Interview de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, à LCI le 29 janvier 2007, sur la campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2007 et la politique économique et sociale du MEDEF.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


Q- A vos propositions formulées jeudi dernier, les présidentiables ont un peu répondu par le silence radio. Etes-vous déçue ?
R- Non pas du tout. Ce que je leur propose surtout, c'est de lire notre livre "Besoin d'air" et ensuite, après qu'ils aient fait quelques réflexions sur le livre, on pourra rentrer dans la discussion et l'échange.
Q- B. Thibault, le secrétaire national de la CGT, lui, l'a lu très vite, et il vous dit que c'est un soutien franc à N. Sarkozy. N'a-t-il pas un peu raison ?
R- Je ne crois pas qu'il l'ait lu justement. Cela m'étonnerait. Cela, c'est la réaction convenue, alors que ce que nous cherchons à faire surtout, c'est sortir des jeux de rôles classiques, où chacun, selon des positions anciennes, établies, critique sans réflexion.
Q- Pourtant, n'auriez-vous pas intérêt à dire franchement : le candidat UMP est, a priori, avant la campagne, beaucoup plus proche de nos idées que les autres candidats ?
R- Parce que, une campagne électorale, ce n'est pas simplement un vote à un certain jour, c'est d'abord un débat, un échange, une confrontation. En écrivant ce livre, et c'est une écriture participative, si je puis dire, puisque plus de 50.000 chefs d'entreprises ont contribué à l'élaboration de ce livre - "Besoin d'air" - nous voulons d'abord nous adresser aux Français, faire des propositions, avoir une vision pour notre pays, et à partir de là, susciter les débats.
Q- Dans ce livre "Besoin d'air", vous proposez notamment "la suppression de la durée légale du travail". Et la plupart des candidats, notamment celui de l'UMP, proposent plutôt de raisonner en termes "durée légale maintenue, heures supplémentaires", notamment parce que c'est meilleur pour le pouvoir d'achat. Que répondez-vous ?
R- C'est très simple : vous savez que la plupart des pays européens n'ont pas de durée légale du travail. Et la durée du travail dans ce cas-là, est définie par accords entre organisations syndicales et organisations patronales, au cas par cas, c'est-à-dire, soit par branches, soit même, par entreprises. Je crois que, c'est beaucoup plus rationnel, c'est la meilleure façon de trouver une entente gagnante-gagnante, entre les salariés de l'entreprise, et les dirigeants de l'entreprise, compte tenu des circonstances économiques ou des spécificités de l'organisation de l'entreprise.
Q- D'après son porte-parole - X. Bertrand, ce matin, dans La Tribune - : "N. Sarkozy, ne veut pas généraliser le contrat "nouvelles embauche"". Regrettez-vous cette position ? Il trouve que la période d'essai est trop longue, et que la rupture n'est pas assez motivée.
R- Je crois qui faut bien se demander pourquoi il serait intéressant, soit, de redéfinir quelques paramètres du contrat de travail, soit d'ajouter des modalités nouvelles. Le problème en France aujourd'hui, est que, il y a une telle rigidité au moment où on est amené à se séparer de quelqu'un, que cela provoque un comportement de frein à l'embauche dans beaucoup de cas, dans beaucoup d'entreprises. Donc, modifier des choses, des paramètres du contrat de travail, c'est d'abord satisfaire un objectif, de favoriser l'embauche. Pour cela, ce qu'il faut avant tout éviter, c'est la judiciarisation excessive du système. Nous, ce que nous proposons, c'est la séparabilité. Comme en 1975. En droit civil, on avait inventé le divorce par consentement mutuel. Essayons de transposer cette idée, qui était révolutionnaire à l'époque, dans le droit du travail. Concevons un système où on peut se séparer sans passer par la logique de faute.
Q- Consentement mutuel, le salarié est rarement d'accord pour "divorcer" ?
R- C'est beaucoup plus compliqué que cela. Quand on regarde - vous parliez du CNE - quand on regarde les ruptures de CNE qui existent aujourd'hui, un cas sur deux est du fait de l'employeur, un cas sur deux est du fait de l'employé. En réalité, il y a beaucoup de circonstances où on se dit : non, je ne peux pas m'épanouir dans ce job. Et où l'employeur dit : oui, il vaudrait peut-être mieux que quelqu'un d'autre occupe cette fonction. Si on mettait un petit peu plus de relations pacifiques dans cette relation du travail, je crois que tout le monde y trouverait son compte.
Q- Pour développer l'emploi, S. Royal propose de "généraliser les 35 heures dans de bonnes conditions". Quand vous l'entendez dire cela, êtes-vous inquiète ou intéressée ?
R- Je suis très surprise. Parce que, j'avais cru comprendre au tout début de sa campagne, que S. Royal avait compris que, le travail c'est quelque chose qui se multiplie, où surtout les emplois se multiplient en fonction du facteur travail. Avoir toujours en tête cette idée d'une généralisation, c'est de penser que l'on va pouvoir multiplier des emplois parce que l'on aura divisé le temps de travail. C'est une vue de l'esprit. On a vu depuis 1999-2000 que cela ne marchait pas comme cela. Je crois qu'il faut au contraire comprendre que, c'est parce que quelqu'un travaillera peut-être une heure de plus qu'il permettra à telle autre équipe dans son entreprise de créer un job de plus. Je suis très étonnée de voir la difficulté qu'ont certains candidats à comprendre comment fonctionne la réalité de l'entreprise.
Q- L'UMP, propose après huit jours de grève d'instaurer un vote obligatoire dans les administrations, les universités, et les entreprises à caractère public. Cela serait bien aussi pour les entreprises privées ?
R- C'est un cas qui concerne surtout le secteur public. On a rarement l'occasion, Dieu merci, d'être confrontés à ce type de problématique dans les entreprises privées.
Q- Le pouvoir d'achat est au coeur de la campagne, on appelle cela la vie chère du côté de S. Royal. Qu'est-ce que les patrons sont prêts à céder en matière de hausses de salaires pour aider ce pouvoir d'achat ?
R- Le problème de l'achat ne se pose pas en question de négociations, de "je cède d'un côté, pour gagner, de l'autre". Premièrement, il faut se dire que, pour augmenter la richesse, le niveau de vie de ceux qui sont les plus modestes, c'est la richesse globale du pays qu'il faut augmenter. C'est-à-dire que, la priorité, c'est d'avoir une stratégie de croissance qui permet d'augmenter la création de richesses. La deuxième chose qui est fondamentale aussi de ce point de vue-là, c'est la réforme du financement de la protection sociale. Juste quand même trois chiffres : quand aujourd'hui vous versez un salaire brut de 100, le salarié ne touche que 80 en net, mais cela coûte 145 à l'entreprise. Cet écart, entre le 80 net et le 145, c'est cela qui empêche beaucoup de chefs d'entreprises d'augmenter les salaires autant qu'ils le souhaiteraient.
Q- Alors, comment pouvez-vous réformer cela sans faire peser sur le contribuable tout ce que les entreprises ne paieront plus ?
R- Mais si...Il faut accepter qu'une partie de la protection sociale soit financée par la solidarité nationale, parce que, du coup, l'assiette de financement sera beaucoup plus large, ce qui veut dire que, ce que chacun aura à verser pour contribuer à ce financement sera pour chacun moins lourd, que ce que seules les entreprises payent aujourd'hui. Et le fait que cela soit concentré sur les seules entreprises, empêche les entreprises elles-mêmes, d'avoir des taux de marges, des taux de profits comparables aux entreprises allemandes et aux entreprises anglaises par exemple.
Q- La discussion sur la représentativité des syndicats va commencer cette semaine concrètement. Souhaitez-vous que l'on élargisse le nombre de syndicats habilités à signer officiellement les accords avec le patronat ?
R- Ce que nous souhaitons, c'est très clair, c'est une réforme du système actuel, qui est tout à fait obsolète. Nous considérons néanmoins, que le syndicalisme en France, doit d'abord trouver sa légitimité dans l'adhésion. C'est cela qu'il faut encourager, susciter, développer. C'est, comment faire en sorte qu'il y ait plus de salariés qui aient, soit envie, soit intérêt à adhérer à un syndicat. Cette question-là, je trouve qu'on ne la pose pas assez. Qu'il y ait par ailleurs, comme un critère, mais un critère parmi d'autres, un critère de représentativité, nous ne sommes pas du tout contre.
Q- Jeudi, le nouveau décret anti-tabac entre en vigueur. Cela va-t-il handicaper les entreprises en créant des pauses cigarettes sur les trottoirs ?
R- Je souhaite surtout, que si on fait des choses sur les trottoirs de nos villes, qu'il y ait aussi des cendriers, parce que je trouve cela franchement pas très joli quand il y a quelques mégots écrasés. La plupart des entreprises se sont déjà adaptées à cette évolution. Je crois que nous sommes prêts, et je pense surtout, que c'est une démarche tout à fait souhaitable que nous encourageons très clairement.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 janvier 2007