Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national et candidat à l'élection présidentielle 2007, à "France inter le 5 mars 2007, sur les propos de Raymond Barre sur Maurice Papon et le lobby juif, sur l'immigration et la situation chez EADS.

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Média : France Inter

Texte intégral

Q- Alors, j'ai dit candidat à la présidentielle, mais à vous entendre ce n'est pas encore fait, vous n'avez pas les 500 parrainages, dites-vous. Combien en avez-vous aujourd'hui ?
R- Ecoutez, à quelques dizaines près, je ne peux pas vous le dire parce que toute la France est mobilisée pour essayer de combler le retard qui est le mien. Mais pour l'instant je ne peux pas affirmer que je serai candidat, puisque tout ça dépend des maires et de leur courage.
Q- Mais à la louche, vous avez combien de promesses fermes ?
R- Nous avions 500 promesses fermes, mais il faut maintenant les transformer en documents officiels, et là, on souffre de quelques abandons sur le parcours.
Q- Et qu'est-ce qui nous prouve que vous n'êtes pas en train de bluffer, parce que c'est aussi un thème chez vous de dire, cycliquement, comme cela, que vous n'avez pas les soutiens, et que vous êtes victime du système et qu'on R- veut vous empêcher de parler, etc., etc...
R- Non, mais c'est parce que c'est toujours comme ça, c'est la réalité, c'est la vérité, d'ailleurs pour s'en convaincre il suffit de venir, il suffisait de venir pendant ce week-end au siège du Front national où l'ensemble du personnel était mobilisé, en dépit du week-end pour téléphoner à tous les maires, dans toute la France, il suffit de chercher, on trouve.
Q- Et donc, vous ne bluffez pas, hein, vous le confirmez ?
R- Non, mais bien sûr, je ne bluffe jamais d'ailleurs, moi !
Q- Oh, si peu ?
R- Non, non, jamais, jamais, vraiment ! Sauf quelquefois au poker.
Q- C'était un de vos vieux slogans de campagne : "Il veut parler on le bâillonne", donc c'est aussi un thème récurrent au Front national de dire : ben oui, moi je suis victime, je ne peux pas m'exprimer.
R- Non, mais c'est vrai que j'ai le dixième du temps d'antenne des gens qui me sont comparables, ça c'est vrai, c'est la réalité.
Q- On vous a vu partout à la télévision...
R- Depuis 15 jours, en effet, c'est vrai.
Q- Et vous continuez à dire que vous êtes victime d'un traitement inégal ?
R- Absolument, et je peux vous donner des chiffres, ce sont les chiffres officiels du CSA, confirmés d'ailleurs par France 3 par exemple, par M. Nahon, qui a confirmé que, les adversaires directs avaient entre 20% de temps d'antenne, moi j'ai 5%, derrière la candidate du parti communiste et même derrière M. deVilliers, qui fait 1% dans les sondages !
Q- Bon, en tout cas, sur France Inter vous avez le même temps d'antenne que tout le monde. En tout cas, selon Le Figaro, l'UMP n'exclut pas de vous donner un coup de pouce sur la question des signatures. Vous réclamez ce soutien ?
R- Je ne réclame rien, je ne demande rien. Mais c'est à chacun de voir quel est son intérêt.
Q- Mais vous ne refuserez pas le coup de pouce ?
R- Comment le refuserais-je ! Je ne peux pas refuser la signature d'un maire, bien sûr que non !
Q- Non, mais si l'UMP appelle justement les maires à vous soutenir ?
R- Eh bien, je m'en féliciterais, je me féliciterais aussi que tous les partis politiques en fassent autant, et je me féliciterais surtout que les maires prennent la dimension de leurs responsabilités politiques et morales dans cette affaire.
Q- Cela fait quoi d'être le quatrième homme dans cette campagne ?
R- Ecoutez...je ne sais pas, ça me met à l'abri des attaques directes que subissent habituellement les troisièmes hommes, si j'ose dire. Mais je ne suis pas sûr que les sondages reflètent la réalité de la situation politique du temps, parce que je crois que beaucoup de votants Front national, déguisent leur réponse en se mettant, soit derrière M. Bayrou, soit derrière M. Sarkozy.
Q- Et vote conviction profonde, c'est que vous serez le deuxième homme ?
R- Ma conviction profonde, c'est qu'en tous les cas je suis au-dessus de 20% actuellement. Si je compare les chiffres des sondages de 2007 aux sondages de 2002, l'extrapolation la plus modeste me met au-dessus de la barre des 20%.
Q- R. Barre, qui rend hommage à M. Papon et dénonce le lobby juif, vous condamnez ses propos ?
R- Non. M. Barre est un homme libre et responsable. Chacun de nous est dans cette situation. Moi j'assume mes propos, et chacun assume les siens.
Q- Il existe un lobby juif en France, donc ?
R- Oh, je ne sais pas si on peut appeler ça un lobby, mais enfin disons qu'il existe des réactions qui peuvent porter des gens à avoir les mêmes attitudes ou à s'inventer les mêmes adversaires.
Q- Et l'hommage à M. Papon ?
R- Je pense que, dans cette affaire, M. Papon a été un bouc émissaire beaucoup plus qu'un responsable, c'était un sous-préfet. Alors, juger toute la politique de l'occupation française dans la personne d'un sous-préfet, ça me paraît un peu léger.
Q- "Durafour crématoire", "la Shoah point de détail de l'histoire", "la chasse au chapon", dans le quartier du Marais à Paris, c'est-à-dire, la chasse aux homosexuels, ce sont des lapsus qui vous échappent ou des provocations délibérées ?
R- Non, ce sont des expressions libres, d'une pensée libre. Ce qui est très interdit dans notre pays, où chaque propos, surtout quand il émane d'un adversaire politique national, est l'objet de commentaires plus ou moins haineux.
Q- "La chasse au chapon", ce n'est pas un commentaire haineux, ça ?
R- Je ne vois pas...c'était un clin d'oeil, c'était un...
Q- Un clin d'oeil homophobe, quoi, une bonne blague grasse ?
R- Non, pas du tout homophobe, pas grasse, c'est la liberté de parler, voilà. Quand je suis vilipendé dans les journaux, insulté couramment, diffamé, personne ne trouve ça étonnant, tout le monde trouve ça normal ! Et moi, quand je hasarde une petite plaisanterie, même dans le genre "Durafour crématoire", mon Dieu, pas de quoi fouetter un chat quand même, ça dure pendant 20 ans.
Q- C'est quand même de très très mauvais goût !
R- Oui, mais ça, c'est votre avis, c'est votre bon goût à vous. Mais ce n'est pas forcément le bon goût de tous les Français.
Q- Ah donc, c'est délibéré quand vous le faites ?
R- Je parle librement, Monsieur ! Je ne tourne pas sept fois ma langue dans ma bouche pour m'exprimer, tant au moins que je croyais que nous étions dans une démocratie libre ! Maintenant, je fais attention, puisque le propos que j'avais eu, à mon avis, bien innocent, sur les chambres à gaz m'a coûté 150 millions de centimes ! C'est-à-dire que la liberté est chère en France !
Q- Et vous pensez que le débat public sort grandi ou nourri de ce genre de choses ?
R- Ecoutez, c'est encore, en tous les cas plus propre que le sang contaminé, les prises d'intérêt dans les caisses de l'Etat, et beaucoup d'autres scandales que je ne développerais pas ici, qui sont l'habitude de la classe politique française.
Q- Alors, venons-en à votre programme présidentiel. Chapitre numéro 1, Immigration : donc, pour vous, j'imagine, c'est le problème numéro 1, devant la dette, devant le chômage, devant la crise institutionnelle, devant les retraites ? Immigration, c'est bien ça ?
R- Oui, oui, parce qu'il est une cause principale. Il est la cause de tout le reste. Pas seulement, pas la cause exclusive, mais la cause principale. Le fait d'avoir reçu en France, en 30 ans, dix millions d'étrangers, et d'avoir assumé pratiquement, totalement, leur subsistance, a fait peser sur la France, sur les épaules des Français, et sur leur portefeuille, une charge considérable, qui continue de s'aggraver à la cadence de 4 à 500.000 entrées par an.
Q- On renvoie les gens chez eux ?
R- Mais si le faut, bien sûr ! Si ils ne sont pas en situation régulière. Je n'ai rien contre le fait qu'il y ait des étrangers en France, à condition qu'ils assument leur propre subsistance ; leur logement, leurs soins, etc. Il n'y a aucune raison que les étrangers viennent en France pour bénéficier des avantages sociaux que payent les contribuables français alors qu'il y a dans notre pays 7 millions de pauvres et 14 millions de travailleurs pauvres, c'est-à-dire de gens qui n'arrivent pas à vivre avec le travail qu'ils font !
Q- On ferme...J'ai du mal à saisir en fait, on ferme totalement les frontières ?
R- Non.
Q- On renvoie donc éventuellement les gens chez eux, non mais je pousse le raisonnement dans ses retranchements...
R- Dans l'absurde, oui.
Q- Oui, c'est vous qui le dites...Et c'est donc bon, la France sort de la crise ?
R- Elle commence à en sortir, oui. C'est une des solutions qui permettrait à la France de cesser de glisser comme elle le fait depuis 30 ans vers les abîmes, en particulier, financiers dans lesquels nous sommes. 2500 milliards de dette qui se sont accumulés au cours des années, et que les dirigeants politiques et les candidats se proposent de creuser encore un peu plus dans le prochain quinquennat.
Q- Il y a de nombreux secteurs, je pense aux aides à la personne par exemple, qui ne parviennent pas à recruter et qui font du coup appel à une main-d'oeuvre immigrée. Ce n'est pas le seul, hein. Mais est-ce que ça ne veut pas dire aussi que c'est plus compliqué que ça ? C'est-à-dire, qu'il y a des emplois aujourd'hui que les Français ne veulent pas faire, et du coup il faut se tourner où il y a de la main-d'oeuvre ?
R- Oui, mais il y a une main-d'oeuvre immigrée en France, interne. Pourquoi ne va-t-elle pas vers ces emplois ?
Q- Je vous pose la question.
R- Qu'est-ce qu'elle attend ? Qu'on les berce, qu'on les caresse ? Mais pourquoi iraient-ils d'ailleurs puisque l'attribution d'un certain nombre d'avantages sociaux équivaut pratiquement au Smic, alors pourquoi se gêner, il vaut mieux rester sans travailler en France, qu'en travaillant. Mais je trouve absolument extraordinaire qu'avec 5 millions de chômeurs en France il n'y ait pas de quoi trouver de l'emploi dans le bâtiment, dans les travaux publics.
Q- Mais ça veut dire que ça n'est pas que la faute des immigrés ?
R- Pas seulement, non, mais j'ai dit l'autre jour aux jeunes immigrés de la banlieue, je leur ai dit : "n'attendez pas que le travail vienne au devant de vous dans la banlieue, il faut aller, il faut faire comme ont fait les nôtres, nos ancêtre", ils sont partis avec leur baluchon, ils ont été chercher du travail, là où il y en avait : "eh bien, faites comme eux".
Q- H. Jouan : Question qui n'a pas grand-chose à voir avec l'immigration, Airbus, tous les candidats à la présidentielle vont se porter au chevet d'Airbus. Quel est votre analyse de la situation et votre solution à vous pour aider cette entreprise ?
R- D'abord, je constate que toutes les occasions sont bonnes pour témoigner de la compassion des candidats, quel que soit le sujet, que ce soit un accident de la route, que ce soit un incendie d'hôpital, que ce soit une entreprise qui va mal, immédiatement on voit le ballet des candidats à la présidence de la République se succéder..
Q- Là, l'Etat est actionnaire, donc c'est pas seulement de la compassion, c'est éventuellement peut-être un rôle à jouer ?
R- Oui, l'Etat est actionnaire, moi dans une affaire comme celle-là, difficulté qui était prévisible, parce que il faut bien dire la vérité, la production d'Airbus en Europe, relevait d'un schéma ubuesque, quand on voyait la nécessité d'ouvrir des routes pour que, débarquant à Bordeaux les carlingues puissent arriver sur des camions jusqu'à Toulouse, c'était visiblement aberrant.
Q- C'est un schéma européen de gouvernance qui ne fonctionne pas ?
R- Oui, c'est vrai, d'abord le seul fait qu'il y ait des coprésidents me paraît déjà être une condamnation et une démarche rédhibitoire. Je conçois le commandement, il y a un commandement unique, il n'y a pas de commandement bicéphale ça n'existe pas.
Q- Alors, vous êtes élu président de la République que se passe-t-il pour Airbus au soir de votre élection ?
R- Je laisse les professionnels régler ce problème. Je pense que toutes les affaires ne sont pas de la compétence des politiques et dans un certain nombre de cas ils feraient mieux de s'abstenir. Et en particulier quand j'entends madame S. Royal proposer et les présidents de régions socialistes intervenir, dans le capital, avec l'argent des contribuables bien sûr il faut pas se gêner, quand on sait comment sont gérées nos régions et les impôts considérables qu'ils ont provoqués je dis que c'est aberrant. Laissons, laissons les gens d'Airbus essayer de trouver la solution industrielle et commerciale nécessaire dans la difficulté aggravée d'ailleurs il faut bien le dire, par le taux de l'euro par rapport au dollar.
Q- Donc l'Etat ne peut rien faire, pour vous ?
R- A mon avis pour l'instant non, et puis il a des représentants l'Etat qui sont plus compétents que les candidats à la présidence de la République, au conseil d'administration de cette entreprise, que ces gens fassent leur travail.
Q- Une question plus politique, à quoi sert-il de voter pour vous ? Je m'explique, en 2002 vous êtes arrivé au second tour et puis au soir du second tour une écrasante majorité pour votre adversaire J. Chirac, des millions de Français dans la rue, qu'est-ce qui a changé en 2007 qui ferait que vous pourriez être élu ?
R- Beaucoup de choses je crois, l'appréhension de la réalité des problèmes par les Français et le jugement qu'ils portent sur ces gens qui depuis 30 ans ont gouverné ce pays au rang desquels il y a bien sûr les trois principaux candidats qui sont actuellement en tête dans les sondages. Tous les trois sont des représentants, des piliers on peut dire, du système politique qui a conduit la France là où elle est aujourd'hui.
Q- Mais ils ont des chances d'accéder eux à la présidence de la République, pas vous ?
R- Mais vous n'en savez rien ce sont les électeurs qui vont le décider ce ne sont pas les sondeurs, ce ne sont pas les journalistes, ni les commentateurs, ni les politologues ce sont les Français qui vont décider. Ce sont eux qui vont choisir leur destin et je ne me crois pas si mal placé que ça parce que je leur ai toujours dit la vérité, alors évidemment elle n'est pas toujours agréable à entendre mais elle est toujours bonne à dire.
Q- N. Demorand : Je vous fais un petit cadeau ; "Le temps des immigrés" par F. Héran, c'est sur le destin de la population française...
R- Oui, c'est un des falsificateur de...
Q- C'est le patron de l'Institut national des études démographiques alors vous dites, un ?
R- Un falsificateur chef.
Q- Cela veut dire quoi ?
R- Cela veut dire, quelqu'un qui essaye de masquer la réalité de l'immigration soit dans ses communiqués soit dans ses livres.
Q- Et donc le Front national est plus apte à mesurer l'immigration que l'Institut d'études démographiques ?
R- Oui bien sûr je le crois, pourquoi pas ? Ce ne sont pas des dogmes qui sortent de ces institutions, nous sommes libres de discuter à la fois leurs chiffres et leur raisonnement.
Oui enfin vous les traitez de falsifcateurs. On aura l'occasion d'y revenir très certainement, à tout de suite.