement dans un univers énergétique national, hérité de la reconstruction de l'après-guerre. Ce mode d'organisation a permis de grandes choses (parc nucléaire, électrification du territoire), mais n'était plus adapté à une problématique européenne voire mondiale.
Avec la loi relative au secteur de l'énergie, l'énergie en France franchit réellement le seuil du 21e siècle :
À côté de l'inaction du gouvernement de Lionel JOSPIN qui n'a rien fait pour préparer EDF et GDF, qui n'a rien fait pour poursuivre la construction du parc nucléaire français, qui a fait voter un tarif social de l'électricité, puis a « oublié » de le mettre en oeuvre, nous avons :
- libéré EDF et Gaz de France pour leur permettre de se développer en levant des fonds sur les marchés afin de démultiplier leur capacité d'investissement pour préparer l'avenir ;
- engagé avec détermination l'avenir du nucléaire en France, avec l'EPR de Flamanville dont EDF pilote la réalisation, la construction d'un prototype de 4e génération à l'horizon 2020 et l'implantation d'ITER en France ;
- nous mettons en place le tarif transitoire d'adaptation du marché de l'électricité qui permet aux entreprises ayant quitté les tarifs réglementés de bénéficier d'un approvisionnement en électricité à un tarif avantageux pour les 2 prochaines années. Je transmettrai demain au Conseil supérieur de l'Énergie le projet d'arrêté définissant ce tarif et qui est positionné respectivement à 10 % au-dessus du tarif bleu, 20 % au-dessus du tarif jaune et 23 % au-dessus du tarif vert en fonction des consommations des entreprises qui pourront y prétendre ;
- nous avons également mis en place le tarif social de l'électricité. Je vous annonce aujourd'hui que j'ai décidé qu'il serait significativement amélioré dès le début de l'année 2007, en doublant la quantité d'électricité concernée et en portant la réduction sur le tarif de 30 à 50 % pour une personne seule et de 50 à 70 % pour une famille ; c'est plus qu'un doublement de l'avantage offert aux familles démunies, avec une réduction de facture d'environ 265 euros par an en moyenne contre 125 euros avant ;
- et créé le tarif social du gaz, dans la récente loi sur l'énergie. Nous sommes en train d'en finaliser les modalités : il sera mis en oeuvre au printemps.
Nous continuerons notre dialogue avec la Commission Européenne afin de répondre aux interrogations qu'elle exprime sur l'opportunité du maintien des tarifs réglementés.
Mais une chose est sûre : avec notre loi sur l'énergie, notre pays et nos entreprises ont désormais tous les moyens de poursuivre leurs succès dans le domaine de l'énergie.
Voilà Mesdames et Messieurs mes ambitions pour l'économie française et, de fait, mes espoirs pour le débat présidentiel qui s'ouvre.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre maintenant à vos questions, après quoi je vous proposerai de passer à côté où un cocktail nous attend pour entamer avec quelques jours d'avance les fêtes de fin d'année !
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 28 décembre 2006