Interview de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, à France 2 le 18 janvier 2007, sur les résultats des hôpitaux en matière de lutte contre les maladies nosocomiales, ainsi que sur les thèmes en débat dans la campagne présidentielle, notamment la fiscalité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral

Bonjour X. Bertrand.
Bonjour.
Q- On va bien sûr parler de la campagne électorale qui s'est emballée après la publication du patrimoine des différents candidats hier, mais je voudrais d'abord m'adresser au ministre de la Santé. Ce matin, le ministère publie les résultats des hôpitaux en matière de maladies nosocomiales, ces maladies qu'on attrape justement à l'hôpital. Les chiffres sont assez impressionnants : 4.000 morts par an, cela dit il y a une légère amélioration, comment vous l'expliquez ?
R- Tout simplement par une vraie prise de conscience, et je voudrais rendre hommage aux hospitaliers que ce soit dans les hôpitaux ou dans les cliniques. Depuis l'an dernier, j'avais vraiment voulu publier ce tableau de bord des infections nosocomiales, savoir exactement comment on luttait contre ces maladies nosocomiales dans chacun des hôpitaux. Et la prise de conscience a été là et les efforts se sont aussi développés. Cela va mieux mais on peut encore faire mieux.
Q- Alors on peut faire mieux et puis...
R- Mon obligation, c'est d'être exigeant par rapport au système hospitalier...
Q- On s'aperçoit que 30 % de ces maladies pourraient être évitées.
R- Donc il faut les éviter.
Q- Qu'est-ce qu'il faut faire ?
R- Donc il faut les éviter en continuant exactement le cap que j'ai fixé l'an dernier et en accélérant les choses. Je crois tout d'abord que cette transparence est indispensable, c'est celle qui peut donner confiance. Et les résultats sont là. Il y avait l'an dernier 11 % des hôpitaux qui avaient le meilleur classement possible, ils sont aujourd'hui plus d'un tiers, donc le progrès a été spectaculaire. Plus de la moitié des hôpitaux ont changé de classe, ont amélioré leurs résultats en matière de lutte contre les infections nosocomiales, mais même si nous sommes parmi les meilleurs pays d'Europe, je ne peux pas me contenter de ce résultat, je veux que l'on fasse davantage. Nous allons donc publier de nouveaux tableaux de bord, de nouveaux indicateurs et puis on va développer aussi l'usage, le réflexe de se laver les mains, parce qu'il y a encore aujourd'hui trop d'endroits dans lesquels ce n'est pas systématique.
Q- On s'aperçoit - les chiffres sont impressionnants - qu'à peine la moitié des intervenants dans les hôpitaux se lavent les mains entre deux soins, c'est in croyable.
R- Voilà pourquoi il faut continuer dans cet esprit. Alors je veux que dans un premier temps, dans tous les services, quand on rentre dans tous les services, il y ait des endroits où l'on puisse utiliser ces fameuses solutions hydro alcooliques. Il y a des endroits où aujourd'hui c'est une évidence, vous allez en néonatalogie...
Q- C'est des solutions qui permettent vraiment de se désinfecter les mains.
R- De se désinfecter les mains sans oublier le réflexe du lavage des mains à l'eau et au savon. Mais je souhaite aussi qu'à terme, on puisse mettre en place, dans chacune des chambres des hôpitaux, avant d'être en contact avec le malade, un endroit où l'on puisse justement avoir ce réflexe de se laver les mains. C'est vrai pour les soignants, mais je pense aussi qu'à terme, il faudra que les visiteurs, quand on ira voir un proche à l'hôpital, puissent aussi avoir ce réflexe, c'est important. On va à l'hôpital pour se faire soigner, pas pour y contracter une infection nosocomiale.
Q- Alors les hôpitaux n'ont pas tous répondu. Qu'est-ce que vous allez faire pour ceux justement qui refusent...
R- L'an dernier, plus de 400 hôpitaux n'avaient pas répondu, cette année 74, c'est plus admissible. Donc là, très clairement, j'ai diligenté une enquête médico-administrative pour savoir comment ça se passe dans ces établissements. Non seulement je veux les informations, mais je veux aussi savoir comment sont prises en compte les infections nosocomiales dans ces établissements. Et s'il y a des problèmes, j'en tirerai toutes les conséquences parce que je ne peux pas continuer...
Q- C'est-à-dire pour les mauvais élèves, qu'est-ce qui va se passer ?
R- Je ne peux pas continuer à demander gentiment qu'on veuille bien un jour me donner les informations. Donc là, il y a des représentants du ministère, des agences régionales d'hospitalisation, qui vont aller dans chacun de ces 74 établissements, et de voir comment ça se passe, comment on traite les infections nosocomiales dans ces établissements.
Q- On ne va pas donner tous les résultats, évidemment, il y en a trop mais on peut les trouver sur le site du ministère... Qu'est-ce qui va se passer pour les mauvais élèves, pour les services qui seront les moins performants ?
R- Comprendre déjà pourquoi ils ne sont pas aussi performants que les autres, s'il y a besoin de les aider, nous le ferons, mais on s'aperçoit que bien souvent, ce n'est pas une question de moyens financiers. Bien souvent, c'est une question de prise de conscience, de motivation des équipes et puis il faut aussi renforcer la place d'un "référent Infections nosocomiales" qui a autorité nécessaire dans l'hôpital...
Q- Qu'est-ce que c'est ça, qu'est-ce que ça veut dire ?
R- C'est une personne qui est chargée que de ça, que de la santé, que de la sécurité des patients sur le plan des infections nosocomiales, qui est placée auprès du directeur et qui a un droit de regard sur les différentes activités et qui n'hésite pas à faire des propositions ou même, on a eu le cas avec une infection très difficile à traiter, l'infection clostridium difficile, quand il y a un vrai problème dans un service, il ne faut pas hésiter à fermer le service, pour ne prendre aucun risque avec la santé des patients.
Q- Alors sur la campagne électorale maintenant, tout s'est accéléré hier, après les déclarations d'un député UMP, J. Godfrain, qui accusait S. Royal de tricher...
R- Qui a repris les informations qui étaient sur Internet depuis bien longtemps.
Q- Il l'accusait de tricher pour ne pas payer d'impôt sur la fortune. Est-ce que vous trouvez que c'est du niveau d'une campagne présidentielle ?
R- Je crois qu'il ne faut pas se laisser enfermer dans une quelconque polémique. Ce qui intéresse les Français, ce n'est pas de savoir combien d'ISF, combien d'impôt paie madame Royal, ce n'est pas le sujet, ce qui intéresse les Français...
Q- Mais sur la méthode quand même, est-ce que c'est une méthode que vous approuvez ?
R- Je crois qu'il faut, sur ce sujet là, mettre la campagne au niveau où elle doit être, c'est-à-dire un débat sur les idées, c'est ça qu'attendent les Français. Quel projet de société voulu par N. Sarkozy ? Les choses sont claires, précises, concrètes. Maintenant, pour le reste, l'intérêt pour les Français ce n'est pas de savoir qui paie quoi. L'intérêt c'est de savoir combien ils paieraient d'impôts si les socialistes étaient élus, combien de nouveaux impôts ils paieraient.
Q- S. Royal a dit qu'il n'y aurait pas d'augmentation.
R- Oui mais attendez, la question c'est : qui fixe le cap pour la campagne de madame Royal ? J'ai un peu l'impression après l'avoir entendu hier soir qu'elle pratique la méthode Coué. Elle dit qu'elle tient le cap, mais quel cap ? Celui fixé par elle-même, le cap fixé par monsieur Hollande ou même maintenant le cap voulu par D. Strauss-Kahn ? On n'y voit plus clair, et les Français veulent savoir ce qu'on va leur proposer. Mais vous savez chez les Français, avec beaucoup de bon sens, ils se rendent compte d'une chose : c'est que si les socialistes étaient élus, il y aurait des impôts nouveaux comme ça c'est d'ailleurs passé dans les régions socialistes...
Q- Ce n'est pas ce que dit S. Royal.
R- Mais c'est ce que dit F. Hollande. Il faut qu'on y voie clair. La question c'est : est-ce qu'il y a un pilote dans l'avion de cette campagne électorale pour madame Royal ? Je crois qu'on a besoin de savoir. Enfin en tout cas, les choses aujourd'hui sont claires, si les socialistes étaient élus, il y aurait des nouveaux impôts, nous, si nous sommes élus, nous allons essayer de baisser les impôts, les choses sont très différentes et les choses sont surtout très claires.
Q- Alors ce n'est pas tout à fait clair non plus à l'UMP...
R- J'ai le sentiment que si.
Q- Le programme fiscal de N. Sarkozy, ce n'est pas vraiment le même que celui de l'UMP, notamment sur le bouclier fiscal, et sur les droits de succession. Comment vous allez harmoniser tout ça ?
R- N. Sarkozy a été clair, précis, dimanche dernier lors du discours qu'il a fait porte de Versailles. On a une vision très claire de ce qu'il propose. Nous pensons, nous, aujourd'hui ...
Q- Mais ce n'est pas un problème que ce ne soit pas la même chose que le programme UMP ?
R- Non, parce que les choses ont été précisées dès le début : il y a le programme pour les législatives, N. Sarkozy s'est toujours donné la liberté d'aller plus loin, d'aller au-delà de ce programme. Alors qu'au Parti socialiste, il nous avait été dit que le projet socialiste, ce serait en quelque sorte la règle qui s'imposerait aux candidats. Nous, dès le début, nous l'avons dit, il y a aussi la volonté de rassembler notre famille autour des idées qui sont les nôtres, mais d'aller aussi au-delà. Ce que veut faire N. Sarkozy, c'est de rassembler l'ensemble des Français avec des propositions qui lui sont propres. Il faut aller plus loin vous savez, on veut aussi modifier l'approche de la politique, c'est aussi ce que veut faire N. Sarkozy.
Q- Sur l'éventuelle candidature de J. Chirac, J. Chirac ne s'est pas prononcé, il va se prononcer, qu'est-ce que ça changerait pour N. Sarkozy s'il était candidat ?
R- Vous savez, le président de la République a fixé lui-même son calendrier. Il a aussi fixé lui-même des rendez-vous très importants sur le plan international, des conférences auxquelles il tient beaucoup : celle sur la reconstruction du Liban, sur l'environnement aussi, c'est un enjeu majeur pour les années à venir ; il y a celle aussi sur l'Afrique. Et puis, il y a ce rendez-vous du Congrès, il y a des textes qui vont passer. Je crois que c'est aujourd'hui son calendrier, la façon dont il a voulu aussi très clairement continuer son action et de montrer qu'il a été élu en 2002 pour 5 ans et pas pour 4 ans et 8 mois. Donc, en tout état de cause, il est dans son action et il est dans son calendrier.
Q- Pour vous il ne sera pas candidat.
R- Le sujet, je vous l'ai dit, c'est que le président de la République a fixé la feuille de route, à la fois au Gouvernement et les rendez-vous très importants. Il n'y a que ça qui compte.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 janvier 2007