Texte intégral
Q- Qui était à Londres, hier, chez T. Blair ? N. Sarkozy le ministre ou N. Sarkozy le candidat ?
R- Le responsable politique, candidat à l'élection présidentielle, parce que je me dois de prendre contact avec les principaux chefs de Gouvernements, nos partenaires européens, parce que dans trois mois il faudra prendre des décisions extrêmement importantes pour relancer la construction européenne, qui ne peut pas rester immobile.
Q- Si vous y arrivez.
R- Bien sûr. Si je n'y arrive pas, le problème ne se pose pas.
Q- Est-ce que vous...
R- Mais enfin, si je suis candidat, c'est pour essayer d'y arriver et je pense qu'il n'est pas anormal qu'un responsable politique français prenne contact avec ses partenaires, T. Blair est quelqu'un que j'apprécie, que je connais très bien, pour qu'on envisage l'avenir et que l'on essaie de voir comment on peut sortir l'Europe de la situation où elle se trouve.
Q- Quand vous faites de tels voyages, est-ce que vous séparez bien les dépenses et les missions liées à vos activités différentes ?
R- Bien sûr, ce voyage est intégralement financé sur le compte de ma campagne, il n'y a aucun mélange des genres, je connais les règles de la République et je les ai toujours respectées, scrupuleusement.
Q- Vous savez qu'il y a des attaques qui...
R- Ah bon ?
Q- ... qui se sont encore manifestées hier...
R- Ah bon, je ne m'en étais pas aperçu, qu'il y avait des attaques.
Q- ... un ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, est bien informé.
R- Oh, je n'ai même pas besoin d'être ministre de l'Intérieur, j'ai bien vu qu'il y
avait des attaques, d'ailleurs je voudrais dire, de ce point de vue, que je ne
comprends pas tout à fait l'attitude des socialistes...
Q- Eh bien justement, J.-M. Ayrault et J.-P. Bel ont demandé au nom du PS, au conseil constitutionnel, de garantir l'impartialité de l'Etat et l'UDF aussi regrette une confusion des genres.
R- Juste un mot, ça serait tellement plus intéressant que la candidate socialiste nous honore de ses propositions sur les 35 heures, sur le chômage, sur la réduction des inégalités...
Q- Mais elle va le faire, ne soyons pas impatients.
R- Pas du tout, ce que je veux essayer d'expliquer aux socialistes, c'est que m'attaquer systématiquement matin, midi et soir, sur tous les sujets, apparemment, ça ne leur apporte rien, mais surtout ça ne permet pas aux Français de choisir. Moi, depuis des mois je fais des propositions, j'avance des idées, j'y crois, je suis sincère dans ma démarche. Eh bien qu'ils proposent eux-mêmes et que les Français choisissent. Ça me paraît quand même un peu plus intéressant que d'envoyer monsieur Ayrault, qui est certainement un homme estimable mais qui a plus à faire, pour dire : "il y a un grand danger pour la démocratie française, c'est N. Sarkozy". Je suis ministre de l'intérieur depuis 2002, il n'y a pas eu une seule bavure. Donc, franchement, dans l'intérêt même des socialistes, je leur recommande de se préoccuper de leur projet et de leur candidate et un peu moins de moi...Ça fini par devenir gênant.
Q- Mais on ne peut pas évacuer les problèmes, parce qu'il faut tout faire pour que la compétition ait lieu, d'égal à égal et à la loyale. Est-ce que les attaques répétées contre vous sont de nature à vous encourager à quitter le ministère ou à y rester ?
R- Mais enfin, écoutez, les décisions de cette importance, je ne vais pas les prendre parce que monsieur Hollande perd ses nerfs. J'ai pris un engagement devant les Français en revenant au Gouvernement en 2005, c'est de garantir leur sécurité et d'assurer la politique de la France en matière d'immigration. Je n'ai pas l'intention d'abandonner mes responsabilités, simplement parce que le Parti socialiste s'énerve parce que les sondages de sa candidate ne sont pas bons. J'observe d'ailleurs que F. Hollande était le principal conseiller de L. Jospin lorsque celui-ci était candidat à la présidentielle, et que le même F. Hollande, si gêné que je sois ministre de l'intérieur, a été jusqu'à la dernière minute, à Matignon, conseiller L. Jospin, lui-même Premier ministre sortant. Que voulez-vous que comprennent les Français ? Voilà quelqu'un qui me demande de faire quelque chose qui est le strict contraire de ce que son candidat a fait il y a 5 ans. Alors, par ailleurs...
Q- Vous voulez dire que vous ne lui ferez pas plaisir, c'est-à-dire que plus on vous attaque, plus vous restez, c'est ça ?
R- Non, parce que, moi, vous savez, je n'ai pas l'esprit de contradiction...
Q- Non, mais...
R- J'assume mes responsabilités de ministre de l'intérieur garant de la sécurité des Français, jusqu'au moment où je trouve que c'est possible et j'ai dit, que je serai le premier des ministres, à m'imposer des règles que personne ne s'est imposé avant, ni F. Mitterrand, ni J. Chirac, ni V. Giscard d'Estaing, ni aucun autre candidat, c'est-à-dire que je ne serai pas ministre de l'intérieur au moment où démarrera la campagne officielle.
Q- C'est-à-dire le 9 avril ?
R- C'est-à-dire le 9 avril.
Q- Cela veut dire que vous resterez jusque là ?
R- Ça veut dire que pour l'instant je fais mon travail, du mieux que je peux et si j'en juge, pardon de le dire, mais avec quelques résultats. Parce que, pourquoi les socialistes s'énervent ? C'est parce que nous avons obtenu des résultats dans la baisse de la délinquance, et alors ils se disent : "Mais c'est très embêtant. C'est un ministre de l'intérieur qui est efficace, donc il faut qu'il parte, parce que comme ça il sera moins efficace".
Q- Non, mais ça c'est votre version...
R- Non non.
Q- Ça c'est votre version, leur interprétation, mais vous...
R- Si je peux juste répondre, je dis simplement...
Q- Mais vous savez bien qu'il n'y a pas que ça. Vous savez bien qu'il n'y a pas que ça, vous êtes le ministre des élections, vous êtes en même temps en charge, bon, bien sûr, de la sécurité et d'autres problèmes, de l'immigration, etc. vous le dites. Mais en même temps, est-ce que ce n'est pas fausser le jeu que d'être à la fois le ministre et le candidat ? Vous dites : le 9 avril, quand la campagne démarrera, je ne serai pas là, comme ministre de l'intérieur, mais vous ne me dites pas si vous restez jusque là.
R- Cela veut donc dire que, un mois et demi, avant le second tour, je serai parti. Eh bien c'est déjà pas mal. Et si monsieur Hollande trouve que ce n'est pas assez, demandez-lui donc de ma part, pourquoi il n'a pas demandé à L. Jospin de ne pas rester jusqu'à la dernière minute ? C'est quand même extraordinaire ça, c'est quand même extraordinaire, ça, c'est exactement comme quand il nous a dit qu'il n'aimait pas les riches, c'est d'ailleurs une formule curieuse, avant que l'on n'apprenne qu'il paie l'ISF. Moi, je ne le lui reproche pas, moi aussi je le paie, mais quelle drôle d'idée d'aller dire que l'on n'aime pas les riches. Après, il a fixé que l'on était riche à partir de 4 000 euros par mois. Ça en fait beaucoup, mais moi...
Q- Alors, attendez, il y a beaucoup de questions à vous poser...
R- ... à la différence du Parti socialiste français, je souhaite pour la France que les gens puissent avoir des moyens, assurer la promotion sociale de leur famille...
Q- Selon le Canard Enchaîné, vous avez entendu, il y a eu une enquête, et plusieurs dirigeants du Parti socialiste, dont J.-M. Ayrault ici même hier matin, vous auriez demandé ou vous avez demandé à vos services, d'enquêter sur le patrimoine du couple Royal/Hollande. Est-ce que c'est rai ? Est-ce que vous demandez que l'on écoute S. Royal, la candidate socialiste ?
R- C'est vous qui posez la question, donc je sais que vous êtes un homme raisonnable et respectueux de l'usage républicain...
Q- Non non, mais elle se pose.
R- Non, ce n'est pas vrai, c'est de la calomnie, ce sont des mensonges, je démens formellement, comme ont démenti les responsables de la police de la République française. Je suis ministre de l'Intérieur depuis 2002, il n'y a donc jamais eu un quelque scandale que cela soit, et tout ceci, chacun le comprend bien, c'est pour faire diversion, parce que la candidate socialiste se trouve très mal, après un certain nombre de déclarations, dont, le moins que l'on puisse dire, est qu'elles furent étonnantes et qu'il faut faire un rideau de fumée.
Q- Est-ce que vous nous dites, par exemple, ce matin, que le candidat Sarkozy demande au ministre de l'Intérieur, N. Sarkozy, un engagement à plus de clarté et de transparence ?
R- Mais non !
Q- Exemple, exemple, ce qui s'est fait avec l'ex-président de Greenpeace B. Rebelle. Qui a donné l'ordre ? Est-ce que c'est vrai que vous êtes derrière ? Je vous pose la question qui se pose et que l'on pose dans le débat public.
R- D'abord, je vous remercie de me poser des questions, si je ne voulais pas répondre aux questions, je n'aurais pas répondu à votre invitation, mais peut-être pouvons-nous les prendre les unes après les autres. Sur ce monsieur Rebelle, dont j'ai pris la connaissance en lisant la presse, je me suis interrogé sur cette fameuse note. Savez-vous quand la note a été rédigée, des RG, sur monsieur Rebelle ? Le 2 décembre 1997. Qui était Premier ministre ? L. Jospin. Qui était ministre de l'intérieur ? J.-P. Chevènement. Cette note, a été réactualisée par les services, une trentaine de fois, notamment pendant les 5 ans du Gouvernement de L. Jospin. Je n'ai pas le ridicule d'accuser monsieur Jospin, mais quand je vois que ces malheureux socialistes français en sont à me faire le procès d'une note, qui a été rédigée pour la première fois le 2 décembre 1997, à l'époque même où c'était leurs amis qui étaient au pouvoir, où monsieur Hollande venait prendre ses petits-déjeuners avec L. Jospin et où madame Royal était la collaboratrice de F. Mitterrand, président de la République, je trouve qu'il y a un peu de culot à s'arroger une vertu qu'ils n'ont pas. Alors, par ailleurs, monsieur Rebelle, qu'il vive sa vie, ça m'est totalement indifférent. Alors, ce qui me préoccupe en revanche, ce sont les déclarations insensées de la candidate socialiste, indiquant que si elle arrivait au pouvoir, elle réduirait de 32 % la capacité de production de l'électricité
nucléaire française...
Q- En dix ans.
R- Ce qui est extraordinaire, sans nous dire...
Q- C'est une question que je lui ai posée.
R- Sans nous dire...
Q- C'était dans une lettre à N. Hulot.
R- Sans nous dire par quoi elle le remplacerait, sans doute la bougie, à moins que ça ne soit le charbon ou le pétrole, ce qui accroîtra la pollution. J'aimerais avoir le commentaire de ses alliés communistes qui sont pour l'énergie nucléaire, de la CGT sur le sujet, ça coûtera des dizaines de milliers d'emplois. La France, grâce au Général de Gaulle, s'est dotée de l'indépendance énergétique grâce au nucléaire et voilà que madame Royal nous annonce, alors, benoîtement, que l'on va fermer tout ça, tout simplement parce qu'elle pense que ça peut séduire une partie d'un électorat vert qui n'a pas encore compris que l'énergie nucléaire c'était une énergie propre. Alors, ça, ça me paraît...
Q- Pourquoi disiez-vous tout à l'heure...
R- Alors ça, ça me paraît, important, un débat plus important que la note sur ce fameux monsieur Rebelle.
Q- Pourquoi vous dites que c'est une sorte de diversion ? Vous pensez que le camp d'en face perd les nerfs ou panique et pourquoi, il y aurait des raisons ?
R- Vous aurez observé que depuis le début de cette campagne je fais des propositions et que je n'attaque personne. J'observe et je vois les déclarations des uns et des autres, qui se tournent vers leur candidate en disant "ça ne va pas". Moi je n'y peux rien, je regarde, et je dis que la meilleure façon que ça aille, c'est que chacun présente son projet et que ça ne sert à rien de s'attaquer comme ça.
Q- Alors, vous avez félicité T. Blair, hier, à Londres, pour son travail remarquable, pas même en Irak, là dessus vous ne le félicitez pas ou vous le félicitez aussi ?
R- Savez-vous combien il y a de chômeurs en Grande-Bretagne ?
Q- 4,5 %.
R- 4,5 %, c'est-à-dire le plein emploi. Il ne faut pas me reprocher de vouloir pour la France, le meilleur, malgré les résultats remarquables...
Q- Non, mais, attendez...
R- Non, mais je voudrais répondre, si c'est possible, pour terminer juste là-dessus, je reviendrai sur l'Irak, bien sûr...
Q- Et sur le reste, oui.
R- ... malgré le travail remarquable de D. de Villepin, de J.-L. Borloo, de T. Breton, notre chômage n'est pas à 4,5 %, donc j'essaie de regarder en Europe comment ils ont fait pour obtenir des résultats remarquables comme ça. J'ai visité notamment un centre de placement pour l'emploi qui est extrêmement intéressant : tous les 15 jours le demandeur d'emploi est convoqué. Il doit s'expliquer sur sa recherche d'emploi, parce que s'il refuse un emploi, on lui réduit ses allocations. C'est normal, parce que la solidarité nationale, ce sont des droits, mais il y a une contrepartie, un devoir, et tenez-vous bien, le taux de chômage moyen, c'est trois mois, et quand au bout de trois mois vous n'avez pas retrouvé un emploi, il y a un super conseiller spécialisé qui vous prend en mains, qui dit "on va vous trouver un emploi, monsieur". Eh bien moi je veux être le candidat du travail, qui parle aux travailleurs parce que le travail aujourd'hui a été méprisé par une certaine gauche. On m'a reproché de parler de Jaurès et de Blum, mais la gauche de Jaurès et Blum, elle parlait des travailleurs parce qu'elle respectait le travail.
Q- Donc il y a de bonnes idées dans la sociale démocratie anglaise, chez les travaillistes ?
R- Mais enfin, il y a de bonnes idées partout et en tout cas T. Blair a bien redressé son pays. Dire ça, c'est quand même quelque chose de raisonnable. Pour le reste, sur l'Irak, j'ai toujours considéré, je l'ai dit et je l'ai écrit, que l'intervention américaine était une erreur, et je mets au défi qui que ce soit de trouver autre chose dans ma bouche. Ça ne m'empêche pas de dire que l'Amérique c'est un très grand peuple, une grande civilisation, et qu'il y a quand même une caractéristique, les Américains et les Français, c'est l'un des seuls peuples dans le monde avec qui on n'a jamais été en guerre, ce n'est quand même pas une raison pour qu'on s'insulte.
Q- Non, mais vous savez très bien ce qui se dit et se répète : N. Sarkozy président de la République aurait engagé l'armée française dans la guerre d'Irak.
R- Mais qui le dit ?
Q- Ah ben, hier matin, ici, J.-M. Ayrault...
R- .Ah ben quelle référence !
Q- Enfin, c'est le porte-parole du Parti socialiste à l'Assemblée.
R- Eh bien justement, ce n'est donc pas le mien.
Q- Le porte-parole et le président du groupe.
R- Oui, mais c'est donc pas le mien.
Q- Oui, mais enfin...
R- C'est exactement, si vous me permettez la comparaison, comme si RTL se mettait à commenter les programmes d'Europe 1, je ne suis pas sûr qu'ils seraient aussi flatteurs que vous le souhaiteriez.
Q- Alors, hypothèse, et donc c'est normal qu'il ne le soit pas à votre égard. Hypothèse dans trois mois. Vous êtes président de la République installé à l'Elysée. G. Bush, vous êtes content de votre plaisanterie, mais, G. Bush déclenche...
R- Non, je suis content de votre silence.
Q- Mais parce que moi je ne suis pas là à répondre à vos questions..
R- Il est si rare !
Q- Oui, c'est ça. G. Bush déclenche une opération militaire pour sanctionner l'Iran. Est-ce que la France y va, si vous êtes président ?
R- Mais enfin, écoutez, d'abord, l'Iran, c'est plus de 70 millions d'habitants, c'est un pays dont...
Q- Non mais je veux savoir si vous êtes suiviste de décisions américaines et de Bush ?
R- Non, mais j'avais compris. J'avais compris. C'est une question provocante, je ne vous en veux pas du tout, j'essaie d'y répondre sérieusement. Ce n'est pas une petite affaire. Sur le bureau du président de la République, dans trois mois, il y aura le dossier de l'Iran, le dossier du Liban, le dossier palestinien, du Darfour, d'Israël. Ce sont des choses lourdes. La question iranienne est une question centrale. Je ne crois pas au principe d'une invasion. Dans un pays de plus de 70 millions d'habitants, avec le relief, par ailleurs, qui est le sien. On voit ce qu'a donné l'affaire de l'Irak. Pour autant, il faut croire au dialogue. C'est une affaire sérieuse et on ne doit pas, comme ça, simplement, pour le plaisir de répondre à une question, répondre par oui ou par non à quelque chose de très difficile. Je crois à la fermeté à l'endroit de l'Iran. L'Iran ne doit pas avoir accès à l'arme nucléaire. En revanche, je trouve qu'il est irresponsable de dire que l'Iran ne doit pas avoir accès au nucléaire civil, car c'est la meilleure façon de solidariser la population iranienne, avec des dirigeants, dont le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils sont irresponsables. Si vous dites aux Iraniens : "vous êtes le seul peuple du monde à ne pas pouvoir bénéficier de l'énergie du futur", vous allez aider les dirigeants irresponsables actuels de l'Iran, à convaincre les Iraniens, la population qui veut la paix, que c'est un choc de civilisations. C'est ce que veulent les extrémistes. C'est le contraire de ce que nous voulons. Il n'y a pas un pays dans le monde qui a proposé d'interdire le nucléaire civil aux Iraniens. Alors il faut être sérieux dans...
Q- D'autant plus que les voisins de l'Iran, le Pakistan, l'Inde, etc. ont à la fois l'arme nucléaire et ont les autorisations et les accords de la part des Etats-Unis.
R- Mais, imaginez qu'un certain nombre de pays développés occidentaux, décide, décrète de ceux qui ont le droit à l'énergie du futur et de ceux qui n'y ont pas droit ? Mais vous voyez dans quel conflit on plonge le monde ? Or, les dernières élections municipales iraniennes ont montré quoi ? Un désaveu par la population iranienne du président actuel. C'est une source d'espoir. Je ne dis pas que c'est facile, je ne dis pas que c'est simple, donc dialogue, fermeté, convictions, pas d'arme nucléaire, pas de réponse hâtive, même si chacun le voit, le principe d'une intervention militaire présenterait des risques considérables pour l'équilibre de la planète.
Q- Dans certains de vos discours ou de vos entretiens, vous dites, que vous promettez de baisser de 4 points les prélèvements obligatoires en les mettant au niveau européen et de rendre, vous vous en souvenez, de rendre 68 milliards d'euros aux Français, et vous dites ce matin au Figaro, en deux législatures, c'est-à-dire en dix ans. Vous êtes donc candidat à deux mandats.
R- Là aussi il faut être précis et sérieux.
Q- C'est ce que je fais.
R- Non, mais n'y voyez pas de reproche, je vous connais, je vous écoute et je sais bien, bien sûr.
Q- Très bien.
R- Pourquoi j'ai dit 68 milliards d'euros ? Ce n'est pas un chiffre, comme ça, que je sors de ma tête, nos auditeurs doivent le comprendre. Je pense qu'il est parfaitement contradictoire d'être européen et d'accepter que la France soit le pays d'Europe où on paie le plus grand nombre d'impôts. 68 milliards d'euros en moins c'est quoi ? Ça permettrait à la France de revenir à la moyenne de l'Europe des 15, pas des 25 puisque naturellement je ne compare pas avec la Slovénie.
Q- Oui, mais comment vous les trouvez ?
R- Donc, 68 milliards d'euros, c'est 2 000 euros par an de pouvoir d'achat à chaque Français, qui seraient rendus. Je dis que ce que font en moyenne nos partenaires, on doit le faire nous-même. Alors, pour cela, ça veut dire un certain nombre d'économies. Je voudrais prendre des exemples. On paie 5 milliards d'euros chaque année pour financer les préretraites, c'est-à-dire pour empêcher les gens qui veulent continuer à travailler, à travailler. On paie, tenez-vous bien, 17 milliards d'euros pour financer les 35 heures rigides.
Q- Vous les supprimez ?
R- Alors, les 35 heures comme... J'y réponds.
Q- Ça veut dire qu'il n'y a pas de compensations qui seraient données aux entreprises pour les 35 heures ?
R- Mais ce n'est pas possible ainsi, parce que sinon on mettrait les entreprises françaises en problème de compétitivité considérable.
Q- Mais on économise.
R- Mais c'est quand même invraisemblable. Que les 35 heures soient un minimum, pourquoi pas, mais ce qui ne va pas c'est d'en faire un maximum. Et je veux qu'on ne paie pas de charges sociales sur les heures supplémentaires, qu'on ne paie pas d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires. La France, ne souffre pas de trop de travail mais de pas assez de travail. Il y a un gigantesque problème de pouvoir d'achat, de salaires. Les salaires sont trop bas, il n'y a pas assez de carburant dans l'économie française pour récupérer le point de croissance qui nous manque par rapport aux autres. C'est la raison pour laquelle je dis : laissons les gens qui veulent travailler, travailler plus longtemps. Je suis pour la retraite à 60 ans, mais pourquoi on veut faire partir tout le monde le même jour à la même heure ? Et pourquoi celui qui est à la retraite ne peut-il pas prendre un emploi à temps partiel, en plus ? Nous sommes, écoutez, les 35 heures ont cela de bizarre : c'est la seule idée au monde pour laquelle on n'a pas besoin de déposer de brevet, parce que personne ne vient nous la prendre. On devrait quand même réfléchir ! Comment se fait-il qu'aucun pays au monde ne se soit doté de notre système ? Parce qu'on a bien compris que les 35 heures avaient fait baisser les salaires, c'est une mesure antisociale, c'est une mesure qui crée du chômage et qui empêche la France d'être compétitive. Laissons le gens travailler s'ils veulent gagner plus.
Q- Vous avez dit : "j'ai changé", le 14 janvier. Qu'est-ce qui garantit qu'une fois élu vous ne changeriez pas encore ?
R- Oui, non, ce n'est pas le 14 janvier que j'ai changé, je n'ai pas eu la grâce, le matin du 14 janvier.
Q- Oui, mais vous l'avez dit. C'est une longue maturation, un long cheminement, mais qu'est-ce qui dit que vous ne changerez pas à nouveau ?
R- Je vais essayer de m'en expliquer. Ce qui a changé c'est que j'ai osé le dire. Pourquoi j'ai voulu le dire, parce que la campagne présidentielle c'est un moment de vérité et que chacun des candidats doivent se présenter dans leur vérité, quelles sont vos convictions, quel est votre programme, qui êtes vous, monsieur ou madame ? Et à partir du moment où on a cette ambition d'être candidat à la présidence de la République, j'ai une haute idée de la fonction présidentielle. On se doit d'être à la hauteur de cette responsabilité. Je ne suis pas le candidat à la tête d'un parti, je suis un candidat pour représenter la France, pour fixer une perspective.
Q- Alors ?
R- Pour incarner des valeurs.
Q- Alors ?
R- J'ai un devoir de vérité, j'ai donc dit qui j'étais.
Q- Alors, vous ne m'avez pas répondu, tout à l'heure. Je vous ai demandé : est-ce que c'est pour deux mandats les 68 milliards de récupération ?
R- Oui.
Q- Deux mandats, deux législatures, ça veut dire deux mandats. Vous êtes candidat, si ça marche, en premier, et deuxièmement si ça marche, à une réélection de dix ans.
R- Je dis...
Q- Il faut dix ans pour réformer le pays ?
R- Je dis, pour faire 68 milliards d'allègements d'impôts et revenir dans la moyenne européenne, eh bien si on peut aller plus vite on ira plus vite, mais il me semble que deux quinquennats sont raisonnables, ça ne veut donc pas dire du tout que je serai candidat si jamais j'étais élu une première fois.
Q- Vous voulez être, et vous l'avez dit, un président leader, un président qui gouverne, qui assume, qui s'explique devant le Parlement. Aujourd'hui, vos adversaires estiment que l'Etat est déjà entre vos mains, que vous contrôlez tout. Comment éviter une grande et une plus grande et dangereuse concentration des pouvoirs ? Parce que vous savez que vous faites peur, encore, à quelques-uns.
R- Ah bon, pas à vous j'espère.
Q- Moi, non, je vous connais, mais enfin...
R- Vous êtes si courageux.
Q- Oui... pourquoi, il faut du courage pour ne pas voir peur de vous ?
R- Ah oui, énormément, énormément.
Q- Mais il faut penser à d'autres Français qui ne connaissent pas et qui n'ont pas vu l'évolution de N. Sarkozy et son ascension.
R- Plusieurs questions dans une seule. D'abord, oui, je veux être un président qui assume ses responsabilités. C'est étrange, je l'avoue, mais c'est comme ça. Si les Français votent pour moi, m'élisent président de la République, je leur dis très simplement : je ferai après, tout ce que j'ai dit avant. Je veux faire de cette campagne présidentielle une forme de référendum, que les Français tranchent les grands problèmes de la France, qu'ils donnent mandat au président de la République qu'ils choisiront pour conduire cette politique. Qu'il n'y ait pas de mauvaise surprise. Deuxième élément, j'ai également demandé des contre-pouvoirs. Je crois être le seul candidat et le seul qui postule à cette responsabilité, à avoir dit que je ne voulais plus que les nominations soient le fait du prince, c'est-à-dire que j'ai demandé que le pouvoir de nomination présidentiel soit encadré. Comment ? De deux façons. Pas de nomination importante quand celui qu'on propose à la nomination ne s'explique pas sur son projet. Je prends un exemple : il n'est pas possible de choisir un président d'EDF sans écouter le projet et la stratégie pour cette grande entreprise.
Q- Et le président du Conseil constitutionnel, on peut le choisir...
R- Et deuxième chose... Pareil, pareil.
Q- Mais alors, on le fait avant l'élection ou après l'élection ? Répondez, répondez.
R- Non mais je veux terminer, je réponds à vos premières questions. Deuxième élément, je souhaite un vote et vraisemblablement à la majorité qualifiée, pour que la majorité et l'opposition se mettent d'accord sur une nomination digne, et respectable. Je veux une République irréprochable. Alors, maintenant, vous dites... mais, attendez, écoutez, vous faites peur. Eh bien c'est peut-être parce que je peux gagner. C'est peut-être ça, parce que depuis le temps qu'on le dit, je sais bien que les sondages ne veulent rien dire, mais enfin s'ils étaient mauvais, on me les servirait tous les jours. Qu'est-ce que j'essaie de faire ? Moi, je ne me résous pas à la crise de la politique. Un Français sur deux qui ne vote pas, et un quart de ceux qui votent, qui votent pour les extrêmes. Alors, il y a tout le système classique qui dit : continuons comme si de rien n'était. Moi, je dis non. Je veux parler librement, proposer librement. J'ai eu à gérer tant de crises depuis 5 ans : les émeutes de novembre 2005, pas un mort chez les émeutiers, pas un mort chez les policiers et les gendarmes. Vous croyez
qu'on peut le faire si on n'a pas des nerfs et du sang froid ? Vous croyez que je n'ai pas l'expérience de conduire les choses ?
Q- Vous ne comprenez pas que beaucoup de Français...
R- Si je comprends.
Q- Que beaucoup de Français vous craignent ou craignent la concentration des pouvoirs entre les mêmes mains, qu'il y ait un tempérament, et que vous recommenciez à changer et...
R- Alors, la concentration des pouvoirs...
Q- Non, vous avez dit : j'ai demandé des contre pouvoirs. D'abord, il y en a qui existent, il faut les faire vivre.
R- La concentration des pouvoirs, croyez-vous que J. Chirac soit quelqu'un de nature à obéir à ce que je souhaite ? Ne pensez-vous pas que dans la majorité depuis 5 ans il y a eu un certain nombre de débats et qu'on ne peut pas dire que tous les pouvoirs étaient dans mes mains ? Qu'est-ce que c'est la concentration des pouvoirs ? Croyez-vous qu'on m'a donné l'UMP ? Je n'ai pas du le conquérir ? Vous savez, la différence entre, pardon de le dire, entre moi et d'autres concurrents, c'est que moi j'ai été d'abord dans le public, au dernier rang de la salle. J'ai gravi tous les échelons. Je comprends que ça puisse inquiéter un système. Moi, je n'ai pas commencé par les cabinets ministériels, je n'ai pas commencé en étant la conseillère privilégiée de tel président de la République. J'ai commencé...
Q- Vous dites que ça change de perspective à ce moment là quand on vient du fond de la salle.
R- Oui. Pourquoi ? Et c'est quelque chose que vous devez savoir vous aussi, parce que quand je fais un discours, je sais ce qu'attendent les gens dans la salle, puisque j'en viens. Je n'ai pas commencé dans les cabinets ministériels, je n'ai pas été le chouchou de tel ou tel prince de la République, j'ai du gravir les échelons et j'ai toujours appliqué la règle de la République : le travail, le mérite, l'effort, la récompense. C'est une sacrée différence.
Q- "Si J. Chirac devait me manifester son soutien, avez-vous dit au Figaro ce matin, ce serait important". C'est évident, mais vous attendez, N. Sarkozy, qu'avant le deuxième tour, le président de la République de tous les Français annonce qu'il vous soutient, que vous êtes dans sa famille et qu'il vous soutient ?
R- Je n'attends rien, je ne demande rien. Quand on est candidat à la présidence de la République, on s'adresse à tous les Français quels qu'ils soient et ce sont eux qui donnent, ce sont eux qui décident. On me pose une question sur J. Chirac, j'ai dit : "s'il me manifestait son soutien un jour, ça serait important" ; maintenant il le fait quand il le décide, je ne demande rien.
Q- Alors hier, 30 janvier, vous avez lancé votre appel de Londres. Vous dites aux Français de l'extérieur : revenez, revenez pour réinventer avec moi la République, revenez ! Vous avez des signes qu'ils reviendront et pourquoi ils reviendraient ? Et d'autre part, est-il plus facile ou il est plus difficile d'obtenir le retour des exilés fiscaux du Luxembourg, de Monaco ou de Suisse que de ceux de Londres ?
R- Pour moi la question c'est : est-ce que la France ne doit être accueillante qu'aux sans papiers, aux sans formation, aux sans emploi et puis aux sans perspectives ? Est-ce que vous croyez qu'on va réduire la pauvreté en France et donner du travail si on fait fuir absolument tous ceux qui veulent créer, innover, entreprendre ? Est-ce que vous croyez que la France aujourd'hui, n'a pas besoin du patrimoine, de la richesse, de l'imagination, de l'audace ? Quand vous pensez qu'on s'est donné le ridicule de dire au professeur Montagnier qui le premier a isolé le virus du sida, qu'il était trop vieux pour continuer à chercher, il était trop vieux en France. Ca fait dix ans qu'il cherche pour le grand bénéfice des Américains. Je dis que je veux refaire de la France le pays de l'innovation, de l'audace, de la création, de l'imagination. Je veux faire revenir ceux dont on a besoin, je veux recréer les conditions d'un capitalisme familial ; c'est-à-dire qu'en France, on ne souffre pas d'un déficit de projets, mais d'un déficit de financements. On prête de l'argent d'abord et spécialement à ceux qui n'en ont pas besoin. Est-ce que vous croyez qu'on peut continuer à partager une richesse qu'on n'a plus, ou est-ce qu'il faut peut-être se poser la question de créer de la richesse ?
Q- Hier j'ai constaté que T. Blair vous a accompagné jusqu'au seuil de 10 Downing Street. Il ne le fait pas souvent. Vous avez parlé de différents sujets, est-ce que par exemple, il vous a promis de faire un effort supplémentaire pour que les Anglais s'intéressent davantage à l'Europe et qu'ils s'en rapprochent ?
R- On a parlé beaucoup de l'Europe et j'ai dit à T. Blair que l'Europe avait besoin de la Grande Bretagne, l'une des économies les plus prospères d'Europe et que l'avenir de l'Europe c'était aussi la Grande Bretagne et que l'avenir de la Grande Bretagne c'était dans l'Europe. Et on a parlé des conditions de sortir de l'imbroglio institutionnel où nous nous trouvons. V. Giscard D'Estaing a fait un travail absolument remarquable. Les Français se sont prononcés, j'ai donc proposé un traité simplifié pour rassembler les mesures qui ont fait consensus dans la constitution de V. Giscard D'Estaing...
Q- Et T. Blair, qu'est-ce qu'il dit ?
R- Il me semble qu'il est d'accord sur le principe. Et partant, il va bien falloir sortir de cette situation, or nous avons une opportunité historique, la présidence allemande. Je serai le 12 février à son invitation, avec A. Merkel, je lui ferai cette proposition, il faut que le projet européen reparte de l'avant, je suis européen, je crois à l'Europe mais il faut une autre Europe. Une Europe avec des frontières, une Europe qui n'ait pas peur de protéger, une Europe qui décline la préférence communautaire.
Q- Quand vous êtes rentré de Londres, vous étiez content de voir que votre fils avait retrouvé son scooter ?
R- Ah ça manquait ça, tiens voilà !
Q- Ben ouais !!
R- Ecoutez...
Q- Oui parce que vous savez que F. Bayrou a dit : "il ne faut pas deux poids deux mesures", est-ce qu'on traque les voleurs de bicyclettes de la même manière partout ?
R- Je voudrais, si vous me le permettez, qu'on laisse mes enfants en dehors de tout ça et je vais vous donner un chiffre qui va vous faire comprendre les choses. En 2006 on a retrouvé 7.000 scooters volés. En 2006 on a procédé à 30.000 analyses capillaires. Est-ce qu'il ne faut pas faire d'analyses d'ADN et est-ce qu'il ne faut pas rechercher un scooter parce que ça serait celui d'un de mes enfants ? Je suis triste pour ceux qui utilisent de tels arguments, c'est tout.
Q- Est-ce ça veut dire qu'on les utilise ?
R- Parce que c'est vraiment vous savez... il y en a certains qui disent qu'ils vont à la messe, ils feraient mieux de pratiquer plus souvent.
Q- Le 14 janvier, vous avez demandé à vos amis de vous laisser libre d'aller vers les autres, vers celui, disiez-vous, qui n'a jamais été mon ami, qui n'a jamais appartenu à notre camp et qui parfois nous a combattus, c'était une très belle phrase. Vous avez commencé à aller vers le territoire des autres, est-ce que la récolte est bonne ?
R- Non ce n'est pas comme ça, je pense que le président de la République doit parler à tous les Français, sans exception. Et moi c'est vrai, je parle à ceux qui se sont tournés vers le Front national, je n'ai aucune raison de les laisser dans ce ghetto, ils sont partis au Front national parce qu'ils souffraient, il n'y aucune raison que je ne tienne pas compte de cette souffrance. Je parle aux électeurs de gauche, alors j'ai vu que madame Buffet s'énervait parce que je parlais de Jaurès, mais que n'en a-t-elle parlé elle-même ; Jaurès fait partie du patrimoine de la France, comme Blum, comme Mandel, comme Clemenceau. Il n'y a aucune raison que ça lui appartienne, il n'y a pas deux histoires de France, une histoire de gauche et une histoire de droite. Il y a une histoire de France et puis j'en ai assez de la repentance. Je pense que quand on se repend systématiquement c'est qu'on n'aime pas son pays et quand on n'aime pas son pays c'est qu'on ne s'aime pas soi-même. Ce n'est pas positif pour faire de la politique.
Q- Et la grande féministe O. de Gouges qui est morte sur l'échafaud en 1793, est-ce que vous l'inscrivez dans votre Panthéon aussi ?
R- Certainement, mais elle a mal fini comme vous le savez.
Q- S. Royal a de l'admiration pour elle, elle se sent aussi révolutionnaire, elle le dit dans un entretien que publie aujourd'hui un magazine italien et elle ajoute qu'elle espère ne pas être décapitée ; est-ce que vous avez l'intention, symbolique, de la décapiter ?
R- C'est une drôle d'idée quand même. Elle doit penser à ses amis, certainement. Mais je dois dire à S. Royal - qu'elle ne m'en veuille pas de ce clin d'oeil - qu'elle est en train de tenir promesse avec ce qu'elle a dit en Martinique. Elle a dit qu'elle allait tout casser, eh bien c'est bien parti.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 janvier 2007