Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à La Chaîne info le 14 février 1999, sur la prolongation de la conférence de Rambouillet sur le Kosovo.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral


Q - Nous sommes à mi-parcours, on se donne une deuxième semaine pour négocier, êtes-vous optimiste et confiant concernant laboutissant de ces négociations difficiles de Rambouillet ?
R - Je suis comme jétais avant que Rambouillet ne commence. Je ne suis toujours pas optimiste mais toujours déterminé. Lorsque nous nous sommes réunis à Londres le 29 janvier, nous avions fixé une date où nous avions convoqué les deux parties : elles sont venues, elles ont pensé quelle ne pouvait pas ne pas venir. Nous avions prévu sept jours de négociation, et nous avions pensé à ce moment-là que nous pourrions accorder un délai supplémentaire de moins dune semaine. Cest ce que nous avons décidé de faire aujourdhui parce que, même si nous sommes encore loin du but, nous pensons quil nest pas possible dinterrompre là cet effort quasiment mondial, puisque cette solution présentée par le Groupe de contact est soutenue par tous les gouvernements qui se sont exprimés à ce sujet. Il ne faut donc pas interrompre là, il faut maintenir leffort, maintenir la pression, encore laugmenter, jusquà ce que nous atteignions, comme nous lespérons, la solution. Mais la difficulté est évidente aux yeux de tout le monde.
Q - Cest encore plus difficile que prévu ?
R - Non, pas en ce qui me concerne. Pour ceux qui ont suivi dun peu près ce drame du Kossovo et les positions des Serbes, des Yougoslaves et des Albanais du Kossovo, tout le monde savait que les positions étaient tout à fait antagonistes ; ce nest donc pas une surprise. Et dailleurs, personne ne sest engagé dans cette négociation de Rambouillet en pensant que ce serait facile au contraire.
Il faut tout faire parce que cette situation du Kossovo est tragique, elle est dangereuse, elle est choquante et il faut absolument en sortir. On le fait. On a décidé ce délai supplémentaire. Nous allons rester en contact très très étroits au sein du Groupe de contact toute cette semaine pour essayer darracher laccord et nous espérons que finalement, de part et dautre, ils comprendront quils doivent faire les concessions majeures nécessaires pour débloquer la solution.
Q - Le 20 février midi, cest la nouvelle date butoir, ce nest pas un ultimatum, y a-t-il une nuance ?
R - Nous sommes obligés dinterrompre les choses à un moment donné, parce que cela ne sert à rien sil y a un immobilisme total de poursuivre sans fin. Nous avons fixé cette échéance et nous verrons à ce moment-là ce que nous faisons en fonction de la situation. Ce nest pas possible aujourdhui de dire, de façon automatique ou mécanique ce qui se passera parce quil y a 36 hypothèses, même à lintérieur de léchec et aussi 36 causes. Je ne peux donc pas dire ce que nous ferons. Mais, je ne veux pas aujourdhui dimanche me placer dans cette hypothèse et très largement, dans le monde, on attend que cela débouche.
Q - Sur quoi cela bloque-t-il réellement ?
R - Pour quun accord se fasse, il faut que les Albanais du Kossovo finissent par reconnaître lintégrité et la souveraineté de la Yougoslavie, - cest-à-dire, renoncer à leur demande dindépendance - et il faut que les responsables Serbes et yougoslaves acceptent une autonomie très substantielle du Kossovo, quils acceptent quelle soit garantie par une présence militaire internationale au sol.
Voilà très résumées les données de laccord et en même temps, voilà en très résumées, les données actuelles du désaccord. Cest cela quil faut arracher.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 février 1999)