Déclaration de Mme Arlette Laguillier, porte-parole de Lutte ouvrière et candidate à l'élection présidentielle de 2007, sur la campagne pour l'élection présidentielle de 2007, les programmes des candidats, et sur l'importance du vote en faveur de l'extrême-gauche, Paris le 31 janvier 2007.

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Circonstance : Discours de campagne présidentielle à Paris, le 31 janvier 2007

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis
La presse, la radio et la télévision ne parlent que du 2ème tour de cette présidentielle où ils voient s'affronter le ténor de la droite et la cantatrice de la gauche.
De Ségolène Royal, on ne comprend guère quelles sont les idées qu'elle défend, tout le monde le dit. Elle sait qu'elle se présente mais elle ne sait pas, en tous les cas, elle ne le dit pas, sur quel programme. Il est encore en gestation. Et surtout, je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j'ai du mal à comprendre son langage.
Par contre, Nicolas Sarkozy, c'est clair, on ne le comprend que trop bien ! Mais depuis quelques jours il veut donner l'impression qu'il pourrait commencer ses discours par « travailleuses, travailleurs », comme je commence les miens !
« Je n'accepte pas qu'il puisse exister des travailleurs pauvres alors qu'on a déjà bien assez à faire avec ceux qui sont pauvres parce qu'ils n'ont pas de travail » vient-il de proclamer en s'adressant aux ouvriers d'une usine à Saint-Quentin, dans l'Aisne. Et d'ajouter :
« Je veux être le porte-parole de la France qui travaille et qui se lève tôt », S'il était honnête, il dirait plutôt « je veux être la porte-parole de ces patrons qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt, se couchent tard et travaillent beaucoup »
Mais pour conclure, il eut une belle envolée « Je veux redonner au beau mot de travailleur le prestige qu'il a perdu ». Oh, Sarkozy sait choisir ses mots. C'est du « prestige » qu'il promet, pas une hausse des salaires, qui serait pourtant bien plus adaptée pour sortir de la pauvreté tous ceux qui y sont plongés quand bien même ils ont un travail.
Mais, enfin, l'intention est claire : Sarkozy veut convaincre qu'il aime les travailleurs ! Sans aucun doute, mais comme le lion aime l'antilope.
Bien sûr, il faut à Sarkozy un culot à toute épreuve pour faire ainsi sa cour électorale aux travailleurs alors qu'il est un de leurs principaux ennemis. Il a été un des principaux ministres de ces gouvernements responsables de ces hauts faits d'armes que sont le recul de l'âge de la retraite, les pensions diminuées, l'assurance maladie affaiblie, la précarité généralisée.
Mais, promis-juré, l'"augmentation du pouvoir d'achat" sera sa "priorité de politique économique après 25 ans de sacrifice". Comment ? Par les heures supplémentaires. Si vous voulez gagner un salaire à peu près convenable, vous n'avez qu'à faire des heures supplémentaires. Pour les travailleurs que Sarkozy aime tant, c'est le droit de se crever au travail pour augmenter son salaire trop bas. Et pour le patron, le droit de ne payer aucun impôt ni aucune charge sociale sur la part du salaire censée payer les heures supplémentaires. C'est un beau cadeau mais il est pour les patrons. C'est aussi un encouragement pour les inciter à allonger la journée de travail de leurs effectifs déjà en poste plutôt que d'embaucher du personnel supplémentaire. Si, toutefois, les patrons en ont besoin, car de toute façon ce sont eux qui décident d'imposer des heures supplémentaires quand cela les arrange. Ce ne sont pas les travailleurs qui en décident lorsqu'ils ont des problèmes de fin de mois. Et, accessoirement, ces heures supplémentaires sur lesquelles on ne paie pas de cotisations sociales ne seront pas comptées pour la retraite.
L'intensité du travail augmente partout depuis plusieurs années. Augmenter, en plus, la durée, c'est user les travailleurs et les rendre inaptes au travail en quelques années et quel que soit l'âge.
Alors, je dis qu'il est criminel d'imposer des heures supplémentaires à ceux qui ont du travail. Ce qu'il faut faire c'est empêcher le patronat de licencier ou de recourir aux contrats précaires. Il faut lui interdire de remplacer les embauches par des heures supplémentaires.
Et ce n'est pas tout pour ce qui est des attaques. Sarkozy promet un contrat de travail unique assurant, selon l'expression d'un de ses lieutenants « l'assouplissement du droit de licenciement, le plafonnement du montant des indemnités et la durée de la période d'essai.. » . Il promet une limitation du droit de grève. Sans parler des suppressions d'emplois dans la Fonction publique également annoncées, ce qui signifie en clair moins d'enseignants, moins de postiers, moins d'infirmières.
Alors, il n'est pas étonnant qu'avec cette politique, la pauvreté ne cesse de s'aggraver, y compris parmi ceux qui ont un travail. Mais comment vivre correctement avec le salaire d'un travail précaire ou d'un temps partiel non choisi et mal payé ? Comment se loger convenablement ?
Avec les initiatives des associations militant pour les sans-logis, l'attention a été attirée sur le sort de ceux qui sont privés de domicile. Oui, c'est scandaleux que, dans un pays comme la France, un des pays les plus riches de la planète, cent mille personnes n'aient pas d'autre domicile que la rue.
Mais il y a aussi tous les autres ! Ceux qui ne sont pas dans la rue mais qui n'ont pas de domicile à eux et qui sont logés dans des chambres d'hôtel, dans des logements de fortune, dans des caravanes ou qui sont hébergés chez des tiers faute d'autres solutions. Ceux qui ont déposé une demande de logement social il y a deux, cinq, voire dix ans, et qui n'ont aucune chance d'en avoir un dans un proche avenir. Il y a tous ceux qui sont mal logés, obligés de vivre dans des logements dépourvus du confort de base, de salle d'eau, de WC ou de système de chauffage.
Eh bien, le nombre de ceux qui sont dans l'une ou l'autre de ces situations ne cesse de s'accroître malgré les discours mensongers du gouvernement. Et ce n'est pas moi qui le dit : je ne fais que citer le rapport annuel sur le mal-logement de la Fondation Abbé Pierre. Tous ces chiffres sans exception sont en augmentation. Et la fondation estime le nombre total de personnes qui sont très mal logées ou pas logées du tout à trois millions deux cent soixante et un mille six cents. Vous vous rendez compte ! Plus de trois millions de personnes... !
Comment ne pas ressentir alors du dégoût devant le spectacle de tous ces dignitaires qui se bousculaient pour se montrer à l'enterrement du fondateur d'Emmaüs mais qui n'ont rien fait et qui ne font rien pour que tout le monde, sans exception, ait droit à ce minimum pour un être humain qui est de disposer d'un logement correct ?
Faute d'avoir construit des logements convenables à la portée d'un salaire ouvrier, le pays et en particulier les villes manquent de logements, sauf évidemment pour les riches. La demande dépassant largement l'offre, les prix s'envolent et les bailleurs se retrouvent en position de force. Autant dire que lorsqu'il y a la queue pour louer un logement, le bailleur choisira celui qui peut donner le maximum de garanties. Ceux qui n'ont que des bas salaires ou des emplois précaires n'ont aucune chance de trouver un logement, même lorsqu'ils sont prêts à faire des sacrifices sur d'autres dépenses pour payer un loyer trop élevé.
Et puis, autant dire que la situation des plus mal logés se répercute sur les autres.
La part du logement dans le budget d'un ménage ouvrier est de plus en plus importante. Cela veut dire une diminution de la part consacrée aux autres besoins.
L'État a pourtant les moyens de régler rapidement le problème. S'il s'en préoccupait vraiment, il prendrait en charge un vaste programme de construction, en réquisitionnant les terrains nécessaires, en créant lui-même un office national pour embaucher directement des architectes, des maçons, des plombiers, des électriciens sans passer par l'intermédiaire ni des promoteurs immobiliers ni des bétonneurs du BTP à la Bouygues, et sans leur verser une lourde prébende.
Quand on y met les moyens, on construit des kilomètres d'autoroutes ou des ouvrages d'art comme le viaduc de Millau en un rien de temps. Si c'est une urgence nationale, on peut construire en deux ans les logements qui manquent. Aucun gouvernement de droite ni de gauche ne l'a fait depuis des dizaines d'années. Aucun d'entre eux n'en a fait une priorité dans les dépenses du budget.
Pourtant, il y a des bras pour cela. Et ce ne sont pas les capitaux qui manquent !
Le journal Le Figaro a fait état, il y a quelques jours, d'un rapport officiel qui chiffre le montant total des « aides publiques aux entreprises » à 65 milliards d'euros. Cela représente tous les dégrèvements de charges sociales, toutes les réductions fiscales consenties à fonds perdus aux entreprises, c'est-à-dire à leurs propriétaires et actionnaires. 65 milliards, cela représente plus que le budget de l'Education nationale et plus de six fois le trou de la Sécurité sociale.
Eh bien, si cette somme était consacrée à construire des logements sociaux, elle permettrait de construire le nombre de logements nécessaires pour satisfaire, en moins de deux ans, toutes les demandes de HLM !
Je pose la question : où est l'urgence sociale ? Verser de l'argent supplémentaire aux propriétaires et actionnaires des entreprises qui n'en ont pas besoin ? Ou consacrer cette somme pour loger ceux qui vivent dans les taudis ou qui n'ont pas de logement ?
La réponse est évidente pour tout être normalement constitué !
Mais pas pour ceux qui nous dirigent ! Ce sont vraiment les paillassons des riches !
Le Premier ministre Villepin vient de se vanter que le chômage est à son niveau le plus bas depuis sept ans. C'est un mensonge grossier. Le gouvernement ne peut ni ne veut empêcher les patrons de licencier. Alors, il enlève des chômeurs des statistiques. Il n'y a jamais eu autant de radiations à l'ANPE.
Un collectif d'associations dénonce ce qu'il appelle le « chômage invisible » qui « atteint aujourd'hui des chiffres sans précédent ». Là où on nous parle de deux millions cent mille chômeurs, il y en a en réalité quatre millions quatre cent mille. Mais quel est aujourd'hui le travailleur qui ne vit pas sinon avec un chômeur dans la famille, du moins avec la menace du chômage ? Quel est le travailleur qui pourrait croire qu'il en sera préservé dans l'avenir ? Les plus grosses entreprises, les plus riches, celles qui ont le plus de moyens de préserver des emplois, annoncent régulièrement des plans de licenciements. L'État lui-même démolit progressivement la protection dont bénéficiaient les travailleurs des services publics. Et, d'ailleurs, dans la plupart de ceux-ci, il y a aujourd'hui une forte minorité, sinon une majorité, de travailleurs qui n'ont pas le statut de la Fonction publique, quand ils ne sont pas embauchés à titre tout à fait précaire.
Quant aux jeunes, même d'après les statistiques officielles, seule la moitié d'entre eux trouve un CDI à échéance relativement rapide. Leur premier emploi en entrant dans la vie active, c'est de chercher un emploi. Et cela peut durer des mois, si ce n'est des années, à galérer d'emplois précaires mal payés en stages pas payés du tout, avant d'avoir la moindre chance de décrocher un CDI.
Toute cette actualité sociale est bien plus importante que les déclarations des hommes politiques.
Car les dirigeants politiques sont là surtout pour assurer le spectacle. Et pas seulement au moment de se faire élire, mais aussi une fois élus. Le cérémonial et les fastes de la République sont là pour accréditer l'idée que les décisions essentielles sont prises par eux, c'est-à-dire en dernier ressort par la fraction de la population qui les aura élus. Mais en réalité, ils ne font qu'exécuter ce que leur demandent ceux qui assurent le véritable pouvoir dans ce pays : les propriétaires et les dirigeants des plus grosses entreprises, que personne n'a élus si ce n'est un Conseil d'administration restreint, représentant les intérêts de gros, voire de très gros, actionnaires.
Qui, parmi les travailleurs, peut ignorer que, dans le domaine économique, il y a une véritable dictature. Les patrons ont le droit de tout faire : fermer des entreprises, délocaliser, licencier sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Mais, en dominant l'économie, le patronat et les gros actionnaires qu'il représente dominent aussi toute la vie sociale et toute la politique. Quant aux dirigeants politiques, leur seul rôle c'est de justifier les décisions prises, y compris les décisions les plus contraires aux intérêts de la collectivité.
Depuis cinq ans, ce gouvernement de droite a attaqué le monde du travail sur tous les fronts.
Tout cela a conduit à une régression sociale profonde, aggravée encore par le recul des services publics, par leur détérioration : des services de grands hôpitaux supprimés, des maternités ou des hôpitaux de proximité fermés, des lignes locales de chemin de fer abandonnées, des bureaux de poste de village ou de quartier disparus.
En même temps, le gouvernement a systématiquement favorisé les possédants, petits mais surtout grands, au détriment de tout ce qui dans le budget pourrait être consacré à améliorer les services publics au lieu de les détériorer.
Et Sarkozy a l'intention de continuer, mais en mieux pour les possédants et en pire pour les classes populaires. Il vaut réduire encore plus, voire supprimer, la fiscalité sur les successions. Ce qui profitera surtout aux plus grandes fortunes. Il veut améliorer pour les plus riches le bouclier fiscal. Ce bouclier empêche aujourd'hui un possédant dont les impôts de toute sorte additionnés dépasseraient les 60 % de payer plus que ce pourcentage. Eh bien, Sarkozy veut baisser ce pourcentage à 50 %.
Et mieux ou pire : il voudrait y intégrer la CSG et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Ce qui signifie en clair que même un salarié précaire ou un retraité au minimum vieillesse continueraient à payer la CSG, mais en revanche les milliardaires en seraient exonérés !
La justice serait l'inverse. Il faut supprimer la CSG sur les retraites et les salaires et compenser cette suppression pour les plus pauvres par plus d'impôts pour ceux qui peuvent payer.
Oui, les cinq années de gouvernement de droite ont été des années sombres pour les classes populaires. Mais, contrairement à ce que prétendent les dirigeants socialistes, il n'y a pas eu rupture de continuité à l'occasion des changements de majorité. Il n'y a eu qu'aggravations plus ou moins brutales. En se remémorant le quart de siècle passé pendant lequel la gauche et la droite ont passé à peu près le même temps au pouvoir, on a du mal à se rappeler qui a porté quel coup contre le monde du travail. C'est qu'elles en ont porté toutes les deux, l'une après l'autre ou ensemble.
Et, surtout, derrière les dirigeants politiques et leurs simagrées, il y a le grand patronat et le système économique qu'il dirige et qui fonctionne à son profit ou au profit de ses mandataires, les financiers qui manipulent des capitaux énormes.
Dans ce système économique, c'est la concurrence, c'est la recherche du profit qui déterminent tout, y compris le choix de ce qu'on produit et de ce qu'on ne produit pas. Même ce qui est nécessaire à une vie normale n'est fabriqué en quantité suffisante que si sa production rapporte du profit. Et lorsqu'elle n'en rapporte pas assez, on l'abandonne.
Les hommes politiques, les médias et jusqu'à l'enseignement que les jeunes reçoivent à l'école, contribuent à inculquer l'idée que le profit est indispensable pour faire tourner l'économie. On nous dit que les profits élevés signifieraient que les entreprises sont en bonne santé et que des entreprises en bonne santé, c'est bon pour toute la société !
C'est une contre-vérité, un mensonge abominable, qu'on fait passer pour une vérité première. Car la société n'a aucun contrôle sur ces profits et sur l'usage qui en est fait. Ils sont, pour une large part, dilapidés par les classes riches en dépenses de luxe, yachts, jets privés, résidences secondaires, pierres précieuses ou oeuvres d'art. L'industrie du luxe est le seul secteur de l'économie qui marche bien.
Il est injuste et révoltant qu'un riche privilégié possède de multiples résidences qu'il n'habite pas alors qu'il y a des gens qui meurent de froid parce qu'ils sont contraints de dormir dans la rue. Il est injuste et révoltant que certains puissent payer plus pour une bouteille de grand cru qu'un salarié normal pour la nourriture de toute sa famille un mois durant. Mais le pire n'est même pas là.
Le pire, c'est la guerre que se livrent les grandes entreprises pour assurer le maximum de profits à leurs actionnaires, qui se traduit par un immense gâchis des ressources et du travail humain. Le pire, c'est que ce soit la Bourse et ses fluctuations, la spéculation financière, qui rythment la vie de la société et qui fait à un pôle la fortune extravagante de quelques-uns et à l'autre pôle ruine la vie de milliers d'autres.
La société n'exerce aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Ni directement ni par l'intermédiaire de l'État. Les conseils d'administration ont les mains libres de mener ce que par euphémisme on appelle la concurrence, mais qui est en réalité une guerre économique. Et peu importe à ceux qui dirigent la société que cette guerre économique soit menée comme toutes les guerres avec la peau de la population ! Peu leur importe que le duel entre deux grandes entreprises pour gagner l'une sur l'autre des parts de marché ou, comme c'est à la mode depuis plusieurs années, de se racheter les unes les autres, se traduit par des milliers de victimes ! Oh, pas des morts, en tout cas pas tout de suite, mais d'abord des chômeurs puis des SDF !
Alors, il faut qu'il y ait dans cette campagne au moins quelqu'un qui dénonce ce système dans son ensemble, qui dise qu'il est catastrophique pour la société ; qui dise que, si on veut véritablement changer le sort de la majorité de la population, c'est à ce système qu'il faut s'en prendre vraiment.
Si je me présente, c'est pour dire aux miens, au monde du travail, qu'il ne faut pas être dupe des marionnettes politiques qui occupent le devant de la scène et qui jouent la comédie, alors que, derrière la scène, c'est le grand patronat qui tire les ficelles, quelle que soit la couleur des marionnettes.
Et cela, personne d'autre ne le dira dans cette campagne, et surtout aucun des deux candidats dont toute la presse répète qu'ils s'affronteront au deuxième tour et que c'est l'un d'eux qui inévitablement sera le président de la République.
Que Sarkozy ne le dise pas, c'est dans la nature de la droite. Mais son adversaire désignée, Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste, ne le dira pas plus.
Sarkozy, et la droite qu'il représente, est plus près du coeur et du porte-monnaie de la grande bourgeoisie parce qu'il se présente drapeau déployé comme son meilleur représentant. Mais Ségolène Royal est parfaitement acceptée par elle comme une alternative valable.
Il n'y a rien, mais absolument rien dans ce que dit Ségolène Royal qui puisse donner de l'espoir aux travailleurs et par là même inquiéter le grand patronat. D'ailleurs, Ségolène Royal se garde bien de promettre et, à plus forte raison, de prendre des engagements précis et concrets.
Elle veut revaloriser le Smic à 1500 euros brut, c'est-à-dire 1200 euros net d'ici cinq ans. Tout au plus, ajoute-t-elle ou l'ajoutent pour elle les dirigeants du PS, fera-t-on plus vite si c'est possible. 1200 euros net dans cinq ans ? Mais d'ici là, combien de salariés au Smic seront tombés dans la misère et ne pourront payer ni leur loyer ni le gaz ni l'électricité ?
Et c'est la même chose pour le logement. Ségolène Royal promet de faire construire 600.000 logements sociaux d'ici cinq ans. Mais, je l'ai rappelé tout à l'heure, rien que pour satisfaire ceux qui ont déposé une demande de logement en HLM, souvent depuis des années, il faudrait 1.200.000 logements, c'est-à-dire le double. Au rythme de Ségolène Royal, il faudrait donc dix ans pour que chaque demandeur ait un logement. Mais d'ici là, si elle est élue en 2007, elle ne sera plus présidente, et son engagement n'engagera personne. Mais, surtout, que deviendront pendant ces dix ans ceux qui, aujourd'hui déjà, vivent dans des taudis.
Et à peine Hollande a-t-il proposé d'augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 4.000 euros net par mois, ce qui aurait été une bonne initiative, qu'il s'est fait taper sur les doigts ! Il se peut que ce soit uniquement parce que Ségolène Royal veut se réserver ce genre de proposition, mais jusqu'à nouvel ordre, cela apparaît de sa part plutôt comme un refus de prendre ce genre d'engagement qui la ferait mal voir du côté des revenus élevés.
Parmi les candidats de gauche, il y a aussi Marie-George Buffet. Pour essayer d'agrandir son électorat, elle ne se présente pas en tant que candidate du PCF mais d'une « gauche populaire et anti-libérale ». elle a même mis sa fonction de secrétaire nationale du PCF entre parenthèses.
Pour donner des raisons à son électorat de voter pour elle au premier tour, au lieu de voter directement pour la candidate du PS, Marie-George Buffet essaie de radicaliser son langage et de prendre des engagements que Ségolène Royal ne veut pas prendre car elle peut être élue.
Certains de ces engagements, tels que les a publiés L'Humanité il y a quelques jours, sont pourtant bien tièdes. Sur le logement, si Marie-George Buffet parle de la création d'un « service public du logement et de l'habitat » et si elle propose que les loyers soient plafonnés à 20 % des revenus des ménages, elle ne dit pas qui obligera les propriétaires à louer à ces prix-là. Et, pour ce qui est de la construction des logements sociaux, elle parle, comme Ségolène Royal, de 600.000 logements en cinq ans.
Même tiédeur pour le Smic. Oh, elle s'engage à porter le Smic à 1500 euros dès l'été 2007, mais elle parle elle aussi de 1500 euros brut, en ajoutant seulement « pour aller rapidement à 1500 euros net ».
Sur ces questions, il faut lire ces engagements avec des yeux très attentifs pour y déceler une différence avec Ségolène Royal.
Pour le reste, pour les salaires supérieurs au Smic, pour ce qu'elle appelle la « sécurisation de l'emploi », elle renvoie à des « conférences nationales », c'est-à-dire à des négociations avec le patronat, qui auraient de quoi satisfaire les dirigeants syndicaux mais certainement pas les salariés.
Oh, il y a quand même quelques engagements plus nets comme l'abrogation de la loi Fillon et des décrets Balladur et le rétablissement du droit à la retraite à 60 ans à taux plein avec 37 annuités et demie de cotisation !
Mais, en réalité, ses promesses n'engagent qu'elle car elle a beau se présenter dans sa campagne comme la représentante d'une « gauche radicale de gouvernement », le seul gouvernement dont elle pourrait faire partie, le cas échéant, sera un gouvernement socialiste. Un tel gouvernement sera sous l'autorité de Ségolène Royal. Et Marie-George Buffet ne pourra que se taire ou démissionner, et elle ne voudra pas faire plus que ce qu'elle a fait pendant les cinq ans où elle a été ministre du gouvernement Jospin.
Voter pour Marie-George Buffet, c'est donc, en réalité, voter pour Ségolène Royal et la politique de cette dernière.
A en croire la presse, José Bové annoncera demain sa candidature à l'élection présidentielle. Je ne sais pas si les spéculations des journalistes sont justes tant José Bové varie depuis plusieurs mois entre l'annonce qu'il va peut-être y aller et celle qu'il n'ira peut-être pas. S'il y va, c'est dans l'intention proclamée de disputer à Marie-George Buffet cette électorat que les deux désignent sous l'expression de « la gauche anti-libéral » ou la « gauche du non », en référence au non au référendum de 2005 sur la constitution européenne.
Ce n'est pas moi qui reprocherais à José Bové de se présenter. Et ce n'est pas moi non plus qui voudrait trancher qui représente le mieux le conglomérat fumeux qui se revendique de « l'antilibéralisme », étiquette dont je ne me suis jamais revendiquée.
Rien que pour revenir en arrière sur la régression sociale des dernières années, il faudra que les travailleurs imposent un certain nombre de revendications. Interdire les licenciements dans toutes les entreprises, à commencer par celles qui font du profit pour stopper la progression du chômage réel et de la précarité. Augmenter tous les salaires d'au moins 300 euros. Imposer un salaire minimum de 1500 euros net et qu'aucun salaire ne puisse y être inférieur. Transformer tous les contrats précaires en CDI.
Comme il faut imposer la suppression de toutes les mesures contre la retraite et les retraités prises par Balladur, maintenues par Jospin et aggravées par Raffarin, avec une pension qui soit au minimum égale au Smic réévalué.
Il faut aussi annuler toutes les privatisations dans les secteurs qui ont été des services publics ou qui devraient le devenir. La construction de logements sociaux en particulier devrait devenir un service public.
Et pour financer tout cela, il faudrait rétablir l'impôt sur les bénéfices des sociétés au taux de 50 % où il était dans le passé et supprimer toutes les faveurs fiscales qui ont été accordées aux plus riches au fil des ans.
Ce ne sont nullement des revendications révolutionnaires, loin de là. Ce ne sont que les mesures indispensables pour que les travailleurs retrouvent leurs conditions d'existence d'il y a trente ans, où pourtant, déjà, la vie n'était pas rose pour le monde du travail.
Dans le passé, je parlais de « mesures d'urgence », d'un « plan d'urgence ». L'urgence est plus grande encore aujourd'hui, parce que la situation du monde du travail s'est encore aggravée. Eh oui, je me répète parce que, si les choses ont changé depuis trente ans, c'est en pire !
Le patronat comme les dirigeants de l'État, quelle que soit leur étiquette, nous diront que tout cela, ce n'est pas possible.
Les dirigeants de l'État nous répètent par exemple qu'il n'est pas possible de partir en retraite au même âge qu'il y a trente ans, Leur argument est qu'il y a de moins en moins d'actifs pour financer les caisses de retraites. Mais qu'ils donnent donc du travail à tous ceux qui n'en trouvent pas, le nombre d'actif serait augmenté au bas mot de trois millions de personnes actuellement au chômage ! Et puis, tous ceux qui sortent ce genre d'arguments feignent oublier que s'il y a moins d'actifs, la productivité de chacun d'eux a été suffisamment augmenté pour assurer une retraite correcte à un âge où on peut encore en profiter. Il n'y a pas de raison que seuls les possédants tirent profit de l'accroissement de la productivité !
Les patrons, de leur côté, expliquent à chaque licenciement collectif que s'ils suppriment des emplois, c'est pour en sauver d'autres, qu'ils n'ont pas le choix, que c'est la concurrence ou que c'est la mondialisation.
Voilà pourquoi, même pour leur imposer les modestes objectifs que je viens d'énumérer, il faut que les travailleurs, que les consommateurs, que la population concernée, puissent contrôler le fonctionnement des entreprises, leurs stratégies et surtout leurs finances.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes. On pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
Sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie, on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage,. Sans cela, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse. On ne peut disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre voulu pour donner un enseignement adapté à chacun.
Je sais que nombreux sont dans les classes populaires celles et ceux qui veulent avant tout que Sarkozy ne soit pas élu. Je sais que ce qui leur apparaît le plus urgent, c'est de se débarrasser du pouvoir de la droite.
Et moi-même, je peux affirmer que si, après le deuxième tour, Sarkozy était obligé de remballer sa morgue et sa hargne contre les classes populaires, cela me ferait bien plaisir.
Mais ce plaisir ne suffit pas. Ce n'est pas avec cela qu'on pourra payer son loyer, assurer l'éducation des enfants, se soigner ou trouver un travail ou un logement quand on n'en a pas.
Il ne suffit pas de chasser les hommes de droite de la présidence de la République ou du gouvernement pour que la politique de droite en soit chassée pour autant. Cette politique de droite pourra être reprise à son compte aussi bien par un gouvernement de gauche, pour la bonne raison que c'est la politique exigée par le grand patronat. Depuis trente ans que la gauche et la droite se relaient à la tête de l'État, seules changent les équipes qui dirigent, pas la politique qu'elles mènent. Une politique destinée à réduire, toujours plus, la part des salariés pour accroître celle des possesseurs de capitaux.
Je me présente dans cette campagne pour que les travailleurs, c'est-à-dire les ouvriers, les employés, les enseignants, les techniciens, les chômeurs, les retraités et bien d'autres, puissent dire qu'ils ne se laisseront pas tromper par la droite, bien sûr, mais pas plus par ceux qui se disent de gauche. Il faut que les travailleurs puissent affirmer qu'ils ne se font aucune illusion sur les dirigeants politiques, qu'ils n'en attendent pas de solution à leurs véritables problèmes.
Je sais, bien sûr, que je ne peux pas être élue. Ne peuvent être élus dans les circonstances habituelles que ceux qui sont appuyés par le grand capital, son argent, ses appareils politiques, son influence sur les chaînes de télévision.
Une candidate qui combat leur système n'a qu'une seule chance d'être élue : être portée par un très puissant mouvement social.
Mais, même élue dans ce genre de circonstances exceptionnelles, je ne pourrais rien faire sans que le mouvement social se prolonge bien au-delà des élections et puisse imposer au patronat les décisions qui pourraient, qui devraient être prises contre leurs intérêts privés afin de sauver les intérêts de la collectivité.
Il faut que le mouvement social soit assez puissant pour briser la résistance du patronat lui-même.
Nous ne sommes pas dans cette situation aujourd'hui. Mais je me présente pour indiquer au monde du travail cette voie, la seule pour renverser le mur de l'argent et tous ceux qui le protègent.
Plus il y aura de votes contestataires d'extrême gauche, plus cela redonnera confiance à tous ceux qui en ont assez de recevoir des coups et qui ont envie de les rendre.
Aidez-nous à faire en sorte que nombreux soient ceux qui, dans les classes populaires, en votant pour ma candidature, montrent qu'ils partagent les idées que je viens de défendre. Qu'ils montrent que, s'ils rejettent la droite, porte-parole et serviteur attitré du grand patronat, ils ne font pas pour autant confiance à la gauche qui a toujours trahi ceux qui l'ont élue par peur de toucher au grand patronat et à ses intérêts.
Et, surtout, il faut que les votes en faveur de l'extrême gauche qui conteste l'ordre social soient suffisamment nombreux pour que le grand patronat et ses serviteurs s'inquiètent de l'évolution de l'état d'esprit des classes populaires et qu'ils aient des raisons d'y entrevoir le mouvement social qui s'annonce !