Interview de M. Bruno Mégret, président du Mouvement national républicain, à "France 2" le 14 février 2007, sur son ralliement à M. Jean-Marie Le Pen, candidat à l'élection présidentielle de 2007.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard - Vous avez rallié la candidature de J.-M. Le Pen. Et pourtant, il n'y a pas si longtemps, il vous traitait de félon, de traître, vous, vous disiez que c'était un homme du passé. Comment vous avez réussi à vous réconcilier ?
R - C'est simple, je pense que, tout ça...
Q - Simple ! Quand on s'est envoyés ces mots-là à la figure, c'est quand même pas si simple que ça !
R - Oui, c'est peut-être pas le mot juste. Mais en tout cas, ce qui est clair, c'est que ça a été possible parce qu'il n'y avait pas de haine. Il y a eu des différends politiques, en effet, vous avez raison, assez violents, assez profonds. Mais je crois que, parce qu'il s'agissait de l'intérêt national, nous avons montré qu'on peut passer au-delà de tout cela et se rassembler en mettant de côté ces différends et ces différences.
Q - Qui est-ce qui était demandeur : c'était vous ou c'était lui ?
R - C'est J.-M. Le Pen qui a proposé cette union. Moi, j'ai...
Q - Donc, c'est lui qui était demandeur ?
R - ...j'ai répondu positivement. Et je crois que c'est quelque chose de tout à fait exceptionnel sur la scène politique. Quand on se divise un peu dans tous les camps, nous, au contraire, on se rassemble, parce qu'il faut vraiment pouvoir proposer au mois d'avril prochain un autre choix aux Français que le choix du couple infernal Ségo-Sarko.
Q - Il y a un troisième homme, c'est F. Bayrou qui monte beaucoup en ce moment.
R - Oui, mais alors là, je suis très perplexe, si vous me permettez. Moi, j'ai constaté qu'au moment où il fallait dissuader des candidats un peu parasites de la gauche, comme M. Chevènement ou Mme Taubira, de se présenter, on disait que Le Pen était à 17%, qu'il allait être au deuxième tour. Maintenant que ces candidats, c'est acquis, ne se présentent pas, on nous explique : ben non, que finalement c'est Bayrou. Alors, je crois...
Q - Vous pensez que c'est une manipulation ? Qui manipulerait ça ?
R - Je dis aux Français de se méfier des sondages, ce sont des instruments d'observation, c'est vrai, mais c'est aussi des instruments d'influence. Et puis, et puis, peut-être, oui, manipulation dans certains cas.
Q - Alors, sur la campagne, est-ce que vous allez faire campagne avec J.-M. Le Pen, est-ce que vous participerez à des meetings de J.-M. Le Pen ?
R - Nous allons faire campagne séparés, séparément...
Q - C'est une demi réconciliation alors ?
R - Non, non, c'est pas ça, c'est un principe d'efficacité. C'est ce qu'a voulu le Front national, c'est ce que veut aussi mon mouvement, le MNR, parce que ça sert à rien de faire des réunions du MNR avec des gens du Front national et réciproquement. Et puis surtout, parce que nous, nous sommes un mouvement indépendant, on a notre liberté de parole, et on entend faire campagne à notre façon et sur les thèmes qui sont les nôtres. Moi ce qui me frappe, c'est que les candidats institutionnels, Royal, Sarkozy, n'ont aucune stratégie pour maîtriser la mondialisation par exemple, qui est pourtant...
Q - Ils ont des programmes qui évoquent la question quand même !
R - Oui, mais la mondialisation c'est central, c'est ce qui est à l'origine de la précarité, du chômage, des délocalisations, de la baisse du pouvoir d'achat. Ils n'ont rien pour maîtriser cela, nous, nous avons une stratégie d'envergure. Nous considérons qu'il faut un grand patriotisme économique, français et européen, parce que la mondialisation c'est la guerre économique internationale et qu'il faut à la fois se protéger et mener des offensives.
Q - Mais franchement, tout le monde le dit ça ?
R - Oui mais alors, est-ce que on propose la mise en place comme nous le faisons, d'écluses douanières aux frontières de l'Europe pour se prémunir du dumping social, écologique et monétaire, comme le font d'ailleurs les Chinois ou les Américains...
Q - Est-ce que c'est vraiment possible de rétablir les barrières douanières ?
R - Je vous signale que ceux qui ont signé le Pacte de M. Hulot, auraient dû faire attention à ce qu'ils signaient, parce que Hulot, lui, préconise ce genre de protection douanière, pour lutter contre le dumping écologique. Alors, si c'est valable pour le dumping écologique, pourquoi ça ne l'est pas pour le dumping social ou monétaire, comme nous le proposons.
Q - Une des difficultés de J.-M. Le Pen, c'est d'obtenir les 500 signatures. Vous étiez candidat avant de vous rallier, combien de signatures vous lui avez apportées ? Il parle d'une dizaine, c'est ça ?
R - Oui, j'entrerais pas dans les chiffres. Nous avons...
Q - Mais c'est 10, c'est 20, c'est combien ?
R - Non, mais c'est l'ordre de grandeur, c'est vrai. Ce qui est vrai aussi, c'est que c'est extrêmement difficile d'obtenir des signatures...
Q - Est-ce que c'est plus difficile d'obtenir des signatures pour J.-M. Le Pen que pour vous ?
R - Ce qui est difficile, c'est que les maires qui avaient signé pour moi à l'époque où j'étais encore candidat, rechignent à transformer leur signature en signatures pour J.-M. Le Pen. Donc, la difficulté elle est à tous les niveaux, elle est pour trouver les signatures de maires qui n'avaient pas signé, elle est pour transformer les signatures, il y a un vrai problème de démocratie. Et moi, je constate d'ailleurs que ceux qui nous font des leçons de démocratie à tout bout de champ, comme Royal ou Sarkozy, ne font rien de concret dans ce genre. Ils nous disent qu'ils veulent écouter les Français, mais ils n'écoutent même pas les Français lorsque ceux-ci se prononcent très institutionnellement, par exemple, pour le référendum 2005. Parce que si c'était le cas, s'ils avaient écouté ce qu'ont dit les Français en 2005, aujourd'hui ils annonceraient officiellement que s'ils sont élus, ils s'opposeraient à l'entrée de la Turquie dans l'Europe, et ils feraient cesser les négociations d'adhésion.
Q - Sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe, il y a à peu près consensus là-dessus ?
R - Oui mais il n'y en a aucun qui a annoncé...
Q - Et il y aura un référendum, les Français seront consultés.
R - Mais pourquoi attendre dix ans de négociations pour finalement dire "non" aux Turcs ! Il suffit que demain le président de la République française dise "la France s'y oppose", les négociations sont arrêtées. J'aimerais que M. Sarkozy, je lui demande solennellement de prendre l'engagement de dire cela. S'il était élu, qu'il dise : la France s'oppose, arrêtons les négociations.
Q - Sur une question d'actualité de ce matin, P. Bidart, l'ancien chef terroriste basque a été libéré, il avait été condamné deux fois à la perpétuité. Comment vous réagissez ?
R - C'est une preuve assez spectaculaire, assez pitoyable et assez dramatique de l'incapacité de notre système judiciaire à réprimer correctement les crimes les plus graves...
Q - Le Parquet a fait appel de la décision.
R - Oui, bien sûr, mais enfin, c'est une décision de justice, et c'est la deuxième fois qu'il est libéré. Il a tué une première fois des représentants des forces de l'ordre, il a été libéré ; il a tué une deuxième fois ! On avait supprimé la peine de mort, on nous avait expliqués à l'époque que ça serait remplacé par la perpétuité. Et puis, il n'y a pas de perpétuité. Alors, moi ce que je dis, c'est qu'on nous explique que la répression c'est efficace contre les chauffards sur la route, je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas efficace contre les délinquants ou les criminels qui sont autrement plus dangereux encore.
Q - On disait que vous aviez rallié J.-M. Le Pen. Est-ce qu'y a encore des différences entre vous, ou est-ce que vous êtes d'accord sur tout ?
R - D'abord je n'ai pas "rallié", je soutiens sa candidature. Encore une fois, je garde mon quant-à-moi, et mon mouvement est un mouvement indépendant. Mais c'est vrai, il y a des différences, et c'est ça aussi qui fait d'ailleurs la richesse.
Q - Des différences, des divergences ?
R - Non pas de "divergences", des différences. Mais c'est ça qui fait...
Q - Quoi par exemple ?
R - Par exemple, J.-M. Le Pen, je crois, est pour la suppression de l'euro, le retour au franc, moi je pense que l'euro étant là, il faut maintenant en tirer le maximum d'avantages. Par exemple, en faire une monnaie de change et de réserve pour qu'on puisse acheter notre pétrole en euro, vendre nos Airbus en euro, et donc, faire en sorte que les pays européens soient libérés des aléas monétaires internationaux, et que l'euro serve les économies européennes, comme le dollar sert l'économie américaine.
Q - J.-M. Le Pen, c'est peut-être sa dernière campagne présidentielle. La suite, ça sera vous ou ça sera M. Le Pen ?
R - Ecoutez ! ça, on verra, ce n'est pas du tout la priorité pour l'instant. Moi je me mobilise et je dis aux Français qui hésitent encore à voter Le Pen de faire comme moi, d'aller au-delà des divergences ou des différences qu'ils peuvent avoir, pour aller à l'essentiel : la nécessité d'un grand changement pour le renouveau de notre pays.