Interview de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle de 2007, sur "France Info" le 21 février 2007, sur ses propositions pour l'emploi.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

Olivier de LAGARDE - Dans un instant, la météo, mais d'abord, bonjour Ségolène ROYAL. Vous êtes là ?
Ségolène ROYAL - Bonjour, oui.
Olivier de LAGARDE - Candidate socialiste à la présidentielle, en direct et par téléphone depuis Rennes où vous étiez en meeting. Alors, on va parler de l'emploi, de votre campagne. Un petit mot, d'abord, de ce sondage qui doit vous faire plaisir, vous l'avez lu, j'imagine, publié par LE PARISIEN et I TELE, il indique que l'écart se resserre au deuxième tour, vous êtes désormais créditée de 49 % contre 51 pour Nicolas Sarkozy, vous êtes même en tête au premier tour. Comment vous expliquez cette embellie ?
Ségolène ROYAL - C'est la nouvelle étape de la campagne, au sens où j'ai présenté aux Français le " Pacte présidentiel ", que j'ai construit avec eux. J'ai pris le temps d'écouter pendant plus d'un mois et demi, deux millions de Français sont venus participer à l'élaboration de ce pacte et aujourd'hui j'entre dans cette nouvelle phase. Vous savez, moi, j'ai entendu beaucoup de détresse, de souffrance, de doutes, une attente aussi désespérée d'une politique plus efficace, et je veux répondre à cette attente et à ce profond désir de changement que je sens dans la France. Alors, ce pacte commence à être connu, à répondre aux préoccupations des Français, il y a 100 propositions qui s'appuient sur sept piliers et en particulier une politique très offensive pour donner du travail à tous, pour redonner une confiance, pour garantir le pouvoir d'achat.
Olivier de LAGARDE - Pour vous, la campagne commence vraiment, là, pour vous ?
Ségolène ROYAL - C'est une nouvelle phase très importante dans la mesure où les Français ont envie de trouver quelqu'un, une présidente de la République en qui ils peuvent avoir confiance, qui prend des engagements qui seront tenus, qui croit à la morale de l'action, qui estime que la France peut se relever, qu'elle a à la fois des difficultés, une crise morale profonde, crise économique, crise sociale, crise des banlieues, crise éducative, et qui a envie que la présidente de la République trouve des solutions qui permettent à la France de se redresser. Et tel est le sens de mon combat et je crois que les Français commencent à le comprendre.
Olivier de LAGARDE - Ségolène Royal, eh bien, on se retrouve dans quatre minutes pour en parler, mais d'abord un coup d'oeil sur le ciel.
Olivier de LAGARDE - Et en direct, par téléphone, depuis Rennes, où vous étiez en meeting hier soir, Ségolène Royal. Parlons emploi. Comment comptez-vous, très concrètement, inciter les chefs d'entreprises, à embaucher plus, si vous êtes élue ?
Ségolène ROYAL - Ecoutez, je vais partir d'un exemple concret, celui d'ALCATEL, puisque j'ai rencontré hier les salariés qui sont menacés de délocalisation. ALCATEL est une entreprise qui fait des bénéfices et qui veut supprimer 1 500 emplois en France. Or, c'est une entreprise de pointe, de matière crise, et ça je crois que c'est inacceptable, parce qu'on nous expliquait dans un premier temps qu'il y avait des délocalisations, dans des entreprises qui produisent à faible valeur ajoutée, et aujourd'hui, ce qui est touché, c'est le coeur du dispositif économique de la France. Il y a une autre façon de procéder et en particulier en définissant des politiques industrielles, non seulement au niveau français mais au niveau européen, en particulier en anticipant la montée des concurrences et en aidant les entreprises à conquérir des marchés étrangers. Il y a aujourd'hui une dépense publique de 65 milliards d'euros, qui vont aux entreprises, et souvent avec des effets d'aubaine, des effets qui ne sont pas efficaces, et mon objectif, ma stratégie, c'est de faire en sorte que les dépenses publiques soient investies dans les entreprises qui vont conquérir des marchés étrangers, car...
Olivier de LAGARDE - Alors...
Ségolène ROYAL - ... Juste un mot, nous avons un déficit du commerce extérieur de 30 milliards, c'est l'équivalent d'un million d'emplois, donc vous voyez que si l'on règle ce problème, à ce moment là on peut reconquérir la création d'activités et d'emploi
Olivier de LAGARDE - Mais quand on entend les chefs d'entreprises, Ségolène ROYAL, qu'est-ce qu'ils disent ? Eh bien ils se plaignent d'une législation trop contraignante, ils disent : comme ce n'est pas possible de licencier, on n'embauche pas.
Ségolène ROYAL - Oui, c'est bien la raison pour laquelle je veux créer la Sécurité sociale professionnelle, comme cela existe dans les pays nordiques où l'on a à la fois le plus grand seuil de sécurité dans le domaine du travail, c'est-à-dire des contrats de travail à durée indéterminée, des salaires plus élevés qu'en France et en même temps des entreprises plus agiles, même plus flexibles, allez, osons le mot. Donc, je crois que le nouveau modèle économique, la nouvelle façon de voit les choses, c'est de considérer que la sécurité pour les salariés est compatible et même un outil d'efficacité économique et non pas le contraire. Ce n'est pas en faisant plus de précarité que l'on garantit la compétitivité des entreprises. Donc, c'est une façon complètement différente de voir les choses, autrement dit des salariés qui se sentent... qui seront menacés dans leur emploi, parce que l'entreprise aura une difficulté, un marché qu'elle va perdre, une compétition internationale qui va lui donner des difficultés, elle n'aura plus l'angoisse de faire un plan social et le salarié n'aura plus l'angoisse du chômage. Il sera sécurisé, c'est-à-dire qu'il va garder son salaire pour avoir une formation ou pour se mettre à une recherche active d'emploi ou pour trouver une nouvelle activité ou un nouveau métier. Autrement dit...
Olivier de LAGARDE - Ségolène ROYAL...
Ségolène ROYAL - Oui.
Olivier de LAGARDE - J'aimerais que l'on parle de votre meeting d'hier soir. Vous avez été très virulente contre Nicolas SARKOZY, c'est quand même assez logique, vous avez été aussi très offensive contre François BAYROU. Est-ce que son ascension dans les sondages vous inquiète ?
Ségolène ROYAL - D'abord, je n'ai pas été virulente, je pense que la campagne électorale et l'élection présidentielle, c'est un choix de projet de société. Il ne faut pas recommencer 2002, 2002 où les Français ont été privés d'un véritable choix, d'une vision de la France contre une autre vision et quand j'entends le candidat de la droite faire un certain nombre de propositions qui ne me paraissent ni sérieuses, et dangereuses, je crois qu'il faut le dire. Quand j'entends par exemple qu'il va supprimer l'impôt de solidarité de la fortune, je dis que c'est dangereux et que ce n'est pas sérieux. Quand il dit qu'il va généraliser...
Olivier de LAGARDE - Mais BAYROU, François BAYROU...
Ségolène ROYAL - Attendez, une seconde, parce que nous sommes là dans un débat de fond tout à fait important. Il faut que les Français aient le choix, il faut que les candidats à l'élection présidentielle disent exactement ce qu'ils vont faire, pour que les Français choisissent dans quelle France ils veulent vivre. Je suis la seule candidate à avoir pris le temps de les écouter. Je crois savoir quelle France ils ne veulent pas. Ils ne veulent pas d'une France de brutalité, d'insécurité, de violence, de chacun pour soi. Ils veulent une France des solidarités et en même temps une France de l'efficacité et une France moderne. Et je crois que quand on prétend pouvoir supprimer un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite, je dis que c'est dangereux. C'est dangereux pour les services publics, c'est dangereux pour l'école, c'est dangereux pour la sécurité, c'est dangereux pour les banlieues où l'on a au contraire besoin de réinstaller du service public. Quand j'entends dire...
Olivier de LAGARDE - Vous ne voulez pas me répondre sur François BAYROU.
Ségolène ROYAL - Sur François BAYROU, si. J'ai indiqué aussi et je crois qu'il est très important là aussi d'avoir une clarification des enjeux. Je regarde ce qui se passe dans l'ensemble des collectivités territoriales. Quand François BAYROU dit qu'il n'est ni de droite, ni de gauche, j'entends cette position, je respecte cette position, mais je regarde aussi la réalité des choses. Je crois que la politique c'est aussi des moments de vérité, or, dans toutes les collectivités territoriales, communes, départements, régions, jamais les élus de l'UDF ne viennent conforter des majorités de gauche, même lorsque les décisions qui sont prises par ces majorités de gauche, sont bonnes pour l'intérêt général, sont bonnes pour l'avenir des territoires, sont intelligentes. Quand je présente, par exemple, à la tête de ma région, un budget qui baisse la dette, qui n'augmente pas les impôts et qui s'engage sur des politiques nouvelles et qui réussit à créer des emplois, une des régions qui crée le plus d'emploi en France, sans augmenter l'impôt, je le répète, et en diminuant la dette, j'aimerais bien que les élus de l'UDF viennent m'aider pour servir l'intérêt général de la région.
Olivier de LAGARDE - Un dernier petit mot, Ségolène ROYAL. On l'apprend à l'instant, Eric BESSON, qui a démissionné de son poste de secrétaire national du PS, annonce sa décision de quitter le parti et de renoncer à se présenter aux législatives. Pour vous, c'est un non-événement ?
Ségolène ROYAL - Je ne veux faire aucun commentaire.
Olivier de LAGARDE - Selon lui, " la gauche irait dans le mur en klaxonnant ", c'est ce qu'il dit dans LE CANARD ENCHAINE.
Ségolène ROYAL - Je ne veux faire aucun commentaire.
Olivier de LAGARDE - Bon, eh bien écoutez, merci Ségolène Royal, invitée de " La question d'info ", en direct depuis Rennes où vous étiez en meeting hier.
Source http://www.desirsdavenir.org, le 21 février 2007