Texte intégral
Stephane Soumier : Le dossier AIRBUS avec Bernard Van CRAEYNEST, le patron de la CFE-CGC. Merci beaucoup d'être avec nous. Donc, vous êtes à Toulouse. Vous êtes à Toulouse aujourd'hui, j'ai envie de vous dire, pour jouer avec le feu, Bernard Van CRAEYNEST, non ?
Bernard van Craeynest : Nullement. Pour être aux côtés de salariés qui sont, malheureusement, traumatisés par la découverture d'une triste réalité, qui tombent de bien haut, d'un piédestal qui était assez élevé compte tenu des succès enregistrés par AIRBUS depuis des années, qui avait supplanté BOEING, que ce soit en termes de commandes ou de livraisons, et qui découvrent, tout à coup, la triste réalité.
SS : Non, ils ne découvrent pas ; les salariés ne découvrent pas la triste réalité. Ce n'est pas vrai. Enfin, ils l'ont connue avant nous presque. Ils savaient avant nous que les choses n'allaient plus.
BVC : Ce qu'ils découvrent, ce sont les conséquences de cette triste réalité...
SS : D'accord, d'accord.
BVC : Ils ne pensaient pas que ce serait aussi dramatique dans la mesure où, ne nous leurrons pas, cela fait des mois que la situation est, effectivement, jugée comme critique et nécessite un plan de redressement. Il a fallu six mois pour que, finalement, il soit annoncé, sans pour autant qu'on en connaisse le détail. Je veux dire par là que, dans les annonces faites par monsieur GALLOIS la semaine dernière, on découvre que, en fait, il va falloir s'organiser en marchant. Il faut trouver de l'argent mais on ne sait pas encore où. Il faut trouver des partenaires, on ne sait pas encore lesquels. Il faut, et c'est surtout ce qui traumatise nos collègues, c'est le fait que, finalement, l'essentiel de l'effort tel qu'il apparaît aujourd'hui doit être supporté par les salariés.
SS : Comment peut-il en être autrement ? Il n'y a pas, il y a quand même, enfin, il y a quand même un symbole, il n'y a pas de licenciements secs dans ce plan.
BVC : Nous nous en réjouissons... Mais nous espérons précisément que ça ne sera jamais le cas parce que, pour nous, une entreprise qui a autant de potentiel doit plutôt être créatrice d'emplois que destructrice. Il n'empêche que, ce qui nous préoccupe, c'est que il y a un carnet de commandes très garni, cinq ans de plan de charge, de nouveaux avions à mettre au point. Au delà de l'A380, l'A350 et l'A400-M. Il y a de plus en plus d'avions qui volent dans le monde, ce qui signifie de la formation et un service après-vente à assurer et, pour cela, il faut des hommes et, ce que l'on nous explique, c'est que il faut diminuer le potentiel humain pour sauver l'entreprise...
SS : Non. Bernard Van CRAEYNEST, vous ne pouvez pas parler comme ça parce que je suis sûr que, enfin, je suis désolé d'employer ces termes, mais vous ne pensez pas exactement ce que vous dites. Vous savez très bien que cette entreprise est mondiale, vous savez très bien que, les hommes, il va falloir qu'ils soient partout dans le monde. Vous connaissez tout des parités euro-dollar et des nécessités de délocaliser pour affronter la concurrence. Vous connaissez tout ça, Bernard Van CRAEYNEST. Ca ne se résume pas, et c'est pour ça qu'on voulait vous appeler, ça ne se résume pas à plus d'emplois en France égale plus d'avions. Enfin, vous le savez très bien.
BVC : Non, non. Il n'est pas question de dire et d'être nationaliste à tout crin et cocardier. Il s'agit, simplement, de vérifier que l'entreprise aura les atouts et le potentiel humain pour faire face à l'ensemble de son plan de charge et des défis qu'elle a à relever pour demain et après-demain.
SS : Est-ce que la menace sociale, dans ce contexte, parce qu'on parle bien, aujourd'hui, de " menace sociale ", est la bonne arme ?
BVC : Ecoutez, vous savez que la CFE-CGC est une organisation responsable, qui plus est dans une entreprise AIRBUS-EADS où le dialogue social issu de l'aérospatiale est extrêmement développé. Nous avons un patron, et j'espère qu'on lui donnera tous les atouts pour conduire à bien sa mission, je veux parler de Louis GALLOIS, que nous connaissons bien et en qui nous avons confiance.
SS : La grève serait une erreur, on peut le dire, ce matin ?
BVC : Au delà, il est bien évident qu'on ne va pas donner des armes et des atouts supplémentaires à BOEING...
SS : Donc, la grève serait une erreur ?
BVC : Absolument, absolument. Mais, face à une situation qui se révèle grave, il me paraissait normal que nous montrions que les salariés ne sont pas des pions que l'on jette comme ça du jour au lendemain. Et, au delà de cela, comme je vous l'ai dit, dans les annonces faites par Louis GALLOIS, nous savons qu'il y a beaucoup de choses à construire. Nous voulons les construire ensemble et nous voulons que, dans les semaines qui viennent, sachant que le problème AIRBUS ne s'arrêterait pas au 22 avril, nous soyons en capacité de construire ça dans la plus grande concertation et dans la tradition de dialogue social qui caractérise cette entreprise.Source http://www.cfecgc.org, le 8 mars 2007