Texte intégral
Bonjour monsieur Le Pen.
Bonjour.
Q- Vous affirmiez hier sur France 2 : "aujourd'hui je vaux grosso modo 20 %". Alors, dans cinq semaines, combien vaudrez-vous ?
R- Je ne sais pas, mais je pense que d'ailleurs le nœud du premier tour de l'élection se fera aux alentours de 20 %, au-dessus de 20 %. Je rappelle qu'en 2002, c'était au dessous de 20 %. Et, bien qu'il y ait quatre compétiteurs au moins sur ce chiffre-là, je crois que ça sera à peu près le chiffre, parce que peut-être qu'il y aura moins de candidats et peut-être une plus grande participation. Je ne sais pas, je ne fais, moi personnellement, qu'extrapoler les chiffres de 2002 et de 2007, si vous voulez, les chiffres des sondages à date identique.
Q- Et hier, dans la même émission, vous disiez qu'au deuxième tour, vous rencontreriez sans doute N. Sarkozy ?
R- C'est une hypothèse, parce que c'est lui qui est tout de même le mieux placé, le plus fort et je trouve que madame Royal fait une campagne, certainement active, mais elle a un espace restreint et qui de plus lui est disputé par plusieurs candidats d'extrême gauche. On sait le rôle qu'ils ont joué lors de l'élection précédente ; elle n'est pas à l'abri d'un écart qui gonflerait un peu les suffrages de ses concurrents de gauche.
Q- Autrement dit, dans six semaines, selon votre raisonnement et votre hypothèse, J.-M. Le Pen, les Français devraient trancher entre Le Pen et Sarkozy. C'est-à-dire ce serait obliger, comme en 2000 (sic), la gauche et le centre à voter massivement en faveur de N. Sarkozy ?
R- Oh ! Ça c'est moins sûr. Parce que je pense que non bis in idem - jamais deux fois la même chose -, et que les gens ont été échaudés par le vote massif et bananier en faveur de J. Chirac. Ils ont mesuré les résultats de leur confiance détournée en quelque sorte.
Q- Deux mots sur vos 535 parrainages : vous saviez que vous les auriez ?
R- Non. Non.
Q- A un moment, vous avez craint de ne pas les avoir ?
R- Oui absolument et tout le monde a craint. Croyez-moi...
Q- Ce ne serait pas une fausse dramatisation ?
R- Monsieur De Rachidel (phon), qui avait 700 tonnes de papiers sur les reins, croyez-moi qu'il était très inquiet et beaucoup de gens étaient très inquiets, parce que j'ai d'ailleurs dit, j'ai réuni le personnel du Paquebot pour leur dire : vous allez être mobilisés samedi et dimanche pour téléphoner à tous les maires, vous allez avoir des listes, vous téléphonerez parce que dans le fond, c'est non seulement notre avenir politique qui se joue, mais c'est aussi votre avenir personnel, parce que si nous ne faisons pas les 500 signatures, nous serons obligés de rembourser les 50 millions de francs que nous avons dépensés déjà au cours de cette année. Et comme le Paquebot - notre immeuble - et nos matériels sont le gage de l'emprunt que nous avons fait, ils seront obligés de liquider tout ça.
Q- Donc vous avez eu 535 signatures. À partir de quel moment le coup de pouce de l'UMP, qui voulait encourager aussi Besancenot, de manière habile, tactique, vous a aidé, vous en avez vu les effets vous-mêmes ?
R- Ecoutez, ça a été insensible. Je ne sais pas si ça a vraiment eu un résultat. Je sais très bien que la raison principale de monsieur Sarkozy a été d'éviter que je ne sois pas candidat, de telle sorte que mes électeurs se reportent par exemple sur Bayrou et le mettent en grande difficulté, peut-être dès le premier tour, et en tous les cas, certainement au second. Mais je pense que tous les hommes politiques, à quelques rares exceptions près, ont déploré les effets du système des parrainages de maires.
Q- Oui mais à quel moment vous avez senti une sorte d'accélération, même légère ? Est-ce que ça a été instantané ?
R- Non, il n'y a pas eu d'accélération. Il y a un mois, il nous manquait, encore une fois par la défection de maires qui s'étaient engagés, en quelque sorte sur l'honneur, avec le cachet de leur mairie, à me parrainer et qui se sont dédits. Et c'est cela qui a créé un peu petit l'angoisse de ne pas réussir. Il s'agissait d'une centaine de signatures. Donc en deux mois, nous avons remonté ce courant-là, mais vraiment en les tirant un par un et c'est vrai qu'il y a eu une espèce de détente, quand même, parce que les maires, en particulier essentiellement les maires ruraux, les maires divers droite sentent bien la....
Q- Mais pas de l'UMP, des divers droites ?
R- Non, si, il y a eu un conseiller général UMP, je crois.
Q- C'est tout ?
R- Oui, je crois, enfin peut-être, je ne sais pas, je ne connais pas, comment dirais-je l'appartenance politique des différents maires.
Q- On reviendra tout à l'heure sur la campagne. Est-ce que je peux avoir votre avis sur quelques sujets ? Si vous êtes élu, est-ce que vous régularisez d'un coup les sans-papiers qui attendent ?
R- Non. Non, non, il n'y a aucune raison de faire une régularisation massive dont le résultat immédiat serait l'arrivée de nouveaux immigrés, sûrs, à un moment donné, que par lassitude ou par opportunité, le Gouvernement acceptera de les régulariser, comme l'ont fait, je le rappelle, Berlusconi et Zapatero qui, l'année dernière, ont régularisé un million et demi de clandestins.
Q- Donc vous recensez autant que possible, les irréguliers et vous les faites partir ?
R- Oui, c'est normal. Et surtout je crois que la politique que nous allons élaborer, qui tourne autour grosso modo, de l'immigration zéro, c'est de signaler aux gens qui pensaient pouvoir venir en France qu'ils n'y seront pas accueillis et ils ne seront pas en quelque sorte soutenus socialement. Ils devront se loger à leurs frais.
Q- Monsieur Le Pen, vous les faites partir, mais puisqu'ils ne possèdent ni identité, ni papier, vers où vous les expulser ?
R- Ecoutez, on verra bien. On étudiera, je n'ai pas les éléments précis de ces sujets, je ne suis pas au pouvoir, mais je me mettrai au courant, n'ayez pas peur.
Q- Ah ! Vous n'êtes pas encore au courant, vous, de ces problèmes ?
R- Non, je ne peux pas tout savoir. L'immigration est un des sujets sur lesquels l'obscurité est organisée scientifiquement.
Q- Et est-ce que vous feriez, vous, un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale ?
R- Ça n'a pas d'importance, que ce ministère ait un nom ou qu'il n'en ait pas, c'est d'une politique dont il s'agit, pas un ministère. Un ministère c'est une enveloppe vide, ça dépend ce qu'on met dedans.
Q- Est-ce que vous supprimez les soins pour les étrangers qui sont en situation irrégulière ?
R- Est-ce que je... ?
Q- ...Vous supprimez les soins qui sont donnés dans les hôpitaux pour les étrangers en situation irrégulière ?
R- Oui, parce qu'il faut bien à un moment donné une politique de fermeté. Si vous faites exception à chaque fois aux règles que vous édictez, il est bien évidemment que ces règles sont vidées de leur substance. Dura lex sed lex : la loi est dure mais c'est la loi.
Q- L'OFPRA, l'Office de Protection des Réfugiés, des Apatrides, a constaté hier ou avant-hier, qu'en 2006 et pour la troisième année de suite, le nombre des demandeurs d'asile a décru et c'est d'ailleurs le cas dans la plupart des pays européens. Est-ce que c'est un bon signe ? Et pour vous, est-ce que c'est vrai ou est-ce que c'est encore...
R- C'est possible, je n'en sais rien. C'est-à-dire que je pense que là on pourrait s'organiser avec un certain nombre de pays donneurs de leçons d'humanisme, et leur envoyer les gens qui sont en difficulté. Pourquoi la France doit-elle être le seul pays du monde à accueillir les gens qui viennent de partout ?
Q- Vous avez dit, vous-même qu'il n'y avait pas que la France, qu'il y avait l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne avec les Turcs, etc.
R- Oui mais eux se débarrassent, en utilisant la législation européenne, eux ils se débarrassent de leurs clandestins et ils nous les envoient, parce qu'ils savent très bien que les clandestins préfèreront vivre en France, s'ils le peuvent, plutôt qu'en Italie ou en Espagne.
Q- Et alors, avec les "légaux", si je puis dire, une enquête internationale du BIT, du Bureau International du Travail, dénonce en France des discriminations à l'embauche dans tous les secteurs économiques. C'est-à-dire que de jeunes diplômés, Beurs et Noirs en sont victimes. Si vous arrivez au pouvoir, si vous êtes élu, est-ce que vous arrêtez la préférence nationale pour les recrutements ?
R- Ah non ! Pas du tout, au contraire, j'établis, j'élargis la préférence nationale, parce que pour l'instant, elle est exclusivement réservée aux fonctionnaires : les fonctionnaires doivent être français. Mais moi, je la généralise, parce que je considère qu'il est normal que les Français dans leur propre pays aient une priorité sur les étrangers. Pourquoi ? C'est parce qu'il y a un patrimoine : ils héritent, en naissant et sans aucun mérite, d'un patrimoine qui a été conquis par le travail et les sacrifices des générations précédentes. Ils ont donc un droit particulier dans leur propre pays et je crois qu'il n'y a pas d'autre cadre que la nation pour la solidarité nationale. Si on fait une solidarité avec l'Afrique, il est évident que le Smic sera à 30 euros.
Q- Monsieur Le Pen, dans l'histoire républicaine, F. Bayrou est en train de réaliser actuellement - on verra si ça va durer - une ascension et une performance exceptionnelles. Il vous a ravi le titre " d'anti-système " ?
R- Non, je ne le crois pas, d'ailleurs je n'ai pas baissé du tout. Et même j'ai monté en même temps que Bayrou. C'est assez remarquable aussi, ça n'a pas été analysé peut-être strictement, mais je crois personnellement que la montée de monsieur Bayrou est une bulle. C'est évident, quand on passe en un mois et demi, de 6 points à 24, on ne peut pas penser qu'il y a des millions, plus de 10 millions d'électeurs, qui auraient brusquement changé d'idée. À partir de quoi ? On ne sait pas. Monsieur Bayrou n'a rien apporté de nouveau. Je rappelle qu'il est un des piliers du système. L'UDF c'est un des partis de la majorité, c'est le parti de Giscard, de Lecanuet, de Barre, un parti qui a toujours fait en France entre 12 et 15 % des voix. Par conséquent, ce qu'a fait Bayrou, c'est avec tout de même une certaine petite poussée médiatique...
Q- Ce n'est pas plus que ça ?
R- Et une bonne utilisation du terrain...
Q- Ce n'est pas plus que ça ?
R- Non, je ne crois pas.
Q- C'est l'extrême protestataire, du centre ?
R- Je n'y crois pas à ça. Moi, je crois qu'à un moment donné, les choses vont se régulariser. Je pense que, d'ailleurs j'ai vu dans les sondages qu'il y avait 13 à 17 % de sondés qui refusaient de dire pour qui ils allaient voter. J'ai une petite propension à penser que ces gens-là doivent être des électeurs de Le Pen.
Q- Monsieur Le Pen, on va terminer, mais est-ce que je peux vous faire une remarque à propos de votre commentaire sur le départ de J. Chirac, le fait qu'il ne se représente pas. Ce qu'on a entendu de vous à l'égard de J. Chirac, est-ce que ce n'était pas un torrent de haine ou de mépris à son égard ? Et en même temps, quand vous l'avez attaqué aussi durement, est-ce que vous n'attaquiez pas les Français, chaque Français, qui l'avaient élu à deux reprises, librement ? Non ?
R- Bien sûr que non. Chaque homme est responsable de ses actes. Il n'y a pas de responsabilité collective dans notre pays, surtout à cinq ans de distance. Non, je crois que J. Chirac m'a choqué par le caractère mensonger de son message. Son cri d'amour pour la France et pour les Français m'a fait penser à cet homme, à ce mari violent, qui ayant tabassé sa femme la voit partir sur une civière emportée par les infirmiers...
Q- C'est facile ça, c'est une image facile.
R- ... et qui lui prend la main en lui disant : " chérie, je t'aime quand même ! Tu sais. " Voilà.
Q- Oui, quand vous dites que Dieu lui pardonne...
R- Oui, que Dieu lui pardonne. Je considère qu'il a été le plus mauvais président de la République, même pire que Mitterrand dont il s'est inspiré et qu'il a fait élire, je le rappelle, ainsi qu'il a fait élire Jospin.
Q- Si on en appelle à Dieu, n'est-ce pas pour vous qu'il faudra le pardon de Dieu ? Mais ça c'est sans garantie.
R- On verra bien.
Q- C'est sans garantie.
R- C'est sans garantie.