Texte intégral
Estelle DENIS
Ségolène Royal, bonjour.
Ségolène Royal
Bonjour.
Estelle DENIS
Merci d'avoir accepté notre invitation.
Ségolène Royal
Merci de m'avoir invitée.
Estelle DENIS
Nous sommes à 42 jours du premier tour de l'élection présidentielle et selon un sondage paru ce matin, dans le Journal du Dimanche, vous êtes désormais à égalité avec François Bayrou. 23 % d'intentions de vote tous les deux, 28 % pour Nicolas Sarkozy, est-ce que ça vous inquiète ?
Ségolène Royal
Ca me pose des questions, bien évidemment. Nous sommes dans une phase, dans une étape de cette élection présidentielle. Comme vous l'avez dit, il reste quand même un long moment dans cette campagne et moi, j'ai la responsabilité de conduire la Gauche au premier tour de cette élection, pour qu'elle soit présente au second tour, pour que le 22 avril ne ressemble pas au 21 avril. Et donc, je respecte cette phase transitoire. Bon, il y a ce sondage, il y en a d'autres qui disent quelque chose d'un peu différent. Il y a encore un français sur deux qui ne sait pas encore ce qu'il va voter. Il y a encore un électorat volatile et je considère que les français sont en attente, qu'ils sont exigeants, qu'ils se sont faits souvent avoir au cours des élections et ils ont le sentiment que cette fois-ci, ils ne veulent plus se faire avoir. Et donc, ils veulent comprendre quels sont les projets en présence. Ma respon...
Estelle Denis
Et, et comment ?
Ségolène Royal
Je me sens responsable, profondément responsable au sens où dans cette phase qui s'ouvre, je dois encore mieux expliquer le pacte présidentiel, affirmer les valeurs sur lesquelles il s'appuie et surtout incarner ce changement et ce désir d'avenir et faire comprendre qu'il y a le choix entre la continuité de ce qui vient de se passer pendant 5 années et la réalité d'un profond changement dont la France a besoin pour répondre aux crises auxquelles, elle est confrontée. Et je me sens à la fois capable, apte et responsable, non seulement à incarner mais à réaliser ce changement.
Estelle Denis
Et est-ce que vous envisagez, à un seul instant, de ne pas être présente au second tour de l'élection présidentielle, comme Lionel Jospin en 2002 ?
Ségolène Royal
Non. Je ne l'imagine pas et, en tout cas, le combat, qui est là devant moi, je vais le conduire avec une très forte détermination parce que je ne veux pas que les français soient privés de ce débat fondamental. C'est un débat fondateur pour la République Française qui va décider de ce qui va se passer pendant les 5 années à venir et bien au-delà. Je crois que ce qui se joue, c'est l'avenir de toute une génération. Compte tenu de la crise sociale, de la crise économique, crise morale, crise démocratique, crise environnementale auxquelles la Droite n'a pas su répondre et donc il faut d'autres réponses, un autre regard, de l'imagination, de l'énergie, de l'audace. Et je crois que c'est tout cela que les Français attendent.
Estelle Denis
Alors on parlera de votre programme dans la deuxième partie de l'émission mais vous connaissez le principe de " 5 ans avec " Ségolène Royal. Dans la première partie de l'émission, on va parler de vous, de vos passions, de vos centres d'intérêts. On va essayer de savoir qui vous êtes. Est-ce que vous aimez parler de vous ?
Ségolène Royal
Je suis assez pudique, assez discrète parce que je crois que, devant l'échéance présidentielle, les Français attendent autre chose que de parler de soi-même. Je ne l'incarne pas moi-même, je veux incarner demain, le changement qui, que la France attend et donc, je dois faire abstraction de ma propre personne, de ma propre histoire pour porter celle des Français. Donc c'est tout à fait différent. Et c'est vrai que c'est toujours un peu gênant d'avoir le sentiment de s'exhiber ou de se mettre en avant. Et en même temps, je comprends aussi que les Français aient envie de transparence et de comprendre quelle est la personnalité de celle qui sollicite leur confiance.
Estelle Denis
Enfin sans exhibition, on va quand même parler de vous, Ségolène Royal et c'est Anne-Elisabeth Lemoine qui va nous rejoindre pour brosser votre portrait. Bonjour Anne-Elisabeth.
Anne-Elisabeth Lemoine
Bonjour.
Ségolène Royal
Bonjour.
Anne-Elisabeth Lemoine
Bonjour. Alors ce qu'il y a d'étonnant Madame, c'est qu'une Ségolène ROYAL peut toujours en cacher une autre. Alors pile, vous êtes douce, face, vous êtes autoritaire. Alors de quoi déconcerter ceux qui ont tendance à oublier que forcément, sur une rose, il y a des épines qui vont avec. Alors, ce qui séduit les Français, c'est plutôt vos pétales. On vous voit toujours souriante, élégante avec des allures de princesses. C'est la Lady Di qu'on n'a jamais eu en France. D'ailleurs, dans la presse, on vous consacre toujours reine de quelque chose. Alors dans le pire des cas, vous êtes reine du Chabichoux, le fromage de votre région et dans le meilleur, vous coiffez au poteau toutes les reines de beauté, élues cet été par un magazine masculin, la sixième femme la plus sexy du monde devant Monica Bellucci et Paméla Anderson. Alors que de chemin parcouru depuis votre entrée à l'Assemblée Nationale en 1988, au bras de votre prince Charles à vous, François Hollande. Vous étiez comme deux jeunes écoliers inséparables.
Journaliste, Rediffusion
Dans l'hémicycle, est-ce que vous allez vous asseoir à côté de votre compagnon qui est député de la Corrèze ?
Ségolène Royal, Rediffusion (INA)
Oui. Oui, vous savez que pour la première séance, nous siégeons par ordre alphabétique, tous groupes confondus, tous partis politiques confondus et qu'ensuite, bon il y a une certaine souplesse dans l'affectation des places et oui nous pensons nous mettre ensemble, de même que nous avons choisi des bureaux face à face.
Anne-Elisabeth Lemoine
Alors, à l'époque, votre style vestimentaire, c'était plutôt jupe plissée, coiffure sévère et deux gros hublots en guise de lunettes. Alors qu'aujourd'hui, comme Diana en son temps, vous êtes une icône de mode. Alors, dans la presse féminine, on parle moins de vos discours que de votre dernière apparition en petit spencer surpiqué blanc. Alors le blanc, c'est votre couleur fétiche, qui vous donne des airs de madone au grand coeur, capable d'élans maternels et de compassion devant les caméras. Lady Di nous y avait habitué, vous c'était au beau milieu d'une émission politique, une image qui a marqué la campagne.
Bernard, Intervenant rediffusion
La normalité c'est le handicap
Ségolène Royal, Rediffusion
Oh, ne pleurez pas.
Patrick Poivre d'Arvor
Bernard, pour vous aidez un petit peu.
Ségolène Royal, Rediffusion
Non, non. Ca va aller ?
Bernard, Intervenant rediffusion
Non. Donc la normalité, c'est le handicap.
Ségolène Royal, Rediffusion
Oui
Bernard, Intervenant rediffusion
Et si on arrive à faire en sorte que ben, je dirais l'accessibilité est un..., soit accordée aux personnes handicapées, tout le monde pourra en profiter.
Anne-Elisabeth Lemoine
Alors vous êtes capable d'émouvoir, mais vous êtes aussi capable de faire trembler. Vos petits tailleurs blancs dissimulent une personnalité beaucoup moins angélique qu'il n'y paraît. Et si par hasard le diable s'habillait parfois en Polka, votre couturier fétiche ? Jusqu'à votre entourage, on vous surnomme parfois, Calamity Jane, la Diane chasseresse, la Dame de Fer, du genre à taper sur les doigts des journalistes.
Journaliste, rediffusion
La machine à perdre aussi, on aimerait bien vous entendre.
Ségolène Royal, Rediffusion
... Oui, une seconde. Vous... Une seconde. On se respecte. La République du respect ça vaut pour tout le monde, d'accord ?
Journaliste, rediffusion
On vous respecte Madame.
Ségolène Royal, Rediffusion
D'accord. Alors attendez, non vous me coupez la parole.
Journaliste, rediffusion
On a besoin de travailler.
Ségolène Royal, Rediffusion
Vous me coupez la parole donc vous ne me respectez pas et vous ne respectez pas vos collègues à qui je suis en train de parler, d'accord ? Donc, vous attendez une seconde que j'ai...
Journaliste, rediffusion
Non, on vous écoute.
Ségolène Royal, Rediffusion
Voilà.
Anne-Elisabeth Lemoine
Alors ce visage autoritaire, il s'exprime aussi dans vos combats contre la violence à la télévision, contre les mannequins un peu trop dévêtues, contre les strings qui dépassent des pantalons. De quoi faire de vous une mère " la pudeur ", une Christine Boutin de Gauche. Alors à ces critiques, vous répondez que c'est vous qui avez instauré la pilule du lendemain dans les écoles. Il n'empêche que votre personnalité est complexe. Vous avez du vous imposer dans un monde d'hommes et depuis, vous avez eu raison du machisme politique. A votre tableau de chasse, on trouve déjà Laurent Fabius et Dominique Strauss Kahn pulvérisés à l'issue des primaires au sein du PS. Reste une question, est-ce qu'il vous reste encore, Madame Royal, assez d'épines à planter dans le pied de vos derniers adversaires ?
Estelle Denis
Ségolène Royal, est-ce que c'est un atout ou un inconvénient d'être une femme dans cette élection présidentielle ?
Ségolène Royal
C'est difficile à dire. Je pense que c'est une difficulté supplémentaire au sens où aucune erreur n'est pardonnée et en même temps, c'est un atout peut-être, parce que ça incarne aussi une révolution profonde. C'est vrai que si je suis élue, je serais la première femme en Europe à être élue aux suffrages universels directs et donc c'est un saut dans le siècle qui vient. C'est une image quand même extraordinaire d'audace pour la France et de ce point de vue, je crois que c'est un atout.
Estelle Denis
Alors vous dites quand même qu'aucune erreur ne vous a été pardonnée. C'est vrai que les médias vous ont, à un moment beaucoup tournée en dérision. On vous a caricaturée en Bécassine. Est-ce que vous en avez souffert ? Est-ce que vous aviez peur d'ouvrir les journaux le matin par exemple ?
Ségolène Royal
Non, parce que j'ai beaucoup de distance par rapport à ces attaques. Je savais qu'elles viendraient. Je pense qu'elles ne sont pas terminées. Je crois que ce qui me protège, c'est de prendre conscience que cela fait partie de la longue marche des femmes, depuis plusieurs siècles. Et donc, s'il y a des obstacles plus durs que pour un homme, je me dis que je dois absolument réussir à surmonter ces obstacles, sinon, d'une certaine façon, c'est toutes les femmes qui en pâtiraient.
Estelle Denis
Et cependant, est-ce que c'est plus dur que ce que vous aviez imaginé au départ ?
Ségolène Royal
Oui.
Estelle Denis
Vous en aviez fait des campagnes ?
Ségolène Royal
Oui, c'est beaucoup plus dur. D'abord la campagne interne a été très difficile. C'était une épreuve terrible. J'en suis sortie dans les conditions que vous connaissez. Les militants socialistes m'ont fait confiance poussés par l'opinion publique. Aujourd'hui aussi, je me sens poussée par l'opinion publique et en même temps très attentivement observée dans cette phase. C'est-à-dire que le doute qui a été installé sur ma compétence, sur ma légitimité, ce qui n'aurait jamais été le cas pour un homme bénéficiant de la même expérience, et ministérielle et politique, que celle que je peux avoir et celle que j'aie, y compris le bilan de mes travaux dans toutes les fonctions que j'ai exercées, y compris aujourd'hui, à la tête de la région Poitou-Charentes ou dans les différents ministères que j'ai occupés auprès de François Mitterand pendant 7 années. Un homme aurait eu ce cursus, il ne se verrait jamais mettre en cause sa compétence. Et donc, comme me le confiait récemment Angela Merkel, où elle aussi s'est mise en cause ou Michelle Bachelet au Chili ou des femmes cadres.
Estelle Denis
Enfin, elles ont réussi toutes les deux.
Ségolène Royal
Elles ont réussi mais l'ont les femmes aussi dans les entreprises, avec le fameux plafond de verre, c'est-à-dire qu'à un certain niveau de responsabilités, on les arrête, on les stoppe, comme si, il y avait une incohérence ou une... quelque chose d'impossible entre la nature dite " féminine " et l'exercice de l'autorité et du pouvoir. Et c'est pour ce que je veux aussi gagner ce combat-là parce que je pense que les inégalités homme/femme, sont au coeur de la totalité des autres inégalités et qui si on résout celle-là, c'est-à-dire que si on démontre, une bonne fois pour toute, que les femmes ont la capacité d'exercer les mêmes responsabilités que les hommes, à ce moment-là, c'est le pays tout entier qui s'en trouvera bénéficiaire et qui pourra franchir un pas en allant de l'avant. Parce qu'il y a beaucoup de compétences de femmes qui sont, qui sont sacrifiées, qui sont gaspillées et je crois que le pays en a besoin. Il a besoin de toutes ces énergies féminines qui peuvent se déployer à l'échelle nationale.
Estelle Denis
Alors, on va revenir sur votre parcours, Ségolène Royal et on va s'intéresser à vos débuts. On va s'intéresser à votre enfance, une enfance de globe trotteur au sein d'une famille très très nombreuse. C'est un sujet de Laurent Bailly.
Laurent Bailly
Marie-Ségolène, c'est son vrai prénom. Ses parents, Jacques et Hélène ont eu 8 enfants, tous portent un prénom composé avec Marie. Marie-Ségolène donc, est la quatrième. Née en 1953, à Dakar, où est affecté son père, un militaire, Jacques Royal, lui-même fils de Général et cinéaste amateur à ses heures. On lui doit ces images d'intimité familiale. Après Dakar, direction Fort-de-France où est nommé le Colonel Royal. La famille restera 3 ans en Martinique. Studieuse, dit-on, Ségolène est même la première de sa classe, ici, au pensionnat Saint-Joseph de Cluny. Changement de climat, retour en métropole à Chamagnes, un village des Vosges. Pour Ségolène, éducation à la dure et scolarité exemplaire. Son père, autoritaire, conservateur et catholique convaincu, estime que la place des femmes est à la maison, la sienne finira par le quitter. Mai 1968, la jeunesse est dans la rue, Ségolène, elle, est lycéenne à Notre-Dame-d'Epinal. Les cours de maths commencent par une prière, mais ça n'empêche pas les bouffées de liberté, comme ici au Mont-Saint-Michel. Dans trois mois, c'est le bac, Ségolène ROYAL a déjà la tête à Sciences Po et à Paris.
Estelle Denis
Ségolène Royal, ça vous fait quoi de revoir ces images ?
Anne-Elisabeth Lemoine
On vous sentait assez émue pendant le reportage ?
Ségolène Royal
C'est touchant. Oui, oui. C'est toujours émouvant de voir ces images d'enfance. C'est toujours des moments de bonheur, la tendre enfance. C'est vrai et en même temps ça me rappelle que...
Estelle Denis
Toujours ?
Ségolène Royal
Oui, j'ai voulu refuser et échapper à un destin qui était tout tracé d'avance et que ma vie est une suite de combats.
Estelle Denis
C'était quoi votre destin tracé d'avance ?
Ségolène Royal
Le destin tracé d'avance, c'était pas d'études supérieures, se marier tout de suite, avoir des enfants et rester à la maison pour s'occuper des taches ménagères. Mais ce n'est pas non plus dégradant. Je crois que les femmes qui font ce choix-là aussi, peuvent être parfaitement heureuses. Et en même temps, ce n'était pas mon destin. Moi, j'ai toujours vu les femmes dépendantes, y compris financièrement, j'ai vu ma mère recompter les courses tous les jours, n'avoir pas un minimum d'argent à elle pour faire ce qu'elle en voulait. Je me suis dit très tôt que j'échapperais à ce lien de dépendance et d'assujettissement et j'ai compris très tôt que c'était par l'école que j'arriverais à m'émanciper. Et ça, c'est une chance d'avoir des obstacles à franchir, des libertés à conquérir, des choix à faire et des volontés à assumer.
Estelle Denis
Quand vous étiez à l'école, vous vouliez faire quel métier ? Vous marquiez quoi sur votre fiche ?
Ségolène Royal
Euh... Je... Enseignante sans doute, enseignante, architecte. Je ne savais pas très bien en fait au départ. C'est petit à petit que je me suis, en découvrant un itinéraire dont j'ignorais tout. Vous savez, quand j'ai passé le baccalauréat, j'ignorais même que les grandes écoles existaient. Et donc, c'est ma soeur, qui était secrétaire au rectorat, qui un jour m'a rapporté un dépliant sur l'Institut d'Etudes Politiques. Donc ça me paraissait quelque chose de totalement inatteignable.
Anne-Elisabeth Lemoine
Oui.
Ségolène Royal
Pour moi, qui venait donc de mon village des Vosges, comme on vient de le voir, au Collège au Chef-lieu de canton, ensuite l'Université à Nancy avec ma bourse et j'ai découvert cela. Et le hasard a fait qu'à Nancy, il y avait une école, deux années préparatoires pour Sciences Po Paris. Je m'y suis inscrite, en trouvant un dépliant, et à Sciences Po, j'ai appris que l'ENA existait. Donc j'ai travaillé et puis petit à petit, je me suis insérée dans un cursus, qui au départ, n'était certainement pas fait pour moi.
Estelle Denis
Alors Ségolène Royal, c'est vrai qu'on vous connaît assez peu. Vous l'avez dit tout à l'heure, vous n'êtes pas du genre à trop vous épancher. Mais qu'est-ce que vous aimez dans la vie ?
Ségolène Royal
J'aime le bonheur, comme vous.
Anne-Elisabeth Lemoine
Mais qu'est-ce que vous aimez comme musique, comme chanteur, vous écoutez quoi ? Vous écoutez quoi en ce moment par exemple ?
Ségolène Royal
J'aime le bonheur, je, je... Moi je suis très curieuse de... J'ai regardé un peu ce qui avait fait le succès hier des Victoires de la musique, par exemple. C'est très varié entre Grand corps malade, Benabar, Olivia Ruiz, c'est le reflet de notre époque.
Estelle Denis
Oui, donc c'est des goûts très " djeunes " quand même ?
Ségolène Royal
C'est... Oui, parce que j'ai des enfants de cet âge, donc ils m'éduquent.
Estelle Denis
Oui.
Ségolène Royal
Vous savez, les générations s'éduquent les unes, les autres.
Estelle Denis
Et vous, vous les éduquez comment ? Vous leur transmettez quels goûts ?
Ségolène Royal
Moi, je leur transmets le goût de la curiosité intellectuelle, de la découverte. Le goût de la découverte et le goût du respect des autres et du respect de la différence.
Estelle Denis
Donc pour en savoir un peu plus sur vous, Ségolène Royal, on va passer à notre rubrique photos, ça s'appelle l'album Paris Match. Alors en fait, nous sommes allés fouiller dans les archives de Paris Match et on a sélectionné plusieurs photos de vous Ségolène Royal. On va commencer avec une photo de classe. Nous sommes en 1980, vous avez 27 ans, vous êtes élèves de l'ENA, la promo Voltaire. Dans cette promo, on retrouve François Hollande qui est à côté de vous, actuel Premier secrétaire du Parti Socialiste. On retrouve également Dominique De Villepin, actuel Premier ministre et finalement, Ségolène Royal, la star de cette promo, bah c'est vous. Est-ce que vous imaginiez pareil destin ?
Ségolène Royal
Non, absolument pas. Absolument pas.
Estelle Denis
Pourquoi ? Parce que vous n'étiez pas dans les meilleurs élèves de la promotion, déjà ?
Ségolène Royal
Je n'étais pas, d'abord, issue d'une famille de hauts fonctionnaires ou politiques. Je n'étais pas parmi les meilleurs élèves de la promotion, compte tenu de mon origine familiale. Je n'avais pas tous les codes sociaux forcément pour, pour réussir la sortie de cette école. Je me suis quand même pas mal débrouillée finalement. Et puis, il s'est trouvé qu'à la sortie de cette école, c'était 1980, et donc j'ai été embarquée par François Hollande dans l'équipe de Jacques Attali, et puis là, j'ai fait mon trou. Voilà. J'ai...
Estelle Denis
Vous avez travaillé avec François Mitterand.
Ségolène Royal
J'ai montré de quoi j'étais capable sans complexe et puis j'ai franchi les étapes.
Estelle Denis
Alors François Mitterrand, on va y revenir mais je voudrais savoir comment vous vous entendiez avec Dominique De Villepin, puisque vous aviez des rapports ?
Ségolène Royal
Je ne le connaissais pas.
Anne-Elisabeth Lemoine
Vous ne le trouviez pas beau gosse ? Ce n'était pas le beau gosse de la promo déjà ?
Ségolène Royal
Je ne m'en souviens pas, déjà. Vous savez, les cercles étaient très identifiés à l'ENA. Moi, je venais de ma province, je ne connaissais pas grand monde. Ce n'était pas mon monde l'ENA et en même temps, je n'y ai jamais nourri aucun complexe. Et donc, il y avait des cercles qui n'étaient pas les miens, d'élèves issus des grandes familles, qui s'entraînaient entre eux. Je ne faisais pas partie de ce milieu. Et en même temps, je respe...
Estelle Denis
Et vous, vous rêviez à quoi, à ce moment-là ?
Ségolène Royal
J'étais insouciante, j'étais amoureuse. J'étais euh...J'étais bien d'être là. J'étais déjà surprise d'être arrivée jusque-là.
Anne-Elisabeth Lemoine
Pas ambitieuse déjà ?
Ségolène Royal
Je m'occupais de mes frères et soeurs encore. Et voilà, c'était des années de bonheur.
Estelle Denis
Alors on va voir une deuxième photo, Ségolène Royal, une photo qui avait fait beaucoup parler d'elle. Nous sommes en juillet 1992, vous venez d'accoucher de votre petite fille, Flora hein ! C'est votre quatrième enfant et vous acceptez, dès le lendemain, d'être prise en photo à la maternité. Est-ce que, si c'était à refaire, vous le referiez ?
Ségolène Royal
Oui parce que je ne vois pas pourquoi il y a eu cette polémique. Je suis très fière d'avoir 4 enfants, d'avoir pu mener de front la vie familiale et ma vie professionnelle. Peut-être que j'ai eu cette chance, parce que j'étais, moi-même, issue d'une famille de 8 enfants. Donc j'ai une robustesse physique que j'ai reçue de ma mère sans doute. Je n'ai jamais été débordée par les taches. Et puis je considérais, compte tenu de mon engagement professionnel et du temps que ça prenait, que faire une famille nombreuse, ça protégeait mes enfants parce que, du coup, ils étaient plus nombreux que les parents et donc, pour eux, c'est une..., c'est une école de solidarité. Et donc, c'était pour eux aussi que j'avais fait ça.
Estelle Denis
Et c'était aussi un signe fort pour les femmes de montrer qu'on pouvait travailler et avoir des enfants ?
Ségolène Royal
Je crois. Je crois qu'on sortait d'une époque où les femmes qui avaient des responsabilités cachaient leur maternité, de peur de ne pas être prises au sérieux. D'ailleurs, j'ai reçu beaucoup de réflexions à ce moment-là. Et c'était aussi pour moi, une forme de combat, d'assumer cette maternité, de revendiquer, parce que j'étais ministre de l'Environnement à l'époque. Donc, ce n'était pas évident non plus. Je ne me suis pas arrêtée de travailler, donc ça m'a même été reproché à une époque. On disait, mais quand même, le congé de maternité, etc... Mais je l'ai pris à ma façon le congé de maternité, au sens où le travail pour moi aussi, c'était un plaisir. Et puis moi, j'avais la chance de pouvoir m'organiser, ce qui n'est pas le cas de toutes les femmes, donc j'étais aussi consciente, consciente de cela. Et je ne vois pas pourquoi je peux... Et aujourd'hui, d'ailleurs, ça m'a beaucoup mobilisé aussi dans l'action politique puisque quand j'étais après ministre de la Famille, je n'ai eu de cesse que de mettre en place des actions pour que les femmes concilient leur vie familiale et leur vie professionnelle.
Estelle Denis
Vie professionnelle.
Ségolène Royal
A égalité avec les hommes, à parité même avec les hommes. Donc je crois aussi que c'est toute une mutation de la famille. J'ai créé comme ça le congé de paternité et, aujourd'hui, dans mon pacte présidentiel, je réaliserais le service public de la petite enfance, pour que les femmes puissent à la fois s'occuper de leurs enfants, les pères aussi, ne pas être privés de ce bonheur de la tendre enfance et en même temps, avoir des structures d'accueil de qualité, qui leurs permettent aussi de les sécuriser lorsqu'elles sont au travail.
Estelle Denis
Mais comment est-ce que vous avez fait, vous, concrètement, pour jongler justement entre votre vie familiale, parce que vous avez 4 enfants, on va voir une photo ? Vous avez Thomas, qui a 23 ans, Clémence qui a 22 ans, Julien qui a 20 ans et Flora qui a 15 ans. Comment on fait quand on a 4 enfants pour réussir à jongler entre sa vie professionnelle et sa vie familiale, parce qu'en plus, vous étiez Députée des Deux-Sèvres, depuis 2004, vous êtes aussi Présidente de la région Poitou, Poitou-Charentes ? Donc vous n'étiez pas toujours là, à la maison ?
Ségolène Royal
Oui, je comprends d'ailleurs que ça... que ça puisse intriguer. Bon d'abord, il y a un juste partage des taches avec leur père François. Ensuite, j'ai la chance d'être aidée, j'ai les moyens de payer une salariée à domicile. Ca c'est un atout. Et puis, les grands-parents donnaient beaucoup de soutien, de coups de main, les par.... Voilà, donc ça s'organise, je crois par des solidarités de proximité mais aussi, souvent, par une mauvaise conscience qu'on essaye de surmonter parce qu'à force, on se dit, on est avec eux. Il faut être à plein temps avec eux, on est au travail, on est à plein temps au travail. Et il y a tellement de femmes qui sont déchirées entre les deux, c'est-à-dire, au travail, elles pensent à leurs enfants ou avec leurs enfants...
Estelle Denis
Et avec leurs enfants, à leur travail.
Ségolène Royal
A leur travail. Et ça, je dis aux femmes que moi je ferais en sorte, qu'elles soient sécurisées quand elles sont avec leurs enfants et quand elles sont au travail. Et c'est vrai que celles qui sont privées de modes de garde de qualité ou lorsque les enfants sont seuls à la maison, les enfants avec la clé autour du cou qui rentrent tous seuls à la sortie de l'école pendant que leurs mères est au travail. Ca, je comprends que ça soit terrible pour les mères et ça, je ne veux pas de ça. Je veux que les enfants soient encadrés et ne soient jamais seuls lorsqu'ils sortent de l'école. C'est l'objectif de mon soutien scolaire gratuit, pour les enfants, pour qu'il y ait des étudiants qui, en contre partie, c'est-à-dire du donnant donnant, en contre partie des allocations ou des bourses que recevront les étudiants, ils seront obligés de faire du soutien scolaire gratuit et de prendre les plus jeunes en tutorat et notamment, ceux dont les parents n'ont pas les moyens de payer quelqu'un qui, à domicile, empêche que les enfants soient seuls, donc se scotchent devant la télévision ou devant l'ordinateur et souffrent de cette solitude.
Estelle Denis
Et justement, vous êtes, vous êtes quelle mère, Ségolène Royal ? Vous êtes plutôt cool ou plutôt sévère ou... et il y a des temps pour la télévision ? Comment ça se passe ?
Ségolène Royal
Je suis euh..., je suis assez sévère et en même temps juste. Je crois que l'éducation c'est transmettre des valeurs, des principes, des limites et en même temps, c'est d'aimer beaucoup. Et je crois que quand on aime beaucoup et qu'on pense à le dire à ses enfants, ils sont armés pour la vie. Et il y a trop d'enfants qui n'entendent jamais dire qu'on les aime ou qu'on est fier d'eux ou qu'on a confiance en eux. Et je pense que c'est vrai au niveau de toute une nation, il faut dire à toutes les..., tous les jeunes de notre pays, c'est ça que je leur dirais, qu'on a besoin d'eux et que tous les enfants de France, sont légitimes, ont besoin d'être encouragés, d'être valorisés, de déployer leurs talents, leur énergie. Et aujourd'hui, je crois que si la France est un peu tirée vers le bas, en déprime, en déclin, c'est parce qu'il y a une grande partie de la jeunesse qui est sacrifiée et moi, je ne veux plus de cette France-là.
Estelle Denis
Alors on va voir une quatrième photo de vous, quatrième et dernière photo, Ségolène Royal. C'est une photo qui vous représente avec votre compagnon, François Hollande. Qu'est-ce qui vous a séduit chez lui ?
Ségolène Royal
Tout. Mais c'est très intime comme question.
Anne-Elisabeth Lemoine
Son humour ?
Ségolène Royal
Oui tout, son humour, son caractère, son intelligence, sa pétillance, voilà.
Estelle Denis
Et alors justement, on sait que François Hollande est l'actuel Premier secrétaire du Parti Socialiste. C'est vrai qu'il y a plusieurs mois, tout le monde se disait que ça serait légitime qu'il se présente à l'élection présidentielle. Finalement, il ne s'est pas présenté et c'est vous qui êtes candidate du Parti Socialiste ? Comment vous avez pris cette décision, parce que c'est une question qu'on se pose tous ?
Anne-Elisabeth Lemoine
Vous en avez discuté en famille ? Il y a un débat interne ?
Ségolène Royal
Non, ça s'est fait un peu comme ça, spontanément. Ca a fait irruption dans la vie politique. A un moment, j'ai un itinéraire politique, une question m'a été posée, j'ai dit pourquoi pas ? Et ensuite, effectivement, cette hypothèse est...
Estelle Denis
Oui, et il a dit quoi, lui, quand vous avez dit pourquoi pas ?
Ségolène Royal
Il a... Il a accepté ça.
Estelle Denis
Mais...
Ségolène Royal
On a observé ensemble ce qui se passait, le débat interne au sein du Parti Socialiste, l'évolution dans les opinions, voilà. Et jamais, il ne m'a empêchée de faire quoi que ce soit.
Estelle Denis
Vous n'avez jamais fait des sacrifices l'un pour l'autre ? Pour la politique ?
Ségolène Royal
On partage. Pour la politique, si parce qu'on fait attention aussi à l'économie de temps, pour garder du temps à nous, pour garder du temps à la famille. Si bien sûr. Je crois qu'une vie de famille, c'est une vie aussi de négociations, de compromis, bien sûr. Bien sûr, d'ailleurs c'est un principe de vie hein !
Anne-Elisabeth Lemoine
Mais vous avez eu le sentiment que lui, vous avez eu le sentiment que lui a sacrifié une ambition personnelle pour que vous puissiez être candidate à l'élection présidentielle ?
Ségolène Royal
Il ne le vit absolument pas comme ça. Non. Il ne le vit pas comme ça et heureusement d'ailleurs.
Estelle Denis
Donc, il le vit bien ?
Ségolène Royal
Il le vit bien. Il le vit bien, on verra la suite.
Estelle Denis
Alors justement, on va revenir sur vos débuts en politique, Ségolène Royal. A partir de quand vous vous êtes dit, eh bien justement que vous alliez vous présenter à l'élection présidentielle et que vous pourriez être Présidente de la République ?
Ségolène Royal
Eh bien ce n'est pas une décision, comme ça, qui est prise brutalement, du jour au lendemain, par rapport à un itinéraire personnel. C'est un moment où l'on comprend qu'il y a quelque chose qui se passe dans un itinéraire, presque historique et où, finalement, c'est assez exceptionnel comme situation ; qu'une femme puisse remplir les conditions d'expériences politiques, à un moment donné d'évolution et de maturité d'une société qui peut accepter que l'incarnation du Président de la République soit une femme. Je sais que c'est une révolution profonde, que c'est une mutation et qu'en même temps, c'est regardé aussi avec beaucoup d'intérêt par les autres pays, qui se demandent si la France aura cette audace. Et j'espère qu'elle l'aura parce que je pense que c'est un plus indépendamment de ma personnalité ou de ma personne. Je pense que c'est un plus parce qu'il est temps de voir les choses autrement, de penser la vie autrement, d'affirmer qu'il est possible de faire en so..., à la fois la solidarité sociale et l'efficacité économique, de remettre de l'ordre juste, de faire une société du gagnant gagnant et des compromis possibles. De bâtir la maison France où chacun se sent bien . Et je crois qu'un certain nombre de valeurs, dites féminines, je vois qu'on les..., certains les traitent avec commisération et moi je crois que ce ne sont pas des valeurs de commisération. Les questions d'éducation, de santé, de justice sociale, la préparation des problèmes de vieillissement, de retraites, c'est ce qui fait le ciment aujourd'hui d'une société et les principales interrogations des Français.
Estelle Denis
Alors ça, on en parlera en deuxième partie, de la politique, Ségolène Royal. Mais on va revenir quand même sur vos débuts en politique, c'était avec François Mitterand, c'était juste avant la victoire en 1981. Vous êtes ensuite devenue l'une de ses chargées de mission. C'est lui qui vous a permis d'être tête de liste dans les Deux-Sèvres aux législatives de 1988. Et il est venu, en 1992, on le voit sur ces images, à vos côtés, poser la première pierre du chantier de la rénovation du marais Poitevin, vous étiez plutôt proche. Qu'est-ce que vous avez appris de lui ?
Ségolène Royal
D'abord ça. Vous voyez, la volonté politique, la rénovation du marais Poitevin, un territoire qui était en perdition, qui perdait ses habitants, qui fermait ses écoles. Et je me suis battue pour que ce territoire ne soit pas traversé par une autoroute, ne soit pas détruit. Et François Mitterrand m'a appuyée dans cette démarche. Et ensuite, je me suis dit, il y a peut-être un autre modèle de développement à inventer pour cet espace rural exceptionnel ? Et j'ai réussi à faire en sorte de prouver qu'il y avait des croissances durables que l'on pouvait mettre en place, à partir des identités de territoires, des valeurs agricoles, des valeurs paysagères. Et donc, c'était prémonitoire, par rapport aux débats environnementaux d'aujourd'hui. Je crois que j'étais visionnaire à l'époque et François Mitterrand a partagé cette vision des choses, c'est-à-dire...
Estelle Denis
Et qu'est-ce qu'il aimait en vous, lui ?
Ségolène Royal
Il aimait justement cette alliance entre un attachement farouche aux identités rurales, dont je venais hein, à la terre, au paysage, à l'environnement et en même temps, la modernité. Donc, il se disait, c'est une nouvelle France qui se lève et il a toujours réussi à faire émerger une nouvelle génération, François Mitterrand. C'est ça qu'il faut retenir aussi. A chaque époque, il faut favoriser l'émergence d'une nouvelle génération.
Estelle Denis
Alors, on va écouter un homme qui était proche de vous, lorsque vous étiez ministre de l'Environnement. C'était l'un de vos proches collaborateurs. Il s'appelle Xavier Matharan et il y a 15 ans, ce qui l'avait marqué chez vous, c'est votre détermination hors du commun, écoutez.
Xavier Matharan, Membre du Cabinet de Ségolène Royal 1992-1993
C'est quelqu'un qui est en capacité du matin jusqu'au soir, de poursuivre une idée obsessionnelle, je veux ça et tant que, soit je l'ai obtenu, soit je suis certaine de ne pas l'avoir obtenu, je continue à me battre. Je n'ai vécu, si ce n'est, à un seul exemple, des instants de découragements, jamais.
Estelle Denis
Ségolène Royal, vous ne lâchez jamais rien ? Ca vous vient d'où cette détermination ?
Ségolène Royal
Oh, c'est un peu excessif quand même, je ne lâche jamais rien. Mais c'est vrai que j'ai appris que la volonté politique devait être conduite jusqu'au bout et qu'on pouvait déplacer des montagnes avec la volonté politique. Que rien n'était impossible dès lors que l'on était animé par des valeurs solides et que l'on voulait obtenir un certain nombre de changements profonds dans la façon de voir les choses, dans les injustices à combattre, dans les réformes à mettre en place. C'est vrai que j'ai beaucoup fait travailler mes équipes, ils doivent s'en souvenir.
Estelle Denis
Eh bien il s'en souvient et il se souvient également, Ségolène ROYAL, qu'il y a 15 ans, vous étiez très culottée, écoutez.
Xavier Matharan
C'est au-delà du culot. C'est quelqu'un qui, encore une fois, est habitée par sa propre vérité. C'est quelqu'un qui est capable de prendre une idée à quelqu'un d'autre, ça pouvait être à un autre ministre et de la faire sienne et de vous dire que c'est la sienne. Il y a une anecdote savoureuse hein, qui est qu'un des ministres avait eu comme idée de venir au Conseil des ministres en voiture électrique. Elle en entend parler par la société qui prêtait les voitures électriques, elle fait des pieds et des mains pour arriver d'abord avec cette voiture électrique en Conseil des ministres. C'est ça ! C'est elle ! Oui, c'est plus que du culot, c'est une certaine, moi je trouve, une certaine, j'allais dire, bravitude. C'est une certaine façon d'être dans l'existence tout de même.
Estelle Denis
Ca vous fait sourire Ségolène Royal.
Ségolène Royal
Oui, parce que l'anecdote est inexacte au sens où c'est vrai qu'étant ministre de l'Environnement et devant promouvoir la voiture électrique, j'avais imaginé de venir au Conseil des ministres en voiture électrique et ça m'a été interdit. Donc, en plus, ça ne s'est jamais fait.
Estelle Denis
Pourquoi ça vous a été interdit ?
Ségolène Royal
Parce que le Premier ministre de l'époque avait pensé que c'était gadget et que ça n'était pas digne pour un ministre de rouler en voiture électrique. Donc vous voyez, c'était avant les problèmes sur le réchauffement planétaire, parce que je crois qu'aujourd'hui et demain cas échéant, et j'espère qu'il arrivera, je développerais, bien sûr le véhicule propre. C'est absolument indispensable aujourd'hui.
Estelle Denis
Donc, si vous êtes Présidente de la République, vous roulerez en voiture électrique ou au véhicule propre ?
Ségolène Royal
Ah je pense que dans les déplacements urbains, la voiture propre est vraiment quelque chose qu'il faut réaliser. En plus ce sont des emplois à conquérir. Et il y a aujourd'hui une compétition internationale pour mettre au point le véhicule propre et je pense que l'industrie automobile française, si elle avait été beaucoup plus encouragée, y compris par des pratiques ministérielles. Là, nous parlons, nous sommes en 1992, vous imaginez si les investissements réclamés à l'époque avaient eu lieu, aujourd'hui, nous serions sans doute les premiers pays au monde à avoir développé les éco-industries. Et ça, c'est très dommage. Et je crois que diriger un pays, c'est être visionnaire par rapport aux mutations du monde, c'est-à-dire à ce qu'il va se passer dans 25 ou dans 50 ans.
Estelle Denis
Alors, Ségolène Royal, on a parlé de vos proches, on a parlé de François Hollande, de vos enfants, de Xavier Matharan, de François Mitterrand. On va maintenant s'intéresser à vos adversaires, car vous les savez, Ségolène Royal...
Ségolène Royal
Oui, il y en a beaucoup là...
Estelle Denis
Il y en a quelques-uns. Tout le monde n'apprécie pas forcément vous idées, ni votre façon de fonctionner. Vous avez parfois des manières et un caractère entiers qui dérangent. La preuve avec ce reportage de Laurent Bailly et Emmanuel Cohen.
Laurent Bailly
Juin 2004, Ségolène Royal présente son premier budget pour la région Poitou-Charentes. Elle vient d'en être élue Présidente en battant Elisabeth Morin, bras droit de Jean-Pierre Raffarin. Elisabeth Morin qui ne se prive pas de critiquer les débuts de la gestion Royal.
Elisabeth Morin, rediffusion
... Cassé. La maison Poitou-Charentes, vendue.
Laurent Bailly
Ce jour-là, elle lui reproche d'avoir vendu la maison Poitou-Charentes à Paris, vitrine régionale dit-elle, dans la capitale. Ségolène Royal feint l'indifférence. En réalité, elle affûte sa réponse.
Elisabeth Morin, rediffusion
Nous ne voterons pas ce budget 2005.
Ségolène Royal, rediffusion
Nous avons, voici, je peux vous présenter le ch??que 1 320 000 euros qui entrent donc dans les caisses de la région. Cette maison du Poitou-Charentes coûtait en plus 500 000 euros de fonctionnement par an. A votre place, je ne me serais pas risquée à ce type de question. Si vous voulez l'inventaire des dépenses et la liste des cocktails pour les élus de l'UMP et des jeunes de l'UMP qui se tenait à la maison Poitou-Charentes, nous pourrons également vous les communiquer, si le débat reste sur ce ton. Voilà, comme ça la prochaine fois, vous réfléchirez bien avant de mettre en cause les actions que nous mettons en place.
Elisabeth Morin, ancienne Présidente UMP de Poitou-Charentes
C'est une guerrière et je crois que c'est une femme qui est violente, qui aime la violence et qui aime l'affrontement.
Laurent Bailly
Proche-Orient, décembre 2006. Accueillie en Chef d'Etat par le Premier ministre Israélien, Ségolène Royal a rencontré juste avant, des députés libanais, dont un membre du Hezbollah. Critiquée par la Députée UMP, Françoise De Panafieu, Ségolène ROYAL la croise le lendemain dans un hall d'hôtel, ambiance.
Françoise De Panafieu, rediffusion
Bonjour. Ca va bien ?
Ségolène Royal, rediffusion
Je suis désolée, mais après vos propos, Madame, je ne vous salue pas !
Françoise De Panafieu,
En rien ma critique était d'ordre personnel, de sa vie privée ou personnel. C'était purement politique mais elle n'accepte pas les critiques, telles qu'elles soient et les critiques politiques, elle ne les accepte pas du tout. Donc à ce moment-là, elle, non seulement elle détourne son chemin mais en plus, elle refuse de vous serrer la main.
Laurent Bailly
Ségolène Royal, un style direct, qui parfois, tourne le dos, aux usages en vigueur dans le monde politique.
Estelle Denis
Ségolène Royal, est-ce qu'il faut savoir être dur pour faire de la politique ?
Ségolène Royal
Il faut surtout cesser d'être hypocrite. Je ne supporte pas les élus politiques qui se gobergent ou qui se tapent dans le dos, lorsqu'ils sont à l'abri des télévisions ou des regards des électeurs et puis, qui font semblant de débattre ou de s'opposer devant les caméras. Moi, je suis au clair avec les choses auxquelles je crois, il y a des mises en cause que je n'accepte pas et donc je dis non. Je les dénonce et je ne fais pas semblant de ne pas les écouter.
Estelle Denis
On peut se serrer la main quand même, même en politique, même avec des adversaires ?
Ségolène Royal
Oui sauf que quand on est en visite à l'étranger et qu'on apprend par le journal, un certain nombre de mises en cause pas justes, je ne fais pas ensuite semblant, parce qu'il y a une caméra et pour avoir l'air aimable de serrer la main. Non, moi je crois qu'il faut être, se comporter de la même façon, quand on est en public que quand on est en privé. Et d'ailleurs, les électeurs ne supportent plus l'hypocrisie de certains politiques. Quant à l'action à la tête de la région, c'est vrai...
Estelle Denis
Vous pensez à qui ?
Ségolène Royal
D'une façon générale, d'une façon générale. Ca les choque, lorsque soit disant, il y a des débats politiques de fond et puis d'un autre côté, il y a une espèce de complaisance, de fausse complicité, qui se fait. Non, le débat d'idées, il doit être clair et il doit être mis sur la table, devant l'opinion publique. Et quant aux critiques relatives à la région, je suis très fière d'avoir mis fin à toute une série de gaspillages, de cocktails, de grosses voitures, d'avoir vendu la maison du Poitou-Charentes qui servait des cocktails, en veux-tu en voilà, et qui finalement, n'avait aucune utilité. Et avec la vente de cette maison Poitou-Charentes, j'ai fait en sorte que tous les lycéens, que tous les apprentis aient désormais les livres gratuits, les ordinateurs gratuits, le matériel et les outils gratuits et plus des animateurs culturels dans l'ensemble des lycées. Voilà, ce que j'ai payé avec les économies sans augmenter les impôts de la région et en diminuant la dette, et j'en suis très fière.
Anne-Elisabeth Lemoine
Et en vous faisant des ennemis. Ca, vous n'avez pas peur qu'on vous déteste ?
Ségolène Royal
Mais moi, je ne déteste personne. Je ne déteste personne mais je marque mes oppositions d'actions et de valeurs. Je ne suis jamais dans le ressentiment.
Estelle Denis
Et est-ce que vous avez des amis en dehors de votre, de votre, de votre groupe politique quoi, en dehors du Parti Socialiste ?
Ségolène Royal
Non, on peut avoir des relations tout à fait cordiales, bien évidemment, avec des personnalités de l'opposition qui, qui se comportent correctement, qui ont une vérité de la parole, oui bien sûr. Ca ne pose aucun problème. Heureusement d'ailleurs qu'en démocratie, on peut encore dialoguer. Ca n'empêche pas d'avoir des divergences d'idées mais on peut se traiter correctement et avoir un débat cordial et courtois. C'est en tout cas comme ça que je conçois les relations avec l'opposition. Et d'ailleurs, je me suis engagée, si je suis élue, pour respecter l'opposition, que le Président de la Commission des Finances, ça n'est pas rien, sera un parlementaire de l'opposition parce que je crois que la République nouvelle que je veux créer, doit être une République où le Parlement est davantage en situation de contrôler le pouvoir exécutif, où l'opposition est davantage respectée. Parce que je crois que c'est dans cette dialectique entre la majorité et l'opposition, entre la Droite et la Gauche, que l'on peut progresser ensemble et même trouver des majorités d'idées sur des sujets qui correspondent à l'intérêt général.
Estelle Denis
Alors on parlera de vos idées dans quelques instants avec Bernard De La Villardière. On continuera à parler de vous avec, notamment, notre rubrique des questions indiscrètes. Et puis, on vous verra en campagne, Ségolène Royal, ça sera juste après la pub.
Ségolène Royal, redifusion
Alors dans cette campagne, il y aura des embûches mais nous nous relèverons, il y aura des pièges et nous les contournerons. J'ai de la résistance, de la force et du courage, parce que c'est vous qui me les donnez. Alors, je vous y invite, accomplissons ensemble notre devoir de victoire !
Estelle Denis
Retour sur le plateau de 5 ans avec, en compagnie de Ségolène Royal, la candidate à la présidentielle pour le Parti Socialiste. Alors Ségolène Royal, on va s'intéresser à votre campagne, maintenant. Ces derniers jours, on vous a suivie à plusieurs reprises en déplacement dans le Sud-Ouest, sur un marché à Auch et en meeting à Dijon. C'est un reportage d'Emmanuel Cohen.
Emmanuel Cohen
7 mars au Zénith de Dijon. En cette veille de la journée de la Femme, Ségolène Royal doit participer à une grande soirée organisée pour l'occasion par le Parti Socialiste. Plus de 7 000 personnes sont attendues. Quelques minutes avant d'entrer en scène, Ségolène Royal arrive dans sa loge. C'est le moment des derniers préparatifs, elle souhaite s'isoler des caméras.
Ségolène Royal
Non, vous ne me filmez pas pendant que Patrick me briffe, voilà. J'ai besoin de poigne.
Emmanuel Cohen
Pendant ce temps-là, son fils, Thomas Hollande, 22 ans, n'est pas loin. Responsable de la ségosphère, le site Web de Ségolène Royal, le jeune homme s'investit pleinement dans la campagne de sa mère et ne rate aucun meeting.
Journaliste
Vous êtes là ce soir comme à tous les meetings quoi en fait ?
Thomas Royal
En fait, je suis, comme dans tous les meetings, avec ségosphère, les militants de ségosphère de la région et en plus, particulièrement ce soir, je fais le service d'ordre aussi. Donc voilà parce que c'était un pari que j'avais fait avec le chef du service d'ordre.
Journaliste
Ah, donc c'est juste pour s'amuser en fait ?
Thomas Royal
Voilà, c'est juste pour s'amuser sur le concept mais maintenant ce n'est plus amusant du tout, c'est sérieux.
Emmanuel Cohen
C'est l'heure du discours de la candidate, elle se prépare à entrer en scène. Dans les coulisses, elle semble très sereine. Comment vous vous sentez ?
Ségolène Royal
Bien.
Emmanuel Cohen
Pas trop le trac ?
Ségolène Royal
Non, le trac, c'est avant, pas quand on rentre sur le ring, dans l'arène ou sur le ring.
Intervenant
Il y a tellement de monde dehors, c'est formidable.
Ségolène Royal
Ah oui, c'est formidable hein ! Il y a combien de personnes en tout ?
Intervenant
4 000 dehors plus 7 000 à l'intérieur, 12 000 personnes, on n'a jamais vu ça à Dijon. Depuis François Mitterand.
Ségolène Royal
Ah oui.
Emmanuel Cohen
Plusieurs personnalités se sont succédées sur scène, en première partie. Maintenant, c'est Ségolène Royal la vedette. Le public scande son prénom. Vous êtes attendue là, non ?
Ségolène Royal
Oui.
Emmanuel Cohen
Ségolène Royal entre sous les acclamations. En cette journée de la Femme, elle axe tout son discours sur sa différence par rapport aux autres candidats.
Ségolène Royal
Chers Amis, je ne vous demande pas de voter pour moi parce que je suis une femme, mais je suis une femme et avec moi, le changement, le vrai changement politique, il est là. Et avec moi, la politique ne sera plus jamais comme avant.
Emmanuel Cohen
La salle est sous le charme. Le meeting prend fin, Thomas Hollande se prépare à accueillir les militants à la sortie.
Journaliste
Ca vous fait quand même quelque chose quand vous la voyez sur scène ?
Thomas Royal
Oui, ça me fait quelque chose, ça me fait quelque chose. Mais je pense, je voudrais pas dire, mais je pense que ça me fait quelque chose comme à n'importe quel, aux autres militants qui sont vraiment engagés. Je pense qu'on est ému par rapport au fond du discours, qu'on est, qu'elle nous donne à la fois de l'enthousiasme aussi bien qu'elle nous transmet de l'émotion. Mais je ne suis pas sûr que je vive les choses vraiment différemment que tous les autres militants qui sont vraiment engagés.
Emmanuel Cohen
5 jours plus tôt, il est midi à Anglet, une petite ville près de Biarritz, au bord de l'Atlantique. Autre ambiance pour un drôle de meeting. C'est la marque de fabrique de Ségolène Royal, plantée au beau milieu de la place principale du village, tel un prêcheur qui vient porter la bonne parole. La candidate vient au contact des habitants.
Ségolène Royal
Je crois qu'une campagne pour l'élection présidentielle, c'est cela. C'est d'être à votre contact, c'est de venir vers vous, c'est d'expliquer sans relâche quel est cet enjeu. Et moi ce que je vous propose...
Emmanuel Cohen
En moins de 30 minutes, sans note, collée à son public, Ségolène ROYAL fait un vrai condensé de son programme.
Ségolène Royal
La précarité dans le travail, les désordres de l'environnement, les désordres liés au chômage des jeunes, le désordre lié à la baisse du pouvoir d'achat des retraités, tout cela c'est du désordre. Et tout cela tire la France vers le bas et il y a des solutions. C'est cela que je suis venue vous dire.
Emmanuel Cohen
Une fois son discours terminé, Ségolène Royal prend juste le temps d'une séance photo devant le front de mer. Mais elle avait prévu de poser sur un bateau et quand elle découvre que le quai est vide, elle est contrariée.
Une riveraine
Bonjour
Ségolène Royal
Bonjour Madame. C'est beau là, il n'y a pas...
Intervenante
Quelques bateaux ?
Ségolène Royal
Un petit bateau ?
Emmanuel Cohen
Mais Ségolène Royal retrouve vite le sourire.
Ségolène Royal
Ca fait un peu posée ça ! Je suis sensée attendre.
Photographe
Ben au moins c'est bon !
Ségolène Royal
C'est bon, merci !
Emmanuel Cohen
La séance photo est un peu expédiée car Ségolène Royal n'a pas de temps à perdre. Une autre réunion populaire, comme elle les appelle, l'attend à une centaine de kilomètres de là. 3 heures plus tard, on la retrouve à Mourenx, la cité dortoir d'une usine de gaz située juste à côté. Sous une tente, plantée pour l'occasion, sur la dalle de la cité, Ségolène Royal s'adresse aux habitants. Et devant ce public populaire, elle se la joue rock star.
Ségolène Royal
Est-ce que Mourenx va bien ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
Est-ce que Mourenx veut que ça change ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
La voulez-vous cette France neuve ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
La voulez-vous cette France forte ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
Alors, en avant, nous la construirons ensemble !
La foule
Oui !
Emmanuel Cohen
Il est 20 heures, Ségolène Royal tient une autre réunion populaire à Pau, dans une salle de pelote basque. Tel un leitmotiv, la candidate répète à son public qu'elle a besoin de lui.
Ségolène Royal
Seule, je ne peux rien mais, avec vous, tout devient possible.
Emmanuel Cohen
C'est la fin d'une longue journée mais Ségolène Royal semble portée par l'enthousiasme de son public.
Journaliste
Vous sentez une vraie ferveur ? Vous dites que les gens sont votre équipe de campagne en fait ?
Ségolène Royal
Oui, vous ne trouvez pas ? Vous ne sentez pas ? C'est communicatif. Je recharge mes batteries à l'énergie renouvelable. Ce ne sont pas de bonnes énergies fossiles, se sont des énergies renouvelables.
Emmanuel Cohen
Le lendemain à Auch, dans le Gers. Alors que c'est l'inauguration du Salon de l'Agriculture à Paris, la candidate s'est organisée pour rencontrer le monde rural sur le terrain. C'est la traditionnelle visite de marché.
Une commerçante
Je suis contente que vous soyez venue sur Auch.
Ségolène Royal
Ah ben c'est gentil. Bonjour Mesdames. Ca a l'air d'être bon, ça doit être bon hein ici.
Emmanuel Cohen
L'accueil est très chaleureux mais à la sortie, la candidate est interpellée en même temps par un militant de l'association " Agir contre le chômage " et par un supporter de José Bové.
Militant, Agir ensemble contre le chômage
Madame Royal, bonjour. Agir ensemble contre le chômage, j'aurais une question, Madame Royal.
Militant pour José Bové
Un des derniers porte-parole de....Qu'est-ce que vous en pensez ?
Ségolène Royal
Du parrainage de...
Emmanuel Cohen
Ségolène Royal prend le temps de répondre au supporter de José BOVE qui s'inquiète pour les signatures de son candidat.
Militant pour José Bové
Vous, qui êtes partisane de la démocratie participative, nous on est plutôt partisan de la démocratie délibérative mais il n'est quand même pas normal qu'avec ce système-là, de parrainage, qu'un candidat qui représente un courant avec des idées....
Ségolène Royal
Oui, je pense que....
Emmanuel Cohen
Au même moment, à droite, le militant de l'association " contre le chômage " se fait de plus en plus pressant et regardez comment elle s'y prend pour esquiver la question.
Ségolène Royal
Mais attendez, vous avez encore un peu de délai non ?
Militant pour José Bové
Bien sûr, non mais il paraît que vous avez un timing très serré, je ne veux pas vous opportuner. Mais je voudrais vous dire quand même...
Ségolène Royal
Non mais je parle pour récolter les signatures. Allez, il faut y aller, parce qu'on est attendu.
Militant, Agir ensemble contre le chômage
Non, non, juste une dernière question, contre le chômage....
Emmanuel Cohen
Le militant de l'association " Contre le chômage " insiste. Il est aussitôt écarté par le service d'ordre de la candidate.
Militant, Agir ensemble contre le chômage
Les minima sociaux Madame Royal !
Emmanuel Cohen
Pendant ce temps-là, Ségolène Royal poursuit sa route de candidate.
Ségolène Royal
J'ai besoin de vous, portez-moi jusqu'au 22 avril, c'est grâce à vous que je suis forte !
Journaliste
Ségolène, qu'est-ce que vous ressentez ce soir ?
Ségolène Royal
Beaucoup de bonheur.
Journaliste
Il y a énormément de monde ?
Ségolène Royal
Oui, super !
Journaliste
Vous vous sentez soutenue ?
Ségolène Royal
Je me sens soutenue.
Emmanuel Cohen
Meetings, bains de foule, réunions sur les places et dans les cités, Ségolène Royal doit encore tenir un mois et demi, à ce rythme-là.
Estelle Denis
Ségolène Royal, vous êtes en campagne depuis plus de six mois avec les primaires du Parti socialiste. Comment est-ce que vous faites pour tenir le coup physiquement et moralement ?
Ségolène Royal
Je tiens le coup en pensant toujours à l'objectif : gagner cette élection présidentielle et donc être à la hauteur de l'attente que je ressens dans ces Français très très très nombreux qui viennent dans les réunions publiques.
Estelle Denis
Mais vous n'avez jamais de coups de barre, de coups de blues ? Parce que quand même ça fait longtemps que vous êtes sur le terrain là.
Ségolène Royal
Oui, oui, mais en même temps, c'est un moment tellement exceptionnel, c'est une responsabilité tellement extraordinaire lorsque l'on est engagé en politique, de pouvoir être candidate à l'élection présidentielle, c'est-à-dire d'avoir d'abord été désignée au sein de sa propre organisation et puis maintenant de représenter un espoir extrêmement fort, d'incarner à la fois un changement, de porter un désir d'avenir, de croire que la France peut se relever en changeant les règles du jeu qui aujourd'hui n'ont pas fonctionné. Donc il faut repenser la façon dont tout cela fonctionne, débloquer la machine économique, redonner un espoir aux jeunes qui sont au chômage, c'est l'une de mes priorités fondamentales, remettre l'éducation au coeur de tout, donc la tâche est tellement immense que je suis à la fois honorée de la responsabilité qui est la mienne aujourd'hui et soucieuse de mériter ce vote des Français.
Estelle Denis
Jean-Pierre Raffarin disait : la campagne est un formidable révélateur de caractère. Est-ce que vous pensez que vous avez changé depuis le début de votre campagne ?
Ségolène Royal
J'espère que non parce que je crois que ce que les Français attendent de moi, c'est de rester moi-même ; ils s'interrogent peut-être un peu aujourd'hui ; ils se disent, je le sais, elle a perdu sa liberté de parole, est-ce qu'elle ne se fait pas totalement enfermée dans son parti...
Estelle Denis
Et la réponse est ?
Ségolène Royal
Et la réponse est que c'est à moi de leur prouver qu'il y a des phases dans cette campagne. Il y a des phases de liberté, il y a des phases où l'on doit aussi mobiliser une organisation politique, où l'on doit rassembler et puis il faut rester soi-même et je crois que c'est ça aujourd'hui que les Français attendent. Ils attendent de comprendre comment et pourquoi je vais rester moi-même, ce que je vais leur proposer et comment je vais les entraîner vers leur avenir et vers un destin meilleur.
Estelle Denis
Alors justement les Français, on leur a demandé comment ils vous percevaient, on leur a posé des questions sur vous et on va voir un sondage sur vos points forts et points faibles présumés. Alors les points forts tout d'abord : 70% des Français vous jugent à leur écoute ; 53% des gens estiment que vous êtes sincère ; et pour les points plus faibles, seulement la moitié des personnes interrogées, 49%, pensent que vous êtes compétente et ils ne sont que 37% à penser que vous avez la stature d'un président de la République. Petit rappel : ils étaient 65% pour Nicolas Sarkozy et 44% pour François Bayrou ; comment est-ce que vous expliquez cet écart avec les autres ?
Ségolène Royal
D'abord je pense que le fait d'être une femme, ce n'est pas facile par rapport à la projection que l'on se fait de l'image du président de la République ou de la présidente de la République. Donc il faut que j'arrive à conquérir cette confiance et à réaffirmer... affirmer la compétence qui est la mienne. Ensuite je crois que dans cette première phase de campagne et à cause du débat interne, les dirigeants du Parti socialiste n'ont pas suffisamment fait bloc autour de moi au début de cette campagne, donc il y a eu un doute sur la compétence parce que les gens se sont dit : mais comment ça se fait, s'ils ne font pas bloc autour d'elle, c'est qu'eux-mêmes ont un doute sur leurs compétences...
Estelle Denis
C'est vrai qu'on voit peu Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Lionel Jospin à côté de vous.
Ségolène Royal
Ce n'est pas le problème de les voir, c'est le problème de ce qu'ils n'ont pas dit à une époque ; et c'était normal parce que moi j'ai eu cette épreuve de la campagne interne que n'ont pas eue les autres candidats de droite. Et en même temps ça m'a donné aussi une légitimité et une force puisque j'ai eu ce vote massif des militants. Donc là nous entrons dans une nouvelle phase et je suis bien consciente que le fait d'être une femme, c'est une difficulté pour projeter l'image du pouvoir suprême dans une femme, même si d'autres pays ont fait leurs preuves. Et en même temps, c'est la première fois aussi qu'un pays a la chance de pouvoir désigner une femme au suffrage universel direct. Donc c'est vrai que c'est une révolution parce qu'en ce qui concerne la compétence, à la fois le bilan de mes actions dans mes différents postes de responsabilités, l'itinéraire qui est le mien, la formation qui est la mienne, la capacité que j'ai à rassembler les compétences autour de moi, tout ça ne doit pas mettre en doute ma compétence mais c'est à moi aussi de continuer à convaincre de cette compétence et de cette stature.
Estelle Denis
Alors nous aussi, nous allons entrer dans une nouvelle phase dans cette émission "Cinq ans avec..." puisque Bernard de la Villardière va venir nous rejoindre sur le plateau pour vous poser les questions que tout le monde se pose sur votre programme.
Bernard de la Villadière
Bonsoir Ségolène Royal.
Ségolène Royal
Bonsoir.
Estelle Denis
On va commencer avec l'immigration, Bernard.
Bernard de la Villadière
Oui en effet car c'est dans l'actualité. Vous avez qualifié d'ignoble le projet de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l'Immigration et de l'identité nationale, je crois que c'est l'amalgame que vous avez qualifié d'ignoble plus exactement, c'est bien ça...
Ségolène Royal
Je ne suis pas d'ailleurs la seule à avoir dénoncé cet amalgame, ce qui me semble en effet particulièrement détestable, c'est de penser que l'identité de la France puisse être menacée par l'immigration. C'est la responsabilité d'un Etat de gérer la politique de l'immigration et de ne pas dépendre... ou de ne pas faire porter une responsabilité ou de trouver des boucs émissaires dans ce qui ne va pas en France, surtout de la part du ministre de l'Intérieur qui est responsable de cette politique. Ce que je trouve d'autre part tout à fait exécrable, c'est de pouvoir faire un amalgame entre les étrangers qui sont en situation régulière et les autres. Et l'économie française dans bien de ces dimensions, dépend de la main d'oeuvre étrangère. Imaginez que tous les travailleurs étrangers s'arrêtent de travailler du jour au lendemain dans les métiers du bâtiment, dans les métiers du nettoyage, dans un certain nombre de missions liées à l'agriculture, vous verriez ce qui se passe. Et donc je crois qu'en voilà assez de cette façon de faire qui consiste à l'approche d'une échéance électorale majeure, d'attiser les haines, les peurs et le rejet de l'autre. Je crois que l'identité française se construit au contraire par la façon dont on définit ensemble les valeurs qui nous font tenir debout et par la façon dont on prouve que l'on a à la fois l'efficacité politique de régler un certain nombre de problèmes et moi je ne confonds pas le respect des étrangers en situation régulière qui sont ici chez eux et la lutte nécessaire pour lutter contre l'immigration clandestine. Et là il y a des solutions.
Bernard de la Villadière
Alors justement là-dessus, qu'est-ce que vous proposez ? Est-ce que vous comptez régulariser tous les sans-papiers? Y aura-t-il des restrictions à cette régularisation ?
Ségolène Royal
D'abord il faut s'interroger sur les raisons pour lesquelles il y a une immigration clandestine. L'immigration clandestine, elle vient essentiellement des migrations de la misère, c'est-à-dire de la fuite des pays les plus pauvres et donc la première des mesures à prendre, la première des réformes en profondeur à conduire - ce que n'a pas fait Nicolas Sarkozy - c'est de réformer l'aide au développement et de faire en sorte notamment au regard de l'Afrique qu'il y ait une véritable politique africaine, que les aides financières arrivent directement aux intéressés, ne soient plus contournées par des Etats corrompus ou par des strates intermédiaires et aillent directement... je suis allée rencontrer les familles près de Dakar dont les enfants prennent les pirogues et se noient en mer pour essayer d'atteindre l'Europe développée. Et que m'ont dit ces familles et ces mères qui étaient rassemblées ? C'est que les aides au développement ne leur parvenaient pas et que si elles avaient un minimum de micro-crédits, elles pourraient développer des activités économiques, il y a l'agriculture, il y a la pêche, il y a l'éducation...
Bernard de la Villadière
Donc il faut financer les Ong sur place plutôt que les gouvernements. C'est ça que vous voulez dire ?
Ségolène Royal
Je pense qu'il faut réformer de fond en comble la politique d'aide au développement et que la maîtrise des migrations de la misère se fera d'abord par la réduction des écarts entre les pays riches et les pays pauvres pour que les enfants qui naissent dans ces pays pauvres aient un avenir. Donc donnons-leur d'abord un avenir dans leur pays avant de leur reprocher de fuir leur pays pour trouver de quoi manger.
Bernard de la Villadière
Alors concernant les sans-papiers ?
Ségolène Royal
Concernant les sans-papiers, je l'ai déjà dit, nous ferons de la régularisation au cas par cas.
Bernard de la Villadière
D'accord. Concernant les 35 heures, vous proposez d'assouplir la réglementation actuelle, un peu comme Nicolas Sarkozy et François Bayrou ; dans quel cadre ? Comment exactement ?
Ségolène Royal
C'est le dialogue social qui va définir...
Bernard de la Villadière
Branche par branche...
Ségolène Royal
Branche par branche... la question du temps de travail. Et la question du temps de travail doit être étroitement connectée avec la question aussi du pouvoir d'achat, de la revalorisation des bas salaires, de la productivité des entreprises et d'une façon générale, je pense qu'il faut changer de fonds en comble la politique économique au sens où je crois que l'on peut rendre compatible contrairement à ce qui se fait aujourd'hui, la productivité des entreprises, leur agilité quand elles ont besoin de conquérir des marchés étrangers, de s'adapter à un nouveau marché, d'investir dans l'innovation et dans la recherche ; et en même temps, la sécurisation des salariés.
Bernard de la Villadière
Donc il faut supprimer les 35 heures et faire autre chose ?
Ségolène Royal
Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, c'est que je crois qu'il faut discuter de la durée du travail en fonction à la fois des aspirations des salariés... à voir généraliser les 35 heures dans de bonnes conditions ; et en même temps les besoins des entreprises qui doivent parfois faire face à des plans de charges, soudains, nouveaux, donc il y a aussi besoin d'avoir des salariés motivés, d'avoir une certaine souplesse aussi dans l'organisation de leur temps de travail et je pense... moi je crois profondément que c'est la réforme du dialogue social, c'est-à-dire la modernisation du pays, c'est-à-dire un respect mutuel entre les organisations de salariés et les organisations patronales, celles bien sûr qui sont dans les petites et moyennes entreprises, celles qui créent vraiment, celles qui ne licencient pas leurs salariés pour des raisons boursières, celles qui créent des emplois, c'est là que se trouvent aujourd'hui les ressources d'une nouvelle croissance économique. Et je pense qu'il est possible de faire converger les intérêts des salariés et les intérêts des entreprises qui créent et qui vont de l'avant ; c'est le nouveau modèle économique que je propose.
Bernard de la Villadière
Concernant la délinquance des mineurs, vous voulez durcir, je crois, les sanctions à l'égard des mineurs délinquants, développer les centres éducatifs renforcés, vous voulez toujours réclamer un renfort de l'armée ?
Ségolène Royal
Oui, bien sûr. Je pense que ce qui ne va pas aujourd'hui, c'est que le premier acte de délinquance n'est pas puni. La délinquance n'est punie que lorsqu'il y a récidive. Or on sait parfaitement que si le premier acte de délinquance n'est pas puni, à ce moment-là, il y a récidive et moi, mon objectif...
Bernard de la Villadière
Envoyer en prison ?
Ségolène Royal
Non, il faut des sanctions proportionnées à l'acte de délinquance qui a été commis mais il faut immédiatement un rappel à la loi et un rappel à la règle. Ca, ça me paraît extrêmement important.
Bernard de la Villadière
On est en train de construire en France des prisons pour mineurs. Est-ce que vous êtes pour, est-ce que vous poursuivrez la construction de ces établissements sachant qu'il y a par ailleurs des quartiers pour mineurs dans les prisons françaises aujourd'hui ?
Ségolène Royal
Je pense que quand il y a des actes extrêmement graves qui sont accomplis par les mineurs et qu'on ne peut pas éviter la prison, il faut des prisons adaptées aux mineurs mais mon objectif, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait plus de mineurs en prison. Pourquoi ? Parce que 70% des mineurs qui sortent de prison, récidivent et ressortent plus délinquants qu'ils ne l'étaient en entrant en prison. Donc je veux mettre au point toutes les solutions alternatives qui permettent à un mineur de se remettre dans le droit chemin lorsqu'il en est encore temps. C'est comme ça que j'ai avancé en effet les solutions d'encadrement militaire parce que je crois qu'un mineur qui n'a pas eu la chance d'être correctement éduqué, d'avoir des adultes référents, d'apprendre les règles de vie en commun suffisamment tôt, qui est en plus en échec scolaire...
Bernard de la Villadière
Le cadre militaire, c'est le bon cadre pour ça vous croyez...
Ségolène Royal
Vous savez, tous les mineurs qui sont en prison, ont été en échec scolaire. Un mineur en prison maîtrise en moyenne 400 mots alors qu'un élève qui est à la fin de l'école primaire, maîtrise 2.500 mots. Donc vous imaginez la détresse scolaire et culturelle de ces jeunes. Et moi je veux... chaque fois qu'un jeune est encore mineur, c'est-à-dire que la responsabilité des adultes est encore là jusqu'à sa majorité, essayer de lui tendre à nouveau la main et de lui donner une nouvelle chance. Et donc je préfère un jeune encadré par des militaires qui lui réapprennent... apprennent le permis de conduire, qui fait du rattrapage scolaire, qui l'encadrent, qui lui réapprennent les règles élémentaires de vivre en commun dans un encadrement quand même strict puisqu'il a fait quand même un acte de délinquance...
Bernard de la Villadière
Il y aura le parcours du combattant quand même...
Ségolène Royal
Ca lui fera le plus grand bien.
Estelle Denis
Bernard, merci. Il nous reste très peu de temps Ségolène Royal ; on va terminer avec les questions indiscrètes. Ségolène Royal, quelle est la chose la plus romantique que vous ayez faite ?
Ségolène Royal
La chose la plus romantique, ce sont des vacances... des vacances au Sierra Leone avant la guerre civile, des vacances avec François. Et nous étions dans un bungalow comme ça sur la plage dans la beauté de la nature et des endroits qui n'existent plus puisque depuis malheureusement, ils ont été ravagés par la guerre civile.
Estelle Denis
Est-ce que vous faites du sport, Ségolène Royal ?
Ségolène Royal
Oui bien sûr, parce qu'avec cette campagne, c'est un marathon, vous savez, cette campagne, donc je fais de la musculation.
Estelle Denis
Est-ce que vous avez déjà fumé un pétard ?
Ségolène Royal
Non.
Estelle Denis
Est-ce que vous avez un héros ou une héroïne ? Rien à voir avec le pétard ?
Ségolène Royal
Ca n'a rien à voir... Ecoutez, sans complexe, je vais vous dire Jeanne d'Arc. Celle qui a eu l'audace d'endosser un habit d'homme... une petite bergère qui a endossé un habit d'homme pour pouvoir sauver la France, c'est extraordinaire et qui n'a pas eu vingt ans hélas.
Estelle Denis
Votre dernière grosse dépense, c'était quoi ?
Ségolène Royal
Ma dernière grosse dépense... elle remonte à loin parce que je n'ai pas beaucoup le temps de...
Estelle Denis
Vous ne dépensez pas beaucoup... vous n'avez pas le temps de faire les magasins. Qu'est-ce que votre époux préfère en vous ?
Ségolène Royal
Mes yeux.
Estelle Denis
Quel est votre objet fétiche ? Est-ce que vous avez un grigri par exemple?
Ségolène Royal
Un objet fétiche... non, je ne suis pas superstitieuse.
Estelle Denis
Quel est le plus beau compliment qu'on puisse vous faire ?
Ségolène Royal
Elle ressemble à la France et elle a compris quelles étaient aujourd'hui les attentes.
Estelle Denis
Dernière question : à quoi vous ne savez pas résister ?
Ségolène Royal
A quoi je ne sais pas résister ? A un bon massage.
Estelle Denis
Merci beaucoup Ségolène Royal. On se retrouve, nous, la semaine prochaine pour un nouveau numéro de "Cinq ans avec...". FIN
Source http://www.desirdavenir.org, le 14 mars 2007
Ségolène Royal, bonjour.
Ségolène Royal
Bonjour.
Estelle DENIS
Merci d'avoir accepté notre invitation.
Ségolène Royal
Merci de m'avoir invitée.
Estelle DENIS
Nous sommes à 42 jours du premier tour de l'élection présidentielle et selon un sondage paru ce matin, dans le Journal du Dimanche, vous êtes désormais à égalité avec François Bayrou. 23 % d'intentions de vote tous les deux, 28 % pour Nicolas Sarkozy, est-ce que ça vous inquiète ?
Ségolène Royal
Ca me pose des questions, bien évidemment. Nous sommes dans une phase, dans une étape de cette élection présidentielle. Comme vous l'avez dit, il reste quand même un long moment dans cette campagne et moi, j'ai la responsabilité de conduire la Gauche au premier tour de cette élection, pour qu'elle soit présente au second tour, pour que le 22 avril ne ressemble pas au 21 avril. Et donc, je respecte cette phase transitoire. Bon, il y a ce sondage, il y en a d'autres qui disent quelque chose d'un peu différent. Il y a encore un français sur deux qui ne sait pas encore ce qu'il va voter. Il y a encore un électorat volatile et je considère que les français sont en attente, qu'ils sont exigeants, qu'ils se sont faits souvent avoir au cours des élections et ils ont le sentiment que cette fois-ci, ils ne veulent plus se faire avoir. Et donc, ils veulent comprendre quels sont les projets en présence. Ma respon...
Estelle Denis
Et, et comment ?
Ségolène Royal
Je me sens responsable, profondément responsable au sens où dans cette phase qui s'ouvre, je dois encore mieux expliquer le pacte présidentiel, affirmer les valeurs sur lesquelles il s'appuie et surtout incarner ce changement et ce désir d'avenir et faire comprendre qu'il y a le choix entre la continuité de ce qui vient de se passer pendant 5 années et la réalité d'un profond changement dont la France a besoin pour répondre aux crises auxquelles, elle est confrontée. Et je me sens à la fois capable, apte et responsable, non seulement à incarner mais à réaliser ce changement.
Estelle Denis
Et est-ce que vous envisagez, à un seul instant, de ne pas être présente au second tour de l'élection présidentielle, comme Lionel Jospin en 2002 ?
Ségolène Royal
Non. Je ne l'imagine pas et, en tout cas, le combat, qui est là devant moi, je vais le conduire avec une très forte détermination parce que je ne veux pas que les français soient privés de ce débat fondamental. C'est un débat fondateur pour la République Française qui va décider de ce qui va se passer pendant les 5 années à venir et bien au-delà. Je crois que ce qui se joue, c'est l'avenir de toute une génération. Compte tenu de la crise sociale, de la crise économique, crise morale, crise démocratique, crise environnementale auxquelles la Droite n'a pas su répondre et donc il faut d'autres réponses, un autre regard, de l'imagination, de l'énergie, de l'audace. Et je crois que c'est tout cela que les Français attendent.
Estelle Denis
Alors on parlera de votre programme dans la deuxième partie de l'émission mais vous connaissez le principe de " 5 ans avec " Ségolène Royal. Dans la première partie de l'émission, on va parler de vous, de vos passions, de vos centres d'intérêts. On va essayer de savoir qui vous êtes. Est-ce que vous aimez parler de vous ?
Ségolène Royal
Je suis assez pudique, assez discrète parce que je crois que, devant l'échéance présidentielle, les Français attendent autre chose que de parler de soi-même. Je ne l'incarne pas moi-même, je veux incarner demain, le changement qui, que la France attend et donc, je dois faire abstraction de ma propre personne, de ma propre histoire pour porter celle des Français. Donc c'est tout à fait différent. Et c'est vrai que c'est toujours un peu gênant d'avoir le sentiment de s'exhiber ou de se mettre en avant. Et en même temps, je comprends aussi que les Français aient envie de transparence et de comprendre quelle est la personnalité de celle qui sollicite leur confiance.
Estelle Denis
Enfin sans exhibition, on va quand même parler de vous, Ségolène Royal et c'est Anne-Elisabeth Lemoine qui va nous rejoindre pour brosser votre portrait. Bonjour Anne-Elisabeth.
Anne-Elisabeth Lemoine
Bonjour.
Ségolène Royal
Bonjour.
Anne-Elisabeth Lemoine
Bonjour. Alors ce qu'il y a d'étonnant Madame, c'est qu'une Ségolène ROYAL peut toujours en cacher une autre. Alors pile, vous êtes douce, face, vous êtes autoritaire. Alors de quoi déconcerter ceux qui ont tendance à oublier que forcément, sur une rose, il y a des épines qui vont avec. Alors, ce qui séduit les Français, c'est plutôt vos pétales. On vous voit toujours souriante, élégante avec des allures de princesses. C'est la Lady Di qu'on n'a jamais eu en France. D'ailleurs, dans la presse, on vous consacre toujours reine de quelque chose. Alors dans le pire des cas, vous êtes reine du Chabichoux, le fromage de votre région et dans le meilleur, vous coiffez au poteau toutes les reines de beauté, élues cet été par un magazine masculin, la sixième femme la plus sexy du monde devant Monica Bellucci et Paméla Anderson. Alors que de chemin parcouru depuis votre entrée à l'Assemblée Nationale en 1988, au bras de votre prince Charles à vous, François Hollande. Vous étiez comme deux jeunes écoliers inséparables.
Journaliste, Rediffusion
Dans l'hémicycle, est-ce que vous allez vous asseoir à côté de votre compagnon qui est député de la Corrèze ?
Ségolène Royal, Rediffusion (INA)
Oui. Oui, vous savez que pour la première séance, nous siégeons par ordre alphabétique, tous groupes confondus, tous partis politiques confondus et qu'ensuite, bon il y a une certaine souplesse dans l'affectation des places et oui nous pensons nous mettre ensemble, de même que nous avons choisi des bureaux face à face.
Anne-Elisabeth Lemoine
Alors, à l'époque, votre style vestimentaire, c'était plutôt jupe plissée, coiffure sévère et deux gros hublots en guise de lunettes. Alors qu'aujourd'hui, comme Diana en son temps, vous êtes une icône de mode. Alors, dans la presse féminine, on parle moins de vos discours que de votre dernière apparition en petit spencer surpiqué blanc. Alors le blanc, c'est votre couleur fétiche, qui vous donne des airs de madone au grand coeur, capable d'élans maternels et de compassion devant les caméras. Lady Di nous y avait habitué, vous c'était au beau milieu d'une émission politique, une image qui a marqué la campagne.
Bernard, Intervenant rediffusion
La normalité c'est le handicap
Ségolène Royal, Rediffusion
Oh, ne pleurez pas.
Patrick Poivre d'Arvor
Bernard, pour vous aidez un petit peu.
Ségolène Royal, Rediffusion
Non, non. Ca va aller ?
Bernard, Intervenant rediffusion
Non. Donc la normalité, c'est le handicap.
Ségolène Royal, Rediffusion
Oui
Bernard, Intervenant rediffusion
Et si on arrive à faire en sorte que ben, je dirais l'accessibilité est un..., soit accordée aux personnes handicapées, tout le monde pourra en profiter.
Anne-Elisabeth Lemoine
Alors vous êtes capable d'émouvoir, mais vous êtes aussi capable de faire trembler. Vos petits tailleurs blancs dissimulent une personnalité beaucoup moins angélique qu'il n'y paraît. Et si par hasard le diable s'habillait parfois en Polka, votre couturier fétiche ? Jusqu'à votre entourage, on vous surnomme parfois, Calamity Jane, la Diane chasseresse, la Dame de Fer, du genre à taper sur les doigts des journalistes.
Journaliste, rediffusion
La machine à perdre aussi, on aimerait bien vous entendre.
Ségolène Royal, Rediffusion
... Oui, une seconde. Vous... Une seconde. On se respecte. La République du respect ça vaut pour tout le monde, d'accord ?
Journaliste, rediffusion
On vous respecte Madame.
Ségolène Royal, Rediffusion
D'accord. Alors attendez, non vous me coupez la parole.
Journaliste, rediffusion
On a besoin de travailler.
Ségolène Royal, Rediffusion
Vous me coupez la parole donc vous ne me respectez pas et vous ne respectez pas vos collègues à qui je suis en train de parler, d'accord ? Donc, vous attendez une seconde que j'ai...
Journaliste, rediffusion
Non, on vous écoute.
Ségolène Royal, Rediffusion
Voilà.
Anne-Elisabeth Lemoine
Alors ce visage autoritaire, il s'exprime aussi dans vos combats contre la violence à la télévision, contre les mannequins un peu trop dévêtues, contre les strings qui dépassent des pantalons. De quoi faire de vous une mère " la pudeur ", une Christine Boutin de Gauche. Alors à ces critiques, vous répondez que c'est vous qui avez instauré la pilule du lendemain dans les écoles. Il n'empêche que votre personnalité est complexe. Vous avez du vous imposer dans un monde d'hommes et depuis, vous avez eu raison du machisme politique. A votre tableau de chasse, on trouve déjà Laurent Fabius et Dominique Strauss Kahn pulvérisés à l'issue des primaires au sein du PS. Reste une question, est-ce qu'il vous reste encore, Madame Royal, assez d'épines à planter dans le pied de vos derniers adversaires ?
Estelle Denis
Ségolène Royal, est-ce que c'est un atout ou un inconvénient d'être une femme dans cette élection présidentielle ?
Ségolène Royal
C'est difficile à dire. Je pense que c'est une difficulté supplémentaire au sens où aucune erreur n'est pardonnée et en même temps, c'est un atout peut-être, parce que ça incarne aussi une révolution profonde. C'est vrai que si je suis élue, je serais la première femme en Europe à être élue aux suffrages universels directs et donc c'est un saut dans le siècle qui vient. C'est une image quand même extraordinaire d'audace pour la France et de ce point de vue, je crois que c'est un atout.
Estelle Denis
Alors vous dites quand même qu'aucune erreur ne vous a été pardonnée. C'est vrai que les médias vous ont, à un moment beaucoup tournée en dérision. On vous a caricaturée en Bécassine. Est-ce que vous en avez souffert ? Est-ce que vous aviez peur d'ouvrir les journaux le matin par exemple ?
Ségolène Royal
Non, parce que j'ai beaucoup de distance par rapport à ces attaques. Je savais qu'elles viendraient. Je pense qu'elles ne sont pas terminées. Je crois que ce qui me protège, c'est de prendre conscience que cela fait partie de la longue marche des femmes, depuis plusieurs siècles. Et donc, s'il y a des obstacles plus durs que pour un homme, je me dis que je dois absolument réussir à surmonter ces obstacles, sinon, d'une certaine façon, c'est toutes les femmes qui en pâtiraient.
Estelle Denis
Et cependant, est-ce que c'est plus dur que ce que vous aviez imaginé au départ ?
Ségolène Royal
Oui.
Estelle Denis
Vous en aviez fait des campagnes ?
Ségolène Royal
Oui, c'est beaucoup plus dur. D'abord la campagne interne a été très difficile. C'était une épreuve terrible. J'en suis sortie dans les conditions que vous connaissez. Les militants socialistes m'ont fait confiance poussés par l'opinion publique. Aujourd'hui aussi, je me sens poussée par l'opinion publique et en même temps très attentivement observée dans cette phase. C'est-à-dire que le doute qui a été installé sur ma compétence, sur ma légitimité, ce qui n'aurait jamais été le cas pour un homme bénéficiant de la même expérience, et ministérielle et politique, que celle que je peux avoir et celle que j'aie, y compris le bilan de mes travaux dans toutes les fonctions que j'ai exercées, y compris aujourd'hui, à la tête de la région Poitou-Charentes ou dans les différents ministères que j'ai occupés auprès de François Mitterand pendant 7 années. Un homme aurait eu ce cursus, il ne se verrait jamais mettre en cause sa compétence. Et donc, comme me le confiait récemment Angela Merkel, où elle aussi s'est mise en cause ou Michelle Bachelet au Chili ou des femmes cadres.
Estelle Denis
Enfin, elles ont réussi toutes les deux.
Ségolène Royal
Elles ont réussi mais l'ont les femmes aussi dans les entreprises, avec le fameux plafond de verre, c'est-à-dire qu'à un certain niveau de responsabilités, on les arrête, on les stoppe, comme si, il y avait une incohérence ou une... quelque chose d'impossible entre la nature dite " féminine " et l'exercice de l'autorité et du pouvoir. Et c'est pour ce que je veux aussi gagner ce combat-là parce que je pense que les inégalités homme/femme, sont au coeur de la totalité des autres inégalités et qui si on résout celle-là, c'est-à-dire que si on démontre, une bonne fois pour toute, que les femmes ont la capacité d'exercer les mêmes responsabilités que les hommes, à ce moment-là, c'est le pays tout entier qui s'en trouvera bénéficiaire et qui pourra franchir un pas en allant de l'avant. Parce qu'il y a beaucoup de compétences de femmes qui sont, qui sont sacrifiées, qui sont gaspillées et je crois que le pays en a besoin. Il a besoin de toutes ces énergies féminines qui peuvent se déployer à l'échelle nationale.
Estelle Denis
Alors, on va revenir sur votre parcours, Ségolène Royal et on va s'intéresser à vos débuts. On va s'intéresser à votre enfance, une enfance de globe trotteur au sein d'une famille très très nombreuse. C'est un sujet de Laurent Bailly.
Laurent Bailly
Marie-Ségolène, c'est son vrai prénom. Ses parents, Jacques et Hélène ont eu 8 enfants, tous portent un prénom composé avec Marie. Marie-Ségolène donc, est la quatrième. Née en 1953, à Dakar, où est affecté son père, un militaire, Jacques Royal, lui-même fils de Général et cinéaste amateur à ses heures. On lui doit ces images d'intimité familiale. Après Dakar, direction Fort-de-France où est nommé le Colonel Royal. La famille restera 3 ans en Martinique. Studieuse, dit-on, Ségolène est même la première de sa classe, ici, au pensionnat Saint-Joseph de Cluny. Changement de climat, retour en métropole à Chamagnes, un village des Vosges. Pour Ségolène, éducation à la dure et scolarité exemplaire. Son père, autoritaire, conservateur et catholique convaincu, estime que la place des femmes est à la maison, la sienne finira par le quitter. Mai 1968, la jeunesse est dans la rue, Ségolène, elle, est lycéenne à Notre-Dame-d'Epinal. Les cours de maths commencent par une prière, mais ça n'empêche pas les bouffées de liberté, comme ici au Mont-Saint-Michel. Dans trois mois, c'est le bac, Ségolène ROYAL a déjà la tête à Sciences Po et à Paris.
Estelle Denis
Ségolène Royal, ça vous fait quoi de revoir ces images ?
Anne-Elisabeth Lemoine
On vous sentait assez émue pendant le reportage ?
Ségolène Royal
C'est touchant. Oui, oui. C'est toujours émouvant de voir ces images d'enfance. C'est toujours des moments de bonheur, la tendre enfance. C'est vrai et en même temps ça me rappelle que...
Estelle Denis
Toujours ?
Ségolène Royal
Oui, j'ai voulu refuser et échapper à un destin qui était tout tracé d'avance et que ma vie est une suite de combats.
Estelle Denis
C'était quoi votre destin tracé d'avance ?
Ségolène Royal
Le destin tracé d'avance, c'était pas d'études supérieures, se marier tout de suite, avoir des enfants et rester à la maison pour s'occuper des taches ménagères. Mais ce n'est pas non plus dégradant. Je crois que les femmes qui font ce choix-là aussi, peuvent être parfaitement heureuses. Et en même temps, ce n'était pas mon destin. Moi, j'ai toujours vu les femmes dépendantes, y compris financièrement, j'ai vu ma mère recompter les courses tous les jours, n'avoir pas un minimum d'argent à elle pour faire ce qu'elle en voulait. Je me suis dit très tôt que j'échapperais à ce lien de dépendance et d'assujettissement et j'ai compris très tôt que c'était par l'école que j'arriverais à m'émanciper. Et ça, c'est une chance d'avoir des obstacles à franchir, des libertés à conquérir, des choix à faire et des volontés à assumer.
Estelle Denis
Quand vous étiez à l'école, vous vouliez faire quel métier ? Vous marquiez quoi sur votre fiche ?
Ségolène Royal
Euh... Je... Enseignante sans doute, enseignante, architecte. Je ne savais pas très bien en fait au départ. C'est petit à petit que je me suis, en découvrant un itinéraire dont j'ignorais tout. Vous savez, quand j'ai passé le baccalauréat, j'ignorais même que les grandes écoles existaient. Et donc, c'est ma soeur, qui était secrétaire au rectorat, qui un jour m'a rapporté un dépliant sur l'Institut d'Etudes Politiques. Donc ça me paraissait quelque chose de totalement inatteignable.
Anne-Elisabeth Lemoine
Oui.
Ségolène Royal
Pour moi, qui venait donc de mon village des Vosges, comme on vient de le voir, au Collège au Chef-lieu de canton, ensuite l'Université à Nancy avec ma bourse et j'ai découvert cela. Et le hasard a fait qu'à Nancy, il y avait une école, deux années préparatoires pour Sciences Po Paris. Je m'y suis inscrite, en trouvant un dépliant, et à Sciences Po, j'ai appris que l'ENA existait. Donc j'ai travaillé et puis petit à petit, je me suis insérée dans un cursus, qui au départ, n'était certainement pas fait pour moi.
Estelle Denis
Alors Ségolène Royal, c'est vrai qu'on vous connaît assez peu. Vous l'avez dit tout à l'heure, vous n'êtes pas du genre à trop vous épancher. Mais qu'est-ce que vous aimez dans la vie ?
Ségolène Royal
J'aime le bonheur, comme vous.
Anne-Elisabeth Lemoine
Mais qu'est-ce que vous aimez comme musique, comme chanteur, vous écoutez quoi ? Vous écoutez quoi en ce moment par exemple ?
Ségolène Royal
J'aime le bonheur, je, je... Moi je suis très curieuse de... J'ai regardé un peu ce qui avait fait le succès hier des Victoires de la musique, par exemple. C'est très varié entre Grand corps malade, Benabar, Olivia Ruiz, c'est le reflet de notre époque.
Estelle Denis
Oui, donc c'est des goûts très " djeunes " quand même ?
Ségolène Royal
C'est... Oui, parce que j'ai des enfants de cet âge, donc ils m'éduquent.
Estelle Denis
Oui.
Ségolène Royal
Vous savez, les générations s'éduquent les unes, les autres.
Estelle Denis
Et vous, vous les éduquez comment ? Vous leur transmettez quels goûts ?
Ségolène Royal
Moi, je leur transmets le goût de la curiosité intellectuelle, de la découverte. Le goût de la découverte et le goût du respect des autres et du respect de la différence.
Estelle Denis
Donc pour en savoir un peu plus sur vous, Ségolène Royal, on va passer à notre rubrique photos, ça s'appelle l'album Paris Match. Alors en fait, nous sommes allés fouiller dans les archives de Paris Match et on a sélectionné plusieurs photos de vous Ségolène Royal. On va commencer avec une photo de classe. Nous sommes en 1980, vous avez 27 ans, vous êtes élèves de l'ENA, la promo Voltaire. Dans cette promo, on retrouve François Hollande qui est à côté de vous, actuel Premier secrétaire du Parti Socialiste. On retrouve également Dominique De Villepin, actuel Premier ministre et finalement, Ségolène Royal, la star de cette promo, bah c'est vous. Est-ce que vous imaginiez pareil destin ?
Ségolène Royal
Non, absolument pas. Absolument pas.
Estelle Denis
Pourquoi ? Parce que vous n'étiez pas dans les meilleurs élèves de la promotion, déjà ?
Ségolène Royal
Je n'étais pas, d'abord, issue d'une famille de hauts fonctionnaires ou politiques. Je n'étais pas parmi les meilleurs élèves de la promotion, compte tenu de mon origine familiale. Je n'avais pas tous les codes sociaux forcément pour, pour réussir la sortie de cette école. Je me suis quand même pas mal débrouillée finalement. Et puis, il s'est trouvé qu'à la sortie de cette école, c'était 1980, et donc j'ai été embarquée par François Hollande dans l'équipe de Jacques Attali, et puis là, j'ai fait mon trou. Voilà. J'ai...
Estelle Denis
Vous avez travaillé avec François Mitterand.
Ségolène Royal
J'ai montré de quoi j'étais capable sans complexe et puis j'ai franchi les étapes.
Estelle Denis
Alors François Mitterrand, on va y revenir mais je voudrais savoir comment vous vous entendiez avec Dominique De Villepin, puisque vous aviez des rapports ?
Ségolène Royal
Je ne le connaissais pas.
Anne-Elisabeth Lemoine
Vous ne le trouviez pas beau gosse ? Ce n'était pas le beau gosse de la promo déjà ?
Ségolène Royal
Je ne m'en souviens pas, déjà. Vous savez, les cercles étaient très identifiés à l'ENA. Moi, je venais de ma province, je ne connaissais pas grand monde. Ce n'était pas mon monde l'ENA et en même temps, je n'y ai jamais nourri aucun complexe. Et donc, il y avait des cercles qui n'étaient pas les miens, d'élèves issus des grandes familles, qui s'entraînaient entre eux. Je ne faisais pas partie de ce milieu. Et en même temps, je respe...
Estelle Denis
Et vous, vous rêviez à quoi, à ce moment-là ?
Ségolène Royal
J'étais insouciante, j'étais amoureuse. J'étais euh...J'étais bien d'être là. J'étais déjà surprise d'être arrivée jusque-là.
Anne-Elisabeth Lemoine
Pas ambitieuse déjà ?
Ségolène Royal
Je m'occupais de mes frères et soeurs encore. Et voilà, c'était des années de bonheur.
Estelle Denis
Alors on va voir une deuxième photo, Ségolène Royal, une photo qui avait fait beaucoup parler d'elle. Nous sommes en juillet 1992, vous venez d'accoucher de votre petite fille, Flora hein ! C'est votre quatrième enfant et vous acceptez, dès le lendemain, d'être prise en photo à la maternité. Est-ce que, si c'était à refaire, vous le referiez ?
Ségolène Royal
Oui parce que je ne vois pas pourquoi il y a eu cette polémique. Je suis très fière d'avoir 4 enfants, d'avoir pu mener de front la vie familiale et ma vie professionnelle. Peut-être que j'ai eu cette chance, parce que j'étais, moi-même, issue d'une famille de 8 enfants. Donc j'ai une robustesse physique que j'ai reçue de ma mère sans doute. Je n'ai jamais été débordée par les taches. Et puis je considérais, compte tenu de mon engagement professionnel et du temps que ça prenait, que faire une famille nombreuse, ça protégeait mes enfants parce que, du coup, ils étaient plus nombreux que les parents et donc, pour eux, c'est une..., c'est une école de solidarité. Et donc, c'était pour eux aussi que j'avais fait ça.
Estelle Denis
Et c'était aussi un signe fort pour les femmes de montrer qu'on pouvait travailler et avoir des enfants ?
Ségolène Royal
Je crois. Je crois qu'on sortait d'une époque où les femmes qui avaient des responsabilités cachaient leur maternité, de peur de ne pas être prises au sérieux. D'ailleurs, j'ai reçu beaucoup de réflexions à ce moment-là. Et c'était aussi pour moi, une forme de combat, d'assumer cette maternité, de revendiquer, parce que j'étais ministre de l'Environnement à l'époque. Donc, ce n'était pas évident non plus. Je ne me suis pas arrêtée de travailler, donc ça m'a même été reproché à une époque. On disait, mais quand même, le congé de maternité, etc... Mais je l'ai pris à ma façon le congé de maternité, au sens où le travail pour moi aussi, c'était un plaisir. Et puis moi, j'avais la chance de pouvoir m'organiser, ce qui n'est pas le cas de toutes les femmes, donc j'étais aussi consciente, consciente de cela. Et je ne vois pas pourquoi je peux... Et aujourd'hui, d'ailleurs, ça m'a beaucoup mobilisé aussi dans l'action politique puisque quand j'étais après ministre de la Famille, je n'ai eu de cesse que de mettre en place des actions pour que les femmes concilient leur vie familiale et leur vie professionnelle.
Estelle Denis
Vie professionnelle.
Ségolène Royal
A égalité avec les hommes, à parité même avec les hommes. Donc je crois aussi que c'est toute une mutation de la famille. J'ai créé comme ça le congé de paternité et, aujourd'hui, dans mon pacte présidentiel, je réaliserais le service public de la petite enfance, pour que les femmes puissent à la fois s'occuper de leurs enfants, les pères aussi, ne pas être privés de ce bonheur de la tendre enfance et en même temps, avoir des structures d'accueil de qualité, qui leurs permettent aussi de les sécuriser lorsqu'elles sont au travail.
Estelle Denis
Mais comment est-ce que vous avez fait, vous, concrètement, pour jongler justement entre votre vie familiale, parce que vous avez 4 enfants, on va voir une photo ? Vous avez Thomas, qui a 23 ans, Clémence qui a 22 ans, Julien qui a 20 ans et Flora qui a 15 ans. Comment on fait quand on a 4 enfants pour réussir à jongler entre sa vie professionnelle et sa vie familiale, parce qu'en plus, vous étiez Députée des Deux-Sèvres, depuis 2004, vous êtes aussi Présidente de la région Poitou, Poitou-Charentes ? Donc vous n'étiez pas toujours là, à la maison ?
Ségolène Royal
Oui, je comprends d'ailleurs que ça... que ça puisse intriguer. Bon d'abord, il y a un juste partage des taches avec leur père François. Ensuite, j'ai la chance d'être aidée, j'ai les moyens de payer une salariée à domicile. Ca c'est un atout. Et puis, les grands-parents donnaient beaucoup de soutien, de coups de main, les par.... Voilà, donc ça s'organise, je crois par des solidarités de proximité mais aussi, souvent, par une mauvaise conscience qu'on essaye de surmonter parce qu'à force, on se dit, on est avec eux. Il faut être à plein temps avec eux, on est au travail, on est à plein temps au travail. Et il y a tellement de femmes qui sont déchirées entre les deux, c'est-à-dire, au travail, elles pensent à leurs enfants ou avec leurs enfants...
Estelle Denis
Et avec leurs enfants, à leur travail.
Ségolène Royal
A leur travail. Et ça, je dis aux femmes que moi je ferais en sorte, qu'elles soient sécurisées quand elles sont avec leurs enfants et quand elles sont au travail. Et c'est vrai que celles qui sont privées de modes de garde de qualité ou lorsque les enfants sont seuls à la maison, les enfants avec la clé autour du cou qui rentrent tous seuls à la sortie de l'école pendant que leurs mères est au travail. Ca, je comprends que ça soit terrible pour les mères et ça, je ne veux pas de ça. Je veux que les enfants soient encadrés et ne soient jamais seuls lorsqu'ils sortent de l'école. C'est l'objectif de mon soutien scolaire gratuit, pour les enfants, pour qu'il y ait des étudiants qui, en contre partie, c'est-à-dire du donnant donnant, en contre partie des allocations ou des bourses que recevront les étudiants, ils seront obligés de faire du soutien scolaire gratuit et de prendre les plus jeunes en tutorat et notamment, ceux dont les parents n'ont pas les moyens de payer quelqu'un qui, à domicile, empêche que les enfants soient seuls, donc se scotchent devant la télévision ou devant l'ordinateur et souffrent de cette solitude.
Estelle Denis
Et justement, vous êtes, vous êtes quelle mère, Ségolène Royal ? Vous êtes plutôt cool ou plutôt sévère ou... et il y a des temps pour la télévision ? Comment ça se passe ?
Ségolène Royal
Je suis euh..., je suis assez sévère et en même temps juste. Je crois que l'éducation c'est transmettre des valeurs, des principes, des limites et en même temps, c'est d'aimer beaucoup. Et je crois que quand on aime beaucoup et qu'on pense à le dire à ses enfants, ils sont armés pour la vie. Et il y a trop d'enfants qui n'entendent jamais dire qu'on les aime ou qu'on est fier d'eux ou qu'on a confiance en eux. Et je pense que c'est vrai au niveau de toute une nation, il faut dire à toutes les..., tous les jeunes de notre pays, c'est ça que je leur dirais, qu'on a besoin d'eux et que tous les enfants de France, sont légitimes, ont besoin d'être encouragés, d'être valorisés, de déployer leurs talents, leur énergie. Et aujourd'hui, je crois que si la France est un peu tirée vers le bas, en déprime, en déclin, c'est parce qu'il y a une grande partie de la jeunesse qui est sacrifiée et moi, je ne veux plus de cette France-là.
Estelle Denis
Alors on va voir une quatrième photo de vous, quatrième et dernière photo, Ségolène Royal. C'est une photo qui vous représente avec votre compagnon, François Hollande. Qu'est-ce qui vous a séduit chez lui ?
Ségolène Royal
Tout. Mais c'est très intime comme question.
Anne-Elisabeth Lemoine
Son humour ?
Ségolène Royal
Oui tout, son humour, son caractère, son intelligence, sa pétillance, voilà.
Estelle Denis
Et alors justement, on sait que François Hollande est l'actuel Premier secrétaire du Parti Socialiste. C'est vrai qu'il y a plusieurs mois, tout le monde se disait que ça serait légitime qu'il se présente à l'élection présidentielle. Finalement, il ne s'est pas présenté et c'est vous qui êtes candidate du Parti Socialiste ? Comment vous avez pris cette décision, parce que c'est une question qu'on se pose tous ?
Anne-Elisabeth Lemoine
Vous en avez discuté en famille ? Il y a un débat interne ?
Ségolène Royal
Non, ça s'est fait un peu comme ça, spontanément. Ca a fait irruption dans la vie politique. A un moment, j'ai un itinéraire politique, une question m'a été posée, j'ai dit pourquoi pas ? Et ensuite, effectivement, cette hypothèse est...
Estelle Denis
Oui, et il a dit quoi, lui, quand vous avez dit pourquoi pas ?
Ségolène Royal
Il a... Il a accepté ça.
Estelle Denis
Mais...
Ségolène Royal
On a observé ensemble ce qui se passait, le débat interne au sein du Parti Socialiste, l'évolution dans les opinions, voilà. Et jamais, il ne m'a empêchée de faire quoi que ce soit.
Estelle Denis
Vous n'avez jamais fait des sacrifices l'un pour l'autre ? Pour la politique ?
Ségolène Royal
On partage. Pour la politique, si parce qu'on fait attention aussi à l'économie de temps, pour garder du temps à nous, pour garder du temps à la famille. Si bien sûr. Je crois qu'une vie de famille, c'est une vie aussi de négociations, de compromis, bien sûr. Bien sûr, d'ailleurs c'est un principe de vie hein !
Anne-Elisabeth Lemoine
Mais vous avez eu le sentiment que lui, vous avez eu le sentiment que lui a sacrifié une ambition personnelle pour que vous puissiez être candidate à l'élection présidentielle ?
Ségolène Royal
Il ne le vit absolument pas comme ça. Non. Il ne le vit pas comme ça et heureusement d'ailleurs.
Estelle Denis
Donc, il le vit bien ?
Ségolène Royal
Il le vit bien. Il le vit bien, on verra la suite.
Estelle Denis
Alors justement, on va revenir sur vos débuts en politique, Ségolène Royal. A partir de quand vous vous êtes dit, eh bien justement que vous alliez vous présenter à l'élection présidentielle et que vous pourriez être Présidente de la République ?
Ségolène Royal
Eh bien ce n'est pas une décision, comme ça, qui est prise brutalement, du jour au lendemain, par rapport à un itinéraire personnel. C'est un moment où l'on comprend qu'il y a quelque chose qui se passe dans un itinéraire, presque historique et où, finalement, c'est assez exceptionnel comme situation ; qu'une femme puisse remplir les conditions d'expériences politiques, à un moment donné d'évolution et de maturité d'une société qui peut accepter que l'incarnation du Président de la République soit une femme. Je sais que c'est une révolution profonde, que c'est une mutation et qu'en même temps, c'est regardé aussi avec beaucoup d'intérêt par les autres pays, qui se demandent si la France aura cette audace. Et j'espère qu'elle l'aura parce que je pense que c'est un plus indépendamment de ma personnalité ou de ma personne. Je pense que c'est un plus parce qu'il est temps de voir les choses autrement, de penser la vie autrement, d'affirmer qu'il est possible de faire en so..., à la fois la solidarité sociale et l'efficacité économique, de remettre de l'ordre juste, de faire une société du gagnant gagnant et des compromis possibles. De bâtir la maison France où chacun se sent bien . Et je crois qu'un certain nombre de valeurs, dites féminines, je vois qu'on les..., certains les traitent avec commisération et moi je crois que ce ne sont pas des valeurs de commisération. Les questions d'éducation, de santé, de justice sociale, la préparation des problèmes de vieillissement, de retraites, c'est ce qui fait le ciment aujourd'hui d'une société et les principales interrogations des Français.
Estelle Denis
Alors ça, on en parlera en deuxième partie, de la politique, Ségolène Royal. Mais on va revenir quand même sur vos débuts en politique, c'était avec François Mitterand, c'était juste avant la victoire en 1981. Vous êtes ensuite devenue l'une de ses chargées de mission. C'est lui qui vous a permis d'être tête de liste dans les Deux-Sèvres aux législatives de 1988. Et il est venu, en 1992, on le voit sur ces images, à vos côtés, poser la première pierre du chantier de la rénovation du marais Poitevin, vous étiez plutôt proche. Qu'est-ce que vous avez appris de lui ?
Ségolène Royal
D'abord ça. Vous voyez, la volonté politique, la rénovation du marais Poitevin, un territoire qui était en perdition, qui perdait ses habitants, qui fermait ses écoles. Et je me suis battue pour que ce territoire ne soit pas traversé par une autoroute, ne soit pas détruit. Et François Mitterrand m'a appuyée dans cette démarche. Et ensuite, je me suis dit, il y a peut-être un autre modèle de développement à inventer pour cet espace rural exceptionnel ? Et j'ai réussi à faire en sorte de prouver qu'il y avait des croissances durables que l'on pouvait mettre en place, à partir des identités de territoires, des valeurs agricoles, des valeurs paysagères. Et donc, c'était prémonitoire, par rapport aux débats environnementaux d'aujourd'hui. Je crois que j'étais visionnaire à l'époque et François Mitterrand a partagé cette vision des choses, c'est-à-dire...
Estelle Denis
Et qu'est-ce qu'il aimait en vous, lui ?
Ségolène Royal
Il aimait justement cette alliance entre un attachement farouche aux identités rurales, dont je venais hein, à la terre, au paysage, à l'environnement et en même temps, la modernité. Donc, il se disait, c'est une nouvelle France qui se lève et il a toujours réussi à faire émerger une nouvelle génération, François Mitterrand. C'est ça qu'il faut retenir aussi. A chaque époque, il faut favoriser l'émergence d'une nouvelle génération.
Estelle Denis
Alors, on va écouter un homme qui était proche de vous, lorsque vous étiez ministre de l'Environnement. C'était l'un de vos proches collaborateurs. Il s'appelle Xavier Matharan et il y a 15 ans, ce qui l'avait marqué chez vous, c'est votre détermination hors du commun, écoutez.
Xavier Matharan, Membre du Cabinet de Ségolène Royal 1992-1993
C'est quelqu'un qui est en capacité du matin jusqu'au soir, de poursuivre une idée obsessionnelle, je veux ça et tant que, soit je l'ai obtenu, soit je suis certaine de ne pas l'avoir obtenu, je continue à me battre. Je n'ai vécu, si ce n'est, à un seul exemple, des instants de découragements, jamais.
Estelle Denis
Ségolène Royal, vous ne lâchez jamais rien ? Ca vous vient d'où cette détermination ?
Ségolène Royal
Oh, c'est un peu excessif quand même, je ne lâche jamais rien. Mais c'est vrai que j'ai appris que la volonté politique devait être conduite jusqu'au bout et qu'on pouvait déplacer des montagnes avec la volonté politique. Que rien n'était impossible dès lors que l'on était animé par des valeurs solides et que l'on voulait obtenir un certain nombre de changements profonds dans la façon de voir les choses, dans les injustices à combattre, dans les réformes à mettre en place. C'est vrai que j'ai beaucoup fait travailler mes équipes, ils doivent s'en souvenir.
Estelle Denis
Eh bien il s'en souvient et il se souvient également, Ségolène ROYAL, qu'il y a 15 ans, vous étiez très culottée, écoutez.
Xavier Matharan
C'est au-delà du culot. C'est quelqu'un qui, encore une fois, est habitée par sa propre vérité. C'est quelqu'un qui est capable de prendre une idée à quelqu'un d'autre, ça pouvait être à un autre ministre et de la faire sienne et de vous dire que c'est la sienne. Il y a une anecdote savoureuse hein, qui est qu'un des ministres avait eu comme idée de venir au Conseil des ministres en voiture électrique. Elle en entend parler par la société qui prêtait les voitures électriques, elle fait des pieds et des mains pour arriver d'abord avec cette voiture électrique en Conseil des ministres. C'est ça ! C'est elle ! Oui, c'est plus que du culot, c'est une certaine, moi je trouve, une certaine, j'allais dire, bravitude. C'est une certaine façon d'être dans l'existence tout de même.
Estelle Denis
Ca vous fait sourire Ségolène Royal.
Ségolène Royal
Oui, parce que l'anecdote est inexacte au sens où c'est vrai qu'étant ministre de l'Environnement et devant promouvoir la voiture électrique, j'avais imaginé de venir au Conseil des ministres en voiture électrique et ça m'a été interdit. Donc, en plus, ça ne s'est jamais fait.
Estelle Denis
Pourquoi ça vous a été interdit ?
Ségolène Royal
Parce que le Premier ministre de l'époque avait pensé que c'était gadget et que ça n'était pas digne pour un ministre de rouler en voiture électrique. Donc vous voyez, c'était avant les problèmes sur le réchauffement planétaire, parce que je crois qu'aujourd'hui et demain cas échéant, et j'espère qu'il arrivera, je développerais, bien sûr le véhicule propre. C'est absolument indispensable aujourd'hui.
Estelle Denis
Donc, si vous êtes Présidente de la République, vous roulerez en voiture électrique ou au véhicule propre ?
Ségolène Royal
Ah je pense que dans les déplacements urbains, la voiture propre est vraiment quelque chose qu'il faut réaliser. En plus ce sont des emplois à conquérir. Et il y a aujourd'hui une compétition internationale pour mettre au point le véhicule propre et je pense que l'industrie automobile française, si elle avait été beaucoup plus encouragée, y compris par des pratiques ministérielles. Là, nous parlons, nous sommes en 1992, vous imaginez si les investissements réclamés à l'époque avaient eu lieu, aujourd'hui, nous serions sans doute les premiers pays au monde à avoir développé les éco-industries. Et ça, c'est très dommage. Et je crois que diriger un pays, c'est être visionnaire par rapport aux mutations du monde, c'est-à-dire à ce qu'il va se passer dans 25 ou dans 50 ans.
Estelle Denis
Alors, Ségolène Royal, on a parlé de vos proches, on a parlé de François Hollande, de vos enfants, de Xavier Matharan, de François Mitterrand. On va maintenant s'intéresser à vos adversaires, car vous les savez, Ségolène Royal...
Ségolène Royal
Oui, il y en a beaucoup là...
Estelle Denis
Il y en a quelques-uns. Tout le monde n'apprécie pas forcément vous idées, ni votre façon de fonctionner. Vous avez parfois des manières et un caractère entiers qui dérangent. La preuve avec ce reportage de Laurent Bailly et Emmanuel Cohen.
Laurent Bailly
Juin 2004, Ségolène Royal présente son premier budget pour la région Poitou-Charentes. Elle vient d'en être élue Présidente en battant Elisabeth Morin, bras droit de Jean-Pierre Raffarin. Elisabeth Morin qui ne se prive pas de critiquer les débuts de la gestion Royal.
Elisabeth Morin, rediffusion
... Cassé. La maison Poitou-Charentes, vendue.
Laurent Bailly
Ce jour-là, elle lui reproche d'avoir vendu la maison Poitou-Charentes à Paris, vitrine régionale dit-elle, dans la capitale. Ségolène Royal feint l'indifférence. En réalité, elle affûte sa réponse.
Elisabeth Morin, rediffusion
Nous ne voterons pas ce budget 2005.
Ségolène Royal, rediffusion
Nous avons, voici, je peux vous présenter le ch??que 1 320 000 euros qui entrent donc dans les caisses de la région. Cette maison du Poitou-Charentes coûtait en plus 500 000 euros de fonctionnement par an. A votre place, je ne me serais pas risquée à ce type de question. Si vous voulez l'inventaire des dépenses et la liste des cocktails pour les élus de l'UMP et des jeunes de l'UMP qui se tenait à la maison Poitou-Charentes, nous pourrons également vous les communiquer, si le débat reste sur ce ton. Voilà, comme ça la prochaine fois, vous réfléchirez bien avant de mettre en cause les actions que nous mettons en place.
Elisabeth Morin, ancienne Présidente UMP de Poitou-Charentes
C'est une guerrière et je crois que c'est une femme qui est violente, qui aime la violence et qui aime l'affrontement.
Laurent Bailly
Proche-Orient, décembre 2006. Accueillie en Chef d'Etat par le Premier ministre Israélien, Ségolène Royal a rencontré juste avant, des députés libanais, dont un membre du Hezbollah. Critiquée par la Députée UMP, Françoise De Panafieu, Ségolène ROYAL la croise le lendemain dans un hall d'hôtel, ambiance.
Françoise De Panafieu, rediffusion
Bonjour. Ca va bien ?
Ségolène Royal, rediffusion
Je suis désolée, mais après vos propos, Madame, je ne vous salue pas !
Françoise De Panafieu,
En rien ma critique était d'ordre personnel, de sa vie privée ou personnel. C'était purement politique mais elle n'accepte pas les critiques, telles qu'elles soient et les critiques politiques, elle ne les accepte pas du tout. Donc à ce moment-là, elle, non seulement elle détourne son chemin mais en plus, elle refuse de vous serrer la main.
Laurent Bailly
Ségolène Royal, un style direct, qui parfois, tourne le dos, aux usages en vigueur dans le monde politique.
Estelle Denis
Ségolène Royal, est-ce qu'il faut savoir être dur pour faire de la politique ?
Ségolène Royal
Il faut surtout cesser d'être hypocrite. Je ne supporte pas les élus politiques qui se gobergent ou qui se tapent dans le dos, lorsqu'ils sont à l'abri des télévisions ou des regards des électeurs et puis, qui font semblant de débattre ou de s'opposer devant les caméras. Moi, je suis au clair avec les choses auxquelles je crois, il y a des mises en cause que je n'accepte pas et donc je dis non. Je les dénonce et je ne fais pas semblant de ne pas les écouter.
Estelle Denis
On peut se serrer la main quand même, même en politique, même avec des adversaires ?
Ségolène Royal
Oui sauf que quand on est en visite à l'étranger et qu'on apprend par le journal, un certain nombre de mises en cause pas justes, je ne fais pas ensuite semblant, parce qu'il y a une caméra et pour avoir l'air aimable de serrer la main. Non, moi je crois qu'il faut être, se comporter de la même façon, quand on est en public que quand on est en privé. Et d'ailleurs, les électeurs ne supportent plus l'hypocrisie de certains politiques. Quant à l'action à la tête de la région, c'est vrai...
Estelle Denis
Vous pensez à qui ?
Ségolène Royal
D'une façon générale, d'une façon générale. Ca les choque, lorsque soit disant, il y a des débats politiques de fond et puis d'un autre côté, il y a une espèce de complaisance, de fausse complicité, qui se fait. Non, le débat d'idées, il doit être clair et il doit être mis sur la table, devant l'opinion publique. Et quant aux critiques relatives à la région, je suis très fière d'avoir mis fin à toute une série de gaspillages, de cocktails, de grosses voitures, d'avoir vendu la maison du Poitou-Charentes qui servait des cocktails, en veux-tu en voilà, et qui finalement, n'avait aucune utilité. Et avec la vente de cette maison Poitou-Charentes, j'ai fait en sorte que tous les lycéens, que tous les apprentis aient désormais les livres gratuits, les ordinateurs gratuits, le matériel et les outils gratuits et plus des animateurs culturels dans l'ensemble des lycées. Voilà, ce que j'ai payé avec les économies sans augmenter les impôts de la région et en diminuant la dette, et j'en suis très fière.
Anne-Elisabeth Lemoine
Et en vous faisant des ennemis. Ca, vous n'avez pas peur qu'on vous déteste ?
Ségolène Royal
Mais moi, je ne déteste personne. Je ne déteste personne mais je marque mes oppositions d'actions et de valeurs. Je ne suis jamais dans le ressentiment.
Estelle Denis
Et est-ce que vous avez des amis en dehors de votre, de votre, de votre groupe politique quoi, en dehors du Parti Socialiste ?
Ségolène Royal
Non, on peut avoir des relations tout à fait cordiales, bien évidemment, avec des personnalités de l'opposition qui, qui se comportent correctement, qui ont une vérité de la parole, oui bien sûr. Ca ne pose aucun problème. Heureusement d'ailleurs qu'en démocratie, on peut encore dialoguer. Ca n'empêche pas d'avoir des divergences d'idées mais on peut se traiter correctement et avoir un débat cordial et courtois. C'est en tout cas comme ça que je conçois les relations avec l'opposition. Et d'ailleurs, je me suis engagée, si je suis élue, pour respecter l'opposition, que le Président de la Commission des Finances, ça n'est pas rien, sera un parlementaire de l'opposition parce que je crois que la République nouvelle que je veux créer, doit être une République où le Parlement est davantage en situation de contrôler le pouvoir exécutif, où l'opposition est davantage respectée. Parce que je crois que c'est dans cette dialectique entre la majorité et l'opposition, entre la Droite et la Gauche, que l'on peut progresser ensemble et même trouver des majorités d'idées sur des sujets qui correspondent à l'intérêt général.
Estelle Denis
Alors on parlera de vos idées dans quelques instants avec Bernard De La Villardière. On continuera à parler de vous avec, notamment, notre rubrique des questions indiscrètes. Et puis, on vous verra en campagne, Ségolène Royal, ça sera juste après la pub.
Ségolène Royal, redifusion
Alors dans cette campagne, il y aura des embûches mais nous nous relèverons, il y aura des pièges et nous les contournerons. J'ai de la résistance, de la force et du courage, parce que c'est vous qui me les donnez. Alors, je vous y invite, accomplissons ensemble notre devoir de victoire !
Estelle Denis
Retour sur le plateau de 5 ans avec, en compagnie de Ségolène Royal, la candidate à la présidentielle pour le Parti Socialiste. Alors Ségolène Royal, on va s'intéresser à votre campagne, maintenant. Ces derniers jours, on vous a suivie à plusieurs reprises en déplacement dans le Sud-Ouest, sur un marché à Auch et en meeting à Dijon. C'est un reportage d'Emmanuel Cohen.
Emmanuel Cohen
7 mars au Zénith de Dijon. En cette veille de la journée de la Femme, Ségolène Royal doit participer à une grande soirée organisée pour l'occasion par le Parti Socialiste. Plus de 7 000 personnes sont attendues. Quelques minutes avant d'entrer en scène, Ségolène Royal arrive dans sa loge. C'est le moment des derniers préparatifs, elle souhaite s'isoler des caméras.
Ségolène Royal
Non, vous ne me filmez pas pendant que Patrick me briffe, voilà. J'ai besoin de poigne.
Emmanuel Cohen
Pendant ce temps-là, son fils, Thomas Hollande, 22 ans, n'est pas loin. Responsable de la ségosphère, le site Web de Ségolène Royal, le jeune homme s'investit pleinement dans la campagne de sa mère et ne rate aucun meeting.
Journaliste
Vous êtes là ce soir comme à tous les meetings quoi en fait ?
Thomas Royal
En fait, je suis, comme dans tous les meetings, avec ségosphère, les militants de ségosphère de la région et en plus, particulièrement ce soir, je fais le service d'ordre aussi. Donc voilà parce que c'était un pari que j'avais fait avec le chef du service d'ordre.
Journaliste
Ah, donc c'est juste pour s'amuser en fait ?
Thomas Royal
Voilà, c'est juste pour s'amuser sur le concept mais maintenant ce n'est plus amusant du tout, c'est sérieux.
Emmanuel Cohen
C'est l'heure du discours de la candidate, elle se prépare à entrer en scène. Dans les coulisses, elle semble très sereine. Comment vous vous sentez ?
Ségolène Royal
Bien.
Emmanuel Cohen
Pas trop le trac ?
Ségolène Royal
Non, le trac, c'est avant, pas quand on rentre sur le ring, dans l'arène ou sur le ring.
Intervenant
Il y a tellement de monde dehors, c'est formidable.
Ségolène Royal
Ah oui, c'est formidable hein ! Il y a combien de personnes en tout ?
Intervenant
4 000 dehors plus 7 000 à l'intérieur, 12 000 personnes, on n'a jamais vu ça à Dijon. Depuis François Mitterand.
Ségolène Royal
Ah oui.
Emmanuel Cohen
Plusieurs personnalités se sont succédées sur scène, en première partie. Maintenant, c'est Ségolène Royal la vedette. Le public scande son prénom. Vous êtes attendue là, non ?
Ségolène Royal
Oui.
Emmanuel Cohen
Ségolène Royal entre sous les acclamations. En cette journée de la Femme, elle axe tout son discours sur sa différence par rapport aux autres candidats.
Ségolène Royal
Chers Amis, je ne vous demande pas de voter pour moi parce que je suis une femme, mais je suis une femme et avec moi, le changement, le vrai changement politique, il est là. Et avec moi, la politique ne sera plus jamais comme avant.
Emmanuel Cohen
La salle est sous le charme. Le meeting prend fin, Thomas Hollande se prépare à accueillir les militants à la sortie.
Journaliste
Ca vous fait quand même quelque chose quand vous la voyez sur scène ?
Thomas Royal
Oui, ça me fait quelque chose, ça me fait quelque chose. Mais je pense, je voudrais pas dire, mais je pense que ça me fait quelque chose comme à n'importe quel, aux autres militants qui sont vraiment engagés. Je pense qu'on est ému par rapport au fond du discours, qu'on est, qu'elle nous donne à la fois de l'enthousiasme aussi bien qu'elle nous transmet de l'émotion. Mais je ne suis pas sûr que je vive les choses vraiment différemment que tous les autres militants qui sont vraiment engagés.
Emmanuel Cohen
5 jours plus tôt, il est midi à Anglet, une petite ville près de Biarritz, au bord de l'Atlantique. Autre ambiance pour un drôle de meeting. C'est la marque de fabrique de Ségolène Royal, plantée au beau milieu de la place principale du village, tel un prêcheur qui vient porter la bonne parole. La candidate vient au contact des habitants.
Ségolène Royal
Je crois qu'une campagne pour l'élection présidentielle, c'est cela. C'est d'être à votre contact, c'est de venir vers vous, c'est d'expliquer sans relâche quel est cet enjeu. Et moi ce que je vous propose...
Emmanuel Cohen
En moins de 30 minutes, sans note, collée à son public, Ségolène ROYAL fait un vrai condensé de son programme.
Ségolène Royal
La précarité dans le travail, les désordres de l'environnement, les désordres liés au chômage des jeunes, le désordre lié à la baisse du pouvoir d'achat des retraités, tout cela c'est du désordre. Et tout cela tire la France vers le bas et il y a des solutions. C'est cela que je suis venue vous dire.
Emmanuel Cohen
Une fois son discours terminé, Ségolène Royal prend juste le temps d'une séance photo devant le front de mer. Mais elle avait prévu de poser sur un bateau et quand elle découvre que le quai est vide, elle est contrariée.
Une riveraine
Bonjour
Ségolène Royal
Bonjour Madame. C'est beau là, il n'y a pas...
Intervenante
Quelques bateaux ?
Ségolène Royal
Un petit bateau ?
Emmanuel Cohen
Mais Ségolène Royal retrouve vite le sourire.
Ségolène Royal
Ca fait un peu posée ça ! Je suis sensée attendre.
Photographe
Ben au moins c'est bon !
Ségolène Royal
C'est bon, merci !
Emmanuel Cohen
La séance photo est un peu expédiée car Ségolène Royal n'a pas de temps à perdre. Une autre réunion populaire, comme elle les appelle, l'attend à une centaine de kilomètres de là. 3 heures plus tard, on la retrouve à Mourenx, la cité dortoir d'une usine de gaz située juste à côté. Sous une tente, plantée pour l'occasion, sur la dalle de la cité, Ségolène Royal s'adresse aux habitants. Et devant ce public populaire, elle se la joue rock star.
Ségolène Royal
Est-ce que Mourenx va bien ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
Est-ce que Mourenx veut que ça change ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
La voulez-vous cette France neuve ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
La voulez-vous cette France forte ?
La foule
Oui !
Ségolène Royal
Alors, en avant, nous la construirons ensemble !
La foule
Oui !
Emmanuel Cohen
Il est 20 heures, Ségolène Royal tient une autre réunion populaire à Pau, dans une salle de pelote basque. Tel un leitmotiv, la candidate répète à son public qu'elle a besoin de lui.
Ségolène Royal
Seule, je ne peux rien mais, avec vous, tout devient possible.
Emmanuel Cohen
C'est la fin d'une longue journée mais Ségolène Royal semble portée par l'enthousiasme de son public.
Journaliste
Vous sentez une vraie ferveur ? Vous dites que les gens sont votre équipe de campagne en fait ?
Ségolène Royal
Oui, vous ne trouvez pas ? Vous ne sentez pas ? C'est communicatif. Je recharge mes batteries à l'énergie renouvelable. Ce ne sont pas de bonnes énergies fossiles, se sont des énergies renouvelables.
Emmanuel Cohen
Le lendemain à Auch, dans le Gers. Alors que c'est l'inauguration du Salon de l'Agriculture à Paris, la candidate s'est organisée pour rencontrer le monde rural sur le terrain. C'est la traditionnelle visite de marché.
Une commerçante
Je suis contente que vous soyez venue sur Auch.
Ségolène Royal
Ah ben c'est gentil. Bonjour Mesdames. Ca a l'air d'être bon, ça doit être bon hein ici.
Emmanuel Cohen
L'accueil est très chaleureux mais à la sortie, la candidate est interpellée en même temps par un militant de l'association " Agir contre le chômage " et par un supporter de José Bové.
Militant, Agir ensemble contre le chômage
Madame Royal, bonjour. Agir ensemble contre le chômage, j'aurais une question, Madame Royal.
Militant pour José Bové
Un des derniers porte-parole de....Qu'est-ce que vous en pensez ?
Ségolène Royal
Du parrainage de...
Emmanuel Cohen
Ségolène Royal prend le temps de répondre au supporter de José BOVE qui s'inquiète pour les signatures de son candidat.
Militant pour José Bové
Vous, qui êtes partisane de la démocratie participative, nous on est plutôt partisan de la démocratie délibérative mais il n'est quand même pas normal qu'avec ce système-là, de parrainage, qu'un candidat qui représente un courant avec des idées....
Ségolène Royal
Oui, je pense que....
Emmanuel Cohen
Au même moment, à droite, le militant de l'association " contre le chômage " se fait de plus en plus pressant et regardez comment elle s'y prend pour esquiver la question.
Ségolène Royal
Mais attendez, vous avez encore un peu de délai non ?
Militant pour José Bové
Bien sûr, non mais il paraît que vous avez un timing très serré, je ne veux pas vous opportuner. Mais je voudrais vous dire quand même...
Ségolène Royal
Non mais je parle pour récolter les signatures. Allez, il faut y aller, parce qu'on est attendu.
Militant, Agir ensemble contre le chômage
Non, non, juste une dernière question, contre le chômage....
Emmanuel Cohen
Le militant de l'association " Contre le chômage " insiste. Il est aussitôt écarté par le service d'ordre de la candidate.
Militant, Agir ensemble contre le chômage
Les minima sociaux Madame Royal !
Emmanuel Cohen
Pendant ce temps-là, Ségolène Royal poursuit sa route de candidate.
Ségolène Royal
J'ai besoin de vous, portez-moi jusqu'au 22 avril, c'est grâce à vous que je suis forte !
Journaliste
Ségolène, qu'est-ce que vous ressentez ce soir ?
Ségolène Royal
Beaucoup de bonheur.
Journaliste
Il y a énormément de monde ?
Ségolène Royal
Oui, super !
Journaliste
Vous vous sentez soutenue ?
Ségolène Royal
Je me sens soutenue.
Emmanuel Cohen
Meetings, bains de foule, réunions sur les places et dans les cités, Ségolène Royal doit encore tenir un mois et demi, à ce rythme-là.
Estelle Denis
Ségolène Royal, vous êtes en campagne depuis plus de six mois avec les primaires du Parti socialiste. Comment est-ce que vous faites pour tenir le coup physiquement et moralement ?
Ségolène Royal
Je tiens le coup en pensant toujours à l'objectif : gagner cette élection présidentielle et donc être à la hauteur de l'attente que je ressens dans ces Français très très très nombreux qui viennent dans les réunions publiques.
Estelle Denis
Mais vous n'avez jamais de coups de barre, de coups de blues ? Parce que quand même ça fait longtemps que vous êtes sur le terrain là.
Ségolène Royal
Oui, oui, mais en même temps, c'est un moment tellement exceptionnel, c'est une responsabilité tellement extraordinaire lorsque l'on est engagé en politique, de pouvoir être candidate à l'élection présidentielle, c'est-à-dire d'avoir d'abord été désignée au sein de sa propre organisation et puis maintenant de représenter un espoir extrêmement fort, d'incarner à la fois un changement, de porter un désir d'avenir, de croire que la France peut se relever en changeant les règles du jeu qui aujourd'hui n'ont pas fonctionné. Donc il faut repenser la façon dont tout cela fonctionne, débloquer la machine économique, redonner un espoir aux jeunes qui sont au chômage, c'est l'une de mes priorités fondamentales, remettre l'éducation au coeur de tout, donc la tâche est tellement immense que je suis à la fois honorée de la responsabilité qui est la mienne aujourd'hui et soucieuse de mériter ce vote des Français.
Estelle Denis
Jean-Pierre Raffarin disait : la campagne est un formidable révélateur de caractère. Est-ce que vous pensez que vous avez changé depuis le début de votre campagne ?
Ségolène Royal
J'espère que non parce que je crois que ce que les Français attendent de moi, c'est de rester moi-même ; ils s'interrogent peut-être un peu aujourd'hui ; ils se disent, je le sais, elle a perdu sa liberté de parole, est-ce qu'elle ne se fait pas totalement enfermée dans son parti...
Estelle Denis
Et la réponse est ?
Ségolène Royal
Et la réponse est que c'est à moi de leur prouver qu'il y a des phases dans cette campagne. Il y a des phases de liberté, il y a des phases où l'on doit aussi mobiliser une organisation politique, où l'on doit rassembler et puis il faut rester soi-même et je crois que c'est ça aujourd'hui que les Français attendent. Ils attendent de comprendre comment et pourquoi je vais rester moi-même, ce que je vais leur proposer et comment je vais les entraîner vers leur avenir et vers un destin meilleur.
Estelle Denis
Alors justement les Français, on leur a demandé comment ils vous percevaient, on leur a posé des questions sur vous et on va voir un sondage sur vos points forts et points faibles présumés. Alors les points forts tout d'abord : 70% des Français vous jugent à leur écoute ; 53% des gens estiment que vous êtes sincère ; et pour les points plus faibles, seulement la moitié des personnes interrogées, 49%, pensent que vous êtes compétente et ils ne sont que 37% à penser que vous avez la stature d'un président de la République. Petit rappel : ils étaient 65% pour Nicolas Sarkozy et 44% pour François Bayrou ; comment est-ce que vous expliquez cet écart avec les autres ?
Ségolène Royal
D'abord je pense que le fait d'être une femme, ce n'est pas facile par rapport à la projection que l'on se fait de l'image du président de la République ou de la présidente de la République. Donc il faut que j'arrive à conquérir cette confiance et à réaffirmer... affirmer la compétence qui est la mienne. Ensuite je crois que dans cette première phase de campagne et à cause du débat interne, les dirigeants du Parti socialiste n'ont pas suffisamment fait bloc autour de moi au début de cette campagne, donc il y a eu un doute sur la compétence parce que les gens se sont dit : mais comment ça se fait, s'ils ne font pas bloc autour d'elle, c'est qu'eux-mêmes ont un doute sur leurs compétences...
Estelle Denis
C'est vrai qu'on voit peu Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Lionel Jospin à côté de vous.
Ségolène Royal
Ce n'est pas le problème de les voir, c'est le problème de ce qu'ils n'ont pas dit à une époque ; et c'était normal parce que moi j'ai eu cette épreuve de la campagne interne que n'ont pas eue les autres candidats de droite. Et en même temps ça m'a donné aussi une légitimité et une force puisque j'ai eu ce vote massif des militants. Donc là nous entrons dans une nouvelle phase et je suis bien consciente que le fait d'être une femme, c'est une difficulté pour projeter l'image du pouvoir suprême dans une femme, même si d'autres pays ont fait leurs preuves. Et en même temps, c'est la première fois aussi qu'un pays a la chance de pouvoir désigner une femme au suffrage universel direct. Donc c'est vrai que c'est une révolution parce qu'en ce qui concerne la compétence, à la fois le bilan de mes actions dans mes différents postes de responsabilités, l'itinéraire qui est le mien, la formation qui est la mienne, la capacité que j'ai à rassembler les compétences autour de moi, tout ça ne doit pas mettre en doute ma compétence mais c'est à moi aussi de continuer à convaincre de cette compétence et de cette stature.
Estelle Denis
Alors nous aussi, nous allons entrer dans une nouvelle phase dans cette émission "Cinq ans avec..." puisque Bernard de la Villardière va venir nous rejoindre sur le plateau pour vous poser les questions que tout le monde se pose sur votre programme.
Bernard de la Villadière
Bonsoir Ségolène Royal.
Ségolène Royal
Bonsoir.
Estelle Denis
On va commencer avec l'immigration, Bernard.
Bernard de la Villadière
Oui en effet car c'est dans l'actualité. Vous avez qualifié d'ignoble le projet de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l'Immigration et de l'identité nationale, je crois que c'est l'amalgame que vous avez qualifié d'ignoble plus exactement, c'est bien ça...
Ségolène Royal
Je ne suis pas d'ailleurs la seule à avoir dénoncé cet amalgame, ce qui me semble en effet particulièrement détestable, c'est de penser que l'identité de la France puisse être menacée par l'immigration. C'est la responsabilité d'un Etat de gérer la politique de l'immigration et de ne pas dépendre... ou de ne pas faire porter une responsabilité ou de trouver des boucs émissaires dans ce qui ne va pas en France, surtout de la part du ministre de l'Intérieur qui est responsable de cette politique. Ce que je trouve d'autre part tout à fait exécrable, c'est de pouvoir faire un amalgame entre les étrangers qui sont en situation régulière et les autres. Et l'économie française dans bien de ces dimensions, dépend de la main d'oeuvre étrangère. Imaginez que tous les travailleurs étrangers s'arrêtent de travailler du jour au lendemain dans les métiers du bâtiment, dans les métiers du nettoyage, dans un certain nombre de missions liées à l'agriculture, vous verriez ce qui se passe. Et donc je crois qu'en voilà assez de cette façon de faire qui consiste à l'approche d'une échéance électorale majeure, d'attiser les haines, les peurs et le rejet de l'autre. Je crois que l'identité française se construit au contraire par la façon dont on définit ensemble les valeurs qui nous font tenir debout et par la façon dont on prouve que l'on a à la fois l'efficacité politique de régler un certain nombre de problèmes et moi je ne confonds pas le respect des étrangers en situation régulière qui sont ici chez eux et la lutte nécessaire pour lutter contre l'immigration clandestine. Et là il y a des solutions.
Bernard de la Villadière
Alors justement là-dessus, qu'est-ce que vous proposez ? Est-ce que vous comptez régulariser tous les sans-papiers? Y aura-t-il des restrictions à cette régularisation ?
Ségolène Royal
D'abord il faut s'interroger sur les raisons pour lesquelles il y a une immigration clandestine. L'immigration clandestine, elle vient essentiellement des migrations de la misère, c'est-à-dire de la fuite des pays les plus pauvres et donc la première des mesures à prendre, la première des réformes en profondeur à conduire - ce que n'a pas fait Nicolas Sarkozy - c'est de réformer l'aide au développement et de faire en sorte notamment au regard de l'Afrique qu'il y ait une véritable politique africaine, que les aides financières arrivent directement aux intéressés, ne soient plus contournées par des Etats corrompus ou par des strates intermédiaires et aillent directement... je suis allée rencontrer les familles près de Dakar dont les enfants prennent les pirogues et se noient en mer pour essayer d'atteindre l'Europe développée. Et que m'ont dit ces familles et ces mères qui étaient rassemblées ? C'est que les aides au développement ne leur parvenaient pas et que si elles avaient un minimum de micro-crédits, elles pourraient développer des activités économiques, il y a l'agriculture, il y a la pêche, il y a l'éducation...
Bernard de la Villadière
Donc il faut financer les Ong sur place plutôt que les gouvernements. C'est ça que vous voulez dire ?
Ségolène Royal
Je pense qu'il faut réformer de fond en comble la politique d'aide au développement et que la maîtrise des migrations de la misère se fera d'abord par la réduction des écarts entre les pays riches et les pays pauvres pour que les enfants qui naissent dans ces pays pauvres aient un avenir. Donc donnons-leur d'abord un avenir dans leur pays avant de leur reprocher de fuir leur pays pour trouver de quoi manger.
Bernard de la Villadière
Alors concernant les sans-papiers ?
Ségolène Royal
Concernant les sans-papiers, je l'ai déjà dit, nous ferons de la régularisation au cas par cas.
Bernard de la Villadière
D'accord. Concernant les 35 heures, vous proposez d'assouplir la réglementation actuelle, un peu comme Nicolas Sarkozy et François Bayrou ; dans quel cadre ? Comment exactement ?
Ségolène Royal
C'est le dialogue social qui va définir...
Bernard de la Villadière
Branche par branche...
Ségolène Royal
Branche par branche... la question du temps de travail. Et la question du temps de travail doit être étroitement connectée avec la question aussi du pouvoir d'achat, de la revalorisation des bas salaires, de la productivité des entreprises et d'une façon générale, je pense qu'il faut changer de fonds en comble la politique économique au sens où je crois que l'on peut rendre compatible contrairement à ce qui se fait aujourd'hui, la productivité des entreprises, leur agilité quand elles ont besoin de conquérir des marchés étrangers, de s'adapter à un nouveau marché, d'investir dans l'innovation et dans la recherche ; et en même temps, la sécurisation des salariés.
Bernard de la Villadière
Donc il faut supprimer les 35 heures et faire autre chose ?
Ségolène Royal
Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, c'est que je crois qu'il faut discuter de la durée du travail en fonction à la fois des aspirations des salariés... à voir généraliser les 35 heures dans de bonnes conditions ; et en même temps les besoins des entreprises qui doivent parfois faire face à des plans de charges, soudains, nouveaux, donc il y a aussi besoin d'avoir des salariés motivés, d'avoir une certaine souplesse aussi dans l'organisation de leur temps de travail et je pense... moi je crois profondément que c'est la réforme du dialogue social, c'est-à-dire la modernisation du pays, c'est-à-dire un respect mutuel entre les organisations de salariés et les organisations patronales, celles bien sûr qui sont dans les petites et moyennes entreprises, celles qui créent vraiment, celles qui ne licencient pas leurs salariés pour des raisons boursières, celles qui créent des emplois, c'est là que se trouvent aujourd'hui les ressources d'une nouvelle croissance économique. Et je pense qu'il est possible de faire converger les intérêts des salariés et les intérêts des entreprises qui créent et qui vont de l'avant ; c'est le nouveau modèle économique que je propose.
Bernard de la Villadière
Concernant la délinquance des mineurs, vous voulez durcir, je crois, les sanctions à l'égard des mineurs délinquants, développer les centres éducatifs renforcés, vous voulez toujours réclamer un renfort de l'armée ?
Ségolène Royal
Oui, bien sûr. Je pense que ce qui ne va pas aujourd'hui, c'est que le premier acte de délinquance n'est pas puni. La délinquance n'est punie que lorsqu'il y a récidive. Or on sait parfaitement que si le premier acte de délinquance n'est pas puni, à ce moment-là, il y a récidive et moi, mon objectif...
Bernard de la Villadière
Envoyer en prison ?
Ségolène Royal
Non, il faut des sanctions proportionnées à l'acte de délinquance qui a été commis mais il faut immédiatement un rappel à la loi et un rappel à la règle. Ca, ça me paraît extrêmement important.
Bernard de la Villadière
On est en train de construire en France des prisons pour mineurs. Est-ce que vous êtes pour, est-ce que vous poursuivrez la construction de ces établissements sachant qu'il y a par ailleurs des quartiers pour mineurs dans les prisons françaises aujourd'hui ?
Ségolène Royal
Je pense que quand il y a des actes extrêmement graves qui sont accomplis par les mineurs et qu'on ne peut pas éviter la prison, il faut des prisons adaptées aux mineurs mais mon objectif, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait plus de mineurs en prison. Pourquoi ? Parce que 70% des mineurs qui sortent de prison, récidivent et ressortent plus délinquants qu'ils ne l'étaient en entrant en prison. Donc je veux mettre au point toutes les solutions alternatives qui permettent à un mineur de se remettre dans le droit chemin lorsqu'il en est encore temps. C'est comme ça que j'ai avancé en effet les solutions d'encadrement militaire parce que je crois qu'un mineur qui n'a pas eu la chance d'être correctement éduqué, d'avoir des adultes référents, d'apprendre les règles de vie en commun suffisamment tôt, qui est en plus en échec scolaire...
Bernard de la Villadière
Le cadre militaire, c'est le bon cadre pour ça vous croyez...
Ségolène Royal
Vous savez, tous les mineurs qui sont en prison, ont été en échec scolaire. Un mineur en prison maîtrise en moyenne 400 mots alors qu'un élève qui est à la fin de l'école primaire, maîtrise 2.500 mots. Donc vous imaginez la détresse scolaire et culturelle de ces jeunes. Et moi je veux... chaque fois qu'un jeune est encore mineur, c'est-à-dire que la responsabilité des adultes est encore là jusqu'à sa majorité, essayer de lui tendre à nouveau la main et de lui donner une nouvelle chance. Et donc je préfère un jeune encadré par des militaires qui lui réapprennent... apprennent le permis de conduire, qui fait du rattrapage scolaire, qui l'encadrent, qui lui réapprennent les règles élémentaires de vivre en commun dans un encadrement quand même strict puisqu'il a fait quand même un acte de délinquance...
Bernard de la Villadière
Il y aura le parcours du combattant quand même...
Ségolène Royal
Ca lui fera le plus grand bien.
Estelle Denis
Bernard, merci. Il nous reste très peu de temps Ségolène Royal ; on va terminer avec les questions indiscrètes. Ségolène Royal, quelle est la chose la plus romantique que vous ayez faite ?
Ségolène Royal
La chose la plus romantique, ce sont des vacances... des vacances au Sierra Leone avant la guerre civile, des vacances avec François. Et nous étions dans un bungalow comme ça sur la plage dans la beauté de la nature et des endroits qui n'existent plus puisque depuis malheureusement, ils ont été ravagés par la guerre civile.
Estelle Denis
Est-ce que vous faites du sport, Ségolène Royal ?
Ségolène Royal
Oui bien sûr, parce qu'avec cette campagne, c'est un marathon, vous savez, cette campagne, donc je fais de la musculation.
Estelle Denis
Est-ce que vous avez déjà fumé un pétard ?
Ségolène Royal
Non.
Estelle Denis
Est-ce que vous avez un héros ou une héroïne ? Rien à voir avec le pétard ?
Ségolène Royal
Ca n'a rien à voir... Ecoutez, sans complexe, je vais vous dire Jeanne d'Arc. Celle qui a eu l'audace d'endosser un habit d'homme... une petite bergère qui a endossé un habit d'homme pour pouvoir sauver la France, c'est extraordinaire et qui n'a pas eu vingt ans hélas.
Estelle Denis
Votre dernière grosse dépense, c'était quoi ?
Ségolène Royal
Ma dernière grosse dépense... elle remonte à loin parce que je n'ai pas beaucoup le temps de...
Estelle Denis
Vous ne dépensez pas beaucoup... vous n'avez pas le temps de faire les magasins. Qu'est-ce que votre époux préfère en vous ?
Ségolène Royal
Mes yeux.
Estelle Denis
Quel est votre objet fétiche ? Est-ce que vous avez un grigri par exemple?
Ségolène Royal
Un objet fétiche... non, je ne suis pas superstitieuse.
Estelle Denis
Quel est le plus beau compliment qu'on puisse vous faire ?
Ségolène Royal
Elle ressemble à la France et elle a compris quelles étaient aujourd'hui les attentes.
Estelle Denis
Dernière question : à quoi vous ne savez pas résister ?
Ségolène Royal
A quoi je ne sais pas résister ? A un bon massage.
Estelle Denis
Merci beaucoup Ségolène Royal. On se retrouve, nous, la semaine prochaine pour un nouveau numéro de "Cinq ans avec...". FIN
Source http://www.desirdavenir.org, le 14 mars 2007