Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord, permettez-moi de vous exprimer mon plaisir de me trouver à Tokyo et l'honneur d'être devant vous cet après-midi. Ce n'est pas ma première visite mais c'est la première en tant que ministre de la défense dans votre pays.
Le Japon est un grand pays dont j'apprécie la culture, la créativité, l'inventivité et le dynamisme.
J'attache une grande importance aux relations bilatérales que la France entretient avec le Japon, mais aussi avec chaque pays d'Asie du Nord-Est, et avec la région dans son ensemble.
Mon voyage aujourd'hui coïncide aussi avec la transformation de l'Agence japonaise de défense en ministère de la défense à part entière. Je suis donc l'un des premiers ministres de la Défense à rendre visite à mon homologue, M. Kyuma. La rencontre d'aujourd'hui nous permettra d'aborder les grands dossiers géostratégiques qui nous intéressent, les uns et les autres.
Le monde de 2007 ne ressemble plus du tout à celui de la guerre froide. Les enjeux sont multiples. Les acteurs sont extrêmement nombreux.
La multipolarité, avec ses différentes déclinaisons, est la caractéristique principale du nouvel ordre international. Cette situation doit nous inciter à coopérer, y compris sur le plan de la défense et de la sécurité.
Nous vivons dans un monde où les équilibres sont en train de changer
Il y a cinquante ans, le monde était encore pour l'essentiel dominé par les Occidentaux. A l'issue de la deuxième guerre mondiale, les puissances victorieuses avaient bâti un ordre politique international à leur image. La guerre froide a gelé cette répartition en zones d'influence. L'Organisation des Nations unies était largement dominée par les vainqueurs.
Aujourd'hui, les choses ont changé ; de nombreux pôles émergent : des pôles démographiques, économiques et aussi culturels.
Asiatiques, Arabes, Perses, Latino-Américains, Africains revendiquent à leur tour et à juste titre des conceptions et des modes de vie qui leur sont propres. Le monde est riche de cette diversité. Riche spirituellement et culturellement de l'existence de peuples et de confessions bouddhiste, taoïste, hindouiste, islamique et bien d'autres.
L'impact économique de l'Asie est particulièrement symbolique : après le Japon, puis les "quatre dragons", Hong Kong, Taiwan, Singapour, la Corée du Sud, la Chine et l'Inde constituent aujourd'hui deux moteurs essentiels de l'économie mondiale. Leur influence est grandissante, à la fois comme exportateurs de produits de grande consommation, et aussi comme importateurs de matières premières.
Le Japon, avec un rythme de croissance qui dépasse les 3 %, continue de miser sur l'innovation, sur la recherche et le développement.
Le Japon joue un rôle économique essentiel dans cette région dont la vitalité est à nos yeux stupéfiante et dont les contours institutionnels progressent.
Parmi les nouveaux pôles économiques, on peut également évoquer le monde arabo-musulman, dont les pays producteurs de pétrole conditionnent la croissance ; l'Amérique latine et ses nombreux atouts démographiques et économiques ; le continent africain et ses richesses naturelles qui sont aussi importantes pour la croissance mondiale.
Chacun revendique sa part de prospérité, de modernité, d'identité.
L'Europe elle-aussi constitue un pôle économique puissant. Elle est toujours la 1ère puissance commerciale mondiale. Sa construction institutionnelle en fait un modèle d'alliance entre voisins. Il y a un demi-siècle, sortant d'une longue période de guerre, l'Europe a choisi de se rassembler autour du Traité de Rome, dont nous fêtons cette semaine le 50ème anniversaire. Que de chemin parcouru au cours de ces cinquante ans ! De six pays membres au départ, l'Union européenne en compte à présent 27. Cet élargissement de l'union a fait de l'Europe un continent plus sûr, plus riche, plus dynamique, et aussi plus solidaire.
Certes, il y a eu le rejet du Traité constitutionnel par la France et par les Pays-Bas au printemps 2005 mais, malgré ce frein, l'Union européenne poursuit sa construction. Elle possède la deuxième devise internationale. L'Union européenne est le deuxième investisseur étranger au Japon. Elle véhicule aussi des valeurs de paix dont nous sommes fiers, une vision du monde que souhaitons partager avec ceux qui le désirent.
Le monde globalisé dans lequel nous vivons est un monde plus dangereux
Ministre de la Défense depuis presque cinq ans, je ne peux que constater que les problèmes sécuritaires se sont multipliés et qu'ils continuent de se développer.
- Aucune région du monde n'est épargnée par le terrorisme : Washington et New York bien sûr, mais aussi deux capitales européennes, Madrid et Londres, ainsi que Rabat, Istanbul, Charm el-Cheikh, Karachi et Bali. Tous ces noms nous rappellent des images terribles sur nos écrans de télévision, sur Internet, à la une de nos journaux.
- La prolifération des armes de destruction massive nucléaire, biologique ou chimique devient de plus en plus préoccupante. La Corée du Nord a effectué en octobre dernier un tir de missile condamné par l'ensemble de la communauté internationale.
L'attitude de l'Iran - qui tente de développer un programme nucléaire militaire en dépit de ses engagements internationaux - doit nous conduire à assurer l'avenir du Traité de non- prolifération.
Les crises régionales enfin ne cessent de se multiplier, que ce soit au Moyen-Orient avec la Palestine et le Liban ; dans le Caucase, en Asie centrale ; en Afrique. Elles conduisent souvent à des massacres, voire à des génocides. Elles ont également pour conséquence de constituer des zones grises propices à des lieux d'entraînement des terroristes, au développement de mafias, à des trafics en tous genres. Elles mènent à de nombreux mouvements de population, parfois incontrôlés qui pourraient devenir plus nombreux. Et l'avenir ne paraît guère porteur d'améliorations.
Au contraire, nous ne pouvons que craindre de nouvelles crises sur les ressources énergétiques, alimentaires ou en eau potable qui deviennent plus restreintes. Il y a un risque de contrainte sur les ressources alimentaires au moment où l'on voit une augmentation de la population mondiale dans les trente prochaines années ;
Tout cela ne peut que nous inciter à coopérer davantage dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Dans un monde multipolaire, dans un monde dangereux, Européens et Asiatiques doivent renforcer leur coopération sur les plans militaire et stratégique.
Car aucun pays aujourd'hui n'est à même de répondre seul aux défis sécuritaires existants et encore moins à venir.
C'est bien dans cet esprit que l'Union européenne a mis en place des mécanismes fondamentaux pour participer à la stabilisation et à la sécurisation.
Depuis trois ans, l'Union européenne est devenue un acteur crédible et reconnu dans la gestion des crises militaires.
Elle a conduit depuis trois ans plusieurs opérations de gestion de crise civiles ou militaires en Macédoine, en Bosnie-Herzégovine et par deux fois en République démocratique du Congo.
Aujourd'hui au Darfour, l'Union européenne couvre un large spectre d'actions aux côtés et en soutien de l'Union africaine : police civile et militaire, soutien logistique, planification, transport stratégique, formation.
D'autres opérations encore mobilisent les Européens, comme la mission d'observation de l'Union européenne à Aceh en Indonésie, conclue avec succès en décembre 2006.
Nous avons également participé activement à l'assistance des populations lors du tsunami il y a plus de deux ans.
Il ne s'agit pas d'actions ponctuelles car l'Europe a renforcé son champ d'action, en complémentarité avec l'action de l'OTAN.
En matière de sécurité et de défense, les moyens européens et américains se complètent et se renforcent mutuellement. OTAN et Union européenne disposent chacune d'atouts spécifiques, de liens particuliers avec certains acteurs régionaux, de méthodes de gestion de crises propres et différentes. L'OTAN a des moyens de gestion militaires sur le long terme.
En fonction des situations, les Européens peuvent, grâce à cette diversité choisir d'agir dans le cadre de l'Alliance, comme en Afghanistan où la France détient actuellement le commandement de la région de Kaboul de la Force Internationale d'Assistance et de Stabilisation. Ils choisissent parfois d'agir seuls avec les moyens de l'OTAN comme en Bosnie, ou encore de façon autonome comme au Congo à l'été 2003 ou d'août à décembre 2006.
Ceci est rendu possible parce que les Européens disposent des moyens d'agir.
Depuis janvier, nous Européens disposons de capacités de réaction rapide autonomes à travers les groupements tactiques qui peuvent déployer jusqu'à 1.500 hommes en moins de deux semaines sur un théâtre d'opération.
Un centre de commandement commun verra bientôt le jour à l'échelle européenne.
Par ailleurs, cinq pays ont lancé une gendarmerie européenne, police ayant un statut militaire.
Enfin, nous avons créé une Agence européenne de défense qui regroupe les 27 pays de l'Union européenne. Elle vise à harmoniser le lancement de nouveaux programmes d'armement paneuropéens comme l'avion de transport Airbus A400M, l'hélicoptère de transport NH90, l'hélicoptère de combat Tigre, le missile Météor, les démonstrateurs de drone UCAV ou encore les satellites Hélios et Syracuse.
Ainsi, l'Europe s'est dotée des capacités de pouvoir se défendre mais aussi d'intervenir pour mettre fin à des crises ou participer à des opérations de stabilisation avec l'OTAN ou seule.
Il est essentiel que l'Europe et l'Asie du Nord-Est renforcent leurs liens.
Depuis une dizaine d'années, les relations entre l'Asie et l'Europe se sont développées dans le cadre des sommets de chefs d'Etat de l'ASEM. Dans le domaine de la gestion de crise, un dialogue existe entre l'Union européenne et l'ASEAN : les deux Organisations ont signé à Cebu, aux Philippines il y a quelques mois, une déclaration de partenariat pour le nouveau millénaire.
De la même façon, un dialogue stratégique entre l'Union européenne et le Japon s'est tenu au Luxembourg en 2005.
Ce sont des éléments importants, mais nous devons et nous pouvons aller plus loin.
La France est un acteur essentiel de l'Europe de la Défense. Beaucoup de choses se sont mises en oeuvre grâce elle et ses partenaires. La France est très attachée aux relations avec l'Asie du Nord-Est, et avec le Japon en particulier. Votre pays joue un rôle croissant sur le plan international. Tout en demeurant fidèle aux principes de sa constitution, il participe activement depuis cinq ans aux opérations de maintien de la paix des Nations unies.
Je me réjouis que les Forces d'autodéfense japonaises puissent participer à l'action de stabilisation de l'Afghanistan que mène la communauté internationale. L'Afghanistan est un pays essentiel pour la stabilité du monde. Et que nous soyons tous présents dans ce pays est un signal fort pour les Afghans et pour l'ensemble de la communauté internationale.
Certains dossiers stratégiques nous concernent tous directement.
C'est le cas de la prolifération nucléaire en Iran et en Corée du Nord. Au cours des deux dernières années, les Européens ont joué un rôle diplomatique fondamental au côté des Etats-Unis vis à vis de Téhéran. De la même façon, Tokyo s'efforce depuis des années de contenir les velléités de Pyongyang, que ce soit dans le cadre des pourparlers à Six, ou des relations bilatérales. Il faut se réjouir des récentes avancées des discussions à Six à Pékin et qui se poursuivront le 19 mars.
Ceci montre bien que le Japon joue, en Asie du Nord-Est, un rôle essentiel dans la constitution d'une architecture de sécurité.
Les excellentes relations de Défense entre le Japon et les nations européennes, au premier rang desquelles la France, doivent se poursuivre que ce soit à travers un dialogue stratégique renforcé, des visites croisées de haut niveau, des échanges d'expertise et de formation, ainsi qu'une coopération industrielle.
L'Union européenne jouit d'une autonomie en terme de sécurité et de défense : elle est prête à multiplier les échanges avec ses partenaires asiatiques.
La France a suffisamment de liens historiques et de valeurs communes avec le Japon pour que nos deux pays renforcent leur relation de Défense, et puissent ainsi agir pour renforcer la relation entre l'Europe et l'Asie du Nord-Est. La France soutient la candidature du Japon à un siège permanent au Conseil de Sécurité parce que nous estimons que votre pays a comme nous la volonté de promouvoir la paix, ce qui a un impact essentiel pour la communauté international.
Ensemble, nous devons avancer pour la paix.
Nous Européens allons fêter cette année le 50ème anniversaire de notre union. A bien des égards, l'Europe de la défense apparaît comme le volet le plus dynamique du projet européen.
Au cours des cinq dernières années, la partie de l'Europe qui a le plus avancé est la défense.
Parallèlement, l'Asie du Nord-Est ne cesse de s'imposer comme un acteur majeur de la communauté internationale.
Depuis cinquante ans, nos deux continents se sont développés simultanément, avec un succès qui est évident aux yeux de tous. Dans ce monde multipolaire que nous appelons de nos voeux, où chacun se doit de respecter la culture de l'autre, nous devons donc coopérer étroitement sur le plan militaire face à des crises qui sont susceptibles de porter atteinte à notre stabilité et à nos valeurs.
C'est ainsi, ensemble, que nous apporterons une réponse adaptée aux grands enjeux du monde et que nous relèverons ensemble les défis de ce début de 21ème siècle qui commence.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mars 2007
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord, permettez-moi de vous exprimer mon plaisir de me trouver à Tokyo et l'honneur d'être devant vous cet après-midi. Ce n'est pas ma première visite mais c'est la première en tant que ministre de la défense dans votre pays.
Le Japon est un grand pays dont j'apprécie la culture, la créativité, l'inventivité et le dynamisme.
J'attache une grande importance aux relations bilatérales que la France entretient avec le Japon, mais aussi avec chaque pays d'Asie du Nord-Est, et avec la région dans son ensemble.
Mon voyage aujourd'hui coïncide aussi avec la transformation de l'Agence japonaise de défense en ministère de la défense à part entière. Je suis donc l'un des premiers ministres de la Défense à rendre visite à mon homologue, M. Kyuma. La rencontre d'aujourd'hui nous permettra d'aborder les grands dossiers géostratégiques qui nous intéressent, les uns et les autres.
Le monde de 2007 ne ressemble plus du tout à celui de la guerre froide. Les enjeux sont multiples. Les acteurs sont extrêmement nombreux.
La multipolarité, avec ses différentes déclinaisons, est la caractéristique principale du nouvel ordre international. Cette situation doit nous inciter à coopérer, y compris sur le plan de la défense et de la sécurité.
Nous vivons dans un monde où les équilibres sont en train de changer
Il y a cinquante ans, le monde était encore pour l'essentiel dominé par les Occidentaux. A l'issue de la deuxième guerre mondiale, les puissances victorieuses avaient bâti un ordre politique international à leur image. La guerre froide a gelé cette répartition en zones d'influence. L'Organisation des Nations unies était largement dominée par les vainqueurs.
Aujourd'hui, les choses ont changé ; de nombreux pôles émergent : des pôles démographiques, économiques et aussi culturels.
Asiatiques, Arabes, Perses, Latino-Américains, Africains revendiquent à leur tour et à juste titre des conceptions et des modes de vie qui leur sont propres. Le monde est riche de cette diversité. Riche spirituellement et culturellement de l'existence de peuples et de confessions bouddhiste, taoïste, hindouiste, islamique et bien d'autres.
L'impact économique de l'Asie est particulièrement symbolique : après le Japon, puis les "quatre dragons", Hong Kong, Taiwan, Singapour, la Corée du Sud, la Chine et l'Inde constituent aujourd'hui deux moteurs essentiels de l'économie mondiale. Leur influence est grandissante, à la fois comme exportateurs de produits de grande consommation, et aussi comme importateurs de matières premières.
Le Japon, avec un rythme de croissance qui dépasse les 3 %, continue de miser sur l'innovation, sur la recherche et le développement.
Le Japon joue un rôle économique essentiel dans cette région dont la vitalité est à nos yeux stupéfiante et dont les contours institutionnels progressent.
Parmi les nouveaux pôles économiques, on peut également évoquer le monde arabo-musulman, dont les pays producteurs de pétrole conditionnent la croissance ; l'Amérique latine et ses nombreux atouts démographiques et économiques ; le continent africain et ses richesses naturelles qui sont aussi importantes pour la croissance mondiale.
Chacun revendique sa part de prospérité, de modernité, d'identité.
L'Europe elle-aussi constitue un pôle économique puissant. Elle est toujours la 1ère puissance commerciale mondiale. Sa construction institutionnelle en fait un modèle d'alliance entre voisins. Il y a un demi-siècle, sortant d'une longue période de guerre, l'Europe a choisi de se rassembler autour du Traité de Rome, dont nous fêtons cette semaine le 50ème anniversaire. Que de chemin parcouru au cours de ces cinquante ans ! De six pays membres au départ, l'Union européenne en compte à présent 27. Cet élargissement de l'union a fait de l'Europe un continent plus sûr, plus riche, plus dynamique, et aussi plus solidaire.
Certes, il y a eu le rejet du Traité constitutionnel par la France et par les Pays-Bas au printemps 2005 mais, malgré ce frein, l'Union européenne poursuit sa construction. Elle possède la deuxième devise internationale. L'Union européenne est le deuxième investisseur étranger au Japon. Elle véhicule aussi des valeurs de paix dont nous sommes fiers, une vision du monde que souhaitons partager avec ceux qui le désirent.
Le monde globalisé dans lequel nous vivons est un monde plus dangereux
Ministre de la Défense depuis presque cinq ans, je ne peux que constater que les problèmes sécuritaires se sont multipliés et qu'ils continuent de se développer.
- Aucune région du monde n'est épargnée par le terrorisme : Washington et New York bien sûr, mais aussi deux capitales européennes, Madrid et Londres, ainsi que Rabat, Istanbul, Charm el-Cheikh, Karachi et Bali. Tous ces noms nous rappellent des images terribles sur nos écrans de télévision, sur Internet, à la une de nos journaux.
- La prolifération des armes de destruction massive nucléaire, biologique ou chimique devient de plus en plus préoccupante. La Corée du Nord a effectué en octobre dernier un tir de missile condamné par l'ensemble de la communauté internationale.
L'attitude de l'Iran - qui tente de développer un programme nucléaire militaire en dépit de ses engagements internationaux - doit nous conduire à assurer l'avenir du Traité de non- prolifération.
Les crises régionales enfin ne cessent de se multiplier, que ce soit au Moyen-Orient avec la Palestine et le Liban ; dans le Caucase, en Asie centrale ; en Afrique. Elles conduisent souvent à des massacres, voire à des génocides. Elles ont également pour conséquence de constituer des zones grises propices à des lieux d'entraînement des terroristes, au développement de mafias, à des trafics en tous genres. Elles mènent à de nombreux mouvements de population, parfois incontrôlés qui pourraient devenir plus nombreux. Et l'avenir ne paraît guère porteur d'améliorations.
Au contraire, nous ne pouvons que craindre de nouvelles crises sur les ressources énergétiques, alimentaires ou en eau potable qui deviennent plus restreintes. Il y a un risque de contrainte sur les ressources alimentaires au moment où l'on voit une augmentation de la population mondiale dans les trente prochaines années ;
Tout cela ne peut que nous inciter à coopérer davantage dans le domaine de la défense et de la sécurité.
Dans un monde multipolaire, dans un monde dangereux, Européens et Asiatiques doivent renforcer leur coopération sur les plans militaire et stratégique.
Car aucun pays aujourd'hui n'est à même de répondre seul aux défis sécuritaires existants et encore moins à venir.
C'est bien dans cet esprit que l'Union européenne a mis en place des mécanismes fondamentaux pour participer à la stabilisation et à la sécurisation.
Depuis trois ans, l'Union européenne est devenue un acteur crédible et reconnu dans la gestion des crises militaires.
Elle a conduit depuis trois ans plusieurs opérations de gestion de crise civiles ou militaires en Macédoine, en Bosnie-Herzégovine et par deux fois en République démocratique du Congo.
Aujourd'hui au Darfour, l'Union européenne couvre un large spectre d'actions aux côtés et en soutien de l'Union africaine : police civile et militaire, soutien logistique, planification, transport stratégique, formation.
D'autres opérations encore mobilisent les Européens, comme la mission d'observation de l'Union européenne à Aceh en Indonésie, conclue avec succès en décembre 2006.
Nous avons également participé activement à l'assistance des populations lors du tsunami il y a plus de deux ans.
Il ne s'agit pas d'actions ponctuelles car l'Europe a renforcé son champ d'action, en complémentarité avec l'action de l'OTAN.
En matière de sécurité et de défense, les moyens européens et américains se complètent et se renforcent mutuellement. OTAN et Union européenne disposent chacune d'atouts spécifiques, de liens particuliers avec certains acteurs régionaux, de méthodes de gestion de crises propres et différentes. L'OTAN a des moyens de gestion militaires sur le long terme.
En fonction des situations, les Européens peuvent, grâce à cette diversité choisir d'agir dans le cadre de l'Alliance, comme en Afghanistan où la France détient actuellement le commandement de la région de Kaboul de la Force Internationale d'Assistance et de Stabilisation. Ils choisissent parfois d'agir seuls avec les moyens de l'OTAN comme en Bosnie, ou encore de façon autonome comme au Congo à l'été 2003 ou d'août à décembre 2006.
Ceci est rendu possible parce que les Européens disposent des moyens d'agir.
Depuis janvier, nous Européens disposons de capacités de réaction rapide autonomes à travers les groupements tactiques qui peuvent déployer jusqu'à 1.500 hommes en moins de deux semaines sur un théâtre d'opération.
Un centre de commandement commun verra bientôt le jour à l'échelle européenne.
Par ailleurs, cinq pays ont lancé une gendarmerie européenne, police ayant un statut militaire.
Enfin, nous avons créé une Agence européenne de défense qui regroupe les 27 pays de l'Union européenne. Elle vise à harmoniser le lancement de nouveaux programmes d'armement paneuropéens comme l'avion de transport Airbus A400M, l'hélicoptère de transport NH90, l'hélicoptère de combat Tigre, le missile Météor, les démonstrateurs de drone UCAV ou encore les satellites Hélios et Syracuse.
Ainsi, l'Europe s'est dotée des capacités de pouvoir se défendre mais aussi d'intervenir pour mettre fin à des crises ou participer à des opérations de stabilisation avec l'OTAN ou seule.
Il est essentiel que l'Europe et l'Asie du Nord-Est renforcent leurs liens.
Depuis une dizaine d'années, les relations entre l'Asie et l'Europe se sont développées dans le cadre des sommets de chefs d'Etat de l'ASEM. Dans le domaine de la gestion de crise, un dialogue existe entre l'Union européenne et l'ASEAN : les deux Organisations ont signé à Cebu, aux Philippines il y a quelques mois, une déclaration de partenariat pour le nouveau millénaire.
De la même façon, un dialogue stratégique entre l'Union européenne et le Japon s'est tenu au Luxembourg en 2005.
Ce sont des éléments importants, mais nous devons et nous pouvons aller plus loin.
La France est un acteur essentiel de l'Europe de la Défense. Beaucoup de choses se sont mises en oeuvre grâce elle et ses partenaires. La France est très attachée aux relations avec l'Asie du Nord-Est, et avec le Japon en particulier. Votre pays joue un rôle croissant sur le plan international. Tout en demeurant fidèle aux principes de sa constitution, il participe activement depuis cinq ans aux opérations de maintien de la paix des Nations unies.
Je me réjouis que les Forces d'autodéfense japonaises puissent participer à l'action de stabilisation de l'Afghanistan que mène la communauté internationale. L'Afghanistan est un pays essentiel pour la stabilité du monde. Et que nous soyons tous présents dans ce pays est un signal fort pour les Afghans et pour l'ensemble de la communauté internationale.
Certains dossiers stratégiques nous concernent tous directement.
C'est le cas de la prolifération nucléaire en Iran et en Corée du Nord. Au cours des deux dernières années, les Européens ont joué un rôle diplomatique fondamental au côté des Etats-Unis vis à vis de Téhéran. De la même façon, Tokyo s'efforce depuis des années de contenir les velléités de Pyongyang, que ce soit dans le cadre des pourparlers à Six, ou des relations bilatérales. Il faut se réjouir des récentes avancées des discussions à Six à Pékin et qui se poursuivront le 19 mars.
Ceci montre bien que le Japon joue, en Asie du Nord-Est, un rôle essentiel dans la constitution d'une architecture de sécurité.
Les excellentes relations de Défense entre le Japon et les nations européennes, au premier rang desquelles la France, doivent se poursuivre que ce soit à travers un dialogue stratégique renforcé, des visites croisées de haut niveau, des échanges d'expertise et de formation, ainsi qu'une coopération industrielle.
L'Union européenne jouit d'une autonomie en terme de sécurité et de défense : elle est prête à multiplier les échanges avec ses partenaires asiatiques.
La France a suffisamment de liens historiques et de valeurs communes avec le Japon pour que nos deux pays renforcent leur relation de Défense, et puissent ainsi agir pour renforcer la relation entre l'Europe et l'Asie du Nord-Est. La France soutient la candidature du Japon à un siège permanent au Conseil de Sécurité parce que nous estimons que votre pays a comme nous la volonté de promouvoir la paix, ce qui a un impact essentiel pour la communauté international.
Ensemble, nous devons avancer pour la paix.
Nous Européens allons fêter cette année le 50ème anniversaire de notre union. A bien des égards, l'Europe de la défense apparaît comme le volet le plus dynamique du projet européen.
Au cours des cinq dernières années, la partie de l'Europe qui a le plus avancé est la défense.
Parallèlement, l'Asie du Nord-Est ne cesse de s'imposer comme un acteur majeur de la communauté internationale.
Depuis cinquante ans, nos deux continents se sont développés simultanément, avec un succès qui est évident aux yeux de tous. Dans ce monde multipolaire que nous appelons de nos voeux, où chacun se doit de respecter la culture de l'autre, nous devons donc coopérer étroitement sur le plan militaire face à des crises qui sont susceptibles de porter atteinte à notre stabilité et à nos valeurs.
C'est ainsi, ensemble, que nous apporterons une réponse adaptée aux grands enjeux du monde et que nous relèverons ensemble les défis de ce début de 21ème siècle qui commence.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 mars 2007