Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, à "France Info" le 9 mars 2007, sur le déroulement de la campagne électorale, et sur la montée de François Bayrou dans les sondages.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- F. Hollande, bonjour. Premier secrétaire du Parti socialiste, vous êtes en direct depuis votre circonscription de Tulle. Alors on va évoquer la montée de F. Bayrou dans les sondages, les dangers que cela peut représenter pour S. Royal. Vous êtes l'invité de la "Question d'Info". Un petit mot d'abord, peut-être de réaction à ce qu'a annoncé N. Sarkozy : il veut créer un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, s'il est élu.
R- Eh bien d'abord, c'est un constat d'échec, parce qu'il est ministre de l'Intérieur depuis cinq ans, si je ne me trompe et il a fait voter deux lois sur l'immigration et là, maintenant dans la campagne présidentielle, tout à trac, il nous annonce une nouvelle loi, un nouveau ministère et pas n'importe quel ministère ! Et là, les mots ont un sens : ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale ! Mais de quoi s'agit-il ? S'il s'agit de contrôler les flux migratoires, le ministère de l'Intérieur, dans sa forme actuelle y suffit. S'il s'agit d'assurer l'intégration et il le faut, le ministère du Travail, qui est responsable de la population, y suffit. Mais là, "Immigration" et "Identité nationale", je crains vraiment que dans cette campagne, mais on avait déjà suffisamment de signes, N. Sarkozy soit dans un flirt poussé avec les thèses du Front national.
[Pause]
Q- F. Hollande, selon le Monsieur sondage du PS, G. Le Gall, cité par Le Monde, il y a désormais "un risque statistique réel" que S. Royal ne soit pas au deuxième tour de la présidentielle. C'est également votre avis ?
R- Que nous disent les sondages pour ce qu'on en connaît ? Ils nous disent que les Français n'ont pas fait leur choix, qu'il y a une grande indécision, un sur deux ne saurait pas encore ce qu'il va faire le 22 avril, premier tour. Et donc, il y a une incertitude dans le résultat. Alors face à un tel contexte, que faut-il faire, commenter ou agir ? Moi je considère qu'aujourd'hui il faut agir. Agir en étant clair sur les enjeux. Il y a un échec de la majorité sortante, chacun le reconnaît, y compris d'ailleurs le candidat sortant qui essaye de se différencier comme il peut, N. Sarkozy, de ce qui a été fait depuis cinq ans. Il y a donc une aspiration au changement. Quel est donc le choix ? Soit c'est la continuité, le non changement, c'est N. Sarkozy, soit c'est le faux changement, c'est F. Bayrou - moi je n'ai pas retenu des propositions vraiment différentes de F. Bayrou par rapport à ce qui a été fait depuis cinq ans. Et puis il y a la candidate du seul changement possible, c'est S. Royal, et donc, c'est autour du pacte présidentiel de S. Royal qu'il faut aujourd'hui mener campagne et convaincre.
Q- Alors vous oubliez tout de même dans votre exégèse des sondages, un élément important, il y a aussi la montée de F. Bayrou, qui grignote progressivement l'avance qu'avait S. Royal. Qu'est-ce qu'elle doit faire aujourd'hui pour contrer F. Bayrou ?
R- Il faut d'abord être soi-même et sur ses propositions. Je crois qu'aujourd'hui le pays aspire, je l'ai dit à un choix, à un vrai choix, ce n'est pas simplement un choix de personne. Bien sûr qu'il faut un président, une présidente de la République, mais il faut que cet homme, cette femme - je souhaite que cela soit une femme, S. Royal - soit porteuse d'un changement concret pour nos concitoyens, d'une vision de la France. Quelle est notre vision, nous, la gauche ? C'est qu'il puisse y avoir une France qui soit à la fois plus forte, avec plus de croissance, plus de cohésion, plus de préparation de l'avenir, éducation, recherche et qui soit plus juste et qui puisse donner et plus de travail et plus de solidarité et plus de pouvoir d'achat. En fonction de cette conception de la France, elle présente un pacte présidentiel avec des propositions très concrètes. Eh bien c'est là que le débat doit se nouer. Alors en face, il y a toujours eu à droite ou au centre droit, des hommes qui ont essayé de jouer de certaines différences. Rappelez-vous, J. Chirac va quitter le pouvoir, j'ai compris, dans quelques semaines, il ne va pas être candidat à sa succession...
Q- Il devrait l'annoncer dimanche soir.
R- ...Mais rappelez-vous, 1995 - cela peut paraître loin pour certains de nos auditeurs - en 1995, un candidat, de droite disait : moi je suis différent d'E. Balladur, qui était le candidat sortant, je porte la fracture sociale, je veux réquisitionner des logements, je ne suis pas insensible aux thèses que professe la gauche, je vais essayer de faire un gouvernement de large rassemblement... On a vu. J. Chirac, sur cette supercherie, sur cette mystification, a réussi à être élu avec quelles conséquences ! D'ailleurs deux ans plus tard, il y avait la dissolution. Donc je veux dire aux électeurs : faites votre choix en connaissance de cause, regardez les projets, faites en sorte que notre pays sorte plus fort de la consultation qui sera celle du 22 avril - car tout se jouera au premier tour.
Q- F. Hollande, s'il est élu, F. Bayrou a exprimé sa volonté de nommer un Premier ministre de gauche. Est-ce que vous pourriez vous entendre avec lui ?
R- Mais écoutez, on ne peut pas s'entendre, non pas avec les personnes - les personnes sont toujours respectables dans le champ démocratique - mais on ne peut pas s'entendre sur des politiques qui sont contraires à celles que nous...
Q- Il n'y aura jamais d'alliance entre l'UDF et le Parti socialiste ?
R- Ecoutez, jusqu'à présent, regardez...
Q- Dans l'avenir, dans l'avenir ?
R- Oui, mais c'est important le présent, parce que cela éclaire l'avenir. L'UDF est dans toutes les assemblées locales et bien sûr à l'Assemblé nationale en solidarité avec l'UMP. Je ne connais pas une ville, un département, une région où l'UDF aurait changé d'alliance et serait venu conforter des majorités de gauche - ou à l'inverse aurait appelé lorsqu'elle est en responsabilité dans des départements ou dans des villes, la gauche à venir travailler avec elle. L'UDF et l'UMP font liste commune à toutes les élections. Encore récemment, il y avait une élection municipale partielle à Bordeaux, Monsieur Juppé se représentait, eh bien l'UDF, Monsieur Bayrou est venu aux renforts de Monsieur Juppé. Et cela sera d'ailleurs la même chose pour l'avenir, les électeurs de l'UDF eux peuvent être différents, mais les élus de l'UDF aujourd'hui sont en lien avec la droite. Il appelait même le "bercail de la droite" F. Bayrou en disant qu'il ne voulait pas forcément y retourner. Mais son bercail, sa famille c'est la droite. Je ne veux pas dire là que c'est insultant, on a le droit d'avoir ses opinions, on a le droit d'avoir ses engagements, on a le droit d'avoir ses valeurs. F. Bayrou et N. Sarkozy, ils étaient ensemble au soutien d'E. Balladur en 1995. Ensemble. Donc on a le droit d'avoir ce parcours, cette histoire, mais ce qu'on n'a pas le droit de dire, c'est qu'on pourrait faire différemment demain de ce qu'on a fait hier ou aujourd'hui.