Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, à RMC le 15 janvier 2007, sur l'investiture de Nicolas Sarkozy comme candidat de l'UMP et ses atouts dans la campagne pour l'élection présidentielle de 2007.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Q- Questions d'actualité ce matin : les engagements du candidat Sarkozy. La question que les auditeurs se posent : est-ce que les hommes politiques sont proches de nous ? D'abord votre question aux auditeurs de RMC.
R- C'est une question simple : est-ce que les parents, comme pour les enfants, considèrent que l'avenir peut être un espoir, comme cela a été le cas pendant des décennies et des siècles, ou au contraire, est-ce qu'ils perçoivent cet avenir comme une menace ?
Q- "Tout devient possible avec N. Sarkozy", c'est ce qui fait peur à certains. Pourquoi N. Sarkozy fait-il peur ?
R- D'abord, ce n'est pas "tout devient possible", c'est "Ensemble, tout devient possible". Savez-vous pourquoi cela a été retenu comme conducteur ? C'est tout simplement parce que nous, nous ne faisons pas partie des déclinologues, qui considèrent que l'on doit baisser la tête, courber l'échine, et considérer qu'il n'y a plus rien à faire. Au contraire, des exemples, proches de nous, comme en Angleterre par exemple, nous montrent que, quand le veut, quand on l'imagine, quand on sort des sentiers battus, on peut redevenir une grande puissance, et donc, tout devient possible. Souvenez-vous, l'Angleterre dans les années 70, elle était en chute libre, c'était un pays, il y a avait une princesse qui s'était mariée, je ne sais plus laquelle, je ne sais pas si vous êtes êtes spécialiste, je ne le suis pas, mais une princesse qui s'était mariée en 70 et il y avait un dictateur africain qui avait envoyé un avion rempli de chèvres : un moyen de montrer que l'Angleterre était complètement out. Eh bien, là, l'Angleterre aujourd'hui c'est une très grande puissance, elle est redevenue une puissance qui compte sur le plan économique...
Q- Grâce à M. Thatcher.
R- Grâce aux alternances.
Q- Entre autres.
R- ...et grâce à la politique de Thatcher, de T. Blair, et ainsi de suite. Simplement, cela veut dire que c'est un peu la même chose. Nous, on considère qu'il n'y a rien d'inéluctable, qu'on peut bouger les choses, qu'on peut changer notre pays.
Q- Alors, pourquoi, selon vous, N. Sarkozy fait-il peur ? A quoi cela tient-il ?
R- Peut-être précisément... d'abord, je ne crois pas qu'il fasse peur...
Q- 51% des Français en ont peur.
R- Voilà, donc ça veut dire que c'est relativement équilibré. Eh bien, il faut les convaincre ces 51% de Français qu'en réalité, N. Sarkozy, c'est totalement différent de ce que l'on peut imaginer et de ce que ces 51% croient. Je vous le dis très directement, N. Sarkozy a en réalité une triple ambition. C'est d'abord de construire ; il est aujourd'hui le seul qui propose, il avance des propositions, il avance des idées, il imagine des solutions. Ensuite, il rassemble ; c'est sans doute aujourd'hui l'homme politique qui rassemble le plus, et la démonstration en a été spectaculaire hier. Et puis, c'est quelqu'un aussi qui protège. Et c'est cela la réponse à votre question, il protège. Je donne simplement quelques exemples : il protège, en matière de sécurité, c'est son rôle ; l'insécurité a diminué globalement dans notre vie, personne ne le conteste, cela ne veut pas dire que tout est réglé, cela ne veut pas dire que tout est résolu, il y a encore des points noirs, mais l'insécurité a reculé depuis 2002. Cela veut dire que N. Sarkozy ça marche en matière de sécurité. Mais il protège aussi, par exemple, le consommateur. Lorsqu'il était ministre de l'Economie et des Finances, il avait négocié, très durement, très difficilement, avec les grands distributeurs, et il avait obtenu une baisse de 2% sur le caddie de la ménagère. Son ambition était de protéger l'intérêt des consommateurs. Et puis, de protéger aussi l'intérêt des salariés. Quand il était ministre de l'Economie et des Finances, il s'est investi fortement sur deux dossiers industriels lourds, vous les aviez évoqués à l'époque : c'était le dossier Alsthom, c'était la protection de Sanofi-Aventis, et il a protégé, là, le salarié. Donc, son ambition précisément, c'est à la fois de construire, c'est de rassembler, et en même temps de protéger.
Q- Mais vous me parlez de sécurité, restons sur ce terrain-là : combien de voitures sont-elles brûlées chaque année en France ?
R- On n'a pas des statistiques...
Q- 42.000...
R- Autour de 40.000. Vous savez d'où viennent les statistiques ? Ce ne sont pas des statistiques du ministère de l'Intérieur, ce sont des statistiques ...
Q- De mauvaises statistiques...
R- Non, non, ce sont des statistiques qui sont assez incontestables, qui viennent des compagnies d'assurance. Et d'ailleurs, sur ces voitures brûlées, il faut savoir qu'il y a aussi un grand nombre d'escroqueries à l'assurance, c'est un autre sujet. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a une particularité française... Il y a plus.
Q- En France, où on attaque des commissariats de police aussi, c'est aussi une particularité française !
R- Cela s'est produit malheureusement...
Q- Il y a un peu plus longtemps.
R- ...sur les voitures brûlées, c'est un vrai défi qui est lancé à notre société.
Q- On a encore battu des records cette année, malgré tout ce qui a été dit !
R- Non, non, ce ne sont pas des records, on est en réalité dans l'étiage habituel. Ce n'est pas satisfaisant, il faut naturellement que l'on progresse. Mais encore fois, avez-vous entendu N. Sarkozy dire que "tout était réglé" ? Non. Il a simplement dit : le nombre d'homicides, le nombre d'escroqueries, la délinquance générale sur la voie publique, tout cela c'est en recul, et en recul fort. D'ailleurs, la délinquance générale sur la voie publique, c'est un recul de près de 24%, c'est donc
quelque chose de très significatif.
Q- Ce sont les agressions aux personnes qui progressent ?
R- Oui, celles-ci progressent mais beaucoup moins que précédemment, elles ont progressé de 12 à 12,5 %.
Q- Croyez-vous que les Français s'intéressent et s'attardent sur les chiffres ? Les querelles de chiffres, est-ce que...
R- D'abord il n'y a pas de querelle de chiffres. Il n'y a pas une personne en France qui peut contester que l'insécurité n'a pas reculé depuis 2002. Ceux qui sont les opposants - dans une démocratie, c'est normal - disent : il y a tel ou tel point où ce n'est pas satisfaisant, et d'ailleurs on est tout à fait prêts à le reconnaître, il faut aller plus loin. Mais la démonstration que cela a bougé, c'est que, quand vous regardez dans les enquêtes d'opinion, l'insécurité qui était le problème majeur, numéro1 en 2002, ne l'est plus aujourd'hui, n'apparaît qu'en troisième position. Cela veut vraiment dire qu'il y a eu une évolution, et une évolution dans le bon sens.
Q- Question précise : si J. Chirac est candidat, oui ou non, N. Sarkozy doit-il se maintenir ? Oui ou non ?
R- Je vous réponds très précisément, puisque vous avez commencé par un "si", moi je ne parle pas au conditionnel, aujourd'hui, il n'y a que N. Sarkozy, et donc, on est engagés pour N. Sarkozy.
Q- Il n'y a que N. Sarkozy pour vous, si j'ai bien compris. En clair, J.
Chirac ne doit pas se présenter quoi ! On est d'accord ?
R- Je ne suis pas dépositaire des confidences du président de la République, il prendra sa décision, je lui fais toute confiance pour prendre sa décision en fonction de ses envies naturellement, mais aussi, en fonction des attentes de l'opinion, de l'état...
Q- Il faut qu'il se prononce vite, là, ou... ?
R- Il faut qu'il le fasse à son rythme.
Q- A son rythme.
R- Oui.
Q- C'est-à-dire qu'il n'existe pas, quoi ?
R- Pas du tout !
Q- Il n'est même pas là, il n'a donné aucun signe de vie. Imaginez, aux Etats-Unis, un Congrès républicain sans un signe de G. Bush ! Que diriez-vous ?
R- D'abord, le problème ne se pose pas, puisque G. Bush était candidat.
Q- Oui, d'accord... Imaginez un Congrès de la CDU en Allemagne sans un signe d'A. Merkel !
R- Ecoutez, puisque vous avez l'imagination fertile, je vais vous encourager. Imaginez que par exemple J. Chirac ait envoyé, hier, un message, cela aurait voulu dire tout simplement que sa décision était prise, et qu'il ne se présentait pas. Donc, il faut au contraire respecter son rythme, brider un peu notre imagination, à vous et à moi, et donc observer que J. Chirac s'exprimera le moment venu, et son rythme sera respecté.
Q- Donc, attendons. La candidature de N. Hulot est-elle utile, à vos yeux ?
R- Non, la démarche de N. Hulot est à l'évidence utile. C'est vrai que nous sommes confrontés à un vrai défi, le défi environnemental fait partie des préoccupations et des craintes à juste titre, de la population française. Pour une raison d'ailleurs très simple : vous savez que l'émission des gaz à effet de serre continue à augmenter, la France y contribue très peu, 1,2%, mais quand on sait par exemple, que les Etats- Unis, qui ne font que 5% de la population mondiale, émettent 25% des gaz à effet de serre, c'est sûr qu'il faut que l'on se mobilise. Et donc, N. Hulot, c'est une voix, une grande voix - la voix des médias, vous êtes mieux placé que moi pour savoir, que cela pèse lourd, très lourd. Il a tiré une sonnette d'alarme, il a été voir les uns et les autres, et je pense que c'était un signal utile.
Q- 98,1% des militants de l'UMP qui se sont prononcés ont voté N. Sarkozy. Les autres ont voté blanc. Suffrages exprimés, puisque à l'UMP, le vote blanc est un suffrage exprimé. Oui ou non, N. Sarkozy s'engage-t-il à changer la loi électorale pour faire en sorte que le vote blanc soit un suffrage exprimé ?
R- D'abord, je vais répondre à la question que vous ne m'avez pas posée, puisque, malheureusement, je dois vous dire que ces résultats sont des résultats extraordinairement spectaculaires et encourageants. Hier...
Q- Je ne l'ai pas posée, parce que j'étais persuadé de la réponse.
R- ... Si je vous avais dit que c'était triste et décourageant, vous auriez été surpris ! Donc, la réalité, ce n'est pas cela. C'est que d'abord, on a eu hier un grand moment de bonheur et d'espoir. Cela a été une formidable démonstration à la fois de mobilisation. Les gens qui étaient là, il ne faut pas raconter d'histoires, ils étaient là parce qu'ils le voulaient, ils ne sont pas venus avec des épées dans le dos. Vous êtes Auvergnat, comme moi. De Clermont-Ferrand, j'ai plusieurs cars qui sont partis mais des cars avec des militants qui se sont levés à 3h15 du matin, qui ont payé leur écot pour venir participer. On ne peut passer cela sous silence. C'est comme quand il y a un élan populaire, il faut s'en réjouir, il faut toujours au contraire essayer de positiver, ne pas être sceptiques et cyniques.
Q- Je n'ai pas à être sceptique...
R- C'est un grand moment fort...
Q- Je vous dis le vote blanc est un suffrage exprimé à l'UMP, ce n'est pas un suffrage exprimé dans les élections, c'est ce que je ne comprends pas très bien !
R- Non, mais parce que c'est le choix de N. Sarkozy, là, où il le maîtrise aujourd'hui, dans sa famille politique.
Q- Est-ce que vous allez proposer la reconnaissance du vote blanc ?
R- A titre personnel - je reçois beaucoup de messages d'associations, il y a une association qui se mobilise sur ce sujet - j'y suis plutôt favorable, mais c'est à titre personnel, on aura l'occasion sans doute d'en débattre pendant ces trois mois.
Q- Les loyers augmentent. Oui ou non faut-ils geler les loyers ? C'est une idée qui a été évoquée par D. de Villepin, votre Premier ministre.
R- Les mesures autoritaires dans ce domaine peuvent avoir des effets boomerang. Qu'il y ait un problème de logement dans notre pays, c'est tout à fait évident. Il n'y a pas simplement un problème des loyers, il y a...
Q- + 3,19% d'augmentation des loyers ! Pour le premier trimestre !
R- Oui, c'est un ensemble. Vous avez 93.000 SDF, vous avez 230.000 personnes qui, en réalité, ne sont pas confrontées au problème du loyer, parce que précisément elles n'ont pas de logement, vivent chez les autres ou d'expédients, ou dans des campings, ainsi de suite, on oublie de citer toujours ce chiffre. Et puis, il y a 2 millions de personnes qui sont mal logées. Cela veut dire que logement est un problème majeur et c'est un problème majeur essentiellement d'ailleurs en Ile-de-France, mais pas seulement en Ile-de-France. Donc, il y a une évolution qui est importante. Savez-vous comment on l'observe cette évolution ? Il y a, d'un côté, celui qui paye le loyer, et de l'autre côté, les collectivités locales, parce que les Conseils généraux perçoivent une taxe qui s'appelle les droits de mutation à titre onéreux, qui explosé depuis l'an 2000, c'est la recette la plus dynamique des collectivités territoriales. Donc, à l'évidence, il y a un effort de maîtrise à faire, je ne crois pas à des mesures autoritaires.
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Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 janvier 2007