Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur l'enseignement supérieur, notamment l'instauration d'un socle de connaissances universitaires au cours des deux premières années universitaires, Paris le 29 janvier 2007.

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Circonstance : Inauguration du Pôle de recherche et d'enseignement supérieur Universud à paris le 29 janvier 2007

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Rénover la Licence : une idée pour les candidats !
Les principaux candidats à l'élection présidentielle ont d'ailleurs fait de l'enseignement supérieur un thème de leur campagne.
Il me semble que le débat actuel n'a pas, pour l'instant, posé toutes les bonnes questions sur notre université. Les questions de pilotage et de financement sont souvent évoquées. Elles sont essentielles bien sûr, mais elles ne doivent pas nous exonérer d'une réflexion sur la mission de l'université, sur sa mission de formation, sur sa mission sociale.
Je pense qu'aujourd'hui nous devons nous poser sans tabou deux questions fondamentales :
Première question : Comment concilier l'exigence d'excellence scientifique avec un droità l'enseignement supérieur pour tous ceux qui en ont la capacité et la volonté ?
Deuxième question : Quelles politiques sociales en faveur des étudiants ?
Comment concilier l'exigence d'excellence scientifique avec un droit à l'enseignement supérieur pour tous les bacheliers ?
On ne peut pas, d'un côté, se fixer comme objectif d'atteindre 50 % d'une classe d'age , diplômée de l'enseignement supérieur et, de l'autre, restreindre l'accès à l'enseignement supérieur. Ce n'est pas cohérent.
L'année 2006, le mouvement génération précaire, les manifestations contre le CPE et surtout la formidable mobilisation autour du débat Université-Emploi ont révélé le profond malaise de notre jeunesse étudiante.
80 000 étudiants sortent chaque année sans diplôme.
C'est un jeu de massacre.
L'accès à l'université
Certains pensent que la sélection des étudiants serait la panacée.
L'adhésion des universités au dispositif d'« orientation active » nous montre une autre voie qui respecte les choix personnels des étudiants.
L'orientation active constitue une première étape. Je pense qu'il faudrait aller plus loin. La démarche pourrait être systématisée avec une pré-inscription, un examen du dossier par les établissements d'accueil, un entretien avec des enseignants-chercheurs sur la base d'un vrai bilan de connaissances et de compétences.
Mais il ne suffit pas d'entrer à l'université. Il faut encore y rester et y réussir.
Le chantier auquel il faudrait s'attaquer en y jetant toutes nos forces, c'est la licence.
Oui, la licence doit être rénovée pour devenir un diplôme qualifiant, un tremplin vers l'emploi ou la spécialisation universitaire.
Pour y parvenir, je vois 3 impératifs :
Un impératif pédagogique d'abord : offrir une formation plus généraliste et progressive qui articule compétences et savoirs transversaux ;
Pour atteindre cet d'enseignement sans perdre en qualité, un deuxième impératif est nécessaire : les étudiants devraient accepter d'avoir plus de cours.
Enfin, cela nécessiterait, et c'est le troisième impératif, un encadrement pédagogique renforcé.
Une formation généraliste d'abord.
Nous sommes confrontés, dans de nombreuses disciplines, à un enjeu majeur : faire en sorte qu'au terme des trois années de licence, les étudiants aient acquis une vraie culture générale, solide, organisée.
Plus que jamais, il apparaît nécessaire d'élargir la base disciplinaire de la formation de licence pour répondre aux exigences de métissage des savoirs mais, aussi, au caractère fluctuant des carrières qui exige une grande capacité d'adaptation.
La réforme du « L.M.D. » a permis d'ouvrir l'éventail de la formation. Mais malgré les avancées en ce sens, nous sommes encore loin des objectifs et des ambitions qui avaient présidé à cette réforme.
A mes yeux, l'université est face à un vrai défi : constituer, dans chacun des grands domaines scientifiques, un véritable SOCLE DES CONNAISSANCES UNIVERSITAIRES, qui garantisse à tous les étudiants la maîtrise réelle d'une culture scientifique générale et fondamentale.
Pourquoi les deux premières années de licence ne seraient-elles pas généralistes dans l'un des grands domaines du savoir : il y aurait, par exemple, les sciences humaines et sociales ou la santé, le droit et l'économie et la gestion. Je sais que plusieurs universités notamment scientifiques ont commencé à le faire pour les sciences de l'ingénieur ou les sciences du vivant. Nous devrions généraliser cette démarche.
Au cours de sa troisième année, l'étudiant serait à même de choisir soit une formation professionnalisante pour rentrer dans la vie active soit de commencer à se spécialiser au sein de son domaine pour préparer son entrée en Master avec, et en tout état de cause, un stage obligatoire dans une entreprise, une administration ou une association.
Pour cela, bien sûr, la question des horaires se poserait.
Aujourd'hui, un étudiant de première année reçoit entre 12 et 15 heures de cours par semaine.
Est-ce suffisant ? A cette question, ma réponse est clairement non.
Il me paraîtrait normal que, pendant cette période d'acquisition du socle de connaissances universitaires, l'étudiant suive entre 25 et 30 heures de cours. C'est la condition indispensable pour que ce socle ne soit pas une dilution des savoirs mais vraiment le temps de l'acquisition de connaissances pluridisciplinaires.
Ce renforcement des horaires permettrait aussi de donner à tous les étudiants de vrais cours de langues, une réelle initiation aux technologies de l'information et de la communication ou une initiation à la recherche d'emploi.
Cette augmentation des horaires de cours imposerait, bien évidemment, le renforcement de l'encadrement, ce serait le quatrième impératif.
Vous savez bien que, dans certaines disciplines, les cours magistraux sont aussi des cours pléthoriques. Avec 200, 300 étudiants par cours, la notion de « suivi pédagogique » n'est plus qu'une vue de l'esprit.
L'encadrement renforcé passerait donc par une présence plus forte des enseignants, chargés de groupes de taille réduite, par exemple, une cinquantaine d'étudiants. Le suivi individualisé deviendrait alors réaliste.
Et je pense que la contrepartie normale d'un tel effort serait une exigence renforcée d'assiduité aux cours.
Vous le voyez, il s'agit bien, dans mon esprit, d'un profond renouvellement des formations, de l'encadrement, des méthodes pédagogiques offertes en licence.
Des Instituts Universitaires ?
Pour y parvenir, je veux lancer la piste suivante : Pourquoi ne pas créer, au sein des universités, des « instituts universitaires » consacrés à la formation fondamentale des étudiants.
Bien sûr, un tel projet nécessiterait des moyens financiers. Comme vous, j'ai bien entendu les principaux candidats à l'élection présidentielle. Tous ont indiqué vouloir augmenter les dotations de l'enseignement supérieur de plusieurs milliards d'euros par an. Ils ont raison. Mais je pense que ces dotations supplémentaires ne se justifieront qu'au regard d'un vrai projet.
Avec une licence refondée et revalorisée, le Master et le doctorat retrouveront une véritable identité. Ils deviendront ainsi la formation des futurs cadres supérieurs de notre pays.
Une politique sociale revue et corrigée : une nécessité !
Quelles politiques sociales en faveur des étudiants, notamment des plus modestes, et de ceux issus des classes moyennes ?
Aujourd'hui notre politique sociale en faveur des étudiants nous coûte plus de 3 milliards d'euros par an. Je dis bien 3 milliards d'euros par an. Elle est émiettée et illisible. Il faudra la refonder sur la base de quelques principes simples.
Oui, l'Etat doit accompagner les jeunes d'origine modeste dans leurs études. Car je crois profondément à cette égalité dans l'accès à la connaissance.
Cet accompagnement doit être à la hauteur des besoins des étudiants. Cet accompagnement passera, bien sûr, par des bourses revalorisées, mais aussi par des prêts d'honneur qui ne seraient remboursés que lorsque l'étudiant serait entré dans la vie active.
Enfin, je crois indispensable d'encourager le développement de jobs étudiants, de vrais jobs avec une vraie cohérence avec les études suivies.
Pour poursuivre des études, il faut aussi des conditions de vie et notamment de logement adaptées à leurs exigences.
Lorsque notre pays a voulu massivement former des enseignants, il a su créer les Instituts pédagogiques de l'enseignement supérieur, les fameux IPES. Je pense que nous devrions nous inspirer de cette démarche pour l'accompagnement des étudiants les plus modestes en leur offrant les moyens matériels et l'encadrement pédagogique qui leur permettra de donner le meilleur d'eux-mêmes, dans le cadre d'un contrat de réussite qu'ils signeraient avec la nation.
Au delà de cette politique sociale, nous devrions aussi redonner un vrai sens à l'excellence universitaire, au mérite. Nous avons déjà multiplié les bourses au mérite par trois. Je suis convaincu qu'il faudrait encore augmenter leur nombre et les inscrire dans la durée : qu'elles soient attribuées, par exemple, pour cinq ans, sous réserve d'assiduité aux cours et de réussite aux examens.
Voilà quelques idées de bon sens qui pourraient nourrir la campagne électorale.
J'ai pour ma part l'intention, comme je viens de le faire ici devant vous, d'y contribuer de toute la force de mes convictions.Source http://www.education.gouv.fr, le 30 janvier 2007