Texte intégral
Challenges : Vous proposez la création d'un smic-cadres. De quoi s'agit-il ?
Bernard van Craeynest : En France, la seule référence reste le smic, tous les salaires sont indexés sur cet échelon minimum. Du coup, les rémunérations sont automatiquement tirées vers le bas, et les cadres sont les premiers à en pâtir. Il serait plus équitable d'instaurer un salaire minimum spécifique, un smic-cadres. Ce salaire minimum interprofessionnel pour les cadres pourrait être égal au plancher de la Sécurité sociale, soit 2 589 euros par mois. Plus de 30 % des 3,5 millions de cotisants à l'Agirc -la retraite des cadres - sont rémunérés sous ce plafond de la Sécurité sociale. Ils sont deux fois plus nombreux qu'il y a deux ans, c'est bien la preuve que leur situation se dégrade. En d'autres termes, aujourd'hui, les cadres se constituent une retraite de misère. Avec le smic-cadres, c'est une revalorisation qui leur est proposée.
Challenges : Mais aujourd'hui les salaires des cadres fonctionnent tels des packages...
Bernard van Craeynest : C'est bien là le problème. Aujourd'hui, les éléments externes à la rémunération se multiplient, avec des bonus, des participations ici et là, une individualisation grandissante, des parts variables qui peuvent être remises en question d'une année à l'autre ... Mais c'est de l'ornement, car, au bout du compte, le salaire du cadre se déprécie. Comment construire alors des projets d'avenir ? En effet, si vous voulez demander un prêt bancaire ou prendre un crédit immobilier, les fiches de salaire avec le montant brut restent la référence ! Cette dévalorisation du statut génère un réel malaise. Les cadres ont le blues. A l'heure où les candidats à la présidentielle parient sur la relance de la croissance, n'est-il pas indispensable de remotiver, de redonner confiance à ceux qui, par leur travail, créent la richesse de ce pays ? Pour l'heure, les cadres ont le sentiment de payer des cotisations, des impôts, et de n'avoir droit à rien. D'être des laissés-pour-compte.
Challenges : Vous en parlerez au Premier ministre à l'occasion de la Conférence sur l'emploi et les revenus, le 14 décembre ?
Bernard van Craeynest : Oui, j'en ai parlé à Gérard Larcher, que j'ai rencontré pour préparer cette conférence. Il a partagé mon diagnostic, a reconnu l'intérêt de cette mesure. Reste à voir s'il aura les moyens de faire des réformes avant l'élection. Je n'en suis pas sûr. Quant à cette conférence, j'espère qu'elle sera autre chose qu'une grand-messe. Néanmoins, nous ne pouvons que nous réjouir de ces échanges collégiaux. Par le passé, Dominique de Villepin ne nous en a pas toujours donné l'occasion.Source http://www.cfecgc.org, le 27 décembre 2006