Interview de M. Olivier Besancenot, porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire et candidat à l'élection présidentielle, à "RTL" le 13 février 2007, sur la question des alliances avec le parti socialiste et les divisions de la gauche anti-libérale.

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Texte intégral

Q - Jean Michel Aphatie : Bonjour Olivier Besancenot.
Olivier Besancenot : Bonjour.
Q - Vous étiez sur le plateau de TF1, hier soir, et la première personne qui vous a interpellé face à 100 Français - c'était l'émission -, la première personne qui vous a interpellé vous a reparlé du NON au référendum sur la Constitution Européenne au printemps 2005, et elle a fait part de sa frustration. Depuis, il ne s'est rien passé. Même le camp du NON de Gauche a complètement explosé. Est-ce que vous comprenez cette frustration, Olivier Besancenot ?
R - Il y a une frustration politique, bien sûr, pas forcément sur la dimension européenne mais en l'occurence, la question lui était posée sur la question européenne mais sur l'espoir qui était né à Gauche, qu'une autre Gauche que la Gauche Plurielle soit possible. Il y a des discussions politiques après ; il y a eu des élaborations communes et puis, il y a eu un rendez-vous électoral manqué dans le cadre de cette campagne.
Q - On a l'impression que vous êtes d'accord sur l'essentiel et puis, que ce sont quoi ? Des querelles de boutique qui ont empêché que vous vous retrouviez pour cette présidentielle ?
R - On serait d'accord sur tout, on se serait mis d'accord. Là, il y a eu un désaccord précis qui porte sur la question des alliances avec le Parti Socialiste. Nous, depuis le début, on a expliqué que pour que notre Politique commune puisse aboutir en termes d'anti-libéralisme, il fallait assumer son indépendance vis-à-vis de la Direction du Parti Socialiste, pas par sectarisme mais par souci d'efficacité. C'est l'indépendance vis-à-vis de la direction du PS qui avait appelé à voter OUI au projet constitutionnel qui ne l'a pas regretté d'ailleurs, qui avait permis aux uns et aux autres de peser paradoxalement, d'ailleurs, de façon plus efficace sur le choix des militants, des sympathisants et des électeurs socialistes. Donc, je crois qu'il n'y a pas un électeur de Gauche qui regretterait la défaite de Nicolas Sarkozy ; mais il y a quand même un risque, c'est que Ségolène Royal au Pouvoir ne fasse pas qu'une Politique de Gauche ; et nous, on tend une main fraternelle à Marie-George Buffet, à José Bové, à Arlette Laguiller, à Jean Luc Mélenchon, pourquoi pas ! et puis, surtout à tous les anonymes qui s'étaient regroupés dans cette campagne pour faire en sorte que Ségolène Royal, au Pouvoir, à la différence de Jospin - Gauche Plurielle numéro 1, ait cette fois-ci une opposition politique pas qu'à sa Droite mais une aussi à sa Gauche pour que les choses avancent.
Q - Et puis, il y a un autre risque de votre point de vue, c'est qu'une Gauche aussi divisée facilite l'élection de Nicolas Sarkozy ?
R - Non, je ne crois pas ça. De toute façon, Sarkozy est mon ennemi. Donc, je crois que ce qui pourra le contrer, c'est aussi ce qui sera dit dans le cadre de cette campagne et des solutions crédibles. Et je crois que le moyen le plus efficace de battre Sarkozy, précisément, c'est pas de commencer par lui opposer une Gauche qui est à la fois Sécuritaire et Libérale. Le meilleur moyen pour bien faire la différence avec Sarkozy c'est lui opposer une Gauche anti-Capitaliste et anti-discrimination. C'est ce qu'on cherche à faire avec nos petits bras musclés.
Q - Nicolas Sarkozy est votre ennemi et Ségolène Royal, c'est quoi ? Elle a présenté son Programme, dimanche. Vous l'avez critiquée très sévéremment. Alors, c'est quoi Ségolène Royal, pour vous ?
R - Moi, je ne les mets pas dans le même panier. J'ai des divergences de points de vue extrêmement importants avec le Programme du Parti Socialiste puisqu'avec Ségolène Royal comme individu, précisément parce que je l'ai lu, il y a notamment expliqué qu'on va augmenter le Pouvoir d'achat avec un SMIC à 1.500 euros BRUT. BRUT ; pas NET, au plus vite d'ici 2012, c'est proposer une augmentation du Pouvoir d'Achat qui est plus faible que ce qu'on a connu les 5 dernières années. Donc, autant dire les choses clairement. C'est pas proposer une augmentation du Pouvoir d'Achat.
De la même manière, dire qu'on augmente de 5% les pensions des Petites Retraites, c'est absolument que dalle ! puisque le Conseil d'Orientation des Retraites lui-même projette d'après ses propres chiffres, que l'ultra majorité des femmes retraitées notamment puisque c'est d'abord elles qui sont concernées, toucheront probablement en moyenne 400 euros. 400 euros, une augmentation de 5%, c'est 20 euros. Quand on prend en compte l'inflation, ça fait 12 euros, c'est-à-dire que dalle ! Nous, on propose une augmentation des revenus de 300 euros en revenant à la répartition Capital - Travail qui existait il y a un peu plus de 30 ans dans ce pays.
Donc, Sarkozy est mon adversaire. Et je n'approuve pas la Politique du Parti Socialiste. Et je pense même que son Programme est incompatible avec ma politique dans un gouvernement.
Q - Si Sarkozy est votre adversaire ... Sarkozy est votre adversaire. On l'a compris : tout à l'heure votre ennemi, votre adversaire. Ségolène Royal, c'est quoi ? C'est pas votre partenaire, c'est quoi ?
R - Non, évidemment pas ma partenaire. C'est une concurrente sur une autre orientation politique avec laquelle mon orientation, en tous les cas, n'est pas compatible dans un gouvernement, voilà. Dans un même gouvernement, entre la Politique de Ségolène Royal et la mienne, il y aurait deux orientations un peu contradictoires. Et il y en aurait forcément une qui prendrait le pas sur l'autre. Et précisément, moi je ne veux pas me retrouver dans la situation qu'a pu être celle de ministres communistes sous Jospin qui, par exemple, se sont retrouvés à approuver la privatisation d'Air France ou de France Telecom au gouvernement, et qui se sont retrouvés à y résister dans le cadre de l'entreprise. Ca, c'est un grand écart que moi, faut pas me demander de faire.
Q - Toujours au cours de l'émission de TF1, vous avez évoqué à propos de l'Insécurité, le faible nombre d'éducateurs. 4 éducateurs pour 100 policiers, disiez-vous, hier soir. Et Ségolène Royal, dans son Programme dimanche, dit : un encadrement militaire est sans doute nécessaire pour les Jeunes délinquants. J'imagine que ce type de mesures non plus, ne vous satisfait pas beaucoup ?
R - Non. Mais j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet là ; en l'occurence quand Ségolène Royal pour répondre à votre question, fait des sorties sur ce terrain sécuritaire ou quand, sur d'autres questions économiques, elle se trouve des affinités communes avec Tony Blair, ça lui fait des points communs avec Nicolas Sarkozy, pas avec moi.
Q - Donc, on peut dire d'une certaine façon, que la Gauche ça n'existe pas. Il y a beaucoup de Partis à Gauche, mais la Gauche ça n'existe pas.
R - Non. On ne peut pas dire ça parce que moi, je fais toujours la différence pour la simple et bonne raison que des militants de Gauche, y compris du Parti Socialiste, j'en croise dans les mobilisations sociales, j'en croise dans les mobilisations démocratiques, y compris contre les projets de loi de Nicolas Sarkozy ; alors que des militants de l'UMP, même avec une loupe, je n'arrive pas à les trouver dans ces cortèges là. Ca fait une différence de taille.
Q - Petite.
R - De taille.
Q - De taille, d'après vous.
R - Ah oui, mais l'activité au quotidien, c'est quelque chose d'important. Donc, vous n'arriverez pas à me faire dire que c'est kif-kif bourricot, je ne le pense toujours pas.
Q - Non, c'est pas le fond de ma pensée ; mais le fond de ma pensée c'est que décidément la Gauche française n'a jamais été aussi divisée qu'elle ne l'est aujourd'hui.
R - Jamais divisée : Non. Mais on peut imaginer qu'il y ait des fractures politiques à Gauche qui ont un sens. Entre la Gauche du OUI, la Gauche du NON, il y avait une fracture politique qui pour moi, avait un sens parce qu'elle faisait écho à une fracture plus forte ; encore peut-être qu'on sent tous depuis plusieurs années, entre d'un côté, une orientation qui, pour moi, consiste en effet à accompagner socialement les dégâts du libéralisme, ça c'est l'illusion portée à mon avis par le Parti Socialiste. Et l'autre côté, une Gauche plus radicale : anti-Capitaliste, anti-Libérale qu'on a vue aussi émerger dans le cadre des mobilisations. Et puis, il y a aussi une nouvelle génération politique qui voit le jour. On l'a vue avec les mobilisations contre le Contrat de Première Embauche. Cette génération politique là, elle a beaucoup d'espoir. Une fois de plus, elle ne veut pas de Nicolas Sarkozy ; mais je ne crois pas qu'elle ait envie qu'on tue son espoir dans une nouvelle mouture de la Gauche Plurielle. Et moi, je n'étais pas dans la Gauche Plurielle numéro 1, je ne serai pas dans la Gauche Plurielle numéro 2. Ca, c'est une fracture qui, pour moi, a un sens.
Q - J'ai lu votre Blog, Olivier Besancenot, et j'ai vu que depuis mercredi dernier, vous êtes en congés de la Poste, vous avez fait un pot, mercredi. J'explique à mes collègues, dites-vous, qu'à priori je reviendrais après les élections ou à la fin mars si je n'ai pas les signatures. C'est pas optimiste ?
R - Vous avez lu un petit peu rapidement. Ce n'était pas un pot. C'était une assemblée générale ...
Q - Le matin à 6 heures. Je simplifie.
R - ... paru le lendemain, en grève, voilà. Oui, écoutez ...
Q - Pas optimiste ?
R - Si, c'était en fait ... Mais vous auriez dû lire jusqu'à la fin parce qu'en fait, c'était un clin d'oeil à mon petit patron qui, en l'occurence, pensait que je pourrais revenir le plus tard possible. Je voulais lui dire que de toute façon, ma -comment dire- ma surveillance sur l'état social de mon bureau serait efficace, y compris jusqu'au mois de mars. Donc, de toute façon, qu'il ne s'amuse pas à réorganiser par exemple pour restructurer le bureau de poste à Neuilly, à Levallois ou dans le restant des départements du 92 parce que je serai toujours présent pour les luttes.
Q - Et alors, j'ai lu aussi parce que, voyez, j'en ai lu quand même un petit bout de votre Blog que toutes ces questions sur les signatures vous agacent. "C'est Georges Marchais qui avait raison, écrivez-vous, sur un point en tout cas rassurez-vous, quand Elkabbach le gonflait avec ces questions, il répondait : Taisez-vous Elkabbach !"
R - Ca n'a rien à voir avec les signatures. Oui, c'est en l'occurence ...
Q - Non, c'est vrai. C'est autre chose.
R - Je parlais d'un DUPLEX avec France 3 ...
Q - Mais Bové, le retrait ... c'est un peu toujours la même chose ?
R - Non, non. Mais là vous mélangez un petit peu tout. Je parlais d'un DUPLEX en l'occurence où il y a des journalistes un peu audacieux comme ça qui se permettaient de pas dire "bonjour" ... de poser en boucle la question sur les signatures ... et c'est vrai quand vous avez ...
Q - Sur José Bové ... sur les signatures. Oui.
R - Et c'est vrai ... oui, voilà sur les signatures, oui. Quand vous avez 5 minutes d'interview, c'est vrai que 5 minutes de questions uniquement sur les signatures .... c'est d'ailleurs pour ça que l'émission d'hier soir, elle était chouette parce que vous avez 100 personnes et on ne vous demande pas de commenter les sondages ... on ne vous demande pas de parler du 2ème tour ... on ne vous demande pas de parler des signatures ... Finalement, c'est la vraie vie ! C'est chouette.
Q - C'est bien une émission sans journalistes !
R - C'est pas mal !
Q - C'est ça. Et l'hypothèse alors que vous soyez candidat ? Forte ou faible, finalement ?
R - Ah non, non, non ... moi, je serai candidat. Il y a rien qui va casser ma motivation, absolument rien.
Q - Si, les 500 signatures.
R - Non, parce qu'on va les avoir.
Q - C'est fini. Olivier Besancenot était l'invité d'RTL.


source : Premier-ministre, Service d'information du Gouvernement, le 13 février 2007