Texte intégral
Q- Etes-vous prêt pour la folle journée 2007 vous ?
R- Vous parlez de la folle journée de Nantes j'imagine, qui commence ce week-end ?
Q- Par exemple, en ébullition, en poésie, en musique, je crois qu'il y a 270 concerts prévus pour célébrer l'harmonie des peuples ?
R- Absolument, et je crois que ça peut être aussi un bel objectif politique. Mais c'est un défi.
Q- Quand j'ai dit la folle journée 2007, j'aurais dû parler du PS ?
R- Non, vous voulez la folle journée pour la France. C'est-à-dire, que les Français sont devant un choix très important, et ils veulent avoir les cartes en main pour décider, et cela c'est ma conviction que j'entends tous les jours, et ils veulent la clarté, l'authenticité, ils ne veulent pas se laisser ballotter par l'anecdote, les petites phrases, les soi disant gaffes des uns et des autres...
Q- Il vaut mieux ne pas en prononcer dans ces cas-là...des petites phrases...
R- Des petites phrases, pour l'instant je n'en ai pas prononcé.
Q- Non, mais...celle que vous défendez ?
R- Non, mais franchement je ne crois pas que S. Royal prononce des petites phrases. Je trouve cela très injuste, très injuste.
Q- Ne perdons pas de temps là-dessus. En attendant le programme de la candidate, les 3 et 11 février, elle avait commencé très fort, tout le monde l'a reconnu, choisie, poussée par l'opinion. Pourquoi est-elle au creux de la vague ?
R- Je ne dis pas qu'elle est au creux de la vague, parce que je sens sur le terrain une attente forte à l'égard de S. Royal. C'est peut-être ce qui manifeste cette impatience en quelque sorte. Je termine une tournée de voeux dans les quartiers de Nantes, j'ai rencontré depuis le début du mois 10.000 personnes environ, et j'ai discuté, parlé de politique locale et nationale. Et je sens une attente très très forte. Pourquoi une attente forte à l'égard de S. Royal ? Parce que je crois que c'est la seule qui peut vraiment changer les choses, qui peut vraiment gagner, et qui peut battre Sarkozy. Alors, qu'il y ait une campagne contre elle pour la déstabiliser, la discréditer, c'est logique, c'est tellement démesuré que je crois que ça va finir par se retourner contre leurs auteurs.
Q- Mais par exemple, il y a deux enquêtes, peut-être que je vous les révèle, mais vous auriez pu en trouver au moins une dans LeFigaro. Pour la Sofres de samedi, en cote d'avenir, S. Royal baisse de 6 points ; N. Sarkozy, gagne 6 points. Et pour Ipsos-Le Point de demain, au premier tour pour elle, moins 3,26 % pour lui, plus 3,35 % ; au deuxième tour, 54 % contre 46 %.
R- Il faut absolument qu'on rentre dans le vif du sujet, qu'on sorte de ce
que j'ai appelé l'anecdote, les petits épisodes sans intérêt, je dirais
même plutôt nuls, pour aller au fond des choses, et pour que les
Français se fassent vraiment une opinion. Pour l'instant, on n'y est pas
allés. Parce que vous recevez, je crois, N. Sarkozy demain. Si j'étais là,
je pourrais lui poser des questions. Parce que lui, c'est la méthode de
l'embrouille...
Q- Non, mais ne vous inquiétez pas, je lui poserai.
R- Justement, alors, je...
Q- On va aller sur le fond...
R- Non, mais c'est important sur le fond.
Q- Sur le fond vous dites...
R- Attendez, je veux être précis. Parce que, quand N. Sarkozy fait un discours aux travailleurs, en citant Jaurès, il a le droit de citer Jaurès, sauf que quand le lendemain il est devant une assemblée générale de petits patrons, et qu'il leur dit : "il y aura un contrat de travail unique, et ce contrat de travail unique ce sera le CNE", parce que le CNE ça marche bien soi disant, c'est-à-dire, au fond le CPE généralisé, ça tombe comme ça ! Je dénonce ça, parce que c'est une autre conception du droit du travail, c'est une autre conception des rapports sociaux. Et là, si on ne dit pas ça, on n'est pas dans le débat de fond.
Q- Si vous me permettez, attendez qu'il soit là, et je lui poserai la question sur...
R- Oui, sauf que...
Q- ...rassurez-vous, sur ses contradictions si il y en a.
R- Il y en a beaucoup !
Q- Mais en attendant, le 3 et le 11 février, votre candidate fait attendre le programme qu'elle va prononcer et qui est attendu avec une certaine impatience. Est-ce que ce sera la référence sacrée ? Le texte de base ?
R- Le projet socialiste est une base essentielle, il y a énormément de choses qui sont partagées par la quasi-totalité des socialistes, et ce texte sera enrichi d'une part, de ses propres propositions, et depuis le début de la campagne elle en a fait beaucoup : je pense sur l'emploi, elle en a fait sur logement, sur la recherche. Mais elle intégrera aussi, je peux déjà vous le dire, un certain nombre de propositions qui ont été faites dans le débat interne, y compris par D. Strauss-Kahn, et L. Fabius, qui sont des propositions utiles, et elle intégrera aussi ce que les Français auront dit dans ces milliers de débats participatifs.
Q- Le 12 février par conséquent, soyons simples, le lendemain, le projet du PS est ou n'est pas obsolète ?
R- Mais pas du tout ! Je pense que tout ce travail qui a été fait avant est utile. Simplement, l'objectif de S. Royal, et il faut lui reconnaître cette authenticité, qui est très différente des autres et qui déroute les autres candidats, c'est qu'elle veut agir juste, et pour agir juste elle écoute les Français, elle est dans une phase d'écoute ; c'est sans doute la candidate qui est la plus proche des Français. Et ce qu'elle leur dit, le message est clair : "Je n'ai pas envie de vous décevoir !". Donc, si je fais un programme clés en main, tout en haut, comme ça, que certains réclament, et puis après je fais une campagne marketing pour essayer d'expliquer, ça ne marchera pas ! Et on sait très bien que dans les
années passées ça n'a pas marché.
Q- Cela, on le répète depuis longtemps. On veut voir le programme. Alors, par exemple, vous, vous avez la réputation, mais c'est vrai que vous êtes un socialiste avec l'image moderne, et modérée. Quelle ligne S. Royal incarne-t-elle ? Quel socialisme ?
R- C'est un socialisme du XXIème siècle, ce n'est pas un socialisme du passé...
Q- C'est du baratin ça...
R- Ce n'est pas du baratin, parce qu'aujourd'hui il y a la mondialisation, il y a le problème des délocalisations, il y a aussi le vieillissement de la population, l'allongement de la durée de la vie, il y a aussi la révolution technologique permanente, et ces questions-là sont au coeur du projet que nous défendons. Ce qu'on veut, c'est que les hommes et les femmes qui vivent en France, les jeunes comme les moins jeunes, puissent trouver une espérance, car aujourd'hui il y a une sorte de découragement, une sorte de doute sur l'avenir du pays. Donc, remettre la France en mouvement, partir de ses atouts, et des atouts de la population française, c'est ça notre politique. Mais c'est pas la même que celle des néo-conservateurs qu'incarne N. Sarkozy, qui d'ailleurs très souvent, on s'en rend compte, s'inspire des néo-conservateurs américains, ou même des néo-conservateurs britanniques. Et ce n'est pas notre modèle. Nous avons un autre modèle.
Q- C'est lui qui déjeune chez Blair aujourd'hui.
R- Oui, et puis derrière il y a le soutien à la guerre en Irak de G. Bush et de T. Blair, tout cela est très inquiétant.
Q- Attendez, attendez, vous pensez qu'il soutient ou il a soutenu...je lui poserai la question...Vous pensez que, si il avait été président de la République...
R- Oui, je me pose la question.
Q- ...Il aurait envoyé les troupes françaises combattre avec les Américains et les Anglais ?
R- Ce n'est pas impossible, en tout cas, il a laissé entendre tout au long...J'ai été très actif dans ce débat à l'Assemblée nationale, j'ai pris position même avant que J. Chirac le fasse au nom des députés socialistes contre la guerre en Irak, et j'ai même proposé que le président de la République utilise le droit de veto aux Nations Unies, au Conseil de sécurité. Mais j'ai bien senti tout au long de ce débat parce que, je suis bien placé pour observer, qu'il y avait une autre position chez N. Sarkozy qui aurait sans doute agi différemment. Je ne vais pas lui faire un procès d'intention, mais enfin, cette obsession à vouloir être photographié au même niveau que G. Bush, c'est révélateur.
Q- Regardez, vous m'avez dit : pas d'anecdotes, pas de petites choses...
R- Non, au même niveau ! De quoi parlez-vous ? Je parle du même niveau, c'est-à-dire de faire croire qu'il est lui aussi un futur président et qu'il pourrait discuter en toute confiance avec G. Bush, je n'ai pas dit autre chose !
Q- Le député PS de Paris, C. Carrèche, soupçonnait hier sur LCI, le ministre de l'Intérieur de faire écouter S. Royal. Est-ce aussi votre avis ?
R- Je ne sais pas, mais je le crains. Je crains qu'il y ait un vrai danger pour cette élection présidentielle. N. Sarkozy n'est pas le garant de l'impartialité et de l'Etat. Il est ministre de l'intérieur, mais il est candidat à la présidence de la République, il ne doit pas continuer à être ministre de l'intérieur, parce que c'est le ministre de la police, c'est le ministre des Renseignements, non seulement des RG, mais aussi de la DST, c'est lui qui donne les instructions aux préfets. Vous croyez que son directeur de cabinet qui est devenu...qui est un préfet, qui est devenu directeur de campagne, ne continue pas de téléphoner aux préfets ! Vous trouvez que c'est normal dans une démocratie moderne ?
Q- Mais avez-vous des preuves de ce que vous dites ?
R- Mais parce que je vois...
Q- Entre nous...
R- ...Mais bien sûr !
Q- Ce n'est pas parce qu'on est en campagne électorale qu'on peut tout dire.
R- Mais je ne dis pas tout, je dis la vérité.
Q- Mais par exemple ?
R- Je dis la vérité ! Le poids du ministère de l'intérieur, les moyens du ministère de l'intérieur, je viens de vous le dire très brièvement, c'est pour cela que nous demandons une commission d'enquête à l'Assemblée nationale avec mon collègue président du groupe du Sénat, J.-P. Belle, nous allons saisir le Conseil constitutionnel. Nous souhaitons aussi que le président de la République et le Premier ministre prennent leurs responsabilités, il faut que les Français ne se sentent pas piégés. Monsieur Sarkozy, est un homme qui inquiète, je vous disais ; j'écoutais les gens, je peux vous dire qu'il fait peur, et il y a des raisons.
Q- Quand vous dites la commission d'enquête, vous voulez dire, pour savoir si c'est lui qui a ordonné l'enquête sur l'ancien patron de Greenpeace, B. Rebelle ?
R- Notamment, et la manière dont sont utilisés les services d'information du Gouvernement.
Q- De quand la fiche de B. Rebelle aux RG date-t-elle ? Etes-vous sûr qu'il n'y avait pas de dossier Rebelle lorsque D. Vaillant était le ministre de l'Intérieur de L. Jospin ? Je n'en sais rien, mais je vous pose la question.
R- Je n'en sais rien, et en tout cas, je voudrais que l'on parte des engagements qui ont été pris par les Gouvernements successifs. Et notamment celui-ci, qu'il n'y ait plus de renseignements politiques confiés aux RG. Je m'aperçois, puisqu'il y a des fiches qui ont été reconnues comme [fournies] par les RG, que ce n'est pas vrai, qu'on a trompé les Français. Vous avez sûrement une fiche sur vous, J.-P. Elkabbach , une sur moi, sans doute !
Q- Je m'en fiche ! Je m'en fiche ! Mais en même temps...
R- Cela ne vous gêne pas ?
Q- Non, ça veut dire que si j'avais une fiche, elle est là depuis longtemps. De gauche, de droite, il y aurait des fiches, ce n'est pas intéressant de voir...Donc, au-delà, il y a urgence à réduire encore le chômage, n'est-ce pas ?
R- Oui, c'est un problème de fond.
Q- Il coûte cher sur le plan humain et social. Je lisais l'économiste, J. Marseille, que j'ai cité l'autre jour, qui publie "Les bons chiffres pour ne pas voter nul en 2007 " chez Perrin. Il dit : "La France dépense 27 milliards d'euros, un peu plus de la moitié de l'impôt sur le revenu, pour les chômeurs et elle dépense pour chaque chômeur plus de 27.000 euros par an, c'est-à-dire, 65% de plus que le revenu par habitant qui est de 16500 euros". Il faut agir vite alors ?
R- Oui, il faut agir vite. Mais vous savez, les débats participatifs dont vous parlez, qu'est-ce que nous disent les gens ? Ils ne nous disent pas qu'ils veulent faire des heures supplémentaires parce que ce sont les patrons qui décident, ce n'est pas le salarié. Ils veulent que le travail précaire, le travail à temps partiel, non choisi...
Q- Surtout chez les femmes !
R- ...qui ne permet pas de vivre décemment, ce problème soit traité. Ils veulent aussi, que la formation professionnelle soit efficace. Effectivement, les chiffres que vous venez de citer sont exacts. Là, c'est un grand chantier : la rénovation de la formation professionnelle, tout au long de la vie, le travail des seniors, ça ce sont des questions concrètes auxquelles nous voulons nous attaquer à fond. Mais ce n'est pas le bilan du Gouvernement, je suis désolé quand même de vous le dire.
Q- Est-ce que chacun pourra, si vous êtes élus, s'il le veut, travailler plus pour gagner plus ? Il n'y aura pas d'interdiction ou il y aura des interdictions ?
R- Pouvez-vous être plus précis dans votre question, parce que si c'est pour poser la question de N. Sarkozy, il faut me le dire.
Q- Il vous obsède.
R- Non, ce n'est pas qu'il m'obsède, c'est l'adversaire principal, et surtout il dit des contrevérités. En ce moment, je suis chargé par S. Royal d'une mission pour rencontrer l'ensemble des organisations de salariés et patronales, pour renforcer et voir comment on pourrait faire la démocratie sociale dans notre pays. Déjà, ce que j'ai entendu, en tout cas de la part des syndicats de salariés, c'est qu'aucun ne croit à cette solution des heures supplémentaires que le salarié choisirait, parce que ce n'est pas comme cela que cela se passe, c'est l'employeur qui décide
pour régler la question du pouvoir d'achat et de l'augmentation des salaires. Donc, il y a une autre voie qui est possible ; il y a notamment l'augmentation du SMIC à 1.500 euros, c'est vrai, mais aussi le lancement d'une grande négociation, parce qu'il y a des minima de branche, par exemple, qui sont en France en dessous du SMIC. Il y a beaucoup de travailleurs pauvres, il y en a de plus en plus. Et ça aussi, c'est le bilan du Gouvernement en place. On veut changer cela. Il ne faut pas tromper les gens, parce que personne n'est dupe sur ce discours de N. Sarkozy : "faites des heures supplémentaires et vous gagnerez plus". Ce n'est pas vrai.
Q- Pour les économistes, la France est le pays développé où le taux de chômage est encore élevé. Et pourtant, il est aussi celui où par habitant, dans une année, on travaille le moins. Alors, est-ce qu'il y a un lien entre... D'abord, est-ce que c'est une coïncidence ou une corrélation ?
R- Moi, je trouve que, là encore, on est sur un terrain un peu simpliste...
Q- Difficile, précis ?
R- Non, ce n'est pas difficile ni précis. Ce que nous voulons, c'est que plus de Français travaillent davantage. On va publier les chiffres du chômage, mais tout le monde sait bien qu'il y a beaucoup de radiations, que les vrais chiffres du chômage ne sont pas ceux-là. On sait aussi qu'il y a tous ces temps partiels, je l'ai dit, qui ne permettent pas de vivre. Là, j'ai rencontré à Nantes, dimanche, à l'occasion du concert des Enfoirés, le président des Restos du Coeur qui me disait que de plus en plus, il y avait des travailleurs pauvres, c'est-à-dire des gens qui ont un petit travail, qui ne peuvent pas vivre, des retraités pauvres dans notre pays. Et si on continue comme cela, ça va s'aggraver. C'est cela qui fait la fracture de la confiance dans le pays. C'est cela qui a donné le non au référendum en 2005, c'est cela que nous voulons changer : redonner de l'espoir à tous ces gens. Mais pour cela, il faudra des mesures concrètes et pas la politique que Monsieur Sarkozy veut nous imposer. Le forfait santé de Monsieur Sarkozy...
Q- Encore Sarkozy ? Assez ! Assez ! Attendez qu'il vienne demain. Vous me direz un jour comment on peut ...
R- Sur la santé, vous croyez que cela va faire davantage de cohésion sociale ?
Q- ... dérouler tout le programme du PS, en attendant le programme de la candidate. Est-ce qu'on peut célébrer, c'est cela qu'on ne comprend pas, à la fois le travail et garder les 35 heures telles qu'elles sont ?
R- Interrogeons les salariés qui sont aux 35 heures, là où il y a de bons accords qui ont été signés. Qui veut revenir en arrière y compris les employeurs, parce que cela a permis une autre organisation de travail,une meilleure compétitivité ? Mais ce que nous disons, c'est que dans beaucoup d'entreprises, parce que justement, le dialogue social marche mal, les accords ont été très mal négociés, et que les travailleurs y perdu notamment en pouvoir d'achat et de conditions de travail. Tout n'est pas parfait de ce qui a été fait avant. Il y a beaucoup de choses à changer, c'est pourquoi on est là, c'est pourquoi S. Royal veut se battre pour la France retrouve confiance en elle-même, que toutes ces forces vives de la société française se remettent en mouvement. Je peux vous dire, il y a du travail à faire.
Q- C'est sûr, pour tous. Une question avant de terminer : le philosophe A. Glucksmann qui est une figure chez les intellectuels...
R- Ah bon ?
Q- Non ?
R- C'est-à-dire qu'il est ...
Q- De son soutien à Soljenitsyne, son opposition à la guerre du Vietnam, à la Tchétchénie, son exigence morale, il écrit dans Le Monde qu'il choisit N. Sarkozy...
R- J'ai lu son article. Passer du maoïsme au sarkozysme c'est extraordinaire, et surtout quand on est passé par G. Bush - ce n'est pas une obsession. Mais il était pour la guerre en Irak. Franchement, vous trouvez que c'est un bon soutien pour N. Sarkozy ? Ce n'est pas un cadeau.
Q- Ce n'est pas un événement culturel, politique, qui annonce d'autres transferts et d'autres départs ?
R- Je n'y crois pas.
R- Vous parlez de la folle journée de Nantes j'imagine, qui commence ce week-end ?
Q- Par exemple, en ébullition, en poésie, en musique, je crois qu'il y a 270 concerts prévus pour célébrer l'harmonie des peuples ?
R- Absolument, et je crois que ça peut être aussi un bel objectif politique. Mais c'est un défi.
Q- Quand j'ai dit la folle journée 2007, j'aurais dû parler du PS ?
R- Non, vous voulez la folle journée pour la France. C'est-à-dire, que les Français sont devant un choix très important, et ils veulent avoir les cartes en main pour décider, et cela c'est ma conviction que j'entends tous les jours, et ils veulent la clarté, l'authenticité, ils ne veulent pas se laisser ballotter par l'anecdote, les petites phrases, les soi disant gaffes des uns et des autres...
Q- Il vaut mieux ne pas en prononcer dans ces cas-là...des petites phrases...
R- Des petites phrases, pour l'instant je n'en ai pas prononcé.
Q- Non, mais...celle que vous défendez ?
R- Non, mais franchement je ne crois pas que S. Royal prononce des petites phrases. Je trouve cela très injuste, très injuste.
Q- Ne perdons pas de temps là-dessus. En attendant le programme de la candidate, les 3 et 11 février, elle avait commencé très fort, tout le monde l'a reconnu, choisie, poussée par l'opinion. Pourquoi est-elle au creux de la vague ?
R- Je ne dis pas qu'elle est au creux de la vague, parce que je sens sur le terrain une attente forte à l'égard de S. Royal. C'est peut-être ce qui manifeste cette impatience en quelque sorte. Je termine une tournée de voeux dans les quartiers de Nantes, j'ai rencontré depuis le début du mois 10.000 personnes environ, et j'ai discuté, parlé de politique locale et nationale. Et je sens une attente très très forte. Pourquoi une attente forte à l'égard de S. Royal ? Parce que je crois que c'est la seule qui peut vraiment changer les choses, qui peut vraiment gagner, et qui peut battre Sarkozy. Alors, qu'il y ait une campagne contre elle pour la déstabiliser, la discréditer, c'est logique, c'est tellement démesuré que je crois que ça va finir par se retourner contre leurs auteurs.
Q- Mais par exemple, il y a deux enquêtes, peut-être que je vous les révèle, mais vous auriez pu en trouver au moins une dans LeFigaro. Pour la Sofres de samedi, en cote d'avenir, S. Royal baisse de 6 points ; N. Sarkozy, gagne 6 points. Et pour Ipsos-Le Point de demain, au premier tour pour elle, moins 3,26 % pour lui, plus 3,35 % ; au deuxième tour, 54 % contre 46 %.
R- Il faut absolument qu'on rentre dans le vif du sujet, qu'on sorte de ce
que j'ai appelé l'anecdote, les petits épisodes sans intérêt, je dirais
même plutôt nuls, pour aller au fond des choses, et pour que les
Français se fassent vraiment une opinion. Pour l'instant, on n'y est pas
allés. Parce que vous recevez, je crois, N. Sarkozy demain. Si j'étais là,
je pourrais lui poser des questions. Parce que lui, c'est la méthode de
l'embrouille...
Q- Non, mais ne vous inquiétez pas, je lui poserai.
R- Justement, alors, je...
Q- On va aller sur le fond...
R- Non, mais c'est important sur le fond.
Q- Sur le fond vous dites...
R- Attendez, je veux être précis. Parce que, quand N. Sarkozy fait un discours aux travailleurs, en citant Jaurès, il a le droit de citer Jaurès, sauf que quand le lendemain il est devant une assemblée générale de petits patrons, et qu'il leur dit : "il y aura un contrat de travail unique, et ce contrat de travail unique ce sera le CNE", parce que le CNE ça marche bien soi disant, c'est-à-dire, au fond le CPE généralisé, ça tombe comme ça ! Je dénonce ça, parce que c'est une autre conception du droit du travail, c'est une autre conception des rapports sociaux. Et là, si on ne dit pas ça, on n'est pas dans le débat de fond.
Q- Si vous me permettez, attendez qu'il soit là, et je lui poserai la question sur...
R- Oui, sauf que...
Q- ...rassurez-vous, sur ses contradictions si il y en a.
R- Il y en a beaucoup !
Q- Mais en attendant, le 3 et le 11 février, votre candidate fait attendre le programme qu'elle va prononcer et qui est attendu avec une certaine impatience. Est-ce que ce sera la référence sacrée ? Le texte de base ?
R- Le projet socialiste est une base essentielle, il y a énormément de choses qui sont partagées par la quasi-totalité des socialistes, et ce texte sera enrichi d'une part, de ses propres propositions, et depuis le début de la campagne elle en a fait beaucoup : je pense sur l'emploi, elle en a fait sur logement, sur la recherche. Mais elle intégrera aussi, je peux déjà vous le dire, un certain nombre de propositions qui ont été faites dans le débat interne, y compris par D. Strauss-Kahn, et L. Fabius, qui sont des propositions utiles, et elle intégrera aussi ce que les Français auront dit dans ces milliers de débats participatifs.
Q- Le 12 février par conséquent, soyons simples, le lendemain, le projet du PS est ou n'est pas obsolète ?
R- Mais pas du tout ! Je pense que tout ce travail qui a été fait avant est utile. Simplement, l'objectif de S. Royal, et il faut lui reconnaître cette authenticité, qui est très différente des autres et qui déroute les autres candidats, c'est qu'elle veut agir juste, et pour agir juste elle écoute les Français, elle est dans une phase d'écoute ; c'est sans doute la candidate qui est la plus proche des Français. Et ce qu'elle leur dit, le message est clair : "Je n'ai pas envie de vous décevoir !". Donc, si je fais un programme clés en main, tout en haut, comme ça, que certains réclament, et puis après je fais une campagne marketing pour essayer d'expliquer, ça ne marchera pas ! Et on sait très bien que dans les
années passées ça n'a pas marché.
Q- Cela, on le répète depuis longtemps. On veut voir le programme. Alors, par exemple, vous, vous avez la réputation, mais c'est vrai que vous êtes un socialiste avec l'image moderne, et modérée. Quelle ligne S. Royal incarne-t-elle ? Quel socialisme ?
R- C'est un socialisme du XXIème siècle, ce n'est pas un socialisme du passé...
Q- C'est du baratin ça...
R- Ce n'est pas du baratin, parce qu'aujourd'hui il y a la mondialisation, il y a le problème des délocalisations, il y a aussi le vieillissement de la population, l'allongement de la durée de la vie, il y a aussi la révolution technologique permanente, et ces questions-là sont au coeur du projet que nous défendons. Ce qu'on veut, c'est que les hommes et les femmes qui vivent en France, les jeunes comme les moins jeunes, puissent trouver une espérance, car aujourd'hui il y a une sorte de découragement, une sorte de doute sur l'avenir du pays. Donc, remettre la France en mouvement, partir de ses atouts, et des atouts de la population française, c'est ça notre politique. Mais c'est pas la même que celle des néo-conservateurs qu'incarne N. Sarkozy, qui d'ailleurs très souvent, on s'en rend compte, s'inspire des néo-conservateurs américains, ou même des néo-conservateurs britanniques. Et ce n'est pas notre modèle. Nous avons un autre modèle.
Q- C'est lui qui déjeune chez Blair aujourd'hui.
R- Oui, et puis derrière il y a le soutien à la guerre en Irak de G. Bush et de T. Blair, tout cela est très inquiétant.
Q- Attendez, attendez, vous pensez qu'il soutient ou il a soutenu...je lui poserai la question...Vous pensez que, si il avait été président de la République...
R- Oui, je me pose la question.
Q- ...Il aurait envoyé les troupes françaises combattre avec les Américains et les Anglais ?
R- Ce n'est pas impossible, en tout cas, il a laissé entendre tout au long...J'ai été très actif dans ce débat à l'Assemblée nationale, j'ai pris position même avant que J. Chirac le fasse au nom des députés socialistes contre la guerre en Irak, et j'ai même proposé que le président de la République utilise le droit de veto aux Nations Unies, au Conseil de sécurité. Mais j'ai bien senti tout au long de ce débat parce que, je suis bien placé pour observer, qu'il y avait une autre position chez N. Sarkozy qui aurait sans doute agi différemment. Je ne vais pas lui faire un procès d'intention, mais enfin, cette obsession à vouloir être photographié au même niveau que G. Bush, c'est révélateur.
Q- Regardez, vous m'avez dit : pas d'anecdotes, pas de petites choses...
R- Non, au même niveau ! De quoi parlez-vous ? Je parle du même niveau, c'est-à-dire de faire croire qu'il est lui aussi un futur président et qu'il pourrait discuter en toute confiance avec G. Bush, je n'ai pas dit autre chose !
Q- Le député PS de Paris, C. Carrèche, soupçonnait hier sur LCI, le ministre de l'Intérieur de faire écouter S. Royal. Est-ce aussi votre avis ?
R- Je ne sais pas, mais je le crains. Je crains qu'il y ait un vrai danger pour cette élection présidentielle. N. Sarkozy n'est pas le garant de l'impartialité et de l'Etat. Il est ministre de l'intérieur, mais il est candidat à la présidence de la République, il ne doit pas continuer à être ministre de l'intérieur, parce que c'est le ministre de la police, c'est le ministre des Renseignements, non seulement des RG, mais aussi de la DST, c'est lui qui donne les instructions aux préfets. Vous croyez que son directeur de cabinet qui est devenu...qui est un préfet, qui est devenu directeur de campagne, ne continue pas de téléphoner aux préfets ! Vous trouvez que c'est normal dans une démocratie moderne ?
Q- Mais avez-vous des preuves de ce que vous dites ?
R- Mais parce que je vois...
Q- Entre nous...
R- ...Mais bien sûr !
Q- Ce n'est pas parce qu'on est en campagne électorale qu'on peut tout dire.
R- Mais je ne dis pas tout, je dis la vérité.
Q- Mais par exemple ?
R- Je dis la vérité ! Le poids du ministère de l'intérieur, les moyens du ministère de l'intérieur, je viens de vous le dire très brièvement, c'est pour cela que nous demandons une commission d'enquête à l'Assemblée nationale avec mon collègue président du groupe du Sénat, J.-P. Belle, nous allons saisir le Conseil constitutionnel. Nous souhaitons aussi que le président de la République et le Premier ministre prennent leurs responsabilités, il faut que les Français ne se sentent pas piégés. Monsieur Sarkozy, est un homme qui inquiète, je vous disais ; j'écoutais les gens, je peux vous dire qu'il fait peur, et il y a des raisons.
Q- Quand vous dites la commission d'enquête, vous voulez dire, pour savoir si c'est lui qui a ordonné l'enquête sur l'ancien patron de Greenpeace, B. Rebelle ?
R- Notamment, et la manière dont sont utilisés les services d'information du Gouvernement.
Q- De quand la fiche de B. Rebelle aux RG date-t-elle ? Etes-vous sûr qu'il n'y avait pas de dossier Rebelle lorsque D. Vaillant était le ministre de l'Intérieur de L. Jospin ? Je n'en sais rien, mais je vous pose la question.
R- Je n'en sais rien, et en tout cas, je voudrais que l'on parte des engagements qui ont été pris par les Gouvernements successifs. Et notamment celui-ci, qu'il n'y ait plus de renseignements politiques confiés aux RG. Je m'aperçois, puisqu'il y a des fiches qui ont été reconnues comme [fournies] par les RG, que ce n'est pas vrai, qu'on a trompé les Français. Vous avez sûrement une fiche sur vous, J.-P. Elkabbach , une sur moi, sans doute !
Q- Je m'en fiche ! Je m'en fiche ! Mais en même temps...
R- Cela ne vous gêne pas ?
Q- Non, ça veut dire que si j'avais une fiche, elle est là depuis longtemps. De gauche, de droite, il y aurait des fiches, ce n'est pas intéressant de voir...Donc, au-delà, il y a urgence à réduire encore le chômage, n'est-ce pas ?
R- Oui, c'est un problème de fond.
Q- Il coûte cher sur le plan humain et social. Je lisais l'économiste, J. Marseille, que j'ai cité l'autre jour, qui publie "Les bons chiffres pour ne pas voter nul en 2007 " chez Perrin. Il dit : "La France dépense 27 milliards d'euros, un peu plus de la moitié de l'impôt sur le revenu, pour les chômeurs et elle dépense pour chaque chômeur plus de 27.000 euros par an, c'est-à-dire, 65% de plus que le revenu par habitant qui est de 16500 euros". Il faut agir vite alors ?
R- Oui, il faut agir vite. Mais vous savez, les débats participatifs dont vous parlez, qu'est-ce que nous disent les gens ? Ils ne nous disent pas qu'ils veulent faire des heures supplémentaires parce que ce sont les patrons qui décident, ce n'est pas le salarié. Ils veulent que le travail précaire, le travail à temps partiel, non choisi...
Q- Surtout chez les femmes !
R- ...qui ne permet pas de vivre décemment, ce problème soit traité. Ils veulent aussi, que la formation professionnelle soit efficace. Effectivement, les chiffres que vous venez de citer sont exacts. Là, c'est un grand chantier : la rénovation de la formation professionnelle, tout au long de la vie, le travail des seniors, ça ce sont des questions concrètes auxquelles nous voulons nous attaquer à fond. Mais ce n'est pas le bilan du Gouvernement, je suis désolé quand même de vous le dire.
Q- Est-ce que chacun pourra, si vous êtes élus, s'il le veut, travailler plus pour gagner plus ? Il n'y aura pas d'interdiction ou il y aura des interdictions ?
R- Pouvez-vous être plus précis dans votre question, parce que si c'est pour poser la question de N. Sarkozy, il faut me le dire.
Q- Il vous obsède.
R- Non, ce n'est pas qu'il m'obsède, c'est l'adversaire principal, et surtout il dit des contrevérités. En ce moment, je suis chargé par S. Royal d'une mission pour rencontrer l'ensemble des organisations de salariés et patronales, pour renforcer et voir comment on pourrait faire la démocratie sociale dans notre pays. Déjà, ce que j'ai entendu, en tout cas de la part des syndicats de salariés, c'est qu'aucun ne croit à cette solution des heures supplémentaires que le salarié choisirait, parce que ce n'est pas comme cela que cela se passe, c'est l'employeur qui décide
pour régler la question du pouvoir d'achat et de l'augmentation des salaires. Donc, il y a une autre voie qui est possible ; il y a notamment l'augmentation du SMIC à 1.500 euros, c'est vrai, mais aussi le lancement d'une grande négociation, parce qu'il y a des minima de branche, par exemple, qui sont en France en dessous du SMIC. Il y a beaucoup de travailleurs pauvres, il y en a de plus en plus. Et ça aussi, c'est le bilan du Gouvernement en place. On veut changer cela. Il ne faut pas tromper les gens, parce que personne n'est dupe sur ce discours de N. Sarkozy : "faites des heures supplémentaires et vous gagnerez plus". Ce n'est pas vrai.
Q- Pour les économistes, la France est le pays développé où le taux de chômage est encore élevé. Et pourtant, il est aussi celui où par habitant, dans une année, on travaille le moins. Alors, est-ce qu'il y a un lien entre... D'abord, est-ce que c'est une coïncidence ou une corrélation ?
R- Moi, je trouve que, là encore, on est sur un terrain un peu simpliste...
Q- Difficile, précis ?
R- Non, ce n'est pas difficile ni précis. Ce que nous voulons, c'est que plus de Français travaillent davantage. On va publier les chiffres du chômage, mais tout le monde sait bien qu'il y a beaucoup de radiations, que les vrais chiffres du chômage ne sont pas ceux-là. On sait aussi qu'il y a tous ces temps partiels, je l'ai dit, qui ne permettent pas de vivre. Là, j'ai rencontré à Nantes, dimanche, à l'occasion du concert des Enfoirés, le président des Restos du Coeur qui me disait que de plus en plus, il y avait des travailleurs pauvres, c'est-à-dire des gens qui ont un petit travail, qui ne peuvent pas vivre, des retraités pauvres dans notre pays. Et si on continue comme cela, ça va s'aggraver. C'est cela qui fait la fracture de la confiance dans le pays. C'est cela qui a donné le non au référendum en 2005, c'est cela que nous voulons changer : redonner de l'espoir à tous ces gens. Mais pour cela, il faudra des mesures concrètes et pas la politique que Monsieur Sarkozy veut nous imposer. Le forfait santé de Monsieur Sarkozy...
Q- Encore Sarkozy ? Assez ! Assez ! Attendez qu'il vienne demain. Vous me direz un jour comment on peut ...
R- Sur la santé, vous croyez que cela va faire davantage de cohésion sociale ?
Q- ... dérouler tout le programme du PS, en attendant le programme de la candidate. Est-ce qu'on peut célébrer, c'est cela qu'on ne comprend pas, à la fois le travail et garder les 35 heures telles qu'elles sont ?
R- Interrogeons les salariés qui sont aux 35 heures, là où il y a de bons accords qui ont été signés. Qui veut revenir en arrière y compris les employeurs, parce que cela a permis une autre organisation de travail,une meilleure compétitivité ? Mais ce que nous disons, c'est que dans beaucoup d'entreprises, parce que justement, le dialogue social marche mal, les accords ont été très mal négociés, et que les travailleurs y perdu notamment en pouvoir d'achat et de conditions de travail. Tout n'est pas parfait de ce qui a été fait avant. Il y a beaucoup de choses à changer, c'est pourquoi on est là, c'est pourquoi S. Royal veut se battre pour la France retrouve confiance en elle-même, que toutes ces forces vives de la société française se remettent en mouvement. Je peux vous dire, il y a du travail à faire.
Q- C'est sûr, pour tous. Une question avant de terminer : le philosophe A. Glucksmann qui est une figure chez les intellectuels...
R- Ah bon ?
Q- Non ?
R- C'est-à-dire qu'il est ...
Q- De son soutien à Soljenitsyne, son opposition à la guerre du Vietnam, à la Tchétchénie, son exigence morale, il écrit dans Le Monde qu'il choisit N. Sarkozy...
R- J'ai lu son article. Passer du maoïsme au sarkozysme c'est extraordinaire, et surtout quand on est passé par G. Bush - ce n'est pas une obsession. Mais il était pour la guerre en Irak. Franchement, vous trouvez que c'est un bon soutien pour N. Sarkozy ? Ce n'est pas un cadeau.
Q- Ce n'est pas un événement culturel, politique, qui annonce d'autres transferts et d'autres départs ?
R- Je n'y crois pas.