Déclaration de Mme Marie-George Buffet, députée PCF et candidate à l'élection présidentielle 2007, sur ses propositions dans le domaine du sport pour qu'il soit un "vecteur fondamental d'éducation, de culture et de vie sociale et (...) pour cela accessible à tous et toutes", à Paris le 15 février 2007.

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Circonstance : Audition par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF)à Paris le 15 février 2007

Texte intégral

Monsieur le président du CNOSF,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de saluer tout le mouvement sportif pour cette invitation, et en particulier de remercier le président Henri Serandour. Cher Henri, merci pour cette initiative. J'éprouve en effet un réel plaisir à revoir un certain nombre de visages, à me souvenir des combats communs et des débats, parfois vifs, mais toujours motivés par une ambition partagée pour le sport, que nous avons menés hier.
Et si je vous remercie, c'est aussi de nous permettre de débattre du sport dans cette campagne électorale et donc de son rôle dans la société.
La France compte 15 millions de licenciés. Deux millions de bénévoles mettent, dans les clubs, leur générosité et leur enthousiasme au service du sport et notamment de la pratique des plus jeunes. Le mouvement sportif compte dans la vie démocratique de notre pays, il donne à voir de celui-ci de par le monde. Il est aussi une source de rayonnement à l'étranger.
Mais l'importance du sport aujourd'hui se mesure aussi à sa place grandissante dans notre imaginaire collectif.
Les grands évènements sportifs rentrent dans la vie quotidienne de nos concitoyens, ils sont sources d'émotions collectives.
Oui, le sport est aujourd'hui porteur d'épanouissement personnel, d'enthousiasme, de partage, il est souvent le facteur d'échanges planétaires mais il est aussi, dans une partie de ses exercices, traversé par les dérives de notre société.
« Tricherie, corruption, racisme, violence, financements illégaux, dopage, dictature de l'argent : la pente est vertigineuse et si nous ne remédions pas à cette glissade de grands dangers guettent le sport. » Ces propos ne sont pas ceux d'un idéologue mais d'un homme dont je me réjouis qu'il vienne d'accéder aux plus hautes responsabilités européennes dans son sport, le football. Vous avez tous reconnu Michel Platini !
Aussi, face à ces formidables potentialités, mais aussi face à ces dangers, quelle ambition pouvons-nous avoir pour le sport, aujourd'hui ? Je crois en la nécessité de favoriser le développement d'un sport qui soit facteur d'équilibre, de santé, d'épanouissement de chacun et de chacune. Je crois en un sport qui soit un vecteur fondamental d'éducation, de culture et de vie sociale et qui pour cela est accessible à tous et toutes.
Un sport accessible, c'est poursuivre une politique volontaire pour le développement de la pratique féminine dans tous les sports et de sa visibilité dans les médias.
Un sport accessible, c'est poursuivre le développement des fédérations handisport et de sport adapté et l'aménagement des installations sportives afin d'en favoriser l'accès à tous les sportifs. Un sport accessible, c'est poursuivre le développement du sport en entreprise.
Un sport accessible, c'est une pratique qui se conjugue avec une formation permettant l'insertion professionnelle après la carrière sportive.
Un sport facteur de santé, c'est un sport exercé dans un club, c'est un sport qui résiste à la surcompétition liée à des enjeux financiers. Un sport facteur d'équilibre, c'est le combat contre le dopage. Depuis 1998 et la mobilisation du mouvement sportif français qu'illustra le relais parti d'ici même jusqu'au CIO, l'AMA a vu le jour, le combat s'est mondialisé mais nous savons tous et toutes ici qu'il devra être permanent vu les enjeux qui traversent le sport. L'actualité en témoigne.
C'est tout cela, un sport vecteur d'éducation et de culture. Chaque sport peut démontrer la nécessité et l'utilité des règles, juste pour le respect du jeu. Chaque sport peut aussi être une école du respect de ses partenaires et de ses adversaires.
Aussi, s'il est naturel de reconnaître cette dimension éducative, il ne faut pas demander au sport de régler tous les problèmes ; il ne faut pas l'appeler au secours de l'urgence sociale ; il faut simplement lui donner les moyens de répondre à ses propres objectifs et ainsi de tenir pleinement sa place dans les avancées de civilisation. Cela demande de s'engager, ce que je veux faire ici, à assurer à tous les éducateurs les moyens dont ils ont besoin pour remplir leur mission.
Pour cela, Monsieur le président, je reprendrai les propos que vous avez émis lors de vos derniers voeux. « Le meilleur moyen de reconnaître la valeur éducative et sociale du sport reste encore de lui accorder une place plus importante à l'école comme à l'université et de renforcer les moyens d'expression de l'éducation physique et sportive ainsi que les associations sportives scolaires et universitaires qui sont d'indispensables prolongements de la formation des jeunes. » Mais aujourd'hui, plutôt que de donner à l'école les moyens dont elle a besoin, je constate que la pratique sportive est remise en cause dans les cursus éducatifs.
Et plus grave encore, je constate que les associations sportives scolaires sont menacées.
Alors que le nombre de licenciés UNSS était en passe d'atteindre le million (le dernier chiffre connu étant de 907 443), le projet de réforme du décret du 25 mai 1950 sur le service hebdomadaire des personnels enseignants du second degré, couplé avec les disparitions de postes d'enseignants, annonce un véritable déclin du sport scolaire. Aussi, au vu de l'importance de la dimension éducative du sport, je veux vraiment réaffirmer mon soutien aux actions engagées par les enseignants d'EPS contre ces projets, mais je sais aussi tout le mouvement sportif interpellé : l'éducation de nos enfants ne peut être délaissée et l'EPS en fait partie.
L'utilité sociale du sport va au-delà de tout ce qu'il peut apporter en matière éducative. L'engagement dans le mouvement sportif est l'engagement associatif le plus important en nombre. Il est donc de toute première importance pour construire du lien social et rassembler les hommes et femmes autour de projets et de passions communes. Il est déterminant pour faire grandir les valeurs de citoyenneté, au sein même de l'association, avec la prise de responsabilités et l'engagement bénévole. Il est un des éléments de la vie démocratique de notre pays.
Et cette utilité sociale, ce sont évidemment les clubs, la cellule de base de tout le sport français, les fédérations et le CNOSF qui en sont les premiers dépositaires.
C'est pourquoi il faut faire progresser la structuration des clubs. J'ai eu à suivre la mise en place des emplois jeunes, et j'ai pu constater avec quel sérieux, quelle détermination mais aussi avec quelles inquiétudes le mouvement sportif s'était engagé dans ce dispositif. Ces inquiétudes n'étaient malheureusement pas vaines puisque, aujourd'hui, nombre de clubs n'ont pu maintenir ces emplois qu'en faisant appel à aux collectivités territoriales. C'est pourtant à l'Etat qu'il revient d'assumer de telles responsabilités.
Devant ces problèmes concrets qui sont posés aux clubs sportifs, sur le terrain, je ne peux qu'approuver l'idée d'organiser une grande conférence nationale et des conférences régionales en faveur du sport qui soit le lieu de débats et d'échanges dont nous avons besoin pour vraiment faire avancer cette idée d'utilité sociale. Mais naturellement, cette question pose aussi celle du financement du sport.
Vous le savez, je n'ai jamais tenu un discours ou pris des mesures allant dans le sens d'une coupure entre un sport professionnel qui n'aurait rien à attendre ni rien à devoir de la puissance publique, et un sport amateur qui lui devrait tout.
Pour moi, les interlocuteurs de la puissance publique, ce sont le CNOSF et les fédérations.
Je tiens évidemment à préserver, voire à amplifier les systèmes de péréquation et de redistribution vers les clubs des moyens prélevés sur les sommes importantes issues de contrats entre des fédérations, des ligues professionnelles et les médias.
J'accorde une grande importance à ce que le sport professionnel demeure au sein des fédérations nationales et qu'il participe au financement de toutes les pratiques. C'est d'ailleurs à mon sens l'intérêt de tous et toutes.
Sur cette question du sport professionnel et de l'argent, je tiens à réaffirmer mon opposition ferme à la cotation en bourse des clubs sportifs. C'est peut-être une réussite financière. Mais c'est un échec pour le sport et ses valeurs. La valeur d'un club ne peut se réduire à un indice boursier ; et une telle évolution est un pas supplémentaire dans la réduction du sport à un simple spectacle avec toutes les dérives qui l'accompagne.
Je veux ici rappeller le combat mené par les mouvements sportifs européens pour que le sport ne soit pas considéré comme une marchandise soumise à concurrence mais comme une activité humaine spécifique (ce qui avait été acté dans le traité de Nice).
Cette question du financement interpelle aussi, évidemment, les moyens dont disposent les pouvoirs publics.
Vous le savez. Parce que je fais le choix de l'intérêt général, une notion qui pour le sport conserve toute sa force et son utilité, il me paraît déterminant que l'Etat se donne les moyens d'assumer ses missions réglementaires.
Je pense évidemment aux subventions publiques au mouvement sportif. Je pense à la dotation en cadres techniques auprès des fédérations, en lien, évidemment, avec le développement des missions de service public des dites fédérations.
Je pense aux missions de formation des éducateurs sportifs, à la nécessité de maintenir un CREPS dans chaque région de France, au statut d'entraîneur de haut niveau, au maintien et à la rénovation de l'INSEP dans le giron du public, ou encore à la reconnaissance sociale de l'athlète de haut niveau.
Ces missions d'intérêt général, elles ne pourront être satisfaites qu'avec un engagement ferme de l'Etat.
C'est pourquoi je propose d'augmenter le budget du ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Vie associative jusqu'à 1% du PIB. En commençant par 1% du budget actuel ce qui serait déjà une augmentation de 4 à 5 fois l'existant.
C'est aussi en donnant au sport toute sa place dans les politiques publiques que l'on pourra y développer l'emploi et avancer de nouvelles mesures favorables au bénévolat.
Bien entendu, je ne peux aborder cette question du financement du sport sans faire le lien, au combien important, avec mes propositions en matière de mobilisation de l'argent pour un nouveau type de développement : je crois en la vertu de la dépense publique et, pour la financer, en la nécessité d'aller prélever ces sommes considérables et souvent inutiles qui circulent sur les marchés financiers.
Ces questions financières posent évidemment la question, plus générale, des modalités d'organisation du sport français.
Je crois en la responsabilité de l'Etat en la matière L'Etat doit, selon moi, par son pouvoir législatif, mettre en place les outils nécessaires à la cohérence entre les objectifs affichés et la gestion au quotidien. Il appartient à l'Etat, en particulier, de réaffirmer la primauté du sportif dans le projet, l'économique se devant d'être au service du projet sportif.
C'est ce rôle assumé de l'Etat qui appelle la délégation d'une mission de service public au mouvement sportif lui-même.
C'est dans ce cadre que nous pouvons développer une approche globale du sport qui associe toute la chaîne du sport, du sport de haute compétition au sport loisir, du sport professionnel au sport amateur. Cette approche globale nécessite la pleine implication de tous les acteurs publics, qu'il s'agisse de l'Etat, je l'ai dit, mais aussi des communes et leurs groupements, des départements et des régions dont on connaît le rôle dans la construction et l'entretien des équipements sportifs.
La multiplication des intervenants demande que vivent des outils de concertation et de décision partagés. L'Etat doit être exemplaire en matière de concertation et de paritarisme. Il faut partout que le mouvement sportif soit pleinement entendu. Le CNAPS présidé par Mme Edwige Avice en est un élément, le Centre national de développement du sport doit en être un autre.
Cette approche suppose de garantir l'autonomie du mouvement sportif, des clubs, des structures déconcentrées, des fédérations, avec le rôle essentiel joué par le Comité National Olympique et Sportif qui les regroupe et les fédère.
Je reste attachée à cette organisation du sport français. Elle permet de préserver l'indépendance nécessaire de chacun des acteurs du sport français et donc leur capacité à se développer.
Le mouvement sportif doit garder sa fonction décisionnelle dans l'établissement des règles sportives, l'organisation des compétitions, des sélections, de la composition des équipes. Il doit garder son rôle de formation et d'arbitrage.
Le mouvement sportif doit être considéré comme une organisation partenaire, libre de ses choix d'orientation et de développement. Ce qui n'est pas incompatible avec les missions de service public. C'est également dans cet état d'esprit, et aussi parce que j'agis, de façon plus générale, pour une nouvelle République qui assure un réel partage des pouvoirs entre tous les citoyens, que je partage le souci du mouvement sportif d'associer toujours plus tous les acteurs du développement du sport aux choix et aux orientations de leurs fédérations.
A chaque niveau, des efforts doivent être poursuivis afin que tous les licenciés aient la possibilité de se prononcer sur les orientations privilégiés par celles et ceux qui se présentent aux fonctions de dirigeants.
Un mot sur la place des femmes dans les instances dirigeantes. Vous savez à quel point j'y suis sensible, les évolutions positives des dernières années doivent être poursuivies et amplifiées, la notion de représentativité au même niveau que le niveau de licenciées est un objectif atteignable.
Agir pour que le licencié ne soit pas un client, voire un usager du club, mais un acteur du mouvement associatif sportif : ce processus est le garant de la primauté des valeurs du sport sur toute autre. Il donne toute sa légitimité au mouvement sportif. Il doit donc être conforté. C'est aussi la marque de la réalité d'une réelle prise en compte de l'extraordinaire atout qu'est l'implication des bénévoles. C'est un capital humain formidable qui doit être respecté et conforté. Je pense qu'enfin il faudra engager la mise en place d'un véritable statut du bénévole, ce qui vaut d'ailleurs pour l'ensemble du mouvement associatif. Je sais qu'il y a débat en son sein mais, de toute façon, il faut des mesures concrètes et immédiates en faveur des bénévoles. On pourra d'ailleurs s'appuyer sur les outils que vous avez su développer et sur un rapport mieux défini entre bénévoles et professionnels.
La concrétisation de la Convention collective Nationale du Sport, la mise en place de l'Institut de Formation pour le Mouvement Sportif, le Centre National d'Appui et de Ressources, sont des outils indispensables à ces évolutions, vous avez su les créer, il faut maintenant qu'ils prennent toute leur place dans l'organisation du sport.
Loin de la domination des logiques marchandes, loin du dévoiement du sport par des intérêts financiers, j'ai la volonté de conserver aux sportifs, aux bénévoles la maîtrise de leur passion, de leur donner tous les moyens nécessaires pour s'y investir pleinement, s'y trouver bien, y trouver tout le plaisir qu'ils recherchent.
Après tout, c'est bien cela que l'on est d'abord et avant tout en droit d'attendre du sport.
Je sais que je retrouve là les valeurs du mouvement sportif français.
Je vous remercie.Source http://www.mariegeorge2007.org, le 19 février 2007