Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
En lançant en juin dernier le Plan Solidarité - Grand Age, j'ai voulu ouvrir une réflexion approfondie et concertée sur la prise en charge de la dépendance. Une part importante de ces dépenses reste en effet à la charge des personnes âgées ou de leur famille. Il n'est pas digne de notre pays que les personnes âgées en maison de retraite paient en moyenne 1 500 euros par mois alors que le montant moyen des revenus des retraités de plus de 80 ans est de l'ordre de 1 200 euros.
C'est pourquoi j'ai confié à Mme Hélène GISSEROT, ancien Procureur général de la Cour des Comptes, la mission d'établir le rapport qu'elle vient de vous présenter. Je veux d'abord remercier Mme GISSEROT pour ce travail remarquable. Vous verrez à sa lecture qu'il donne, de façon équilibrée, toutes les clés dont nous avions besoin pour faire les bons choix face au défi du vieillissement et de la dépendance.
Le rapport que vous venez de résumer, Madame, a un double mérite : il précise les enjeux financiers de la dépendance, et il les relie aux autres questions relatives aux finances publiques.
A un âge donné, la dépendance sera de moins en moins forte grâce à la prévention et aux progrès de la médecine. Mais, du fait du quasi-doublement de la population âgée de plus de 85 ans dans les dix ans à venir, nous aurons tout de même 25% de personnes dépendantes de plus d'ici à 2020.
Le coût des services va croître encore plus rapidement encore car nous voulons continuer à en améliorer la qualité dans le cadre du Plan Solidarité - Grand Age. Ainsi, la part de la dépendance dans le PIB, aujourd'hui proche de 1%, sera comprise entre 1,2 et 1,3% dès 2020. L'enjeu financier de la dépendance ne dépendra donc pas de la seule augmentation du nombre des personnes concernées. Il dépendra aussi des choix de prise en charge qui seront faits.
Par ailleurs, la dépendance ne peut pas être regardée comme une question isolée : les moyens que nous mobiliserons pour y faire face feront obligatoirement partie de choix plus généraux qui engageront notre politique économique et sociale pour les années à venir.
Sommes-nous prêts à faire évoluer en profondeur le mode de financement de notre protection sociale, comme l'a souhaité le Président de la République ? Ne plus pénaliser l'emploi, abaisser le coût de nos exportations, prélever de nouvelles ressources sur les importations. Ce serait le choix de la TVA sociale Elle déplacerait du travailleur au consommateur une part de nos prélèvements sociaux, mais sans augmenter le niveau global des prélèvements obligatoires. Il s'agirait seulement, en effet, de diminuer les prélèvements sur le travail, en compensant cette diminution par l'affectation à la protection sociale de recettes issues de la TVA. Il faut, bien sûr, en mesurer exactement l'incidence sur les revenus et sur les prix. D'autre part, la TVA est déjà très élevée dans notre pays. Cela laisse peu de marge pour l'augmenter, contrairement à ce qui se passe en Allemagne.
Mais il est certain que les recettes les plus dynamiques de la Nation doivent être plus largement affectées aux charges liées au vieillissement, car ces charges sont appelées à progresser rapidement. Il n'est ni juste, ni vertueux que la TVA serve indéfiniment à alimenter les dépenses de fonctionnement d'un Etat qui tarde à se réformer. L'avenir se prépare par la réforme, non par de nouveaux prélèvements.
C'est ainsi que nous éviterons les solutions de facilité que nous promettent les partisans d'une hausse de la CSG. Ils sont prêts à "casser" la croissance en diminuant le revenu disponible des Français. Ma conviction est qu'il faut absolument l'empêcher. Il s'agit à l'évidence de choix politiques fondamentaux. Je veux contribuer à ce qu'ils soient clairement portés devant les Français à l'occasion des rendez-vous nationaux qui approchent.
Je souhaite donc vous indiquer les propositions que je retiens. Je veux qu'elles fassent l'objet d'une large concertation, car il s'agit d'enjeux essentiels, aussi bien pour le pacte de solidarité qui lie les Français entre eux que pour notre politique économique.
C'est pourquoi j'ai demandé que le Conseil de la Caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie engage immédiatement en son sein un dialogue approfondi autour des lignes directrices que j'ai fixées. J'en ai saisi son Président, M. Alain CORDIER.
Mon but est que, d'ici l'été, le prochain Gouvernement dispose de tous les éléments utiles pour pouvoir légiférer immédiatement sur la mise en oeuvre de la 5ème branche de notre protection sociale. Dans ce domaine comme dans les autres, je souhaite que nous puissions créer dès maintenant une dynamique, sur des bases déjà largement acceptées.
Les choix que j'ai retenus sont au nombre de trois.
I - Le premier choix, c'est celui de solutions institutionnelles pragmatiques, fondées sur les acquis récents.
Et ces acquis, ce sont la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et l'Allocation personnalisée pour l'autonomie.
* La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, créée par la loi du 30 juin 2004, est une institution originale de la protection sociale, tant par ses sources de financement que par sa gouvernance et par ses relations avec les Conseils généraux. Après deux ans, tout le monde s'accorde à dire que son fonctionnement est une réussite. La Cour des Comptes a salué la transparence de ses finances. Grâce à la Journée de solidarité et aux moyens supplémentaires dégagés par la bonne gestion de notre assurance maladie, c'est un acquis sur lequel nous pouvons construire l'avenir.
* L'Allocation personnalisée pour l'autonomie permet quant à elle, comme sa dénomination l'indique, une approche individualisée des besoins de la dépendance. Et c'est essentiel. Le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a sauvé l'APA, qui n'était pas financée. Il nous faut maintenant bâtir le futur de la prise en charge de la dépendance, notamment à domicile, autour de la même logique de traitement individualisé des besoins, mais avec une prestation permettant notamment de prendre mieux en charge des aménagements de logement et les aides techniques, sur le modèle de la prestation de compensation du handicap.
J'ai écarté la solution consistant à faire table rase de ces acquis et du rôle des départements. Je ne préconise pas la création d'un système recopiant purement et simplement le modèle de la sécurité sociale de 1945. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un modèle original et moderne, adapté aux exigences d'une prise en charge solidaire de la dépendance, une prise en charge pour le XXIème siècle permettant une forte individualisation des aides. Je veux maintenir un système de gouvernance qui associe bien sûr les partenaires sociaux, mais aussi les différentes parties prenantes : les associations oeuvrant en faveur des personnes âgées et handicapées, les Conseils généraux, l'Etat et les institutions qui interviennent dans ce domaine. Je veux aussi maintenir la cohérence de l'intervention de proximité des Conseils généraux. Ils ont depuis 1984 la charge de l'action sociale au bénéfice des personnes âgées. Ils le font bien. Il n'est pas question de leur retirer cette responsabilité.
Ce que je souhaite, c'est donc construire une cinquième branche de la protection sociale, qui ne sera pas une cinquième branche de sécurité sociale, car cela remettrait en cause les acquis de l'organisation actuelle.
II - Mon deuxième choix, c'est de répondre par la solidarité nationale aux principaux besoins des personnes et des familles touchées par la dépendance.
Le Gouvernement a déjà beaucoup fait, notamment avec le Plan Solidarité - Grand Age. Comme le rappelle le rapport de Mme GISSEROT, la France, qui accusait encore au début des années 2000 un fort retard en matière de couverture publique de la dépendance, est maintenant au niveau de pays comme l'Allemagne, en consacrant environ 1% de son PIB à la dépendance.
J'ai effectué plus de 70 déplacements sur le terrain l'an dernier, j'ai rencontré les associations, les familles, les personnels et les responsables d'établissements. Je retire de ces contacts deux priorités pour l'amélioration de la prise en charge de la dépendance :
1°) Il faut favoriser davantage le maintien à domicile ou le retour au domicile après hospitalisation, et pour cela mieux prendre en charge les aménagements du logement et les aides techniques. Aujourd'hui, l'APA finance principalement les aides humaines, aides ménagères par exemple. Avec la prestation de compensation du handicap, les personnes handicapées ont droit, quant à elles, à des aides techniques et à la prise en charge d'aménagements du logement. Les personnes âgées dépendantes ne sont donc pas traitées à égalité avec les personnes handicapées.
Je propose donc de transformer l'APA en véritable prestation de compensation de la dépendance des personnes âgées. Cela suppose d'y affecter les recettes nécessaires afin de ne pas créer de charge nouvelle pour les départements.
2°) Il faut diminuer fortement le reste à charge des personnes et des familles en cas d'hébergement en établissement.
Comme vous le savez, l'entrée en maison de retraite se produit aujourd'hui plus tardivement - 83 ans en moyenne - et souvent au moment où il est devenu impossible de rester au domicile. 35% des résidents en maison de retraite sont aujourd'hui confinés au lit ou dans un fauteuil.
J'ai voulu, avec le Plan Solidarité - Grand Age, prendre en compte la nécessaire évolution des maisons de retraite pour répondre aux besoins de personnes âgées de plus en plus dépendantes. Nous améliorons ainsi, progressivement mais fortement, nos capacités d'accueil et les conditions de cet accueil, notamment en ce qui concerne le personnel.
Demeure pour les personnes hébergées et leurs familles le problème aigu des coûts d'hébergement laissés à leur charge. Dans le coût total de la maison de retraite, il y a en effet aujourd'hui un tiers pris en charge par la solidarité nationale sur les crédits médico-sociaux gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, un peu plus de 10 % pris en charge par les départements et 54 % directement payés par la personne âgée elle-même ou sa famille.
Je vous le disais à l'instant, le revenu moyen d'une personne de plus de 80 ans est de 1 200 euros, alors que le tarif d'hébergement est, là aussi en moyenne, de 1 500 euros. Et le tarif d'hébergement a progressé plus vite que les revenus, jusqu'à la période récente où des mesures ont été prises pour freiner cette évolution.
Bien sûr, l'aide sociale départementale est là pour aider ceux qui n'ont pas les moyens de faire face. Les départements y consacrent près de 2 milliards d'euros par an. La solidarité envers les plus fragiles joue donc. Mais l'aide sociale dépend des règles fixées par chaque Conseil général, avec des plafonds à ne pas dépasser pour pouvoir y avoir droit. Elle ne règle pas la situation des personnes qui n'y ont pas droit malgré des revenus encore modestes, ni les situations où l'un des membres du couple seulement doit être admis en maison de retraite, ni les cas où il n'y a pas assez de places de maison de retraite agréées à l'aide sociale.
Je m'emploie depuis deux ans à réduire le coût moyen de l'hébergement en maison de retraite : 350 millions d'euros de subventions d'investissement en 2006, 100 millions encore cette année, la TVA à 5,5% sur les travaux, les prêts à taux zéro créés début 2007. Tout ceci permet de diminuer les emprunts et les remboursements qui pèsent aujourd'hui très fortement sur le prix de journée.
La prochaine étape doit consister à poser de nouvelles règles réduisant les charges d'hébergement.
Vous savez qu'aujourd'hui les maisons de retraite ont trois budgets : un forfait soin décidé par l'Etat et à la charge de l'assurance maladie, un forfait dépendance décidé par le département, et l'hébergement payé par la personne âgée ou sa famille. Les règles de répartition des charges entre ces trois sections sont, pour une part, arbitraires, comme l'a souligné le rapport récent de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale. Par exemple, les dépenses de personnel d'animation, qui ont pourtant un rôle important dans la prévention de la dépendance, sont aujourd'hui imputées aux familles sur la section d'hébergement, qui supporte aussi la totalité des frais d'administration générale, et la totalité de l'amortissement des investissements. Autre exemple : 30% des dépenses relatives aux aides soignantes sont imputées aux départements sur le forfait dépendance, alors qu'elles pourraient relever intégralement des soins, comme à l'hôpital.
Aujourd'hui, le reste à charge des personnes âgées et des familles pour l'hébergement en établissement est évalué entre 3,5 et 4,5 milliards d'euros. Je souhaite que ce reste à charge soit réduit de 25%, soit un milliard, réparti également entre soins et dépendance, donc entre l'assurance maladie et les départements, dans la limite d'un plafond.
Nous avons fait la preuve de notre capacité à réduire le déficit de l'assurance maladie tout en opérant des redéploiements importants pour mieux répondre aux besoins des personnes âgées ou handicapées. J'ai pu ainsi prélever sur l'assurance maladie deux milliards supplémentaires en deux ans pour les personnes âgées et les personnes handicapées, c'est-à-dire presque autant que le produit de la Journée de solidarité, et cela tout en continuant la réduction du déficit global. En poursuivant exactement le même effort de rationalisation et de contrôle des dépenses d'assurance maladie, nous sommes assurés de pouvoir élargir le contenu du forfait de soins dans les maisons de retraite, nous allégerons ainsi la charge laissée à la personne âgée et à sa famille.
Pour la part des départements, il faut la replacer dans un contexte global. Les départements sont légitimement inquiets de la pression croissante que représente déjà l'APA sur leurs budgets et la fiscalité locale. La dépense des départements pour l'APA est passée de 1,8 milliard d'euros en 2002 à 4,55 milliards en 2007. La part que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie prend en charge s'est réduite de 43% en 2002 à 34% en 2006. Il faut mettre fin à cette dérive. C'est pourquoi je propose que la part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie passe obligatoirement à 50% de la dépense d'APA des départements, et que ce pourcentage leur soit garanti par la loi.
Pour l'ensemble des financeurs publics, les mesures proposées pour diminuer la charge des personnes âgées et de leur famille à domicile comme en établissement représenteront un effort de l'ordre de 1 milliard d'euros par an dès la première année pour passer à 1,3 milliard par an à compter de 2012.
Ce milliard supplémentaire s'ajoutera à la mise en oeuvre du Plan Solidarité - Grand Age. Le total atteindra l'ordre de 3 milliards d'euros supplémentaires à l'horizon 2012.
Comment financer cet effort de solidarité nationale ?
Il y a plusieurs pistes :
* Une augmentation du niveau global des prélèvements obligatoires et notamment de la CSG, que personnellement j'exclus.
Nous devons perdre l'habitude en France de faire face à des besoins nouveaux par des prélèvements nouveaux. Je le redis : l'avenir se prépare par la réforme, non par de nouveaux prélèvements.
* Des efforts de redéploiement grâce à la réforme de l'Etat et à la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie. C'est la voie que je privilégie.
- S'agissant de l'Etat, le gouvernement a entrepris une révision systématique de ses dépenses de fonctionnement. Par exemple, sur les achats, soit 15 milliards d'euros, les gains tirés d'une meilleure organisation sont évalués à 1,5 milliard par an. Ce réexamen de la performance a permis de prévoir dès 2007, pour la première fois, une augmentation des dépenses inférieure d'un point à l'inflation. C'est cet effort qu'il faut amplifier pour pouvoir faire face aux besoins nouveaux de nos compatriotes.
- S'agissant de l'assurance maladie, la diminution des arrêts de travail permet déjà une économie de 300 millions d'euros par an. Elle peut être encore amplifiée. Le doublement des contrôles des arrêts de travail a par exemple permis de mettre en lumière un taux d'arrêts injustifiés de 17% ! La réduction des prescriptions injustifiées d'antidépresseurs, de médicaments contre le cholestérol et d'antibiotiques doit également se poursuivre. Elle nous permet déjà d'économiser 150 millions d'euros par an. C'est la preuve que nous avons d'importants gisements d'économies, tout en améliorant la qualité des soins.
*Le réexamen des niches sociales et fiscales, dans le sens d'une plus grande équité.
L'exonération sociale et fiscale des indemnités de mise à la retraite d'office avant 65 ans, par exemple, représente un manque à gagner annuel pour la sécurité sociale compris entre 400 et 700 millions d'euros par an. Un prélèvement libératoire sur les revenus salariaux distribués au titre de l'intéressement, qui sont actuellement totalement exonérés de charges, permettrait de dégager plusieurs centaines de millions d'euros de financement supplémentaire, tout en maintenant une très forte incitation au développement de l'intéressement. Par exemple, avec un taux de prélèvement libératoire limité à 5%, ce sont 250 millions d'euros qui seraient dégagés.
Chacune de ces pistes sera examinée dans la concertation la plus large par le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et son Président.
III. En complément de l'effort de solidarité nationale, il faut aussi aider les Françaises et les Français à mieux prévoir, au niveau individuel, la charge subsidiaire induite par le risque de dépendance.
C'est la troisième option que je retiens.
Mon choix est celui d'une société de solidarité, mais aussi d'une société de responsabilité. La solidarité nationale doit jouer, vis à vis des plus fragiles, mais ce doit être en complément des efforts individuels. Mon choix n'est pas celui du "tout collectif", couvrant aussi le gîte et le couvert, que proposent certains, sans d'ailleurs expliquer comment la France et les Français seraient en mesure de le financer. Mais je veux aussi aider les familles dans leur effort de prévoyance.
C'est pourquoi je propose d'accompagner l'augmentation de l'effort de solidarité nationale par trois mesures d'incitation :
* Il faut d'abord rendre notre système d'aides sociales et fiscales plus équitable. Le système actuel aboutit à un résultat paradoxal et injuste : ce sont les classes moyennes qui sont pénalisées. L'aide est importante pour les faibles revenus, ce qui est normal. Mais elle est faible pour les revenus moyens et forte pour les hauts revenus, ce qui est choquant. Les personnes bénéficiant de retraites moyennes ont en effet des revenus trop élevés pour bénéficier de l'aide sociale mais trop faibles pour profiter à plein des avantages fiscaux. Il faut donc revoir le système, pour assurer une aide équitable ;
* Nous n'avons pas été assez loin pour offrir aux personnes âgées les outils financiers dont elles ont besoin pour faire face à la dépendance. Le patrimoine dont elles disposent parfois devrait pouvoir être mobilisé plus facilement. Il doit être une aide et non une charge. Il faut donc permettre aux personnes frappées par la dépendance de mobiliser leur patrimoine en le rendant plus disponible, notamment pour faire face aux frais d'hébergement en maison de retraite. Beaucoup de nos compatriotes préféreraient puiser dans leur capital plutôt que de devoir faire appel à leurs enfants, via l'obligation alimentaire. Ceci est d'autant plus justifié que les personnes qui arrivent aujourd'hui à
l'âge de la retraite bénéficient, pour une grande partie d'entre elles, d'un patrimoine plus conséquent que les générations précédentes : 33% des personnes de plus de 70 ans sont détentrices d'une assurance vie, et plus de 80% des plus de 55 ans sont propriétaires de leur logement.
Deux solutions sont possibles : celle du viager hypothécaire et celle de la mobilisation de l'assurance vie. Le prêt viager hypothécaire existe depuis l'ordonnance du 22 mars 2006. Il permet d'obtenir un prêt gagé par la valeur du domicile. La personne âgée, ou son conjoint, peut ainsi rester chez elle. Il faut faire connaître ce système. La capacité de convertir une assurance vie en rente pour financer la dépendance, ou d'y adjoindre une couverture du risque dépendance, n'existe que pour certains contrats : je propose de généraliser cette faculté à tous les contrats, sans pénalisation fiscale.
* Il faut enfin permettre le développement d'une couverture complémentaire dépendance, distribuée par les mutuelles, les institutions de prévoyance sociale ou les assureurs privés. Elle progresse rapidement. Presque 900 000 personnes ont déjà souscrit un contrat à titre individuel et près de 800 000 sont couvertes par un contrat collectif de leur entreprise.
Je veux favoriser le développement de cette forme de prévoyance, en permettant son accès au plus grand nombre, dans des conditions plus transparentes que celles des contrats actuels où les Français ont de la peine à s'y retrouver car il n'y a pas de cahier des charges commun.
Ceci suppose plusieurs évolutions.
* D'abord que les contrats couvrant ce risque, lorsqu'ils sont souscrits dans un cadre collectif, puisse être relayés par un contrat individuel lorsque le salarié quitte l'entreprise.
* Ensuite que les modalités de déclenchement de l'assurance soient très claires : la décision par laquelle le département reconnaît l'état de dépendance doit être couplée avec la décision de l'assurance de verser l'aide prévue au contrat.
* Je souhaite aussi que les assurances puissent être converties non seulement en rente, comme c'est le cas des contrats actuels, mais aussi en prestation en nature adaptée aux besoins de la dépendance, par exemple en couvrant une partie du coût d'hébergement lors de l'entrée en maison de retraite. Bien entendu, cette prestation en nature ne sera pas prise en compte dans les ressources pour le calcul de l'APA.
* Enfin, pour donner un signal clair, il faudra imaginer un avantage fiscal qui soit accessible au plus grand nombre, à l'exemple de l'accès à une couverture complémentaire de santé : donc, non seulement une défiscalisation partielle, mais aussi une aide à l'acquisition de la couverture complémentaire dépendance, par un crédit d'impôt.
C'est un développement qui peut se faire rapidement : les primes d'un contrat de risque dépendance ne sont pas très élevées, de l'ordre de 300 euros par an. Il est possible de souscrire la plupart du temps jusqu'à 75 ans, bien sûr avec une modulation des primes selon l'âge. Cette assurance complémentaire, organisée dans le cadre d'un contrat encadré par l'Etat en contrepartie des avantages qui y seront attachés, permettra au plus grand nombre de compléter ce que la solidarité nationale leur garantit.
Mesdames, Messieurs,
L'allongement pour tous de l'espérance de vie est une chance considérable, d'autant que l'amélioration des conditions de vie et les progrès de la médecine augmentent, année après année, la probabilité de bien vieillir, en profitant pleinement de cet âge de la vie. Pour autant, l' allongement de la vie s'accompagne, pour un nombre croissant de nos concitoyens, d'une fragilisation, qui impose des aides extérieures pour accomplir les gestes quotidiens.
Il est essentiel que notre système de protection sociale s'organise pour garantir à nos compatriotes que ce risque de la dépendance est, comme la santé, comme la retraite, comme le chômage, comme les accidents de travail, couvert sur des bases conjuguant solidarité nationale et responsabilité individuelle.
C'est pourquoi j'ai voulu que tous les éléments objectifs de cette question fondamentale soient mis sur la place publique. C'était le sens du travail que j'avais demandé en juin dernier à Mme GISSEROT, que je veux à nouveau remercier pour la qualité de ses constats, de ses réflexions et de ses propositions. C'est aussi le sens des orientations que je viens de vous présenter. C'est le sens de la mission que je confie au Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Ce sont donc quatre axes d'action que je propose aujourd'hui, pour l'avenir :
- développer une cinquième branche de la protection sociale adaptée au XXIème siècle, s'appuyant sur une approche individualisée des besoins et sur le rôle de proximité des départements ;
- faire face aux dépenses liées à la dépendance, à domicile comme en établissement, en diminuant le reste à charge pesant sur les personnes âgées et leur famille ;
- financer cet effort complémentaire sans augmenter les prélèvements obligatoires, en poursuivant ou amplifiant les efforts de bonne gestion de l'Etat et de la Sécurité Sociale déjà engagés ;
- inciter les Français à compléter l'effort de la solidarité nationale par une prévoyance individuelle ou collective.Source http://www.personnes-agees.gouv.fr, le 21 mars 2007
En lançant en juin dernier le Plan Solidarité - Grand Age, j'ai voulu ouvrir une réflexion approfondie et concertée sur la prise en charge de la dépendance. Une part importante de ces dépenses reste en effet à la charge des personnes âgées ou de leur famille. Il n'est pas digne de notre pays que les personnes âgées en maison de retraite paient en moyenne 1 500 euros par mois alors que le montant moyen des revenus des retraités de plus de 80 ans est de l'ordre de 1 200 euros.
C'est pourquoi j'ai confié à Mme Hélène GISSEROT, ancien Procureur général de la Cour des Comptes, la mission d'établir le rapport qu'elle vient de vous présenter. Je veux d'abord remercier Mme GISSEROT pour ce travail remarquable. Vous verrez à sa lecture qu'il donne, de façon équilibrée, toutes les clés dont nous avions besoin pour faire les bons choix face au défi du vieillissement et de la dépendance.
Le rapport que vous venez de résumer, Madame, a un double mérite : il précise les enjeux financiers de la dépendance, et il les relie aux autres questions relatives aux finances publiques.
A un âge donné, la dépendance sera de moins en moins forte grâce à la prévention et aux progrès de la médecine. Mais, du fait du quasi-doublement de la population âgée de plus de 85 ans dans les dix ans à venir, nous aurons tout de même 25% de personnes dépendantes de plus d'ici à 2020.
Le coût des services va croître encore plus rapidement encore car nous voulons continuer à en améliorer la qualité dans le cadre du Plan Solidarité - Grand Age. Ainsi, la part de la dépendance dans le PIB, aujourd'hui proche de 1%, sera comprise entre 1,2 et 1,3% dès 2020. L'enjeu financier de la dépendance ne dépendra donc pas de la seule augmentation du nombre des personnes concernées. Il dépendra aussi des choix de prise en charge qui seront faits.
Par ailleurs, la dépendance ne peut pas être regardée comme une question isolée : les moyens que nous mobiliserons pour y faire face feront obligatoirement partie de choix plus généraux qui engageront notre politique économique et sociale pour les années à venir.
Sommes-nous prêts à faire évoluer en profondeur le mode de financement de notre protection sociale, comme l'a souhaité le Président de la République ? Ne plus pénaliser l'emploi, abaisser le coût de nos exportations, prélever de nouvelles ressources sur les importations. Ce serait le choix de la TVA sociale Elle déplacerait du travailleur au consommateur une part de nos prélèvements sociaux, mais sans augmenter le niveau global des prélèvements obligatoires. Il s'agirait seulement, en effet, de diminuer les prélèvements sur le travail, en compensant cette diminution par l'affectation à la protection sociale de recettes issues de la TVA. Il faut, bien sûr, en mesurer exactement l'incidence sur les revenus et sur les prix. D'autre part, la TVA est déjà très élevée dans notre pays. Cela laisse peu de marge pour l'augmenter, contrairement à ce qui se passe en Allemagne.
Mais il est certain que les recettes les plus dynamiques de la Nation doivent être plus largement affectées aux charges liées au vieillissement, car ces charges sont appelées à progresser rapidement. Il n'est ni juste, ni vertueux que la TVA serve indéfiniment à alimenter les dépenses de fonctionnement d'un Etat qui tarde à se réformer. L'avenir se prépare par la réforme, non par de nouveaux prélèvements.
C'est ainsi que nous éviterons les solutions de facilité que nous promettent les partisans d'une hausse de la CSG. Ils sont prêts à "casser" la croissance en diminuant le revenu disponible des Français. Ma conviction est qu'il faut absolument l'empêcher. Il s'agit à l'évidence de choix politiques fondamentaux. Je veux contribuer à ce qu'ils soient clairement portés devant les Français à l'occasion des rendez-vous nationaux qui approchent.
Je souhaite donc vous indiquer les propositions que je retiens. Je veux qu'elles fassent l'objet d'une large concertation, car il s'agit d'enjeux essentiels, aussi bien pour le pacte de solidarité qui lie les Français entre eux que pour notre politique économique.
C'est pourquoi j'ai demandé que le Conseil de la Caisse nationale de la solidarité pour l'autonomie engage immédiatement en son sein un dialogue approfondi autour des lignes directrices que j'ai fixées. J'en ai saisi son Président, M. Alain CORDIER.
Mon but est que, d'ici l'été, le prochain Gouvernement dispose de tous les éléments utiles pour pouvoir légiférer immédiatement sur la mise en oeuvre de la 5ème branche de notre protection sociale. Dans ce domaine comme dans les autres, je souhaite que nous puissions créer dès maintenant une dynamique, sur des bases déjà largement acceptées.
Les choix que j'ai retenus sont au nombre de trois.
I - Le premier choix, c'est celui de solutions institutionnelles pragmatiques, fondées sur les acquis récents.
Et ces acquis, ce sont la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et l'Allocation personnalisée pour l'autonomie.
* La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, créée par la loi du 30 juin 2004, est une institution originale de la protection sociale, tant par ses sources de financement que par sa gouvernance et par ses relations avec les Conseils généraux. Après deux ans, tout le monde s'accorde à dire que son fonctionnement est une réussite. La Cour des Comptes a salué la transparence de ses finances. Grâce à la Journée de solidarité et aux moyens supplémentaires dégagés par la bonne gestion de notre assurance maladie, c'est un acquis sur lequel nous pouvons construire l'avenir.
* L'Allocation personnalisée pour l'autonomie permet quant à elle, comme sa dénomination l'indique, une approche individualisée des besoins de la dépendance. Et c'est essentiel. Le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a sauvé l'APA, qui n'était pas financée. Il nous faut maintenant bâtir le futur de la prise en charge de la dépendance, notamment à domicile, autour de la même logique de traitement individualisé des besoins, mais avec une prestation permettant notamment de prendre mieux en charge des aménagements de logement et les aides techniques, sur le modèle de la prestation de compensation du handicap.
J'ai écarté la solution consistant à faire table rase de ces acquis et du rôle des départements. Je ne préconise pas la création d'un système recopiant purement et simplement le modèle de la sécurité sociale de 1945. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un modèle original et moderne, adapté aux exigences d'une prise en charge solidaire de la dépendance, une prise en charge pour le XXIème siècle permettant une forte individualisation des aides. Je veux maintenir un système de gouvernance qui associe bien sûr les partenaires sociaux, mais aussi les différentes parties prenantes : les associations oeuvrant en faveur des personnes âgées et handicapées, les Conseils généraux, l'Etat et les institutions qui interviennent dans ce domaine. Je veux aussi maintenir la cohérence de l'intervention de proximité des Conseils généraux. Ils ont depuis 1984 la charge de l'action sociale au bénéfice des personnes âgées. Ils le font bien. Il n'est pas question de leur retirer cette responsabilité.
Ce que je souhaite, c'est donc construire une cinquième branche de la protection sociale, qui ne sera pas une cinquième branche de sécurité sociale, car cela remettrait en cause les acquis de l'organisation actuelle.
II - Mon deuxième choix, c'est de répondre par la solidarité nationale aux principaux besoins des personnes et des familles touchées par la dépendance.
Le Gouvernement a déjà beaucoup fait, notamment avec le Plan Solidarité - Grand Age. Comme le rappelle le rapport de Mme GISSEROT, la France, qui accusait encore au début des années 2000 un fort retard en matière de couverture publique de la dépendance, est maintenant au niveau de pays comme l'Allemagne, en consacrant environ 1% de son PIB à la dépendance.
J'ai effectué plus de 70 déplacements sur le terrain l'an dernier, j'ai rencontré les associations, les familles, les personnels et les responsables d'établissements. Je retire de ces contacts deux priorités pour l'amélioration de la prise en charge de la dépendance :
1°) Il faut favoriser davantage le maintien à domicile ou le retour au domicile après hospitalisation, et pour cela mieux prendre en charge les aménagements du logement et les aides techniques. Aujourd'hui, l'APA finance principalement les aides humaines, aides ménagères par exemple. Avec la prestation de compensation du handicap, les personnes handicapées ont droit, quant à elles, à des aides techniques et à la prise en charge d'aménagements du logement. Les personnes âgées dépendantes ne sont donc pas traitées à égalité avec les personnes handicapées.
Je propose donc de transformer l'APA en véritable prestation de compensation de la dépendance des personnes âgées. Cela suppose d'y affecter les recettes nécessaires afin de ne pas créer de charge nouvelle pour les départements.
2°) Il faut diminuer fortement le reste à charge des personnes et des familles en cas d'hébergement en établissement.
Comme vous le savez, l'entrée en maison de retraite se produit aujourd'hui plus tardivement - 83 ans en moyenne - et souvent au moment où il est devenu impossible de rester au domicile. 35% des résidents en maison de retraite sont aujourd'hui confinés au lit ou dans un fauteuil.
J'ai voulu, avec le Plan Solidarité - Grand Age, prendre en compte la nécessaire évolution des maisons de retraite pour répondre aux besoins de personnes âgées de plus en plus dépendantes. Nous améliorons ainsi, progressivement mais fortement, nos capacités d'accueil et les conditions de cet accueil, notamment en ce qui concerne le personnel.
Demeure pour les personnes hébergées et leurs familles le problème aigu des coûts d'hébergement laissés à leur charge. Dans le coût total de la maison de retraite, il y a en effet aujourd'hui un tiers pris en charge par la solidarité nationale sur les crédits médico-sociaux gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, un peu plus de 10 % pris en charge par les départements et 54 % directement payés par la personne âgée elle-même ou sa famille.
Je vous le disais à l'instant, le revenu moyen d'une personne de plus de 80 ans est de 1 200 euros, alors que le tarif d'hébergement est, là aussi en moyenne, de 1 500 euros. Et le tarif d'hébergement a progressé plus vite que les revenus, jusqu'à la période récente où des mesures ont été prises pour freiner cette évolution.
Bien sûr, l'aide sociale départementale est là pour aider ceux qui n'ont pas les moyens de faire face. Les départements y consacrent près de 2 milliards d'euros par an. La solidarité envers les plus fragiles joue donc. Mais l'aide sociale dépend des règles fixées par chaque Conseil général, avec des plafonds à ne pas dépasser pour pouvoir y avoir droit. Elle ne règle pas la situation des personnes qui n'y ont pas droit malgré des revenus encore modestes, ni les situations où l'un des membres du couple seulement doit être admis en maison de retraite, ni les cas où il n'y a pas assez de places de maison de retraite agréées à l'aide sociale.
Je m'emploie depuis deux ans à réduire le coût moyen de l'hébergement en maison de retraite : 350 millions d'euros de subventions d'investissement en 2006, 100 millions encore cette année, la TVA à 5,5% sur les travaux, les prêts à taux zéro créés début 2007. Tout ceci permet de diminuer les emprunts et les remboursements qui pèsent aujourd'hui très fortement sur le prix de journée.
La prochaine étape doit consister à poser de nouvelles règles réduisant les charges d'hébergement.
Vous savez qu'aujourd'hui les maisons de retraite ont trois budgets : un forfait soin décidé par l'Etat et à la charge de l'assurance maladie, un forfait dépendance décidé par le département, et l'hébergement payé par la personne âgée ou sa famille. Les règles de répartition des charges entre ces trois sections sont, pour une part, arbitraires, comme l'a souligné le rapport récent de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale. Par exemple, les dépenses de personnel d'animation, qui ont pourtant un rôle important dans la prévention de la dépendance, sont aujourd'hui imputées aux familles sur la section d'hébergement, qui supporte aussi la totalité des frais d'administration générale, et la totalité de l'amortissement des investissements. Autre exemple : 30% des dépenses relatives aux aides soignantes sont imputées aux départements sur le forfait dépendance, alors qu'elles pourraient relever intégralement des soins, comme à l'hôpital.
Aujourd'hui, le reste à charge des personnes âgées et des familles pour l'hébergement en établissement est évalué entre 3,5 et 4,5 milliards d'euros. Je souhaite que ce reste à charge soit réduit de 25%, soit un milliard, réparti également entre soins et dépendance, donc entre l'assurance maladie et les départements, dans la limite d'un plafond.
Nous avons fait la preuve de notre capacité à réduire le déficit de l'assurance maladie tout en opérant des redéploiements importants pour mieux répondre aux besoins des personnes âgées ou handicapées. J'ai pu ainsi prélever sur l'assurance maladie deux milliards supplémentaires en deux ans pour les personnes âgées et les personnes handicapées, c'est-à-dire presque autant que le produit de la Journée de solidarité, et cela tout en continuant la réduction du déficit global. En poursuivant exactement le même effort de rationalisation et de contrôle des dépenses d'assurance maladie, nous sommes assurés de pouvoir élargir le contenu du forfait de soins dans les maisons de retraite, nous allégerons ainsi la charge laissée à la personne âgée et à sa famille.
Pour la part des départements, il faut la replacer dans un contexte global. Les départements sont légitimement inquiets de la pression croissante que représente déjà l'APA sur leurs budgets et la fiscalité locale. La dépense des départements pour l'APA est passée de 1,8 milliard d'euros en 2002 à 4,55 milliards en 2007. La part que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie prend en charge s'est réduite de 43% en 2002 à 34% en 2006. Il faut mettre fin à cette dérive. C'est pourquoi je propose que la part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie passe obligatoirement à 50% de la dépense d'APA des départements, et que ce pourcentage leur soit garanti par la loi.
Pour l'ensemble des financeurs publics, les mesures proposées pour diminuer la charge des personnes âgées et de leur famille à domicile comme en établissement représenteront un effort de l'ordre de 1 milliard d'euros par an dès la première année pour passer à 1,3 milliard par an à compter de 2012.
Ce milliard supplémentaire s'ajoutera à la mise en oeuvre du Plan Solidarité - Grand Age. Le total atteindra l'ordre de 3 milliards d'euros supplémentaires à l'horizon 2012.
Comment financer cet effort de solidarité nationale ?
Il y a plusieurs pistes :
* Une augmentation du niveau global des prélèvements obligatoires et notamment de la CSG, que personnellement j'exclus.
Nous devons perdre l'habitude en France de faire face à des besoins nouveaux par des prélèvements nouveaux. Je le redis : l'avenir se prépare par la réforme, non par de nouveaux prélèvements.
* Des efforts de redéploiement grâce à la réforme de l'Etat et à la maîtrise des dépenses de l'assurance maladie. C'est la voie que je privilégie.
- S'agissant de l'Etat, le gouvernement a entrepris une révision systématique de ses dépenses de fonctionnement. Par exemple, sur les achats, soit 15 milliards d'euros, les gains tirés d'une meilleure organisation sont évalués à 1,5 milliard par an. Ce réexamen de la performance a permis de prévoir dès 2007, pour la première fois, une augmentation des dépenses inférieure d'un point à l'inflation. C'est cet effort qu'il faut amplifier pour pouvoir faire face aux besoins nouveaux de nos compatriotes.
- S'agissant de l'assurance maladie, la diminution des arrêts de travail permet déjà une économie de 300 millions d'euros par an. Elle peut être encore amplifiée. Le doublement des contrôles des arrêts de travail a par exemple permis de mettre en lumière un taux d'arrêts injustifiés de 17% ! La réduction des prescriptions injustifiées d'antidépresseurs, de médicaments contre le cholestérol et d'antibiotiques doit également se poursuivre. Elle nous permet déjà d'économiser 150 millions d'euros par an. C'est la preuve que nous avons d'importants gisements d'économies, tout en améliorant la qualité des soins.
*Le réexamen des niches sociales et fiscales, dans le sens d'une plus grande équité.
L'exonération sociale et fiscale des indemnités de mise à la retraite d'office avant 65 ans, par exemple, représente un manque à gagner annuel pour la sécurité sociale compris entre 400 et 700 millions d'euros par an. Un prélèvement libératoire sur les revenus salariaux distribués au titre de l'intéressement, qui sont actuellement totalement exonérés de charges, permettrait de dégager plusieurs centaines de millions d'euros de financement supplémentaire, tout en maintenant une très forte incitation au développement de l'intéressement. Par exemple, avec un taux de prélèvement libératoire limité à 5%, ce sont 250 millions d'euros qui seraient dégagés.
Chacune de ces pistes sera examinée dans la concertation la plus large par le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et son Président.
III. En complément de l'effort de solidarité nationale, il faut aussi aider les Françaises et les Français à mieux prévoir, au niveau individuel, la charge subsidiaire induite par le risque de dépendance.
C'est la troisième option que je retiens.
Mon choix est celui d'une société de solidarité, mais aussi d'une société de responsabilité. La solidarité nationale doit jouer, vis à vis des plus fragiles, mais ce doit être en complément des efforts individuels. Mon choix n'est pas celui du "tout collectif", couvrant aussi le gîte et le couvert, que proposent certains, sans d'ailleurs expliquer comment la France et les Français seraient en mesure de le financer. Mais je veux aussi aider les familles dans leur effort de prévoyance.
C'est pourquoi je propose d'accompagner l'augmentation de l'effort de solidarité nationale par trois mesures d'incitation :
* Il faut d'abord rendre notre système d'aides sociales et fiscales plus équitable. Le système actuel aboutit à un résultat paradoxal et injuste : ce sont les classes moyennes qui sont pénalisées. L'aide est importante pour les faibles revenus, ce qui est normal. Mais elle est faible pour les revenus moyens et forte pour les hauts revenus, ce qui est choquant. Les personnes bénéficiant de retraites moyennes ont en effet des revenus trop élevés pour bénéficier de l'aide sociale mais trop faibles pour profiter à plein des avantages fiscaux. Il faut donc revoir le système, pour assurer une aide équitable ;
* Nous n'avons pas été assez loin pour offrir aux personnes âgées les outils financiers dont elles ont besoin pour faire face à la dépendance. Le patrimoine dont elles disposent parfois devrait pouvoir être mobilisé plus facilement. Il doit être une aide et non une charge. Il faut donc permettre aux personnes frappées par la dépendance de mobiliser leur patrimoine en le rendant plus disponible, notamment pour faire face aux frais d'hébergement en maison de retraite. Beaucoup de nos compatriotes préféreraient puiser dans leur capital plutôt que de devoir faire appel à leurs enfants, via l'obligation alimentaire. Ceci est d'autant plus justifié que les personnes qui arrivent aujourd'hui à
l'âge de la retraite bénéficient, pour une grande partie d'entre elles, d'un patrimoine plus conséquent que les générations précédentes : 33% des personnes de plus de 70 ans sont détentrices d'une assurance vie, et plus de 80% des plus de 55 ans sont propriétaires de leur logement.
Deux solutions sont possibles : celle du viager hypothécaire et celle de la mobilisation de l'assurance vie. Le prêt viager hypothécaire existe depuis l'ordonnance du 22 mars 2006. Il permet d'obtenir un prêt gagé par la valeur du domicile. La personne âgée, ou son conjoint, peut ainsi rester chez elle. Il faut faire connaître ce système. La capacité de convertir une assurance vie en rente pour financer la dépendance, ou d'y adjoindre une couverture du risque dépendance, n'existe que pour certains contrats : je propose de généraliser cette faculté à tous les contrats, sans pénalisation fiscale.
* Il faut enfin permettre le développement d'une couverture complémentaire dépendance, distribuée par les mutuelles, les institutions de prévoyance sociale ou les assureurs privés. Elle progresse rapidement. Presque 900 000 personnes ont déjà souscrit un contrat à titre individuel et près de 800 000 sont couvertes par un contrat collectif de leur entreprise.
Je veux favoriser le développement de cette forme de prévoyance, en permettant son accès au plus grand nombre, dans des conditions plus transparentes que celles des contrats actuels où les Français ont de la peine à s'y retrouver car il n'y a pas de cahier des charges commun.
Ceci suppose plusieurs évolutions.
* D'abord que les contrats couvrant ce risque, lorsqu'ils sont souscrits dans un cadre collectif, puisse être relayés par un contrat individuel lorsque le salarié quitte l'entreprise.
* Ensuite que les modalités de déclenchement de l'assurance soient très claires : la décision par laquelle le département reconnaît l'état de dépendance doit être couplée avec la décision de l'assurance de verser l'aide prévue au contrat.
* Je souhaite aussi que les assurances puissent être converties non seulement en rente, comme c'est le cas des contrats actuels, mais aussi en prestation en nature adaptée aux besoins de la dépendance, par exemple en couvrant une partie du coût d'hébergement lors de l'entrée en maison de retraite. Bien entendu, cette prestation en nature ne sera pas prise en compte dans les ressources pour le calcul de l'APA.
* Enfin, pour donner un signal clair, il faudra imaginer un avantage fiscal qui soit accessible au plus grand nombre, à l'exemple de l'accès à une couverture complémentaire de santé : donc, non seulement une défiscalisation partielle, mais aussi une aide à l'acquisition de la couverture complémentaire dépendance, par un crédit d'impôt.
C'est un développement qui peut se faire rapidement : les primes d'un contrat de risque dépendance ne sont pas très élevées, de l'ordre de 300 euros par an. Il est possible de souscrire la plupart du temps jusqu'à 75 ans, bien sûr avec une modulation des primes selon l'âge. Cette assurance complémentaire, organisée dans le cadre d'un contrat encadré par l'Etat en contrepartie des avantages qui y seront attachés, permettra au plus grand nombre de compléter ce que la solidarité nationale leur garantit.
Mesdames, Messieurs,
L'allongement pour tous de l'espérance de vie est une chance considérable, d'autant que l'amélioration des conditions de vie et les progrès de la médecine augmentent, année après année, la probabilité de bien vieillir, en profitant pleinement de cet âge de la vie. Pour autant, l' allongement de la vie s'accompagne, pour un nombre croissant de nos concitoyens, d'une fragilisation, qui impose des aides extérieures pour accomplir les gestes quotidiens.
Il est essentiel que notre système de protection sociale s'organise pour garantir à nos compatriotes que ce risque de la dépendance est, comme la santé, comme la retraite, comme le chômage, comme les accidents de travail, couvert sur des bases conjuguant solidarité nationale et responsabilité individuelle.
C'est pourquoi j'ai voulu que tous les éléments objectifs de cette question fondamentale soient mis sur la place publique. C'était le sens du travail que j'avais demandé en juin dernier à Mme GISSEROT, que je veux à nouveau remercier pour la qualité de ses constats, de ses réflexions et de ses propositions. C'est aussi le sens des orientations que je viens de vous présenter. C'est le sens de la mission que je confie au Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Ce sont donc quatre axes d'action que je propose aujourd'hui, pour l'avenir :
- développer une cinquième branche de la protection sociale adaptée au XXIème siècle, s'appuyant sur une approche individualisée des besoins et sur le rôle de proximité des départements ;
- faire face aux dépenses liées à la dépendance, à domicile comme en établissement, en diminuant le reste à charge pesant sur les personnes âgées et leur famille ;
- financer cet effort complémentaire sans augmenter les prélèvements obligatoires, en poursuivant ou amplifiant les efforts de bonne gestion de l'Etat et de la Sécurité Sociale déjà engagés ;
- inciter les Français à compléter l'effort de la solidarité nationale par une prévoyance individuelle ou collective.Source http://www.personnes-agees.gouv.fr, le 21 mars 2007