Texte intégral
Q - Avant de nous pencher sur la situation au Proche-Orient, je voudrais tout d'abord revenir sur le verdict qui est tombé aujourd'hui, à Tripoli en Libye. 5 infirmières bulgares et un médecin palestinien ont été condamné à mort ce matin. Ils sont accusés d'avoir délibérément inoculé le virus du sida à des enfants libyens.
C'est un verdict qui sonne, tout d'abord et bien sûr, comme une mauvaise nouvelle mais aussi un échec de l'Union européenne qui demandait la libération de ces infirmières et de ce médecin ?
R - Tout d'abord, je suis très profondément choqué par ce verdict. La France déplore un tel verdict. J'ai été le seul ministre des Affaires étrangères occidental à pouvoir rencontrer, dans leur prison, ces 5 infirmières et ce médecin palestinien qui y sont depuis de très nombreuses années.
Nous nous sommes beaucoup occupés des enfants de Benghazi contaminés par le virus du sida. Soit en aidant des médecins, des infirmières, des personnes de laboratoire, à Benghazi même, en Libye, soit en faisant venir plus d'une centaine d'enfants atteints du sida dans nos hôpitaux français, sur des fonds libyens.
Comme vous le savez, la France est contre la peine de mort. Nous condamnons la peine de mort, l'Union européenne condamne la peine de mort, et je voudrais faire appel à la clémence des autorités libyennes. En effet, elles auront, tôt ou tard, à s'occuper de cette question car ces infirmières bulgares et ce médecin palestinien vont évidemment interjeter appel de cette décision de la justice libyenne.
Q - Concernant le Proche-Orient, Mahmoud Abbas a pris le risque d'annoncer des élections anticipées dans les Territoires palestiniens, une décision contestée par le Hamas évidemment, le parti islamiste au pouvoir.
Monsieur le Ministre, êtes-vous favorable à la tenue d'élections anticipées dans les Territoires palestiniens ?
R - C'est aux Palestiniens de décider, ce n'est évidemment pas à la France de dire s'il faut le faire ou non. Est-ce que les conditions juridiques, en fonction des textes, permettent ces élections ou non ?
Ce que je sais, c'est que nous souhaitons que le statu quo prenne fin, car la situation aujourd'hui dans les Territoires palestiniens est la chose la plus effrayante qui soit. Depuis dimanche, on voit que les deux parties, le Fatah et le Hamas, parlent d'un cessez-le-feu : je vois qu'il n'est pas respecté. La France demande le respect de ce cessez-le-feu. J'ai écouté Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, qui demande un gouvernement d'union nationale qui respecterait les trois conditions du Quartet, de la communauté internationale.
Q - Mais cela fait des mois qu'il essaie de le mettre en place !
R - En effet, et nous soutenons cela car il est majeur que le président Mahmoud Abbas puisse être respecté et qu'il puisse constituer ce gouvernement d'union nationale, qui prenne en compte la renonciation à la violence, la reconnaissance d'Israël, ainsi que les accords passés entre Israël et l'OLP. Si nous continuons ainsi, ce sera le chaos et personne n'a rien à y gagner.
Je crois qu'il faut reconstruire les Territoires palestiniens le plus vite possible, comme l'a dit le Premier ministre britannique.
Q - Quelle est la marge de manoeuvre des Européens dans ce dossier aujourd'hui ?
R - Cette année, les Européens auront donné 650 millions d'euros pour les Territoires palestiniens. Il faut poursuivre cette aide car la situation humanitaire dans les Territoires est effrayante. Il y a plus de 6 mois que la plupart des fonctionnaires n'ont pas été payés.
Q - Ces euros sont-ils réellement parvenus dans les caisses de l'Autorité palestinienne ?
R - Oui, en particulier au niveau du système de santé. Pour être allé à plusieurs reprises à Ramallah ou à Gaza, je peux vous dire que la situation dans les hôpitaux est effrayante, notamment dans le domaine de la mortalité infantile. Il faut donner un minimum d'espoir et moi je pense qu'il est capital que le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien puissent se rencontrer assez vite afin de sortir de cette crise par le haut. S'il devait y avoir un combat entre Palestiniens, ce serait malheureusement quelque chose d'effrayant pour la suite.
Q - Vous parlez d'euros, Ismaël Hanyeh était en visite à Téhéran il y a quelques jours, et l'Iran a promis de verser 250 millions d'euros au Hamas justement pour les Palestiniens, c'est le nerf de la guerre, pensez-vous que c'est une guerre d'argent ?
R - Ce que vous dites va exactement dans le sens de ce que je viens d'évoquer, c'est-à-dire qu'il faut, à tout prix, qu'il y ait un accord entre les Palestiniens. Car s'il n'y a pas d'accord entre les Palestiniens, des pays voisins s'intéresseront à une partie ou à l'autre, et c'est la guerre qui pourra alors recommencer. Face à la situation dans laquelle nous sommes, nous n'avons pas le droit, aujourd'hui, de ne pas aider Mahmoud Abbas à constituer un gouvernement d'union nationale qui reconnaisse les trois principes du Quartet.
Q - Le président syrien était en visite à Moscou et la Syrie vient de tendre la main, coup sur coup, à Israël et aux Etats-Unis. Refusez-vous toujours de discuter avec la Syrie ?
R - Sur la Syrie, nous n'avons pas changé d'avis. Il faut d'abord qu'elle fasse des gestes concrets qui nous permettent de bien nous rendre compte qu'elle respecte la souveraineté et l'indépendance de ses voisins, en particulier du Liban. Plus que jamais, nous disons aux Syriens qu'il faut montrer, par des gestes concrets, qu'ils sont favorables à la souveraineté et à l'indépendance du Liban.
L'autre jour, l'Union européenne a appuyé la proposition française : dire aux Syriens de faire des gestes concrets. En ce qui concerne le Liban, il faut aider M. Siniora et son gouvernement parce qu'ils sont issus d'élections libres et démocratiques. Il faut à tout prix aider l'effort de médiation de la Ligue arabe car il y a un impératif d'unité des Libanais, un impératif d'efficacité du gouvernement et, enfin, un impératif de justice et d'équité. S'il n'y a pas de Tribunal international pour juger les assassins de ceux qui tentent de déstabiliser le Liban depuis plusieurs années, alors il ne peut y avoir de justice dans la région.
Q - Craignez-vous que les Etats-Unis tendent la main à la Syrie pour essayer de régler tout ou partie du conflit irakien et que cela retombe finalement sur le Liban ?
R - L'Union européenne, en particulier, mais aussi la communauté internationale dans son ensemble, ne peuvent pas accepter l'idée que la Syrie ait, d'un côté, des paroles apaisantes, surtout lorsque ses responsables rencontrent un certain nombre de chefs d'Etats, et, de l'autre, qu'ils ne fassent pas de gestes concrets vis-à-vis de leurs voisins, en particulier vis-à-vis du Liban.
Vous savez, en politique, comme pour le reste, il faut des gestes concrets, les paroles ne suffisent pas.
Q - Ce week-end, l'Envoyé spécial à Gaza du Journal "Libération" Didier François a été blessé par balle, aujourd'hui, vous avez présenté, aux côtés de l'Association "Reporters sans Frontières", un projet de résolution qui sera présenté au Conseil de sécurité de l'ONU, texte qui a pour but de mieux protéger les journalistes en situation de conflits armés. En quoi, une telle résolution est-elle devenue indispensable ?
R - L'année 2006 sera la plus mortelle pour les journalistes. 81 journalistes sont tombés en faisant tout simplement leur travail, en défendant la liberté fondamentale d'informer. Il m'a semblé important qu'au Conseil de sécurité des Nations unies, avec cette force politique que représente cette organisation internationale, nous puissions intervenir. C'est ce que nous avons fait, avec mon homologue grec, en présentant un projet de résolution.
J'espère, même si certains pays ne souhaitent pas obligatoirement la signer, qu'il y aura unanimité autour de trois engagements.
D'abord, Nous avons voulu que des obligations incombent en premier lieu aux gouvernements. C'est l'impératif de la responsabilité de protéger les populations civiles qui s'impose à tous les Etats membres des Nations unies depuis le Sommet du Millénaire, en septembre 2005.
Ensuite, il faut réaffirmer l'obligation pour les Etats de prévenir les crimes perpétrés à l'encontre des journalistes et, quand ces crimes sont commis, d'enquêter, d'appréhender les responsables et de les juger.
Enfin, il faut affirmer solennellement notre engagement commun à respecter l'indépendance des journalistes.
Florence Aubenas, lorsque nous présentions notre projet ce matin, disait qu'il fallait se poser la question de savoir pourquoi les journalistes auraient un traitement de faveur ?
Au Conseil de sécurité, nous avions déjà présenté un projet comparable pour les médecins et pour les personnels d'organisations humanitaires. Dans ce cas précis, on le fait pour les journalistes. Il ne s'agit pas de défendre une personne mais, plutôt, une liberté fondamentale pour le droit : le droit de soigner, le droit d'informer.
C'est évidemment essentiel et j'espère que la France, qui montre l'exemple, sera suivie.
Q - Il y a un endroit où les journalistes ont bien du mal à aller, c'est le Darfour, cette région de l'Ouest du Soudan dans laquelle a déjà lieu une catastrophe humanitaire, je crois qu'on peut le dire ainsi.
Qu'attendez-vous, et quand je dis vous, je pense à la communauté internationale, qu'attendez-vous pour, enfin, imposer un cessez-le-feu au gouvernement soudanais dans cette région ?
R - J'étais au Darfour, il y a quelques semaines. C'était la seconde fois que je m'y rendais et j'ai rencontré le président du Soudan. Il y a un risque humanitaire évident, tout le monde le sait : 300.000 morts, 2 millions et demi de personnes déplacées, 150.000 personnes aujourd'hui sans accès à l'aide humanitaire. Il y a également un risque politique de partition du Soudan, avec une remise en cause des accords du Sud qui, je le rappelle, ont été signés au mois de janvier 2005, après 20 années de guerre civile.
De plus, il y a un risque d'extension de cette situation, en particulier au Tchad et en République centrafricaine.
Ce qu'il faut à tout prix, c'est un processus politique. J'entends parfois les Américains ou d'autres dire qu'il faut empêcher le survol du Darfour. Mais le Darfour, c'est aussi grand que la France, ce n'est donc pas grâce à une opération militaire, là non plus, que nous pourrons aboutir, c'est uniquement à l'aide d'un processus politique. Il faut donc que le président soudanais, et je lui en ai parlé, accepte une force de l'Union africaine avec les moyens logistiques de l'ONU.
Q - Mais pour l'instant, cette force africaine ne "tient pas la route" ?
R - Parce que les moyens logistiques de l'ONU ne sont pas encore mis à la disposition de cette force africaine. Je suis allé voir les représentants de l'Union africaine et lorsque l'on sait que leurs camions et ceux du gouvernement soudanais sont approvisionnés en essence par la même société, on peut évidemment douter de l'efficacité de cette force africaine. Ce qu'il faut, c'est que le contingent de l'Union africaine fonctionne avec le soutien logistique de l'ONU. Je crois que nous y sommes arrivés.
Q - Le président soudanais est-il d'accord à présent ?
R - Oui, le président peut, je le crois, donner son accord sur cette question et il faudra aussi remettre autour de la table tous les groupes rebelles qui n'ont pas signé le Protocole d'Abuja - il s'agit d'Abuja plus -, la France fera tout pour cela.
Q - M. Douste-Blazy, il nous reste une minute pour parler d'un autre sujet qui concerne l'Afrique, c'est la Somalie. Les Tribunaux islamistes qui ont pris le pouvoir en Somalie il y a quelques mois sont à deux doigts de lancer une guerre contre l'Ethiopie. Là aussi, faut-il s'attendre à une catastrophe dans cette région de la Corne de l'Afrique déjà bien désespérée ?
R - Notre position est très claire, nous ne reconnaissons qu'une seule autorité en Somalie : le gouvernement de transition et rien, en dehors des institutions de transition, ne peut être reconnu. Il n'y a qu'une seule solution, c'est le processus politique. Nous n'acceptons absolument pas que l'on évoque le "Somaliland", c'est quelque chose qui n'est pas acceptable.
Nous pensons qu'il ne faut travailler qu'avec le gouvernement de transition. Nous pensons qu'il faut l'aider, en soutenant le processus politique. En Somalie, comme ailleurs, la solution militaire ne doit pas prévaloir.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 décembre 2006
C'est un verdict qui sonne, tout d'abord et bien sûr, comme une mauvaise nouvelle mais aussi un échec de l'Union européenne qui demandait la libération de ces infirmières et de ce médecin ?
R - Tout d'abord, je suis très profondément choqué par ce verdict. La France déplore un tel verdict. J'ai été le seul ministre des Affaires étrangères occidental à pouvoir rencontrer, dans leur prison, ces 5 infirmières et ce médecin palestinien qui y sont depuis de très nombreuses années.
Nous nous sommes beaucoup occupés des enfants de Benghazi contaminés par le virus du sida. Soit en aidant des médecins, des infirmières, des personnes de laboratoire, à Benghazi même, en Libye, soit en faisant venir plus d'une centaine d'enfants atteints du sida dans nos hôpitaux français, sur des fonds libyens.
Comme vous le savez, la France est contre la peine de mort. Nous condamnons la peine de mort, l'Union européenne condamne la peine de mort, et je voudrais faire appel à la clémence des autorités libyennes. En effet, elles auront, tôt ou tard, à s'occuper de cette question car ces infirmières bulgares et ce médecin palestinien vont évidemment interjeter appel de cette décision de la justice libyenne.
Q - Concernant le Proche-Orient, Mahmoud Abbas a pris le risque d'annoncer des élections anticipées dans les Territoires palestiniens, une décision contestée par le Hamas évidemment, le parti islamiste au pouvoir.
Monsieur le Ministre, êtes-vous favorable à la tenue d'élections anticipées dans les Territoires palestiniens ?
R - C'est aux Palestiniens de décider, ce n'est évidemment pas à la France de dire s'il faut le faire ou non. Est-ce que les conditions juridiques, en fonction des textes, permettent ces élections ou non ?
Ce que je sais, c'est que nous souhaitons que le statu quo prenne fin, car la situation aujourd'hui dans les Territoires palestiniens est la chose la plus effrayante qui soit. Depuis dimanche, on voit que les deux parties, le Fatah et le Hamas, parlent d'un cessez-le-feu : je vois qu'il n'est pas respecté. La France demande le respect de ce cessez-le-feu. J'ai écouté Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, qui demande un gouvernement d'union nationale qui respecterait les trois conditions du Quartet, de la communauté internationale.
Q - Mais cela fait des mois qu'il essaie de le mettre en place !
R - En effet, et nous soutenons cela car il est majeur que le président Mahmoud Abbas puisse être respecté et qu'il puisse constituer ce gouvernement d'union nationale, qui prenne en compte la renonciation à la violence, la reconnaissance d'Israël, ainsi que les accords passés entre Israël et l'OLP. Si nous continuons ainsi, ce sera le chaos et personne n'a rien à y gagner.
Je crois qu'il faut reconstruire les Territoires palestiniens le plus vite possible, comme l'a dit le Premier ministre britannique.
Q - Quelle est la marge de manoeuvre des Européens dans ce dossier aujourd'hui ?
R - Cette année, les Européens auront donné 650 millions d'euros pour les Territoires palestiniens. Il faut poursuivre cette aide car la situation humanitaire dans les Territoires est effrayante. Il y a plus de 6 mois que la plupart des fonctionnaires n'ont pas été payés.
Q - Ces euros sont-ils réellement parvenus dans les caisses de l'Autorité palestinienne ?
R - Oui, en particulier au niveau du système de santé. Pour être allé à plusieurs reprises à Ramallah ou à Gaza, je peux vous dire que la situation dans les hôpitaux est effrayante, notamment dans le domaine de la mortalité infantile. Il faut donner un minimum d'espoir et moi je pense qu'il est capital que le président de l'Autorité palestinienne et le Premier ministre israélien puissent se rencontrer assez vite afin de sortir de cette crise par le haut. S'il devait y avoir un combat entre Palestiniens, ce serait malheureusement quelque chose d'effrayant pour la suite.
Q - Vous parlez d'euros, Ismaël Hanyeh était en visite à Téhéran il y a quelques jours, et l'Iran a promis de verser 250 millions d'euros au Hamas justement pour les Palestiniens, c'est le nerf de la guerre, pensez-vous que c'est une guerre d'argent ?
R - Ce que vous dites va exactement dans le sens de ce que je viens d'évoquer, c'est-à-dire qu'il faut, à tout prix, qu'il y ait un accord entre les Palestiniens. Car s'il n'y a pas d'accord entre les Palestiniens, des pays voisins s'intéresseront à une partie ou à l'autre, et c'est la guerre qui pourra alors recommencer. Face à la situation dans laquelle nous sommes, nous n'avons pas le droit, aujourd'hui, de ne pas aider Mahmoud Abbas à constituer un gouvernement d'union nationale qui reconnaisse les trois principes du Quartet.
Q - Le président syrien était en visite à Moscou et la Syrie vient de tendre la main, coup sur coup, à Israël et aux Etats-Unis. Refusez-vous toujours de discuter avec la Syrie ?
R - Sur la Syrie, nous n'avons pas changé d'avis. Il faut d'abord qu'elle fasse des gestes concrets qui nous permettent de bien nous rendre compte qu'elle respecte la souveraineté et l'indépendance de ses voisins, en particulier du Liban. Plus que jamais, nous disons aux Syriens qu'il faut montrer, par des gestes concrets, qu'ils sont favorables à la souveraineté et à l'indépendance du Liban.
L'autre jour, l'Union européenne a appuyé la proposition française : dire aux Syriens de faire des gestes concrets. En ce qui concerne le Liban, il faut aider M. Siniora et son gouvernement parce qu'ils sont issus d'élections libres et démocratiques. Il faut à tout prix aider l'effort de médiation de la Ligue arabe car il y a un impératif d'unité des Libanais, un impératif d'efficacité du gouvernement et, enfin, un impératif de justice et d'équité. S'il n'y a pas de Tribunal international pour juger les assassins de ceux qui tentent de déstabiliser le Liban depuis plusieurs années, alors il ne peut y avoir de justice dans la région.
Q - Craignez-vous que les Etats-Unis tendent la main à la Syrie pour essayer de régler tout ou partie du conflit irakien et que cela retombe finalement sur le Liban ?
R - L'Union européenne, en particulier, mais aussi la communauté internationale dans son ensemble, ne peuvent pas accepter l'idée que la Syrie ait, d'un côté, des paroles apaisantes, surtout lorsque ses responsables rencontrent un certain nombre de chefs d'Etats, et, de l'autre, qu'ils ne fassent pas de gestes concrets vis-à-vis de leurs voisins, en particulier vis-à-vis du Liban.
Vous savez, en politique, comme pour le reste, il faut des gestes concrets, les paroles ne suffisent pas.
Q - Ce week-end, l'Envoyé spécial à Gaza du Journal "Libération" Didier François a été blessé par balle, aujourd'hui, vous avez présenté, aux côtés de l'Association "Reporters sans Frontières", un projet de résolution qui sera présenté au Conseil de sécurité de l'ONU, texte qui a pour but de mieux protéger les journalistes en situation de conflits armés. En quoi, une telle résolution est-elle devenue indispensable ?
R - L'année 2006 sera la plus mortelle pour les journalistes. 81 journalistes sont tombés en faisant tout simplement leur travail, en défendant la liberté fondamentale d'informer. Il m'a semblé important qu'au Conseil de sécurité des Nations unies, avec cette force politique que représente cette organisation internationale, nous puissions intervenir. C'est ce que nous avons fait, avec mon homologue grec, en présentant un projet de résolution.
J'espère, même si certains pays ne souhaitent pas obligatoirement la signer, qu'il y aura unanimité autour de trois engagements.
D'abord, Nous avons voulu que des obligations incombent en premier lieu aux gouvernements. C'est l'impératif de la responsabilité de protéger les populations civiles qui s'impose à tous les Etats membres des Nations unies depuis le Sommet du Millénaire, en septembre 2005.
Ensuite, il faut réaffirmer l'obligation pour les Etats de prévenir les crimes perpétrés à l'encontre des journalistes et, quand ces crimes sont commis, d'enquêter, d'appréhender les responsables et de les juger.
Enfin, il faut affirmer solennellement notre engagement commun à respecter l'indépendance des journalistes.
Florence Aubenas, lorsque nous présentions notre projet ce matin, disait qu'il fallait se poser la question de savoir pourquoi les journalistes auraient un traitement de faveur ?
Au Conseil de sécurité, nous avions déjà présenté un projet comparable pour les médecins et pour les personnels d'organisations humanitaires. Dans ce cas précis, on le fait pour les journalistes. Il ne s'agit pas de défendre une personne mais, plutôt, une liberté fondamentale pour le droit : le droit de soigner, le droit d'informer.
C'est évidemment essentiel et j'espère que la France, qui montre l'exemple, sera suivie.
Q - Il y a un endroit où les journalistes ont bien du mal à aller, c'est le Darfour, cette région de l'Ouest du Soudan dans laquelle a déjà lieu une catastrophe humanitaire, je crois qu'on peut le dire ainsi.
Qu'attendez-vous, et quand je dis vous, je pense à la communauté internationale, qu'attendez-vous pour, enfin, imposer un cessez-le-feu au gouvernement soudanais dans cette région ?
R - J'étais au Darfour, il y a quelques semaines. C'était la seconde fois que je m'y rendais et j'ai rencontré le président du Soudan. Il y a un risque humanitaire évident, tout le monde le sait : 300.000 morts, 2 millions et demi de personnes déplacées, 150.000 personnes aujourd'hui sans accès à l'aide humanitaire. Il y a également un risque politique de partition du Soudan, avec une remise en cause des accords du Sud qui, je le rappelle, ont été signés au mois de janvier 2005, après 20 années de guerre civile.
De plus, il y a un risque d'extension de cette situation, en particulier au Tchad et en République centrafricaine.
Ce qu'il faut à tout prix, c'est un processus politique. J'entends parfois les Américains ou d'autres dire qu'il faut empêcher le survol du Darfour. Mais le Darfour, c'est aussi grand que la France, ce n'est donc pas grâce à une opération militaire, là non plus, que nous pourrons aboutir, c'est uniquement à l'aide d'un processus politique. Il faut donc que le président soudanais, et je lui en ai parlé, accepte une force de l'Union africaine avec les moyens logistiques de l'ONU.
Q - Mais pour l'instant, cette force africaine ne "tient pas la route" ?
R - Parce que les moyens logistiques de l'ONU ne sont pas encore mis à la disposition de cette force africaine. Je suis allé voir les représentants de l'Union africaine et lorsque l'on sait que leurs camions et ceux du gouvernement soudanais sont approvisionnés en essence par la même société, on peut évidemment douter de l'efficacité de cette force africaine. Ce qu'il faut, c'est que le contingent de l'Union africaine fonctionne avec le soutien logistique de l'ONU. Je crois que nous y sommes arrivés.
Q - Le président soudanais est-il d'accord à présent ?
R - Oui, le président peut, je le crois, donner son accord sur cette question et il faudra aussi remettre autour de la table tous les groupes rebelles qui n'ont pas signé le Protocole d'Abuja - il s'agit d'Abuja plus -, la France fera tout pour cela.
Q - M. Douste-Blazy, il nous reste une minute pour parler d'un autre sujet qui concerne l'Afrique, c'est la Somalie. Les Tribunaux islamistes qui ont pris le pouvoir en Somalie il y a quelques mois sont à deux doigts de lancer une guerre contre l'Ethiopie. Là aussi, faut-il s'attendre à une catastrophe dans cette région de la Corne de l'Afrique déjà bien désespérée ?
R - Notre position est très claire, nous ne reconnaissons qu'une seule autorité en Somalie : le gouvernement de transition et rien, en dehors des institutions de transition, ne peut être reconnu. Il n'y a qu'une seule solution, c'est le processus politique. Nous n'acceptons absolument pas que l'on évoque le "Somaliland", c'est quelque chose qui n'est pas acceptable.
Nous pensons qu'il ne faut travailler qu'avec le gouvernement de transition. Nous pensons qu'il faut l'aider, en soutenant le processus politique. En Somalie, comme ailleurs, la solution militaire ne doit pas prévaloir.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 décembre 2006