Entretien de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, dans "Libération" du 6 février 2007, sur la situation en Côte d'Ivoire.

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"Nous ne sommes pas là pour nous substituer aux Ivoiriens"
Q - Quatre ans après la signature des accords de Marcoussis, restés jusqu'ici lettre morte, que fait la France en Côte-d'Ivoire ?
R - En maintenant 3.500 hommes sur place, nous n'avons qu'un seul objectif : agir en soutien de l'ONU pour que les Ivoiriens puissent choisir librement et démocratiquement leur Président, que la Côte-d'Ivoire ait enfin un président légitimement élu. Nous n'avons aucune exclusive vis-à-vis des futurs candidats, y compris l'actuel chef de l'Etat, Laurent Gbagbo.
Q - En tant que membre du Groupe de travail international (chargé de superviser la transition en Côte-d'Ivoire), que pensez-vous de la proposition de "dialogue direct" prônée par Laurent Gbagbo ?
R - Nous ne pouvons que nous réjouir de toute initiative en ce sens, pour autant que ce dialogue soit conduit de façon sincère, sans arrière-pensée et qu'il facilite la mise en oeuvre de la résolution 1721. Nous ne sommes pas là pour nous substituer aux partenaires ivoiriens, ni faire le travail à leur place. Cette crise ne sera surmontée que si les opérations d'identification de la population et de désarmement sont menées de manière concomitante et équilibrée. Il y a environ deux millions d'Ivoiriens sans papiers d'identité. Si on veut des listes électorales crédibles, ce qui est la condition première d'élections incontestables, il faut pouvoir identifier l'ensemble des Ivoiriens.
Q - Quelle serait la réaction de Paris si ce dialogue direct devait échouer ?
R - Notre dispositif militaire Licorne nous coûte 250 millions d'euros par an. Nous préférerions, comme je l'ai dit au président Gbagbo, les investir dans des projets de développement en Côte-d'Ivoire. Notre implication aux côtés de l'ONU n'a de sens que si le processus a des chances d'aboutir. Ni la Côte-d'Ivoire, ni la communauté internationale n'ont intérêt à voir se prolonger le statu quo actuel.
Q - Pourquoi Gbagbo a-t-il souhaité vous rencontrer, le mois dernier, pour la première fois ?
R - Je veux y voir la volonté de renouer le lien avec une communauté internationale impatiente de le voir accepter la mise en oeuvre de la résolution 1721 des Nations unies. Lors de la dernière réunion du Groupe de travail international à Abidjan, les responsabilités dans le blocage actuel ont été clairement énoncées.
Q - A l'issue de cet entretien, vous avez évoqué des relations "apaisées" entre Abidjan et Paris...
R - La population ivoirienne, tant au Nord qu'au Sud, est profondément attachée à la France. Cette affection réelle de la majorité des Ivoiriens à notre égard est en décalage complet avec les propos injurieux tenus contre la France par une partie de la presse ivoirienne et certains membres de l'entourage du chef de l'Etat. Laurent Gbagbo m'a dit qu'il souhaitait le retour des quelque 8.000 Français qui ont dû fuir au mois de novembre 2004. Je lui ai répondu qu'ils ne reviendraient que si leur sécurité était assurée et que si ces campagnes de menaces et de calomnies prenaient fin.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2007