Texte intégral
Q- Quelques questions sur le contexte politique du moment, avant d'en venir aux idées que vous défendez dans cette campagne. Dans le contexte, on apprenait hier la candidature de J. Bové qui se précise, il annoncera sans doute donc, jeudi qu'il est candidat à la présidentielle. Quelle est votre réaction ?
R- C'est une candidature de plus, dans l'émiettement de la gauche, je la regrette.
Q- Donc une candidature de trop ?
R- Oui, je pense. Je pense qu'aujourd'hui, l'heure est au rassemblement, moi, ce que j'entends partout, je vais dans les entreprises, dans les quartiers, c'est l'attente de réponse claire, nette, sur comment solutionner les grands problèmes de la population ? Emploi, logement, pouvoir d'achat, santé, les gens ont envie de débattre et je pense que l'heure et à cela maintenant. Il faut se rassembler et faire en sorte qu'une autre voix à gauche se lève, on en a besoin.
Q- Quand des apparentés communistes comme C. Autain ou P. Braouezec qui sont membres de ces collectifs anti-libéraux disent que "seul Bové incarne aujourd'hui la vraie dynamique antilibérale", ça veut que vous non, M.-G. Buffet ?
R- Oui, mais moi, ça ne m'intéresse pas tout cela, j'ai envie maintenant de rassembler, vous savez les collectifs antilibéraux m'avaient proposé en majorité à deux reprises, c'est le choix aussi des adhérentes et des adhérents du Parti communiste, et puis en ce moment, je fais des meetings, je débats, je vais dans les quartiers. C'est tout cela, la politique, vous savez, vraiment j'en ai assez, on se trompe de temps avec les candidatures, maintenant le débat est comment on va battre Sarkozy ? Parce qu'il n'est pas battu encore. Comment on va faire que la gauche cette fois-ci se donne les moyens de réussir, au lieu de nous faire de la musique sans consistance. C'est ça l'enjeu.
Q- En même temps, on dit que les ponts ne sont pas coupés avec J. Bové, qu'il pourrait y avoir des discussions en cours en ce moment ? Vous pouvez nous en dire plus ?
R- Oh ! Non, la porte est toujours ouverte, bien évidemment, je l'ai dit la semaine dernière, il n'y a aucun problème. On a travaillé ensemble pendant de longs mois, pour faire gagner le non le 29 mai 2005, on peut tout à fait se retrouver.
Q- Comment prenez-vous tout de même, la déception qu'on a pu sentir chez les collectifs antilibéraux face à votre candidature qui a été annoncée avec beaucoup d'amertume ?
R- Il y a beaucoup d'amertume chez les militants et les militantes des collectifs antilibéraux, parce qu'ils s'étaient prononcés à majorité et puis les organisations au sommet n'ont pas suivi. Donc l'impression que la politique politicienne reprenait le dessus par rapport à une nouvelle expérience. Bon, moi, je suis déçue aussi, c'est pour ça, que bien sûr, je vais mener campagne avec tous ceux et toutes celles qui le souhaitent. C'est pour que j'ai quitté la responsabilité du secrétariat national du Parti communiste, pour qu'il n'y ait aucun obstacle par rapport à cela.
Q- Vous êtes encore communiste ou pas M.-G. Buffet ?
R- Complètement, complètement et franchement je pense qu'il y a besoin de communisme aujourd'hui, lorsqu'on voit la tonne d'injustices et d'inégalités dans ce pays. Je vois que le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie vient de sortir un livre où il s'étonne qu'il y ait tant de richesse mais aussi tant de pauvreté, toujours plus de gens au RMI, à la CMU etc. c'est ça la réalité aujourd'hui. Ce sont les salariés pauvres, ce sont des gens qui ne peuvent pas avoir accès au logement social, c'est tout cela, donc je crois que le communisme est d'actualité.
Q- Mais communisme mais surtout ne le disons pas ou ne le disons plus,
cachons-le, enlevons les logos, les...
R- Non, non, non, je crois que ce n'est pas comme ça, que les choses sont vécues, nous faisons des meetings où les gens, des hommes et des femmes se côtoient, communistes, socialistes, hommes et femmes de gauche, ils ont tous envie de réussir, de mener cette candidature loin. Mais je dis tout se passe bien. Vous savez, on a besoin de force politique comme le Parti communiste, pour constituer un rassemblement. Le rassemblement a besoin, le rassemblement a besoin de cette force militante et donc on trouve tout à fait notre place dans ce rassemblement.
Q- Et en tout cas, donc vous dites à José Bové "retire ta candidature" si vous le tutoyez, je ne sais pas ?
R- Oui, bien sûr, on se tutoie, avec J. Bové, oui, je crois vraiment que c'est la candidature de trop.
Q- Alors H. Jouan, le rappelait tout à l'heure dans l'édito, on n'a jamais autant parlé des ouvriers et des travailleurs et de la précarité dans cette campagne. On n'en a jamais autant parlé à droite et les paroles les plus fortes étaient prononcées, Hélène les citait tout à l'heure, par N. Sarkozy ?
R- Oui, mais justement N. Sarkozy c'est un peu comme madame Parisot, ils emploient beaucoup le mot "ouvrier" ils emploient beaucoup le mot "travailleur" surtout pour mieux cacher ce qu'ils proposent à ces ouvriers et à ces travailleurs. Parce qu'on nous dit "il faut valoriser le travail" mais dans le même temps madame Parisot nous invente la séparabilité à l'amiable, nous invente le contrat à durée indéterminée avec une mission dont la rupture sera préposée...enfin j'en passe et des meilleures, c'est-à-dire qu'ils sont en train petit à petit de nous annoncer la fin du Code du Travail. La fin des garanties, de la protection contre le licenciement etc. etc. c'est une politique qu'ils veulent nous instaurer, la loi de la jungle, dans ce pays. Alors bien sûr, il parle même de G. Moquet, il parle de Blum, il parle de tout ça, mais ça c'est un rideau de fumée. Regardons ce qu'ils proposent derrière.
Q- Vous ne pensez pas qu'il est en train de... ou qu'ils sont en train puisque c'est un mouvement qui touche toute la droite, de redistribuer les cartes ? Et effectivement de s'intéresser à des populations qui ne sont pas historiquement les leurs ?
R- Oui, le loup s'intéresse aux ouvriers pour mieux les manger. C'est un peu ça, que je ressens à travers le discours de N. Sarkozy. Parce que faisons le bilan de sa politique depuis cinq ans, il est membre d'un Gouvernement qui a cassé, le système de retraite, qui s'en est pris à la protection sociale, a créé vraiment les contrats les plus précaires que nous avons connu dans ce pays, heureusement que les jeunes ont empêché le passage du "contrat poubelle embauche". C'est tout cela, la politique de Sarkozy, et puis il veut aller encore plus loin, il audite certainement, il veut aller encore plus loin, il veut vider la position française de son contenu et faire payer l'ensemble des salariés en doublant la TVA. C'est un homme qui veut vraiment une politique ultra-libérale. Donc la chanson sur les travailleurs, vous savez, je ne crois pas qu'elle prenne beaucoup parmi les ouvriers et les ouvrières qui se battent contre les licenciements en ce moment.
Q- Et la redéfinition du droit de grève, dont parle X. Bertrand porte-parole de N. Sarkozy, ce matin dans la presse et dans La Tribune ?
R- Ah oui ! Réduire les droits des salariés, ça c'est toujours le même refrain, réduire le droit de grève, mais le droit de grève c'est quelque chose de constitutionnel, c'est le moyen qu'ont les salariés lorsque toute négociation sociale a échoué, Dieu sait que la négociation est difficile dans ce pays, c'est le moyen pour eux de se faire entendre. Vous savez, j'étais encore vendredi en Haute Normandie, une entreprise qui venait de se mettre en grève, 70 licenciements annoncés parce que le donneur d'ordre ne respecte pas ses engagements dans l'édition et le routage. 70 femmes et hommes qui ont pour la plupart 15 ans, 20 ans, aucun dialogue social, ils occupent l'entreprise, ils sont en grève, ils n'ont pas d'autres moyens pour se défendre.
Q- Et pourtant on l'entendait également dans le journal de P. Roger, les ouvriers votent aujourd'hui aussi à droite et beaucoup à droite, ils ne votent plus exclusivement communiste comme par le passé ?
R- D'abord il y a toujours eu un vote ouvrier à droite, il ne faut pas non plus se raconter des histoires.
Q- Oui, mais là quand même...
R- Mais pourquoi ? Pourquoi ? Parce que la gauche a déçu, parce que quelque part la gauche n'a pas répondu aux attentes de ces hommes et de ces femmes. Qu'ils n'ont pas vu de véritables changements quand la gauche était au pouvoir. Et c'est pourquoi nous avons été sanctionnés, le Parti socialiste, mais y compris le Parti communiste français en 2002. Et c'est pourquoi je me bats aujourd'hui pour une politique à gauche, qui se donne les moyens de réussir. Cela veut dire, pas simplement faire des promesses, ça veut dire avancer des mesures concrètes. Quel nouveau droit dans la gestion des entreprises pour les salariés ? Comment on limite le coût du logement dans les revenus d'une famille à 20 % ? Comment on fait une réforme de la fiscalité permettant de mettre plus d'argent dans le budget de l'Etat pour créer des postes d'enseignants, donner plus d'argent à la recherche ou à la culture ? Comment on combat l'Europe, parce que quand même, il faudra quand même, que la question de l'Europe, malgré ce qu'ont dit les 18 pays réunis en Espagne vienne dans la campagne électorale, parce que vous ne pouvez pas dire d'un côté je veux recréer un service public et puis vous accommoder d'une Europe libérale qui directive après directive tue les services publics. Donc moi, je suis pour qu'un nouveau Gouvernement engage la bataille pour réorienter l'Union européenne.
Q- Alors dans toutes les questions importantes que vous avez posées, retenons-en une, comment limiter les dépenses pour le loyer, pour l'habitation à 20 % ?
R- Eh bien, il y a deux moyens de le faire.
Q- Quand on voit les prix de l'immobilier, aujourd'hui, quand on voit qu'on peut enfin accéder à des prêts sur 50 ans ?
R- Ecoutez, d'abord...
Q- Un demi-siècle.
R- Il faut que l'Etat se réinvestisse dans le logement, pour ça il faut créer un service public de l'habitat, qui aura pour mission à la fois de construire bien sûr des logements sociaux, c'est-à-dire retour à l'aide à la pierre, mais également d'avoir un rôle sur le foncier. Moi, je propose la création d'agences foncières régionales qui pourraient mettre, je dirais, la préemption sur un certain nombre de terrain, passer des accords, des baux, ensuite, avec les organismes de logement social ou avec des organismes privés, pour répondre aux besoins de logement. Ensuite, il faut augmenter l'aide à la personne, les deux, l'aide à la pierre plus l'aide à la personne, ça permet de limiter à 20 % le coût du logement.
Q- H. Jouan : Pour revenir sur vos propositions économiques et sociales, un mot encore sur N. Sarkozy, on vient d'apprendre que finalement il n'étendrait pas le CNE et qu'il se proposait de faire un contrat unique avec plus de sécurité pour les salariés et plus de droits sociaux qui progresseraient au fil des mois. En quoi est-ce que c'est une proposition antisociale que vous dénoncez ?
R- Ce n'est pas un contrat à durée déterminée, qu'il nous propose. En fait...
Q- Un contrat unique.
R- C'est un contrat unique qui est une sorte de CNE avec une progression tout au long... mais qui n'offre aucune garantie aux salariés, c'est à dire qu'il n'est pas garanti de pouvoir continuer cet emploi sans menace de licenciement etc. c'est une remise en cause de tout ce qui est Code du Travail aujourd'hui.
Q- Mais qu'est-ce qu'on change alors aujourd'hui, pour essayer de faire...
R- Il faut revenir au contrat à durée indéterminée. Moi, je propose une sécurité d'emploi et de formation, qui prend en compte le besoin de mobilité, aujourd'hui et le besoin de formation tout au long de sa vie. Donc je propose un nouveau contrat qui sécurise le parcours professionnel des individus. Période d'emploi, période de formation, mobilité choisie ou mobilité constructive, s'il y a rupture dans la production de telle ou telle entreprise etc. mais qui garantit à chaque individu ses droits, son statut, ses revenus, je crois que c'est extrêmement important....
Q- Sécurité donc pour les travailleurs, mais pour les entreprises qui demandent aujourd'hui plus de flexibilité ?
R- Parfois je me demande qui défend les entreprises. Moi, j'ai l'impression que madame Parisot et monsieur Sarkozy avec leurs propositions, vont, je dirais, agissent contre l'entreprise. Aujourd'hui les entreprises sont asphyxiées par les dettes, par rapport aux banques. Le poids financier, donc moi, je propose un pôle bancaire, un pôle public bancaire pour une nouvelle politique du crédit permettant d'aider l'entreprise qui veut aller plus loin dans la recherche, qualifier ses personnels, produire de nouveaux produits etc. je propose également une fiscalité intelligente, qui fasse que l'entreprise qui ne pense qu'aux revenus financiers, soit pénalisée, alors que l'entreprise qui développe l'emploi au contraire, ait un bonus dans la fiscalité ou dans ses cotisations sociales. Donc je pense que ce qui fait mal aujourd'hui à l'entreprise, c'est par exemple ces fonds d'investissement qui agissent comme des prédateurs, qui viennent sur une entreprise, je dirais, la suce jusqu'au bout et ensuite délocalise ou licencie. Et donc il faut lutter contre ces grands fonds financiers, contre ces grandes multinationales du Nasdaq.
Q- N. Demorand : Mais donc il faut interdire les délocalisations ? Parce que comment on lutte contre les délocalisations à moins de les interdire ?
R- Mais qu'est-ce que c'est que les délocalisations ? Ce ne sont pas de méchantes entreprises chinoises qui viendraient prendre l'emploi des Français, ce n'est pas ça. Ce sont des multinationales françaises qui filialisent une partie de leur production et qui ensuite délocalisent en Chine ou en Inde pour exploiter encore un peu plus les salariés. Donc il faut empêcher tout ça. Plusieurs solutions, d'abord taxer les réimportations de ces groupes. Ensuite, faire en sorte que les salariés comme je l'ai dit, aient de nouveaux pouvoirs dans la gestion de ces grandes entreprises, pour empêcher ce style de décision. Et enfin la fiscalité dont je vous ai parlée.
Q- H. Jouan : Juste pour revenir au début, vous irez jusqu'au bout de la campagne présidentielle, quoi qu'il arrive ? Si par exemple J. Bové fait une alliance avec O. Besancenot et on voit qu'il capte le vote de la gauche antilibérale, vous irez jusqu'au bout ?
R- J'irais jusqu'au bout et puis ensuite j'ai envie de dire, parlons alliance. Mais alliance sur quoi ? Avec quel objectif ? Moi, mon objectif, c'est une nouvelle majorité à gauche qui porte une politique qui permette cette fois-ci aux gens de vivre mieux. Mon objectif...
Q- Mais s'il la porte mieux que vous ?
R- Mon objectif n'est pas une candidature témoignage où on refuse de chercher les moyens de créer une majorité. Moi, mon obsession c'est de battre la droite, d'empêcher N. Sarkozy de prendre les clés de la République. Et pour ça il faut travailler à une nouvelle majorité à gauche et ne pas essayer de faire des alliances pour essayer de poser un peu plus dans une gauche de la gauche ou dans un cartel de la petite...
Q- N. Demorand : Ni avec les socialistes donc ? Pas d'alliance, quand vous dites une nouvelle majorité à gauche, autour de quel parti pivot ?
R- Ecoutez ! On a une candidate socialiste, S. Royal, pour l'instant on n'a pas encore son programme, mais on a quand même, on entend quelques propositions.
Q- On entend quoi ?
R- On entend que par exemple sur l'Europe, elle ne veut pas bouger par rapport à la campagne pour le "oui" qu'elle a mené en 2005. On entend qu'elle ne veut pas bouger sur la réforme de la fiscalité qui est nécessaire, si on veut que le budget de la France réponde aux dépenses sociales. Donc non, je ne pense pas qu'il faille faire alliance sur un tel programme parce que ce programme va amener, encore une fois la gauche à l'échec, parce que la gauche va encore décevoir. Donc je me bats pour créer une nouvelle dynamique à gauche, porteuse d'un autre programme.
Q- Mais vous restez dans la posture de dénonciation ? Pas de
Gouvernement ?
R- Mais si ! Mais bien sûr que si ! Quand je parle d'une nouvelle majorité, je veux aller vers un Gouvernement qui porte cette politique antilibérale, mais enfin, il y a une urgence, vous croyez que les gens ont envie qu'on fasse des discours pendant 20 ans ? Ils ont envie qu'un nouveau Gouvernement de gauche mène une politique qui permette de changer les choses.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 janvier 2007
R- C'est une candidature de plus, dans l'émiettement de la gauche, je la regrette.
Q- Donc une candidature de trop ?
R- Oui, je pense. Je pense qu'aujourd'hui, l'heure est au rassemblement, moi, ce que j'entends partout, je vais dans les entreprises, dans les quartiers, c'est l'attente de réponse claire, nette, sur comment solutionner les grands problèmes de la population ? Emploi, logement, pouvoir d'achat, santé, les gens ont envie de débattre et je pense que l'heure et à cela maintenant. Il faut se rassembler et faire en sorte qu'une autre voix à gauche se lève, on en a besoin.
Q- Quand des apparentés communistes comme C. Autain ou P. Braouezec qui sont membres de ces collectifs anti-libéraux disent que "seul Bové incarne aujourd'hui la vraie dynamique antilibérale", ça veut que vous non, M.-G. Buffet ?
R- Oui, mais moi, ça ne m'intéresse pas tout cela, j'ai envie maintenant de rassembler, vous savez les collectifs antilibéraux m'avaient proposé en majorité à deux reprises, c'est le choix aussi des adhérentes et des adhérents du Parti communiste, et puis en ce moment, je fais des meetings, je débats, je vais dans les quartiers. C'est tout cela, la politique, vous savez, vraiment j'en ai assez, on se trompe de temps avec les candidatures, maintenant le débat est comment on va battre Sarkozy ? Parce qu'il n'est pas battu encore. Comment on va faire que la gauche cette fois-ci se donne les moyens de réussir, au lieu de nous faire de la musique sans consistance. C'est ça l'enjeu.
Q- En même temps, on dit que les ponts ne sont pas coupés avec J. Bové, qu'il pourrait y avoir des discussions en cours en ce moment ? Vous pouvez nous en dire plus ?
R- Oh ! Non, la porte est toujours ouverte, bien évidemment, je l'ai dit la semaine dernière, il n'y a aucun problème. On a travaillé ensemble pendant de longs mois, pour faire gagner le non le 29 mai 2005, on peut tout à fait se retrouver.
Q- Comment prenez-vous tout de même, la déception qu'on a pu sentir chez les collectifs antilibéraux face à votre candidature qui a été annoncée avec beaucoup d'amertume ?
R- Il y a beaucoup d'amertume chez les militants et les militantes des collectifs antilibéraux, parce qu'ils s'étaient prononcés à majorité et puis les organisations au sommet n'ont pas suivi. Donc l'impression que la politique politicienne reprenait le dessus par rapport à une nouvelle expérience. Bon, moi, je suis déçue aussi, c'est pour ça, que bien sûr, je vais mener campagne avec tous ceux et toutes celles qui le souhaitent. C'est pour que j'ai quitté la responsabilité du secrétariat national du Parti communiste, pour qu'il n'y ait aucun obstacle par rapport à cela.
Q- Vous êtes encore communiste ou pas M.-G. Buffet ?
R- Complètement, complètement et franchement je pense qu'il y a besoin de communisme aujourd'hui, lorsqu'on voit la tonne d'injustices et d'inégalités dans ce pays. Je vois que le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie vient de sortir un livre où il s'étonne qu'il y ait tant de richesse mais aussi tant de pauvreté, toujours plus de gens au RMI, à la CMU etc. c'est ça la réalité aujourd'hui. Ce sont les salariés pauvres, ce sont des gens qui ne peuvent pas avoir accès au logement social, c'est tout cela, donc je crois que le communisme est d'actualité.
Q- Mais communisme mais surtout ne le disons pas ou ne le disons plus,
cachons-le, enlevons les logos, les...
R- Non, non, non, je crois que ce n'est pas comme ça, que les choses sont vécues, nous faisons des meetings où les gens, des hommes et des femmes se côtoient, communistes, socialistes, hommes et femmes de gauche, ils ont tous envie de réussir, de mener cette candidature loin. Mais je dis tout se passe bien. Vous savez, on a besoin de force politique comme le Parti communiste, pour constituer un rassemblement. Le rassemblement a besoin, le rassemblement a besoin de cette force militante et donc on trouve tout à fait notre place dans ce rassemblement.
Q- Et en tout cas, donc vous dites à José Bové "retire ta candidature" si vous le tutoyez, je ne sais pas ?
R- Oui, bien sûr, on se tutoie, avec J. Bové, oui, je crois vraiment que c'est la candidature de trop.
Q- Alors H. Jouan, le rappelait tout à l'heure dans l'édito, on n'a jamais autant parlé des ouvriers et des travailleurs et de la précarité dans cette campagne. On n'en a jamais autant parlé à droite et les paroles les plus fortes étaient prononcées, Hélène les citait tout à l'heure, par N. Sarkozy ?
R- Oui, mais justement N. Sarkozy c'est un peu comme madame Parisot, ils emploient beaucoup le mot "ouvrier" ils emploient beaucoup le mot "travailleur" surtout pour mieux cacher ce qu'ils proposent à ces ouvriers et à ces travailleurs. Parce qu'on nous dit "il faut valoriser le travail" mais dans le même temps madame Parisot nous invente la séparabilité à l'amiable, nous invente le contrat à durée indéterminée avec une mission dont la rupture sera préposée...enfin j'en passe et des meilleures, c'est-à-dire qu'ils sont en train petit à petit de nous annoncer la fin du Code du Travail. La fin des garanties, de la protection contre le licenciement etc. etc. c'est une politique qu'ils veulent nous instaurer, la loi de la jungle, dans ce pays. Alors bien sûr, il parle même de G. Moquet, il parle de Blum, il parle de tout ça, mais ça c'est un rideau de fumée. Regardons ce qu'ils proposent derrière.
Q- Vous ne pensez pas qu'il est en train de... ou qu'ils sont en train puisque c'est un mouvement qui touche toute la droite, de redistribuer les cartes ? Et effectivement de s'intéresser à des populations qui ne sont pas historiquement les leurs ?
R- Oui, le loup s'intéresse aux ouvriers pour mieux les manger. C'est un peu ça, que je ressens à travers le discours de N. Sarkozy. Parce que faisons le bilan de sa politique depuis cinq ans, il est membre d'un Gouvernement qui a cassé, le système de retraite, qui s'en est pris à la protection sociale, a créé vraiment les contrats les plus précaires que nous avons connu dans ce pays, heureusement que les jeunes ont empêché le passage du "contrat poubelle embauche". C'est tout cela, la politique de Sarkozy, et puis il veut aller encore plus loin, il audite certainement, il veut aller encore plus loin, il veut vider la position française de son contenu et faire payer l'ensemble des salariés en doublant la TVA. C'est un homme qui veut vraiment une politique ultra-libérale. Donc la chanson sur les travailleurs, vous savez, je ne crois pas qu'elle prenne beaucoup parmi les ouvriers et les ouvrières qui se battent contre les licenciements en ce moment.
Q- Et la redéfinition du droit de grève, dont parle X. Bertrand porte-parole de N. Sarkozy, ce matin dans la presse et dans La Tribune ?
R- Ah oui ! Réduire les droits des salariés, ça c'est toujours le même refrain, réduire le droit de grève, mais le droit de grève c'est quelque chose de constitutionnel, c'est le moyen qu'ont les salariés lorsque toute négociation sociale a échoué, Dieu sait que la négociation est difficile dans ce pays, c'est le moyen pour eux de se faire entendre. Vous savez, j'étais encore vendredi en Haute Normandie, une entreprise qui venait de se mettre en grève, 70 licenciements annoncés parce que le donneur d'ordre ne respecte pas ses engagements dans l'édition et le routage. 70 femmes et hommes qui ont pour la plupart 15 ans, 20 ans, aucun dialogue social, ils occupent l'entreprise, ils sont en grève, ils n'ont pas d'autres moyens pour se défendre.
Q- Et pourtant on l'entendait également dans le journal de P. Roger, les ouvriers votent aujourd'hui aussi à droite et beaucoup à droite, ils ne votent plus exclusivement communiste comme par le passé ?
R- D'abord il y a toujours eu un vote ouvrier à droite, il ne faut pas non plus se raconter des histoires.
Q- Oui, mais là quand même...
R- Mais pourquoi ? Pourquoi ? Parce que la gauche a déçu, parce que quelque part la gauche n'a pas répondu aux attentes de ces hommes et de ces femmes. Qu'ils n'ont pas vu de véritables changements quand la gauche était au pouvoir. Et c'est pourquoi nous avons été sanctionnés, le Parti socialiste, mais y compris le Parti communiste français en 2002. Et c'est pourquoi je me bats aujourd'hui pour une politique à gauche, qui se donne les moyens de réussir. Cela veut dire, pas simplement faire des promesses, ça veut dire avancer des mesures concrètes. Quel nouveau droit dans la gestion des entreprises pour les salariés ? Comment on limite le coût du logement dans les revenus d'une famille à 20 % ? Comment on fait une réforme de la fiscalité permettant de mettre plus d'argent dans le budget de l'Etat pour créer des postes d'enseignants, donner plus d'argent à la recherche ou à la culture ? Comment on combat l'Europe, parce que quand même, il faudra quand même, que la question de l'Europe, malgré ce qu'ont dit les 18 pays réunis en Espagne vienne dans la campagne électorale, parce que vous ne pouvez pas dire d'un côté je veux recréer un service public et puis vous accommoder d'une Europe libérale qui directive après directive tue les services publics. Donc moi, je suis pour qu'un nouveau Gouvernement engage la bataille pour réorienter l'Union européenne.
Q- Alors dans toutes les questions importantes que vous avez posées, retenons-en une, comment limiter les dépenses pour le loyer, pour l'habitation à 20 % ?
R- Eh bien, il y a deux moyens de le faire.
Q- Quand on voit les prix de l'immobilier, aujourd'hui, quand on voit qu'on peut enfin accéder à des prêts sur 50 ans ?
R- Ecoutez, d'abord...
Q- Un demi-siècle.
R- Il faut que l'Etat se réinvestisse dans le logement, pour ça il faut créer un service public de l'habitat, qui aura pour mission à la fois de construire bien sûr des logements sociaux, c'est-à-dire retour à l'aide à la pierre, mais également d'avoir un rôle sur le foncier. Moi, je propose la création d'agences foncières régionales qui pourraient mettre, je dirais, la préemption sur un certain nombre de terrain, passer des accords, des baux, ensuite, avec les organismes de logement social ou avec des organismes privés, pour répondre aux besoins de logement. Ensuite, il faut augmenter l'aide à la personne, les deux, l'aide à la pierre plus l'aide à la personne, ça permet de limiter à 20 % le coût du logement.
Q- H. Jouan : Pour revenir sur vos propositions économiques et sociales, un mot encore sur N. Sarkozy, on vient d'apprendre que finalement il n'étendrait pas le CNE et qu'il se proposait de faire un contrat unique avec plus de sécurité pour les salariés et plus de droits sociaux qui progresseraient au fil des mois. En quoi est-ce que c'est une proposition antisociale que vous dénoncez ?
R- Ce n'est pas un contrat à durée déterminée, qu'il nous propose. En fait...
Q- Un contrat unique.
R- C'est un contrat unique qui est une sorte de CNE avec une progression tout au long... mais qui n'offre aucune garantie aux salariés, c'est à dire qu'il n'est pas garanti de pouvoir continuer cet emploi sans menace de licenciement etc. c'est une remise en cause de tout ce qui est Code du Travail aujourd'hui.
Q- Mais qu'est-ce qu'on change alors aujourd'hui, pour essayer de faire...
R- Il faut revenir au contrat à durée indéterminée. Moi, je propose une sécurité d'emploi et de formation, qui prend en compte le besoin de mobilité, aujourd'hui et le besoin de formation tout au long de sa vie. Donc je propose un nouveau contrat qui sécurise le parcours professionnel des individus. Période d'emploi, période de formation, mobilité choisie ou mobilité constructive, s'il y a rupture dans la production de telle ou telle entreprise etc. mais qui garantit à chaque individu ses droits, son statut, ses revenus, je crois que c'est extrêmement important....
Q- Sécurité donc pour les travailleurs, mais pour les entreprises qui demandent aujourd'hui plus de flexibilité ?
R- Parfois je me demande qui défend les entreprises. Moi, j'ai l'impression que madame Parisot et monsieur Sarkozy avec leurs propositions, vont, je dirais, agissent contre l'entreprise. Aujourd'hui les entreprises sont asphyxiées par les dettes, par rapport aux banques. Le poids financier, donc moi, je propose un pôle bancaire, un pôle public bancaire pour une nouvelle politique du crédit permettant d'aider l'entreprise qui veut aller plus loin dans la recherche, qualifier ses personnels, produire de nouveaux produits etc. je propose également une fiscalité intelligente, qui fasse que l'entreprise qui ne pense qu'aux revenus financiers, soit pénalisée, alors que l'entreprise qui développe l'emploi au contraire, ait un bonus dans la fiscalité ou dans ses cotisations sociales. Donc je pense que ce qui fait mal aujourd'hui à l'entreprise, c'est par exemple ces fonds d'investissement qui agissent comme des prédateurs, qui viennent sur une entreprise, je dirais, la suce jusqu'au bout et ensuite délocalise ou licencie. Et donc il faut lutter contre ces grands fonds financiers, contre ces grandes multinationales du Nasdaq.
Q- N. Demorand : Mais donc il faut interdire les délocalisations ? Parce que comment on lutte contre les délocalisations à moins de les interdire ?
R- Mais qu'est-ce que c'est que les délocalisations ? Ce ne sont pas de méchantes entreprises chinoises qui viendraient prendre l'emploi des Français, ce n'est pas ça. Ce sont des multinationales françaises qui filialisent une partie de leur production et qui ensuite délocalisent en Chine ou en Inde pour exploiter encore un peu plus les salariés. Donc il faut empêcher tout ça. Plusieurs solutions, d'abord taxer les réimportations de ces groupes. Ensuite, faire en sorte que les salariés comme je l'ai dit, aient de nouveaux pouvoirs dans la gestion de ces grandes entreprises, pour empêcher ce style de décision. Et enfin la fiscalité dont je vous ai parlée.
Q- H. Jouan : Juste pour revenir au début, vous irez jusqu'au bout de la campagne présidentielle, quoi qu'il arrive ? Si par exemple J. Bové fait une alliance avec O. Besancenot et on voit qu'il capte le vote de la gauche antilibérale, vous irez jusqu'au bout ?
R- J'irais jusqu'au bout et puis ensuite j'ai envie de dire, parlons alliance. Mais alliance sur quoi ? Avec quel objectif ? Moi, mon objectif, c'est une nouvelle majorité à gauche qui porte une politique qui permette cette fois-ci aux gens de vivre mieux. Mon objectif...
Q- Mais s'il la porte mieux que vous ?
R- Mon objectif n'est pas une candidature témoignage où on refuse de chercher les moyens de créer une majorité. Moi, mon obsession c'est de battre la droite, d'empêcher N. Sarkozy de prendre les clés de la République. Et pour ça il faut travailler à une nouvelle majorité à gauche et ne pas essayer de faire des alliances pour essayer de poser un peu plus dans une gauche de la gauche ou dans un cartel de la petite...
Q- N. Demorand : Ni avec les socialistes donc ? Pas d'alliance, quand vous dites une nouvelle majorité à gauche, autour de quel parti pivot ?
R- Ecoutez ! On a une candidate socialiste, S. Royal, pour l'instant on n'a pas encore son programme, mais on a quand même, on entend quelques propositions.
Q- On entend quoi ?
R- On entend que par exemple sur l'Europe, elle ne veut pas bouger par rapport à la campagne pour le "oui" qu'elle a mené en 2005. On entend qu'elle ne veut pas bouger sur la réforme de la fiscalité qui est nécessaire, si on veut que le budget de la France réponde aux dépenses sociales. Donc non, je ne pense pas qu'il faille faire alliance sur un tel programme parce que ce programme va amener, encore une fois la gauche à l'échec, parce que la gauche va encore décevoir. Donc je me bats pour créer une nouvelle dynamique à gauche, porteuse d'un autre programme.
Q- Mais vous restez dans la posture de dénonciation ? Pas de
Gouvernement ?
R- Mais si ! Mais bien sûr que si ! Quand je parle d'une nouvelle majorité, je veux aller vers un Gouvernement qui porte cette politique antilibérale, mais enfin, il y a une urgence, vous croyez que les gens ont envie qu'on fasse des discours pendant 20 ans ? Ils ont envie qu'un nouveau Gouvernement de gauche mène une politique qui permette de changer les choses.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 janvier 2007