Interview de M. Julien Dray, porte-parole du PS, à "RTL" le 11 janvier 2007, sur le bilan gouvernemental en matière de sécurité et sur les dispositifs proposés par le parti socialiste pour lutter contre la délinquance et la criminalité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Les statistiques nous apprennent que les crimes et les délits ont régressé en France de 1,3% en 2006 par rapport à 2005, de 9,3% par rapport à 2002. Convenez-vous, que la situation s'améliore aujourd'hui en France sur le terrain de la sécurité ?
R- Si vous me permettez, je vais parodier une formule célèbre concernant le bilan du ministre de l'Intérieur, puisque c'est de ça qu'il s'agit. Le bilan n'est pas globalement positif, loin de là.
Q- Mais quand même, les statistiques montrent que la sécurité progresse.
R- Oui, il y a un mot clef dans ce que vous dites : les statistiques. Alors qu'est-ce qui s'est passé ? Ce qui s'est passé, c'est qu'on a transformé ce qui était des plaintes et qu'on pouvait mesurer en des mains courantes qu'on ne mesure plus.
Q- On nous ment ?
R- Donc, on nous ment, oui ; parce que le chiffre clef le plus important qui mesure l'état de violence dans lequel se trouve notre société, c'est celui de la violence aux personnes. Et celui-là, il est difficilement triturable. Pourquoi ? Parce qu'il y a des plaintes et donc, on ne peut pas triturer les plaintes. Celui-là, il montre simplement qu'entre 2002 et 2007, les violences gratuites, les violences aux personnes ont augmenté de 30%. On le voit, d'ailleurs y'a quelque chose de très simple, c'est ce qui se passe dans les établissements scolaires : c'est l'explosion des violences scolaires. Dans les établissements, à la porte des établissements ou dans les établissements, les faits récents l'ont montré. Donc, on a une situation qui est simple, pour faire le bilan, je dirais, du ministre de l'Intérieur. Dans un premier temps, entre 2002 et 2004, vous avez eu une baisse de la violence et même de la violence aux personnes, parce qu'il y a eu un effort, une mobilisation nouvelle des policiers. Cet effort, s'est essentiellement concentré dans les centre-villes. Et on n'a pas été à la racine des problèmes dans un certain nombre de ghettos, de zones de non droit, là où sévissent un certain nombre de bandes, là où s'exerce la violence au quotidien. Et là, dans un premier temps, y'a eu, je dirais, des délinquants qui se sont dits : Oh là, là, ça risque de barder pour nous mais qui se sont rendus compte qu'on ne venait pas les chercher, qu'on ne venait pas éradiquer la violence à la racine. Et donc, les choses sont reparties et on a libéré la violence avec un tournant, c'est la phase des émeutes dans les quartiers qui a libéralisé, je dirais, cette violence gratuite, terrible que subissent aujourd'hui un certain nombre de concitoyens. Cela veut donc dire, et on le voit bien, qu'il y a eu une prise de conscience, une mobilisation dans un premier temps : c'est ce que j'appelle Sarkozy 1. Et puis, il y a eu derrière Sarkozy 2, un échec.
Q- La gauche a échoué entre 1997 et 2002 sur le terrain de la sécurité ? D'après vous, la droite échoue. C'est désespérant comme constat...
R- Ca veut dire qu'il y a nécessité d'une mobilisation générale qu'il va falloir faire autrement pour...
Q- Mais on ne sait pas quoi faire ? Vous savez quoi faire, vous ?
R- Attendez, je n'ai pas la prétention d'être le Dieu le père en la matière. Mais je crois qu'on peut faire autrement. Je pense qu'il y a deux mots clefs en matière de lutte contre la violence dans notre société : fermeté et précocité. Fermeté, ça veut dire qu'il faut être très ferme sur tous les comportements délinquants : ne rien laisser passer ; et précocité...
Q- "Tolérance Zéro", disait quelqu'un, il y a quelques années.
R- Oui, "tolérance Zéro", si ça se traduit dans les faits, parce que si c'est simplement un slogan ou des lois qui annoncent là, et que ça ne se traduit pas dans les faits, ça ne veut rien dire. Mais précocité est le mot essentiel. Si vous n'intervenez pas au départ des premiers actes délinquants et si vous n'avez pas les solutions alternatives à proposer, alors à ce moment-là, vous vous installez dans ce que j'appelle "l'état de violence". Et la précocité, ça veut dire des moyens supplémentaires en terme d'encadrement social dans les quartiers, en terme de réponses tout de suite immédiates aux premiers actes délinquants. Ce n'est pas ni le tout carcéral, ni le tout législatif, parce que vous savez, l'impuissance, se mesure au nombre de lois que vous faites voter. Nous en sommes à sept lois depuis 2002 sur la Sécurité. C'est l'alibi à l'impuissance.
Q- "Plus il y a de lois, plus il y a d'impuissance". C'est un législateur qui le dit, c'est J. Dray ce matin sur RTL.
R- Oui, parce que la loi devient bavarde et ça veut dire qu'elle n'est plus opératoire.
Q- A Bondy, le 31 mai dernier, S. Royal disait qu'il fallait un système d'encadrement à dimension militaire pour les plus de 16 ans qui commettaient leur premier délit. C'est toujours d'actualité ça ?
R- C'est d'autant plus d'actualité... Je vais vous dire une chose : j'ai visité à Monthléry, il y a quelques semaines, le Centre "Armée, deuxième chance". C'est remarquable. Et voyez, ce n'est pas nous qui l'avons fait...
Q- Mais le Centre "Armé deuxième chance", ce ne sont pas des délinquants qui y sont quand même ?
R- Ce qui intéressant, c'est que ce sont d'anciens militaires qui encadrent des jeunes en situation d'échec.
Q- Ah oui ! Ce n'est pas tout à fait la même chose.
R- Non, mais ça veut dire qu'il y a...
Q- Situation d'échec et délinquant ?
R- Je vous dis simplement : ça veut dire qu'il y a un savoir faire qu'il faut mettre en mouvement. Donc quand elle avait évoqué à Bondy, la notion d'encadrement militaire, c'est qu'il y avait effectivement un savoir-faire qu'il fallait utiliser. C'est en ce sens-là que nous disons, nous qu'il faut avoir des réponses alternatives à la délinquance, il faut mettre toutes les compétences en mouvement. Nous voulons des cellules opérationnelles dans chaque quartier, qui traitent chaque cas individuel. Et ce que nous voulons, c'est de ne pas avoir comme seule solution : la prison.
Q- Donc, dans les jours, les semaines qui viennent, la candidate S. Royal aura l'occasion de reparler de l'encadrement militaire pour les délinquants ?
R- Oui, avec ces deux mots clefs : fermeté et précocité.
Q- On attend ce que dira la candidate S. Royal sur l'amnistie des PV, ça fait huit jours qu'elle réfléchit...
R- Non, non, non. Que les choses soient claires...
Q- La réflexion est-elle terminée ?
R- Je vais vous dire les choses de manière très précise : il y aura une loi d'amnistie, voilà, premièrement. Deuxièmement, cette loi d'amnistie, à l'inverse de ce qui a été fait jusqu'à maintenant, sera basée sur des principes et pas sur des quantum de peine. Jusqu'à maintenant, les lois d'amnistie étaient basées sur les quantum de peine. C'est-à-dire en gros, si vous aviez eu une condamnation à quatre mois ou à trois mois par le législateur, vous étiez amnistié. Résultat : on a amnistié des choses extrêmement graves, notamment sur les attouchements sexuels. Et donc, il y aura une loi d'amnistie qui, cette fois-ci, sera fondée sur des principes. Et concernant, puisque je vois bien où on veut en venir, la question de la violence routière : il n'y aura aucune amnistie sur la violence routière. Ce qui veut dire...
Q- Sur la violence routière, donc ça veut dire que les mauvais stationnements seront amnistiés ?
R- Ce qui veut dire que sur ces principes-là, à partir de là, on pourra élaborer un certain nombre de choses concernant le stationnement. Mais dans le stationnement, vous savez bien qu'il y a deux choses différentes : il y a le stationnement à toute vitesse et puis, il y a le stationnement qui conduit à la violence routière, c'est ça fonder les politiques sur les principes.
Q- Donc, il y aura une amnistie pour les PV pour mauvais stationnement ?
R- Il y aura une loi d'amnistie.
Q- On a lu qu'A. Montebourg qui est porte-parole de S. Royal, était mis de côté, alors est-ce que le coordinateur des porte-parole de S. Royal - c'est un titre compliqué - le confirme ?
R- Vous savez, c'est difficile de mettre A. Montebourg de côté... Donc, il n'est pas mis de côté du tout. Je ne vois pas qu'est-ce que c'est cette information. Il est totalement dans le dispositif et je pense que dans les jours qui viennent, vous allez l'entendre.
Q- Et L. Fabius qui était à votre place, mardi, disait : "Moi, personne
ne m'a appelé encore. Peut-être qu'on n'a pas besoin de moi ?"
R- Vous savez, nous sommes en train de mettre en place ce que nous
appelons des réunions participatives. Nous sommes dans une phase
d'attente, d'écoute...
Q- Et alors, L. Fabius pourra participer ?
R- Et je pense qu'il va avoir à animer des réunions participatives dans la semaine à venir.
Q- Il est heureux de l'apprendre parce qu'il ne le savait pas jusqu'à présent.
R- Il va le savoir.
Q- Il faut beaucoup de "bravitude" pour participer à une élection
présidentielle ?
R- Beaucoup de "fortitude".
Q- Et beaucoup de "fortitude".
R- On a inventé des mots, ce matin.