Texte intégral
Le gouvernement annonce un chiffre du chômage en dessous des 9 %. Contestez-vous, comme d'autres, ces chiffres ?
François Chérèque. Normalement, fin janvier, nous avons les chiffres certifiés de l'année précédente. L'Insee nous donne des chiffres en fonction des normes du BIT (Bureau international du travail). Il semble que le gouvernement ne veut pas donner ces chiffres consolidés et les reporte après les élections. Dans une période où l'on va parler du bilan du gouvernement, nous ne pouvons rester dans la suspicion sur les vrais chiffres du chômage.
Au-delà des chiffres donnés, nous avons tous les salariés qui sont dispensés de recherche d'emploi (415 000 salariés de plus de 57 ans dispensés de recherche d'emploi, indemnisés par l'Unédic, et pas comptés dans les chômeurs). Une grande partie des gens ont le RMI, ils ne sont pas comptés dans les recherches d'emploi s'ils ne s'inscrivent pas à l'ANPE. (...) Il y a quelques semaines,, j'ai parlé de 3,5 millions. Mais parmi les RMistes, par exemple, nous ne connaissons pas le nombre de personnes qui sont en recherche d'emploi ou pas.
Y a-t-il vraiment une baisse importante du chômage en France ?
Avec l'arrivée de Jean-Louis Borloo, nous avons repris le traitement social du chômage. Une partie des personnes ont des formations d'alternance, car beaucoup de jeunes sont entrés en apprentissage. Ces gens-là travaillent. D'autre part, il y a le retournement démographique. La réforme des retraites, c'est aujourd'hui 380 000 personnes qui sont parties à la retraite avant 60 ans, parce qu'elles avaient commencé à travailler jeune. Et puis, il y a eu une économie un peu plus poussée qui a vu des créations d'emplois. Et donc un effet baisse du chômage. Il faut s'en féliciter quand cela marche.
Nicolas Sarkozy a un slogan : « Travailler plus pour gagner plus », et propose de sortir des 35 heures en augmentant la rémunération des heures supplémentaires. Quelle est votre position ?
Dans la campagne, nous acceptons toutes les propositions. Mais nous n'acceptons pas des propositions qui tendent vers la démagogie. Imaginez un salarié qui décide de travailler plus pour gagner plus. Il va voir son patron qui lui répond : vas-y, fais comme tu veux. L'entreprise ne fonctionne pas de cette manière. Les entreprises ont des possibilités de faire des heures supplémentaires. Pourquoi ne le font-elles pas ? Parce qu'elles n'ont pas d'heures supplémentaires à faire.
Vous avez participé aux négociations sur la réforme des retraites, ce qui a valu à la CFDT un gros conflit interne. La gauche aurait-elle une grave responsabilité si elle revient sur cette réforme ?
Oui. On oublie les mesures qui ont été prises en 2003. (...) La mesure principale qui a fait débat, c'était un alignement sur 40 ans de cotisation pour tout le monde. Allons-nous prendre la décision de passer les fonctionnaires à 37 ans et demi et ceux du privé à 40 ans ? Personne ne l'imagine. On a fait partir à la retraite de façon anticipée ceux qui ont commencé à travailler jeune, à partir de 14, 15, 16 ans. Ceux-là ont cotisé 46 ans. Allons-nous revenir dessus ? Personne ne l'imagine. Une personne du privé qui avait 38 ans de cotisation perdait 10 % par année s'il voulait partir plus tôt à partir de 60 ans. Nous sommes passés à 5 %.
Tous ces éléments ont réduit les injustices dans le privé et ont mis une forme de justice et d'égalité dans le public. (...) Nous avons dit que tous les cinq ans, en fonction de l'évolution démographique et économique, il faudra adapter cette réforme afin qu'elle tienne tous les cinq ans.
La droite affirme qu'elle ne remplacera pas un fonctionnaire sur deux... ?
Un fonctionnaire sur deux, on parle de l'État, pas des hôpitaux, des collectivités locales. Plus de la moitié des fonctionnaires de l'État sont des enseignants. Cela veut dire supprimer un quart des enseignants, c'est-à-dire 300 000 enseignants. C'est infaisable.
Source http://www.cfdt.fr, le 2 février 2007