Texte intégral
Q- Pouvez-vous nous donner le chiffre exact du déficit du commerce extérieur ?
R- Approximativement, à la décimale pas tout à fait près, 29 milliards d'euros.
Q- 29 milliards : un record abyssal, historique ?
R- Non, c'est un record qui est à peu près aussi historique que celui des exportations, qui, lui est à 387 milliards d'euros.
[Intermède - Actu.]
Q- La France a donc enregistré un déficit d'un peu plus de 29 milliards d'euros l'année dernière. Comment expliquez-vous ce très mauvais résultat ?
R- L'aggravation du déficit s'explique essentiellement par l'aggravation de la facture pétrolière. Si on regarde la balance commerciale hors valeurs pétrolières, on s'aperçoit au contraire qu'on est non seulement en excédent, mais que notre excédent de balance commerciale est en progression, et en progression pour la première fois depuis 2002. Donc, on a des raisons d'être satisfaits, même si le déficit est important, c'est le plus important. Nos exportations sont aussi historiquement les plus importantes jamais constatées. On est à 387 milliards d'exportations, et les bonnes nouvelles, quand on regarde nos exportations, c'est d'une part que les industries agro-alimentaires et en particulier les vins et spiritueux repartent très fort. On ouvre en France aujourd'hui six bouteilles de Champagne à la seconde, en France. Les exportations de biens de consommation repartent également, et les biens d'équipement, qui comprennent notamment les Airbus mais aussi le secteur de la machine-outil, sont également en progression. En revanche, le secteur qui véritablement pose un problème, c'est le secteur de l'industrie automobile, qui pèse lourd dans nos exportations, puisqu'il représente à peu près 13 % des exportations, et là, on constate qu'il est en baisse.
Q- Je veux bien que vous nous expliquiez que c'est la faute du pétrole. En même temps, les entreprises allemandes, elles aussi consomment du pétrole. Qu'est-ce qu'elles ont de plus que les entreprises françaises ? L'Allemagne est un pays qui bat un record en matière de commerce extérieure.
R- L'Allemagne c'est le champion du monde toutes catégories : c'est le premier exportateur au monde devant les Etats-Unis, devant le Japon notamment.
Q- Pourquoi on n'est pas capable de faire aussi bien que les Allemands ?
R- Parce que les Allemands se préparent depuis longtemps à ce phénomène d'exportation et de mondialisation des échanges. Premièrement, les PME allemandes sont plus nombreuses à exporter, elles sont en général plus larges, plus solides donc pour partir à l'exportation. Et puis la croissance, le peu de croissance allemande jusqu'à présent, sauf l'année 2006 qui est bien sûr meilleure, a été essentiellement tirée par les exportations. La consommation intérieure allemande, en revanche est historiquement atone. Donc, quand les entreprises allemandes veulent faire de la croissance, parce qu'il n'y a pas de consommation à l'intérieur, elles vont vendre à l'extérieur. En outre, je crois que les entreprises allemandes ont anticipé sur les mouvements de mondialisation, ayant externalisé une partie de leurs cycles de fabrication vers les pays de périphérie, c'est-à-dire les pays d'Europe centrale de proximité, ce que les entreprises françaises ont fait beaucoup plus tard. Ce sont les raisons qui, à mon avis, expliquent fondamentalement l'écart entre la France et l'Allemagne.
Q- Cela veut-il dire aussi que les entreprises françaises ne sont pas suffisamment compétitives ?
R- Je crois que c'est en train de s'améliorer. L'écart qu'on mesurait comme de la compétitivité hors prix, qui était un peu la variable d'ajustement non explicable, est en train de se réduire sur l'année 2006. Cela fera plaisir à certains commentateurs comme P. Artus, par exemple. Mais il y a clairement un petit reliquat qui tient à la compétitivité hors prix, qui tient à la nature des produits qui sont offerts, à la demande adressée à la France.
Q- Pour revenir aux entreprises, les 35 heures c'est un handicap ?
R- Ce n'est pas économiquement démontré. Je demeure convaincue cependant que les PME en particulier ont beaucoup souffert de la mise en oeuvre des 35 heures, et que cela a pesé sur leur compétitivité. Le temps passé à appliquer les 35 heures et, tout simplement, mathématiquement, le fait qu'au lieu de produire pendant 39 ou 42 heures dans certains pays, les entreprises françaises produisent pendant 35 heures, sous réserve d'heures supplémentaires, évidemment, cela réduit le volume de l'offre en réponse à la demande. Et on sait aujourd'hui que la demande adressée à la France est supérieure à notre offre.
Q- On dit aussi que le coût de l'euro est trop élevé. Est-ce que vous attendez quelque chose de la BCE ?
R- Le débat sur la BCE me paraît un débat de fond. Question : est-ce qu'on doit se concentrer surtout sur la lutte contre l'inflation ou est-ce qu'on doit ou non inclure la perspective de la croissance pour toute la zone euro ? De mon point de vue, il serait utile qu'on inclue la croissance comme un des objectifs également poursuivis. Pour autant, la BCE fait parfaitement son travail, monsieur Trichet est aux commandes, et les Allemands arrivent à très bien exporter avec un euro qui est aussi fort pour un Allemand que pour un Français. Donc, ce n'est pas suffisant comme explication, même si par rapport, un, à la zone dollar, deux, à la zone yen, les exportateurs de la zone euro ne sont pas favorisés.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 février 2007