Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur la réflexion éthique autour de la maladie d'Alzheimer, les progrès en matière de diagnostic et de prise en charge, le Plan solidarité grand âge 2006-2012 et l'image de la maladie d'Alzheimer, Paris le 29 janvier 2007

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Circonstance : Colloque "Ethique et alzheimer" à Paris le 29 janvier 2007

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs les Professeurs, cher Professeur Blanchard,
Mesdames, Messieurs,
En 2007, la maladie d'Alzheimer est grande cause nationale, comme l'a voulu le Premier Ministre, Dominique de Villepin. Cette année doit permettre avant tout une prise de conscience de l'importance que va prendre la maladie dans nos sociétés. Aujourd'hui, plus de 850 000 personnes en France sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. Selon les projections de l'INSEE, 1,3 million de Français souffriront de cette affection d'ici 2020, soit un quart des personnes de plus de 65 ans. Nous sommes face à un défi multiple : un défi humain, pour les personnes touchées et les familles qui les accompagnent, un défi médical, pour la prise en charge et la recherche, un défi économique et social, celui de la prise en charge de cette dépendance, et un défi éthique, qui tient au caractère si particulier de cette maladie. Cette année de la grande cause doit être une année utile. C'est ce que vous avez bien compris, vous, représentant des associations de famille, de soignants, de chercheurs, en décidant de vous réunir en une association nationale qui sera constituée cette semaine. Cette année doit d'abord permettre de mener une communication d'envergure, pour le grand public, informant sur la maladie, son diagnostic, les possibilités de prise en charge, le soutien aux familles ; elle doit ensuite poser les bases du nouveau Plan Alzheimer, qui fera suite au Plan Alzheimer 2004-2007 ; elle doit enfin permettre de lancer une réflexion plus large sur les aspects sociaux, économiques, éthiques de la maladie, et sensibiliser nos concitoyens à ces débats. Je sais que c'est la feuille de route ambitieuse que votre collectif s'est fixée. Vous pouvez compter sur le soutien des pouvoirs publics.
I/ La réflexion éthique autour de la maladie d'Alzheimer a beaucoup progressé ces dernières années, notamment grâce au cycle de colloques Ethique et Alzheimer qui se clôt aujourd'hui.
* Je veux tout d'abord remercier le Professeur François Blanchard chargé de l'organisation de ces colloques, qui ont permis de réfléchir aux particularités éthiques de la prise en charge des patients atteints d'Alzheimer. C'est, je crois, la condition nécessaire pour garantir un référentiel commun à l'ensemble des personnels soignants, référentiel qui doit replacer le respect de l'individu et de sa dignité au centre des dispositifs de soins. Mais c'est aussi un référentiel qui peut être utile pour les familles, confrontées au quotidien à ces questions éthiques.
* Cette réflexion éthique s'est fondée sur quatre postulats essentiels à mes yeux :
. Le premier postulat est qu'il persiste une vie intellectuelle et surtout relationnelle dans la maladie d'Alzheimer. Faire ce postulat suppose dans la démarche éthique un souci de respect de l'identité du malade et en tenant compte de l'ensemble des éléments constitutifs de sa personnalité, de son histoire de vie : c'est le principe d'humanité.
. Le second postulat est le droit de tous à la protection de la santé, c'est le principe de solidarité, qui est la base même de notre système de santé. On sait aujourd'hui que la maladie d'Alzheimer n'est pas un des états particuliers du vieillissement, mais bien une maladie à part entière, reconnue depuis février 2005 dans la liste des affections de longue durée.
. Le troisième postulat est l'égalité de traitement vis-à-vis de l'accès aux soins, quelle que soit la structure de prise en charge, pour le diagnostic, le maintien à domicile ou l'hébergement en institution. De plus, l'égalité d'accessibilité à la qualité de soins et à la prise en charge doit être assurée : ce sont les principes d'équité et de justice.
. Le quatrième postulat est le respect et la reconnaissance de la liberté de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, en particulier dans sa liberté de choix à discuter, à accepter ou à refuser les soins et les services proposés. La participation du patient aux propositions de prise en charge doit à ce titre être assurée : c'est le principe d'autonomie.
* Ces 5 colloques qui ont réuni au total plus de 3 000 personnes vous ont permis d'aborder la multiplicité des questions éthiques liées à cette maladie. Je souhaite que les conclusions auxquelles vous êtes parvenus se traduisent rapidement dans le quotidien des malades, des aidants familiaux et des soignants, grâce au référentiel national qui a été élaboré. Ce référentiel, « Alzheimer, l'éthique en questions », va être diffusé dès aujourd'hui à tous les professionnels.
II/ Les progrès en matière de diagnostic et de prise en charge de la maladie d'Alzheimer sont également très importants, grâce à la mise en oeuvre du Plan Alzheimer 2004-2007 et du Plan Solidarité Grand Age 2006-2012.
* Le plan Alzheimer a en effet permis de faciliter l'accès au diagnostic et à la prise en charge pour toute personne potentiellement concernée par la maladie Alzheimer.
. Ce Plan a notamment permis de créer les consultations mémoires : il en existe 316 à ce jour et l'objectif d'une consultation mémoire pour 15 000 personnes de plus de 75 ans est d'ores et déjà atteint. Ensuite, nous avons créé les centres mémoire de ressource et recherche : 25 centres ont été créés, au moins un par région. Les CMRR associent le diagnostic précoce, les consultations mémoire, la prise en charge pluridisciplinaire du patient : ils constituent donc un maillon essentiel dans le parcours de soins des patients et l'accompagnement de leurs familles.
. En matière de prise en charge, les EHPAD ont bénéficié de financements supplémentaires de l'assurance maladie, destinés à leur médicalisation, mais aussi à un renfort de 8 à 10 personnels supplémentaires par structure en moyenne. Pour la prise en charge des patients atteints de la maladie d'Alzheimer, ce renfort de personnel est essentiel.
. Enfin, ce plan a également permis de notables avancées en matière d'approches non médicamenteuses grâce à la création d'un programme hospitalier de recherche clinique coordonné par le Professeur Dartigues.
* Cependant des lacunes subsistent, notamment en matière de diagnostic, puisqu'en moyenne la maladie d'Alzheimer est diagnostiquée deux ans après l'apparition des premiers symptômes.
* Le Plan Solidarité Grand Age répond à ce défi en s'assignant l'objectif de généraliser le repérage de la maladie d'Alzheimer. La création d'une consultation gratuite de prévention dédiée aux personnes âgées de plus de 70 ans dès 2007 y participe. En effet, cette consultation doit permettre de détecter tous les facteurs de risque d'entrée dans la dépendance, dont les troubles de mémoire, dont la détection impliquera d'adresser le patient à une consultation mémoire.
. En effet, le diagnostic précoce présente un double avantage pour le patient : c'est lui permettre d'organiser son parcours de soins et son projet de vie comme il le souhaite ; c'est lui garantir une prise en charge plus rapide, ce qui peut ralentir la progression de la maladie (traitements de stabilisation - effets à court terme -, stimulation intellectuelle,...).
. La maladie d'Alzheimer nécessite une prise en charge adaptée, une prise en charge qui ne doit pas être déshumanisante ni pour le patient, ni pour la personne qui en a la charge. Le Plan Solidarité Grand Age veut ainsi développer dans les cinq prochaines années l'accueil de jour, qui permet à la personne aidant le malade à garder une activité professionnelle. 2 500 places seront ainsi créées chaque année. Philippe Bas vous l'a annoncé ce matin, nous avons décidé d'instituer une aide au transport, qui permettra de rendre les accueils de jour effectivement accessibles à tous ceux qui peuvent en bénéficier. Cette aide au transport sera mise en place dès le printemps.
. Cette aide aux aidants se concrétise également par un droit au répit grâce à la création d'un Congé de soutien familial avec le maintien des droits à la retraite, mais grâce à la mise en oeuvre du « balluchon ». Cette expression québécoise recouvre une réalité très concrète : le droit pour tout aidant hébergeant une personne atteinte de maladie d'Alzheimer de prendre quelques jours de repos grâce à la présence 24h/24 d'un aidant extérieur.
. Cette politique permet de mieux prendre en compte cette réalité qui sert de devise à l'association France Alzheimer : « Un malade, c'est toute une famille qui a besoin d'aide ».
. Par ailleurs, d'ici 2012 , nous voulons augmenter de 40 % par rapport à aujourd'hui le nombre de places en services de soins infirmiers à domicile. Les aides à domicile vont également être renforcées. Pour cette seule année 2007, nous ajoutons 24 millions d'euros aux 230 millions que consacre la Caisse nationale d'allocations vieillesse aux services à domicile.
. S'occuper de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer nécessite un savoir faire tout particulier. C'est pourquoi les cahiers des bonnes pratiques, pour les professionnels de santé comme les aidants sont tellement importants. Depuis juin 2005 ont été diffusés un Mémento « Alzheimer », un « Guide d'éducation à la santé pour la maladie d'Alzheimer » et un CD-rom sur le plan de soins et d'aide. Tous ces outils sont également accessibles sur le site Internet du ministère de la santé. Cet effort, nous devons le poursuivre, et ce notamment grâce à la diffusion d'un Guide des bonnes pratiques de soins en EHPAD dès janvier 2007.
* Et nous devons également accentuer nos efforts en matière de recherche.
. Ainsi, dans le cadre du Plan Recherche sur les Maladies du Cerveau, un sous-groupe « Alzheimer et maladies neurodégénératives » a été créé, et, dans le cadre du PSGA, l'agence nationale de la recherche consacrera plus de 20 millions d'euros supplémentaires. A côté des neuropôles qui seront créés par le Plan Recherche sur les Maladies du Cerveau, nous souhaitons créer des gérontopôles sur le modèle des canceropôles créés par le Plan Cancer, afin de développer la recherche sur les maladies du grand âge.
III/ Plusieurs défis nous attendent encore : celui de l'image de la maladie et celui de sa prise en charge personnalisée.
* La maladie d'Alzheimer doit être mieux connue du grand public, elle ne doit plus être vécue comme une fatalité, une maladie que l'on cache.
. Je voudrais avant tout saluer le travail des soignants et des aidants familiaux. Je sais qu'ils sont souvent blessés par cette image de la maladie. Les associations réalisent toutes un travail formidable pour changer cette image, et je salue notamment l'action de France Alzheimer.
. L'une des premières missions du Collectif Alzheimer Grande cause nationale que vous constituez, c'est justement la réalisation d'une campagne de communication grand public.
. Je sais que vous avez débattu des thèmes de cette campagne autour de cette idée, que la maladie d'Alzheimer est une maladie à part entière avec un diagnostic et une prise en charge possible tant sur le plan médical, social qu'humain. Chacun d'entre nous peut un jour être affecté par cette maladie ou voir son conjoint, un parent ou un proche être atteint.
. Je souhaite que cette campagne remplisse les objectifs que vous lui avez assignés, c'est-à-dire d'inciter au diagnostic précoce pour une plus grande efficacité de la prises en charge, de rompre l'isolement des familles, de promouvoir les méthodes et les médicaments pouvant ralentir l'évolution de la maladie, mais aussi de soutenir l'effort de recherche.
. Et nous devons également mener des actions d'information auprès des professionnels de santé, qui trop souvent encore connaissent mal la maladie, ses outils de diagnostic et ses possibilités de prise en charge. La FMC doit jouer un rôle important dans cette meilleure connaissance de la maladie, et je sais que votre collectif est aussi totalement mobilisé sur cette question.
* Je souhaite placer l'objectif d'une prise en charge davantage personnalisée et de qualité égale sur tout le territoire au coeur des priorités de notre Ministère pour cette année de grande cause.
. Dans la mise en oeuvre du Plan Solidarité Grand âge, nous veillerons particulièrement, avec Philippe Bas, au respect de l'égalité territoriale de la prise en charge. En effet, je sais qu'aujourd'hui, des disparités trop fortes existent entre les régions. Ce principe d'égalité devant la prise en charge passe aussi par la formation et l'évaluation des pratiques des soignants.
. Il est également important - comme le soulignent les associations - de mieux graduer la prise en charge, de laisser la liberté entre plusieurs formules, mais aussi de développer des formes intermédiaires : accueils de jour, hôpitaux de jour, soins de suite et de réadaptation, hébergement temporaire, baluchon,...
. Surtout, il faut créer un parcours de prise en charge coordonné qui puisse comprendre des temps en institutions, des temps de maintien à domicile et des temps d'hospitalisation, en fonction des besoins de la personne malade, mais aussi des possibilités des familles.
. Dans le cadre d'un Plan Alzheimer qui débuterait en 2007, je souhaite que nous travaillions sur la coordination, le suivi et la personnalisation d'une prise en charge graduée, coordonnée. Trop souvent, les patients et leurs familles se sentent démunis, ont l'impression de ne pas avoir le choix. L'expérimentation du « Case manager » ou coordinateur de soins est très intéressante à mes yeux. Si elle se révèle efficace, elle pourrait être généralisée, comme nous l'envisageons dans le cadre du Plan Qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques que je présenterai dans les prochaines semaines.
. Les patients et leurs familles ont besoin d'être orientés, pas seulement dans la prise en charge et ses différents modes, mais aussi socialement, financièrement et juridiquement. C'est sur ces axes que nous devons aussi désormais avancer.
Cette année va bien sûr permettre à tous les membres de l'association Alzheimer grande cause nationale, qui sont pour la plupart présents dans cette salle et que je salue, de valoriser leurs actions. Elle va également permettre de mener une grande campagne d'information de nos concitoyens sur la maladie, son diagnostic et sa prise en charge. Mais je souhaite aussi qu'elle nous permette de mettre en place des actions durables, de réfléchir ensemble aux bases d'un nouveau Plan Alzheimer, et, plus largement, à la place de la dépendance dans notre société. Je sais combien vous êtes mobilisés sur ces sujets, je sais quel est votre souhait de pérenniser votre collectif, afin que cette année soit un véritable point de départ à un travail commun et fructueux. Vous pouvez compter sur ma mobilisation, vous pouvez compter aussi sur ma volonté de placer la maladie d'Alzheimer et la dépendance au coeur du débat public.Source http://www.sante.gouv.fr, le 14 février 207