Déclaration à la presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur la décision du Groupe de contact d'accorder une semaine supplémentaire de négociation pour le Kosovo, Paris le 14 février 1999.

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Circonstance : Réunion ministérielle du Groupe de contact lors de la conférence de Rambouillet sur le Kosovo, le 14 février 1999

Texte intégral

Q - Avez-vous eu une bonne nouvelle durant cette journée à part le fait que les négociations continuent ?
R - Il ny a pas de bonnes ni de mauvaises nouvelles, les efforts continuent. Nous avons évalué ensemble et décidé ensemble aujourdhui quils ne devaient pas se relâcher. Les négociations de Rambouillet nont pas abouti au résultat, nous navons pas encore laccord recherché mais nous avons estimé quil était tout à fait impossible de les interrompre parce que nous avons la ferme volonté, tous, de les faire parvenir à un accord sur lautonomie substantielle du Kossovo. Cela a été une journée de cohésion, aussi bien au sein du Groupe de contact que de lEurope. Cest pour cela que nous avons accepté ce délai supplémentaire qui avait été envisagé dans la réunion de Londres le 29 janvier dernier.
Q - Monsieur le Ministre, avez-vous limpression que la détermination dont vous faites preuve est bien reçue par les négociateurs ?
R - Nous avions déjà réussi, et cest déjà acquis, à faire venir les délégations de part et dautre. Vous aviez tous relevé à ce moment-là que cétait déjà un progrès considérable, cela ne sétait jamais produit avant. Ils sont là maintenant, il faut absolument parvenir à un accord. Concernant la détermination des membres du Groupe de contact, des quinze pays de lUnion européenne et de tous les pays du monde avec lesquels nous sommes en relation sur ce sujet, je peux vous répondre clairement oui. La détermination a été globale, limportant est de trouver une solution à cette tragédie qui est présente dans tous les esprits. Jai ressenti encore aujourdhui, à Paris, dans toutes les réunions - que ce soit à Rambouillet ce matin, à Paris cet après-midi -, cette même force, cette détermination, cette unanimité. Maintenant, quant au problème lui-même, il nest pas encore résolu. Nous savons quil est très difficile à résoudre, nous le savions avant. Jai toujours dit que je nétais pas optimiste mais déterminé. Je peux répéter cette phrase tous les jours, jusquau jour où, je lespère, nous arriverons à convaincre les deux parties quil y a un accord historique qui peut être passé, dabord parce quil empêcherait des tragédies et dautre part, parce quil ouvrirait un avenir tout à fait différent, pour les Kossovars, ou les Serbes, pour la Yougoslavie, pour la région. Nous sommes dans ce travail, encore maintenant.
Q - Comme il y a énormément de divergences, vous y faisiez allusion il y a un moment, une semaine suffira-t-elle pour obtenir un accord ?
R - Les divergences dont vous parlez existent entre les parties, elles nexistent pas au sein du Groupe de contact ou au sein des Européens. Au contraire, sagissant de la communauté internationale, cest son unité qui est frappante dans cette affaire.
Les parties ont, en effet, des positions opposées. Si ce nétait pas le cas, il y aurait longtemps que nous aurions trouvé une solution au problème du Kossovo. Cest précisément pour cela que nous faisons autant defforts et cest pour cela que nous nous réunissons autant. Cest pour cela aussi que nous avons proposé cette formule de Rambouillet. Il faut aller jusquau bout. Nous connaissons cette opposition et cest pour cela que nous avons conçu une solution de compromis qui nous paraît possible. Il faut que nous utilisions le temps quil nous reste pour en convaincre les uns et les autres. Cela ne sert à rien de laisser courir les délais parce que cest un problème de décision et de courage politique. A un moment donné. il faut que les négociateurs comprennent quil faut abandonner telle exigence ou au contraire accepter telle concession qui était, jusquà la minute précédente, à refuser absolument.
Cest cela le débouché dune négociation. Cela ne sert à rien de donner des délais supplémentaires, nous avons fixé un calendrier à Londres le 29 janvier dernier, et nous avons pris, aujourdhui, une décision qui est conforme à cette vision des choses ; nous avons donné un tout petit peu moins dune semaine supplémentaire pour aboutir. Ils savent maintenant quils sont à lheure de vérité. Cest à eux de se déterminer.
Q - Que se passera-t-il le 20 février prochain sil ny a pas eu daccord et est-ce que lunanimité de la communauté internationale sera toujours la même ?
R - On ne peut pas répondre de façon mécanique ou simple à cette question. Nous ne pouvons pas dire aujourdhui, pour quelle raison, dans quelle circonstance, et si ce sera plutôt de la responsabilité des uns ou des autres, ou bien des deux en même temps. On ne peut pas répondre à cela. Nous avons évidemment réfléchi à ces éventualités au sein du Groupe de contact, au sein des Européens, au sein de lOTAN, de lOSCE, au Conseil de sécurité, dans toutes les institutions où cette affaire est suivie, mais nous ne pouvons pas faire lévaluation tant que nous ne sommes pas dans une situation réelle. Cest pour cela que nous allons rester cette semaine, au sein de Groupe de contact en liaison encore plus étroite que nous létions ces derniers jours, ce qui implique des contacts plusieurs fois par jour si nécessaire. Sil y a une réussite, ce que nous souhaitons, cela ouvre un avenir tout à fait différent, et si, malheureusement il ny en a pas, je crois que nous naurons pas de mal à évaluer ensemble la situation, puisque nous aurons suivi chaque rebondissement, chaque moment de cette négociation. Je ne peux pas aujourdhui, réagir à la situation hypothétique de mardi, mercredi, jeudi ou autre.
Q - Vous parlez de lunanimité du Groupe de contact. Quelle est la position actuelle de Moscou quant au déploiement des forces de paix au Kossovo ?
R - Cette question na pas été traitée aujourdhui comme vous avez pu le voir dans le compte rendu puisque la réunion du Groupe de contact portait sur un point précis qui était le fait de savoir si nous devions accepter quelques jours de négociations supplémentaires.
Quant aux positions de Moscou, elles ont été exprimées plusieurs fois publiquement par les Russes à ce sujet. Ce que je peux vous dire, cest que la Russie se comporte comme un partenaire pleinement engagé dans le travail de ce Groupe de contact et absolument déterminée à faire, tout ce quelle peut elle aussi, pour que laccord soit obtenu.
Q - Quelle serait la tâche des éventuelles troupes de lOTAN ?
R - Nous navons pas parlé dans cette réunion du Groupe de contact de la dimension otanienne dans la mesure où ce nétait pas lordre du jour. Lordre du jour était de savoir sil fallait quelques jours de négociation supplémentaire. En ce qui concerne les différentes annexes à laccord, nous avons donné mandat aux trois négociateurs de choisir entre eux, le moment le plus opportun pour mettre les documents sur la table et commencer à en parler avec les deux parties.
Q - Mais, ne pouvez-vous pas me dire lesquels sont déjà sur la table, et ceux qui ne le sont pas ?
R - Je ne veux pas entrer dans le détail. Il faut que vous laissiez la sérénité du travail et de la négociation. Vous serez naturellement informé en temps utile si les choses progressent.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 février 1999)