Interview de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur "LCI" le 2 mars 2007, sur la montée des intentions de vote en faveur de François Bayrou, candidat à l'élection présidentielle de 2007, la possibilité qu'il soit présent au deuxième tour de l'élection ainsi que sur la défense du vin et la présence de volailles au Salon de l'agriculture.

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Q- "Les malheurs d'Airbus, c'est la faute du Gouvernement", affirmait hier F. Hollande à votre place. Vous avez été ministre des Transports, vous sentez-vous coupable des déboires d'Airbus ?
R- Non, Airbus est une très belle aventure industrielle, avec des succès énormes, un avion qui a réussi à être au niveau de Boeing et certaines années, à le dépasser. Ceci étant, il est sûr que le mode de gouvernance franco-allemand est compliqué, le Gouvernement français en est tout à fait conscient. Et puis, je pense un peu comme N. Sarkozy, qu'il va falloir envisager "un peu moins d'Etat, un peu plus d'entreprise, et une gestion différente". Je crois qu'on est arrivés à ce moment. Et ce qu'il faut, c'est que naturellement il n'y ait pas de licenciements, il n'y ait pas de pertes d'emplois sèches, et que on reprenne également des parts de marché, parce que vous l'avez remarqué, Airbus a un petit peu de mal à se placer...
Q- C'est la faute à l'euro...L'euro trop cher ?
R- Oui, il n'y a pas que cela. C'est qu'il y a eu un petit problème de gamme. Il y a l'A380, qui est le grand avion de l'avenir, qui est un avion formidable, on est en train d'équiper les terminaux à Roissy pour le recevoir dans quelque temps...
Q- Et on est en retard.
R- ...Il y a le marché des avions monocouloir, les 320, les 319, qui va bien. Et puis, il y a le créneau intermédiaire où Airbus a pris un tout petit peu de temps pour apporter un nouveau modèle, et où Boeing s'est mis dedans, et donc, là, on a un manque dans la gamme, il manque une puissance moyenne dans la
gamme d'Airbus.
Q- Pour parler de tout cela de la gamme, de la gouvernance, un débat parlementaire, comme le réclame le PS, n'est-il pas nécessaire, tout de suite ?
R- La France est en débat. J'étais hier soir avec N. Sarkozy à Bordeaux, tous les candidats sont partout, nous sommes invités, les uns, les autres, les porte-parole, les candidats, dans les radios et les télévisions, je crois qu'on peut en parler. Alors, le débat parlementaire ce serait...pourquoi pas ? Enfin, le débat a lieu devant l'opinion, et je crois que cela se passe très bien ainsi.
Q- N. Sarkozy, doit-il se rendre dans des usines d'Airbus ?
R- J'ai le souvenir quand j'étais ministre du Budget auprès de lui que, lorsque nous avons eu le souci d'Alstom, il était allé parler directement aux salariés. Donc, peut-être le fera-t-il ? Je n'en sais rien. Mais en tout cas, son mode de travail et de prise de conscience des problèmes, c'est d'aller au contact. Donc, peut-être, quelque part, a-t-il cela au fond de sa tête ?
Q- J.-M. Le Pen hurle au complot, on veut le priver des 500 signatures nécessaires pour se présenter. L'UMP va-t-elle aider Le Pen à se qualifier ?
R- La différence entre 2002 et 2007, c'est qu'en 2002 les Verts venaient d'être élus, donc ils faisaient ce qu'ils voulaient. Là, cette fois-ci, ils sont sous le contrôle de leurs électeurs, et certains qui ont pris des positions politiques un peu différentes de qu'attendaient leurs électeurs ou leurs collègues au sein d'un conseil municipal, ont été sanctionnés par l'opinion, d'où une très grande prudence. Et je crois que personne n'a à donner des voix. Je conseillerais d'ailleurs à certains candidats qui sont à la recherche de parrainages, d'arrêter d'abuser du matraquage téléphonique ou de la présence continuelle autour de leur domicile ou de leur mairie des envoyés du candidat, et de les convaincre peut-être avec des moyens un peu plus intelligents et un peu moins brutaux.
Q- Pas d'aide de l'UMP ?
R- Bien sûr que non !
Q- Mais une présidentielle sans Le Pen... ?
R- Vous savez, l'UMP, ce n'est pas le caporalisme, c'est un parti de Centre et de droite, qui est fondé de tas de gens qui ont une grande indépendance d'opinion, les maires sont des gens indépendants, ils rendent compte à leurs électeurs, à leur conseil municipal et pas à leur parti politique. Donc, les maires feront ce qu'ils veulent, voilà. Et je crois d'ailleurs que M. Le Pen, comme à chaque fois, nous fait le numéro : "je n'ai pas mes 500 signatures" et comme par hasard on les verra arriver le jour venu.
Q- Est-ce que les maires ruraux, qui sont les plus nombreux à pouvoir signer, ne font pas preuve un peu de lâcheté en effet l'horizon 2008, les municipales ?
R- Ils sont vraiment soumis à un matraquage. Parce que, le maire d'une grande ville a une secrétaire, son numéro de téléphone est sur la liste rouge, personne ne connaît son numéro de portable, personne ne va lui demander quelque chose. Mais le maire rural, qui est au milieu de ses 150 habitants, qui est dans l'annuaire du téléphone, dont chacun sait où il habite etc., c'est autour de lui que les rapaces viennent en permanence.
Q- C'est sa responsabilité, il est maire.
R- Voilà, oui, oui, non mais j'entends bien, mais je trouve que cette espèce de pression sur les maires ruraux, parce qu'ils n'ont pas la possibilité d'organiser autour d'eux un cordon de protection, est quelque part indécente. Donc, je dis aux candidats qui nous écoutent : fichez un peu la paix aux maires ruraux, ce sont des gens qui ont devant eux un formulaire de parrainage, ce sont des gens qui font un travail de bénévolat extraordinaire sur le terrain ; fichez-leur la paix, et laissez-les dans leur conscience décider qu'ils parrainent ou qu'ils ne parrainent pas, et arrêtez de faire cette pression sur eux !
Q- F. Bayrou monte, monte, monte dans les sondages. Peut-il menacer N. Sarkozy ?
R- Je trouve que la démarche de F. Bayrou est sympathique. C'est un homme du centre. Donc, pour quelqu'un comme moi, de droite et du centre, ce n'est pas un adversaire. Où prend-t-il ses voix ? On le voit très bien ce matin dans le Politoscope du Figaro ou dans l'enquête de Libération : il prend ses voix plutôt à gauche. Donc, pour l'instant, cela ne nous gêne pas. Simplement, il y a un moment, où je dis à F. Bayrou : ce n'est pas une raison pour dire du mal des autres. Enfin, quand il dit : "les pauvres", en parlant de N. Sarkozy ou des autres candidats, je trouve qu'il fanfaronne un peu. Et quelque part, cela me rappelle, vous savez, quand nous étions enfants, on suçait les chewing-gum, on faisait des ballons, et puis à un moment, quand le ballon devenait trop gros, il éclatait. Donc, je dis à F. Bayrou : attention à l'effet Malabar en politique.
Q- Bayrou-Sarkozy au second tour, c'est possible, et c'est la défaite de Sarkozy ?
R- Ecoutez, un je ne le crois pas, je ne suis pas socialiste, mais je sais ce que représente le partis socialiste dans les communes, dans les collectivités territoriales, dans notre pays. Et rien n'indique d'ailleurs dans ce cas qu'il serait la réédition du choc Pompidou-Poher de 1969. Que le candidat qui a des idées claires, droites, qui est devant le pays depuis un certain temps, qui présente un programme, ne l'emporte pas. Donc, je ne crois pas du tout à cette hypothèse, et même dans le cas de cette hypothèse, je pense que N. Sarkozy peut gagner.
Q- J.-P. Raffarin sort un livre de soutient à N. Sarkozy "La dernière marche", vous êtes proche...
R- C'est du soutien, et ce sont en même temps des recommandations très amicales, très affectueuses, mais fondées sur la connaissance qu'ont ces deux hommes, l'un de l'autre.
Q- Si N. Sarkozy est président de la République, il faut confier le parti présidentiel, l'UMP, à J.-P. Raffarin ?
R- Vous savez, si N. Sarkozy est président de la République, cela, c'est la première question. Nous nous battons pour que N. Sarkozy soit président de la République. Ensuite, il aura à choisir un Gouvernement, à organiser sa majorité. Il faudra que nous gagnons aussi les élections législatives, parce que, pardonnez-moi, mais pour gouverner, le président a besoin d'une majorité parlementaire. Après, on verra, et naturellement, dans la famille politique UMP, J.-P. Raffarin jouera un rôle de tout premier plan dans tout cela.
Q- Combien d'argent donnerez-vous à La Réunion, qui a été frappée par un cyclone ?
R- F. Baroin en revient, il y a beaucoup de problèmes, on a vu les images sur votre antenne : problèmes des infrastructures, très importants ; problèmes agricoles, puisque tout ce qui est légumes, fruits, canne à sucre, même l'élevage, a été beaucoup abîmé. J'irai à La Réunion dès que le Salon de l'Agriculture sera terminé, et nous apporterons la solidarité en matière agricole à la hauteur des besoins. C'est un département qui a fait de gros efforts, qui, à partir de la canne à sucre produisait son énergie, qui avait développé un élevage, une culture de fruits et légumes tout à fait remarquable, une économie agricole très moderne, très très au coeur des besoins de la population. Nous allons l'aider à passer cette phase.
Q- Alors, le Salon de l'Agriculture s'ouvre demain, J. Chirac l'inaugurera. N. Sarkozy, élu des villes, ne sera pas un très très bon président pour le monde paysan ?
R- Je crois que ce n'est pas du tout le cas. Un, d'abord, J. Chirac a auprès du
monde paysan une aura extraordinaire...
Q- Indépassable.
R- ...Il a été ministre de l'Agriculture, il aime l'agriculture, il a été député de la Corrèze, je ne sais pas...ce sera sa énième visite demain, peut-être n'est-on pas loin du chiffre de 30 ? En tout cas, c'est dans cet ordre d'idée-là. N. Sarkozy dans tous les sondages l'emporte très largement auprès des agriculteurs et du monde rural, il est le candidat qui arrive largement en tête. C'est vrai que c'est un élu urbain alors que J. Chirac était un élu de Corrèze avant d'être le maire de Paris. Mais j'étais, hier encore, avec lui dans une exploitation viticole en Gironde, il comprend très bien les problèmes des agriculteurs, et il a au coeur de son langage la valeur travail, qui est la valeur numéro 1 du monde agricole, qui ne connaît pas les 35 heures, et qui ne connaît pas toujours les week-ends ou les vacances, et donc il comprend très bien cette valeur travail que porte N. Sarkozy.
Q- Il a promis aux viticulteurs une réforme de la loi Evin pour faciliter la publicité pour le vin. N'est-ce pas irresponsable en matière de santé publique ?
R- Il dit que l'on maintiendra, on continuera, et on augmentera même tout ce qui est la lutte contre la conduite en état d'alcoolémie. Mais qu'on peut sortir de la loi Evin, qui est un carcan très compliqué, et promouvoir le vin. Prenez un viticulteur d'un côté des Pyrénées, lui, il n'a pas le droit de parler de son vin ; et puis, vous avez son collègue espagnol, qui est de l'autre côté, qui fait un vin différent mais concurrent, lui, il a le droit de parler de son vin. Donc, on peut parler de son vin, mettre en avant son vin, le faire connaître, sans pour autant inciter à boire et à inciter à un comportement alcoolique, c'est la différence entre la valeur du vin et le comportement alcoolique.
Q- Les volailles sont de retour au Salon. Avez-vous cédé aux éleveurs ? N'ya-t-il pas un risque, le H5N1 est en Angleterre, aux portes de l'Europe ?
R- Vous avez raison, le H5N1... L'année dernière, il n'était pas question qu'il y ait de volailles, les éleveurs l'ont très bien compris, nous étions en crise de grippe aviaire sur l'ensemble du territoire européen, y compris sur le sol français. Cette année, nous avons eu deux cas en Hongrie, qu'on connaît bien, et un cas en Angleterre, vraisemblablement importé de Hongrie, c'est-à-dire, qu'il y avait des échanges entre l'entreprise anglaise et l'entreprise hongroise. Il n'y a pas d'autres cas ; on est à la fin de l'hiver, nous n'avons pas d'indications qui nous font peur, nous sommes bien sûr vigilants, il n'y avait donc aucune raison que les volailles ne soient pas cette année au Salon. Il y aura plus de 3.000 animaux cette année au Salon, cela va être la plus belle de ferme de France et d'Europe, et au monde. Et il y aura les volailles, et les enfants en particulier adorent les voir, et il n'y a aucun risque, au contraire, la consommation de volailles dans notre pays n'a jamais été aussi bonne.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 mars 2007