Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée nationale, sur les priorités du parti socialiste pour l'élection présidentielle de 2007, notamment sur la proposition de rénovation des institutions, Paris le 9 janvier 2007.

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Circonstance : Présentation des voeux à la presse à l'Assemblée nationale le 9 janvier 2007

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve pour ces voeux de la nouvelle année. Vous savez qu'ils seront les derniers dans ma fonction de président du groupe socialiste, ce qui n'ôtera rien à leur chaleur. Alors permettez-moi de vous souhaiter le meilleur dans votre vie personnelle et professionnelle. Je veux espérer que vous trouverez dans les rendez-vous qui s'annoncent la qualité propice à une grande information.
Ces dix années, que nous avons parcourues ensemble, ont été d'une grande richesse. Je ne vais pas vous en infligez le bilan. Ce n'est ni le lieu ni le moment. Je veux simplement rendre hommage aux députés socialistes qui m'ont accompagné ces cinq dernières années. Dans des institutions qui ne font pas la part belle au Parlement et encore moins à l'opposition, nous avons remporté de belles victoires comme le retrait du CPE ou la suspension de la privatisation de GDF. Dans les moments difficiles qu'a traversées la gauche, nous avons su garder notre unité et le sens de l'intérêt général. Je reviendrai sur l'actualité de la campagne et sur le rôle que notre groupe va y jouer. Mais permettez-moi de commencer mon propos par l'actualité parlementaire.
Je pèse mes mots. Cette fin de législature est pour moi une mascarade. Comment qualifier autrement cette avalanche de projets de loi qui s'apparente aux soldes d'un gouvernement avant fermeture. A trois mois de l'élection présidentielle, le Parlement va devoir adopter en six semaines une quinzaine de textes importants. Certains, comme le statut pénal du chef de l'Etat, dorment depuis quatre ans sur le bureau de l'Assemblée. Des sujets aussi importants que la prévention de la délinquance, la responsabilité des juges, le droit des consommateurs ou le droit opposable au logement vont être débattus à la va-vite sans expertise, ni évaluation. Une telle bouillie législative est indigne d'une grande démocratie parlementaire.
Je l'ai dit maintes fois et le répète aujourd'hui. Le plus grand service que peut rendre ce gouvernement est de gérer les affaires courantes et de laisser les Français choisir librement les futures orientations du pays.
Pour ce qui nous concerne, nous mènerons jusqu'au bout cette bataille parlementaire. Avec l'exigence de faire avancer l'intérêt général chaque fois que c'est possible. Quand le chef de l'Etat choisit de clore cette législature en demandant à la représentation nationale de constitutionnaliser l'abolition de la peine de mort, je ne peux que le féliciter. Il s'inscrit dans l'heureuse continuité de François Mitterrand, le président qui a eu le courage de proposer au Parlement d'abolir ce châtiment barbare. Cette constitutionnalisation est un geste fort et symbolique qui fédère la Nation autour d'une de ses plus belles valeurs humanistes. De la même manière nous ne pouvons qu'approuver sa décision de conforter le processus de réconciliation en Nouvelle Calédonie malgré l'hostilité d'une partie de sa majorité.
Quant à la réforme du statut pénal du chef de l'Etat, nous l'avions souhaitée et demandée. Notre groupe avait déposé une proposition de loi en ce sens en 2001. Je regrette néanmoins la forme : il n'est pas très digne d'avoir attendu le moment où Jacques Chirac quitte l'Elysée pour faire passer cette réforme. Il faut évidemment étudier de près le dispositif technique pour éviter que la mise en accusation du président relève du procès politique. En tout état de cause, cette évolution de la responsabilité présidentielle est nécessaire. Mais elle s'inscrit à nos yeux dans une rénovation beaucoup plus vaste des institutions.
Et c'est le deuxième thème que je veux traiter avec vous : les vrais et faux débats de cette élection.
Je me félicite que le travail des organisations humanitaires ait enfin placé la crise du logement au coeur de la campagne. Voilà trois ans que nous tirons la sonnette d'alarme sur l'inflation immobilière, que nous dénonçons l'impossibilité pour des millions de Français qui ont un travail, un salaire, une famille, de se loger décemment. L'an dernier, lors de l'examen du projet de loi Borloo, j'ai moi-même présenté un plan détaillé en sept points pour relancer la politique du logement. Celui-ci figure en toutes lettres dans le programme socialiste et est repris pour l'essentiel par notre candidate. Alors j'avoue éprouver de la colère quand je lis que les socialistes n'ont pas de projet et qu'ils sont à la traîne du gouvernement et de l'UMP sur le droit opposable au logement. De qui se moque-t-on ? La politique du gouvernement et de l'UMP en matière de logement tient depuis cinq ans en trois lignes. Envolée des prix de l'immobilier et des loyers. Tentatives d'exonérer les communes de leurs obligations de construire du logement social. Réduction des aides au logement et des crédits pour l'hébergement d'urgence. Sa conversion tardive au droit opposable et la soudaine création de places d'hébergement d'urgence (qu'on ne trouvait bizarrement pas auparavant) ne sont qu'une manière de faire oublier ce fiasco.
Ce que nous voulons avec Ségolène Royal, c'est sortir de cette politique de coups et de faux semblants qui font désespérer de l'action publique. C'est graver le droit au logement non sur une feuille de papier mais dans la pierre d'une politique. C'est programmer 120 000 logements sociaux chaque année. C'est créer un service public de la caution pour garantir les impayés et éviter les expulsions. C'est introduire 25% de logements sociaux et intermédiaires dans tous les programmes d'aménagement public. C'est développer le prêt gratuit pour permettre aux familles modestes d'accéder à la propriété. C'est construire dans chaque ville un logement d'urgence pour 1000 habitants. Un droit c'est bien. Un toit, c'est mieux !
Il en va de même concernant le développement durable. On peut signer la charte de Nicolas Hulot et estimer que tout n'est pas à prendre où à laisser et que le politique doit garder son droit de suite. Nous considérons par exemple que la création d'un grand service public de l'énergie et l'abaissement de la TVA sur les énergies renouvelables sont plus efficaces que la taxe carbone ou la création d'un poste de vice-premier ministre en charge de l'écologie.
Là est le fil rouge de notre campagne. Rendre la parole publique crédible. Mettre les discours, les valeurs et les actes en concordance. Voilà pourquoi nous allons faire le bilan détaillé de l'action de MM Villepin, Raffarin et Sarkozy. Il est temps qu'ils rendent des comptes sur la contradiction entre la gloriole de leurs annonces et la faiblesse de leurs résultats. Ce qui nous guide, ce n'est pas l'esprit de revanche. Ce n'est pas l'illusion que tout va changer. C'est de mettre en lumière la continuité entre les échecs de ce gouvernement et « la rupture » de M. Sarkozy. C'est d'exiger qu'ils assument la responsabilité de leurs actes devant la Nation plutôt que de l'intoxiquer dans une surenchère de promesses toutes plus mirobolantes les unes que les autres.
Et cela m'amène au rôle des députés socialistes dans cette campagne. J'ai évoqué les dernières batailles parlementaires, le bilan à faire de ces cinq années d'échecs, le démasquage des faux semblants du pouvoir et de son candidat. Mais je veux aussi parler de notre force de propositions.
En cinq ans, nous avons produit beaucoup de projets qui figureront en bonne place dans le programme de notre candidate. Le bouclier logement, le compte épargne formation, le plan de développement des universités et de la recherche, le service civique obligatoire. Ségolène Royal nous a également confié la tâche d'élaborer ses propositions pour remettre d'aplomb les institutions. Ce travail est en cours et il reviendra à notre candidate d'en présenter les conclusions. Je peux cependant dessiner trois priorités.
La première sera de définir un nouveau partage des responsabilités et des missions entre l'Etat, les collectivités locales, les partenaires sociaux et les citoyens. De cette clarification découle tout le reste : la fiscalité, les services publics, la décentralisation, le partage entre la loi et le contrat.
La deuxième priorité sera justement la construction d'une démocratie sociale digne de ce nom. Là où la droite généralise la précarité, nous mettrons en oeuvre une sécurité sociale professionnelle. Là où il faut donner de la souplesse aux entreprises, nous négocierons de nouveaux droits à la formation et aux indemnisations pour le salarié. Là où la culture du conflit bloque la recherche du compromis, nous développerons un syndicalisme de masse fondé sur de nouvelles règles de représentativité et de nouveaux pouvoirs.
La troisième priorité est de redonner son sens à la loi. Lors de sa venue devant le groupe Ségolène Royal a pris un engagement très clair. En finir avec l'inflation législative qui rend la loi opaque et souvent inapplicable. Nous voulons qu'elle soit conçue là et seulement là où c'est nécessaire. Toute réforme sera ainsi soumise à un contrôle parlementaire en amont (qu'est-ce qui existe déjà dans les textes) et en aval (le suivi de l'application et de l'efficacité de la réforme). L'instauration d'un mandat unique donnera aux parlementaires les moyens d'exercer ce pouvoir.
Mesdames, Messieurs,
2007 va bien plus loin qu'un changement de président. C'est une de ces moments rares où la France a besoin de se redéfinir collectivement. Jamais depuis 1981, je n'ai senti une telle envie de d'évoluer, de changer, de se réformer. On le voit dans le mouvement massif d'inscriptions sur les listes électorales. On le mesure dans l'intervention de plus en plus active des citoyens et des associations dans le débat politique. Nous n'avons pas le droit de laisser passer cette chance. Trop d'occasions ont été perdus depuis cinq ans. Trop d'espoirs ont été dilapidés. Nos concitoyens sont las des confrontations mécaniques avec les bons et les méchants. Ils savent bien que la gauche et la droite sont différentes.
Ce que veulent les Français c'est que ce grand clivage s'applique aux vrais problèmes auxquels le pays est confronté. Ce qu'ils attendent, c'est une confrontation de haut vol. Ce qu'ils espèrent, c'est participer à un vrai choix de société. Pas à une bataille de chiffonniers.
Trop souvent l'alternance s'est faite sur le rejet des sortants. Nous voulons cette fois la bâtir sur l'adhésion à ce que nous sommes, à ce que nous proposons. C'est sans doute plus exigeant. Mais c'est l'essence même de toutes les grandes entreprises.