Déclaration de Mme Dominique Voynet, sénatrice des Verts et candidate à l'élection présidentielle de 2007, sur la stratégie électorale des Verts, notamment vis-à-vis du PS, Paris le 18 mars 2007.

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  • Dominique Voynet - Sénatrice des Verts et candidate à l'élection présidentielle de 2007

Circonstance : Intervention devant le Conseil national des Verts, à Paris le 18 mars 2007

Texte intégral

Le 14 mars Maud Fontenoy a touché terre, à l'Ile de la Réunion après 5 mois de navigation autour de l'hémisphère sud. Trois passages de cap, un démâtage, ont ponctué son « tour du monde à l'envers », accompli dans le sens inverse des courants et des vents dominants.
En comparaison, mener cette campagne présidentielle, en votre nom, en notre nom, c'est une vraie partie de plaisir.
Le 14 mars, pour nous, l'actualité, c'était les 14 derniers parrainages ramenés...de l'Ile de la Réunion, par Laurent Bouderaux. Nous en avions la certitude depuis la veille : nous y serions, nous y sommes, après avoir collecté et fait valider, au final, plus de 650 parrainages d'élus.
La quête des parrainages est le fruit d'un effort qu'il nous faut apprécier à sa juste mesure: Pour y parvenir nous avons dû au cours du mois qui vient de s'écouler, faire des choix, mobiliser en ce sens les forces de notre si petite équipe de campagne , au détriment de la préparation des déplacements et des meetings, des réponses aux questionnaires, du travail de presse. Nous n'y serions pas arrivés sans l'aide du secrétariat national. sans le sursaut de mobilisation exceptionnel de la majorité des secrétaires régionaux et des militants qu'ils ont su mobiliser dans leurs régions, tardivement, il y a un mois, beaucoup ont compris qu'il y avait un vrai risque, que beaucoup d'élus hésitaient, que les grands partis partenaires ne bluffaient pas et qu'ils maintiendraient leur embargo à notre égard jusqu'au bout. Nous pouvons d'autant plus être satisfaits, au final, qu'environ 450 élus, non verts aient assumé la responsabilité et pris la liberté de nous permettre de nous exprimer. Il l'ont fait dans tous les territoires, en métropole, dans les Dom et dans les Tom, au total dans 101 départements différents, de l'Ain à Saint Pierre et Miquelon, je leur adresse , en votre nom, notre reconnaissance.
Dans son journal de bord, la navigatrice raconte la grande difficulté des tous premiers jours quand il faut s'adapter aux nouveaux rythmes du sommeil, de l'alimentation. A ce moment elle ignore tout des vents contraires et des creux qu'elle aura à affronter, du démâtage, de ce qu'elle nomme la « navigation douloureuse ».
Je serai franche: je ne soupçonnais pas, en août ou en octobre dernier, à quel point, quelques uns d'entre nous avaient perdu confiance en eux mêmes et en notre capacité collective à porter le projet de l'écologie politique.
Pour la suite du parcours, il me semble qu'il n'est pas inutile , à cette étape, de rappeler que nous avons nous aussi du essuyer quelques bourrasques :
Ce fut d'abord pendant des semaines, le soupçon que je n'irais pas jusqu'au bout, que je nourrissais le projet, en violation de la volonté des militants, affirmée à une écrasante majorité à Reims, et constamment confirmée depuis, de rallier le candidat socialiste dès qu'il serait désigné. La rumeur a couru à nouveau il y a quelques jours, au moment où nous avons sollicité la mobilisation de tous... Peut-être ne souhaitais-je pas obtenir les parrainages ?
Jusqu'à fin janvier, d'autres, parfois les mêmes, sont passés subrepticement du souhait légitime de rassembler les écologistes à la revendication publique de mon désistement en faveur de la candidature de Nicolas Hulot, alors même qu'il n'avait pas lui même fait acte de candidature.
Nicolas a fait un autre choix. Il est resté insensible au chant des sirènes, malgré l'insistance de quelques grands élus Verts. Il sait et que c'est dans rôle de lanceur d'alerte, de vigie, qu'il est le plus efficace. Il sait aussi très bien ce que l'écologie doit aux Verts.
Ce manque de confiance en nous, continue à être exprimé, excusez-moi, pathétiquement, par la minorité qui a d'abord suivi puis poussé, la candidature de José Bové.
Nous peinons à reconnaître le syndicaliste paysan dans le candidat qui tour à tour se précipite à se prononcer comme un incontournable rabatteur de voix pour la candidate socialiste au second tour puis, menace, l'heure qui suit, la même candidate d'un vote sanction au seul motif que le parti socialiste ne lui donne pas les parrainages exigés !
Les camarades engagés dans cette aventure nous doivent une explication politique : il est difficile de comprendre que des Verts soutiennent un candidat qui a toujours refusé, c'est son droit, la bannière de l écologie et dont la « qualité » principale est d'accroître l'émiettement de la gauche anti-libérale. Quant à leur façon d'agir, rien ne nous aura été épargné :
Les dirigeants de ce groupe nous ont d'abord expliqué qu'il fallait attendre le congrès de Bordeaux pour permettre aux supporters verts de José de faire le deuil de sa candidature.
Puis ils ont fait le gros dos pour préserver ce qui était sans doute l'essentiel pour quelques uns d'entre eux : les désignations aux législatives, la place au CE. Pour finalement, me demander, par voie de presse, de retirer ma candidature, au mépris des décisions prises collectivement ici à maintes reprises et décider d'apporter leur parrainage à José Bové, au mépris des militants et des électeurs qui les ont élus sous l'étiquette verte.
Bon vent à eux... et bon courage à José !
Et demain ? Aurons nous notre Eric Besson ?
Si certains veulent goûter à la célébrité d'un jour ce n'est pas difficile, il leur suffira de déclarer qu'ils ont décidé de rallier, dès le premier tour la candidate socialiste, ou pourquoi pas qu'il viennent de tomber sous le charme de François Bayrou !
Vous le savez tous, tout ceci n'est pas de la « cuisine interne » car cela fait le miel des commentateurs exercés à taper sur les Verts. Comme Maud Fontenoy, il m'est arrivée de sortir lessivée, l'impression d'être couverte de bleus après des séances d'interviews, sur le terrain, au fil de rencontres d'une grande qualité, avec des gens fiers de montrer leur travail, où les seules questions posées faisaient écho à de petites et grandes trahisons de quelques verts, au mépris des personnes présentes et des témoignages vivants des urgences environnementales et sociales.
Cécile me l'a dit, elle aussi, elle a reçu les appels au secours des militants découragés à la lecture des petites phrases lues dans les quotidiens.
Bon, ce qui compte aujourd'hui c'est nous avons passé ensemble tous ces caps.
Je ne suis pas navigatrice en solitaire. Je l'ai éprouvé ces dernières semaines durant lesquelles vous vous êtes mobilisés, pas seulement pour récupérer des parrainages, mais aussi pour diffuser notre Contrat écolo, pour organiser des évènements de campagne ou nous apporter l'aide des commissions thématiques pour la rédaction des réponses aux innombrables questionnaires des réseaux.
Le mouvement vert, dans son ensemble, sortira renforcé et plus cohérent de cette période, si nous le voulons tous, si nous consacrons désormais 100 % de nos énergies à mettre l'écologie au cœur du débat de cette présidentielle.
N'ayons pas peur de l'affirmer, même si la tâche parait immense : pour passer d'une société du gaspillage frénétique, de l'individualisme forcené, de l'humiliation des faibles, à une société de la coopération, du partage, de la responsabilité, notre pays a besoin des besoins des écologistes et de politiques écologiques.
Aujourd'hui tout le monde en parle, un peu moins fort d'ailleurs ces derniers temps, mais personne n'en fait.
Tous les autres candidats ? Ils ont signé le pacte, et puis après, rien.
Quand ils sont avec Nicolas Hulot, ils veulent protéger la nature.
Quand ils sont avec les chasseurs, avec les compagnies pétrolières, avec les fabricants d'OGM et de pesticides ou les partisans du tout bagnole, ils disent le contraire !
Personne d'autre que les Verts, les militants sur le terrain, les élus locaux (nous le verrons les 27 et 28 mars prochains à Rouen lors des 3èmes rencontres nationales des élus régionaux Verts), les élus européens, les élus nationaux en juin, je l'espère, personne d'autre n'est en mesure de constituer pied à pied, le rapport de force qui est nécessaire, au quotidien.
Il nous appartient de démontrer sans relâche combien les questions de l'urgence sociale et de l'urgence environnementale ont partie liée: la solution aux problèmes sociaux est écologique et la solution aux problèmes écologiques est sociale ou n'est pas. Nous ne mobiliserons pas, comme c'est nécessaire, toute la société, pour sauver la planète, si celle ci reste marquée pour des millions d'êtres humains par l'urgence du lendemain, par le chacun pour soi.
Je ne dévierai pas de cette orientation. Je sais que vous l'approuvez. J'ai la conviction et je constate, sur le terrain, à quel point nous sommes entendus.
Alors, maintenant ?
Vous pouvez compter sur ma détermination à porter notre projet.
Il n'entre pas dans ma conception de la politique d'aller dire aux uns et autres, à chaque catégorie, chaque lobby, ce qui lui fait plaisir.
On m'a même dit de ma campagne que c'était 0% de démagogie! Et bien tant pis... ou plutôt tant mieux :
Je compte continuer car je ne prends pas les citoyens et les électeurs pour des imbéciles.
J'ai toute confiance, parce que tous ceux que je rencontre, chaque jour, ils vivent les effets de la crise écologique.
Et je vois qu'on peut les convaincre de choisir la révolution écologique, comme un choix pour l'avenir, comme le pari de décider la mutation de civilisation plutôt que de la subir.
Il nous reste du boulot à accomplir pour atteindre cet objectif.
Si on en croit les sondeurs et les commentateurs, la victoire de Nicolas Sarkozy est annoncée depuis des mois.
Entre 2004 et 2007, les Français qui ont si sévèrement sanctionné le gouvernement UMP de Raffarin-Villepin-Sarkozy aux élections régionales et européennes auraient changé d'avis.
Les centaines de milliers de jeunes nouvellement inscrits sur les listes électorales l'auraient fait, parce qu'ils croient aux vertus du nettoyeur à haute pression et du CPE...
Vous y croyez vous ?
Moi je ne m'y résigne pas !
Et Bayrou me direz-vous ? On peut lui concéder d'avoir pris quelques distances avec l'UMP et avec le projet brutal et régressif que porte Nicolas Sarkozy. C'est d'ailleurs sans doute une raison de sa popularité... coté droite.
Notons quand même que sa conversion est récente et qu'il tient sur les questions économiques un discours de droite bien traditionnel : « baisse des charges » comme il les appelle, et des contraintes qui pèsent sur la « liberté d'entreprendre ». Il faut aussi dire que l'alouette Lepage ne fait pas du cheval Bayrou un écologiste. Ses positions que les questions agricoles le montrent sans ambiguïtés.
Et puis il y a ce point crucial : avec qui veut il gouverner et pour quoi faire? La vérité c'est qu'il n'en sait rien et qu'il laisse au hasard, à l'ordre d'arrivée au soir du 1er tour d'en décider. Il affirme sa volonté de rassembler, derrière son panache banc, la droite et la gauche.
Trivialement, il n'aurait le choix qu'entre demander le soutien de la gauche face à Sarkozy ou demander celui de Sarkozy pour battre la gauche. Exit la fiction de la grande alliance.
Nous n'avons pas changé de position depuis le début : nous accordons la priorité aux contenus, aux défis du changement climatique, à ceux de la crise de l'énergie. Nous constatons qu'il est rigoureusement impossible de gouverner avec une droite qui représente les intérêts et les groupes de pression qui bloquent ces mutations.
Du coté gauche, ne nous voilons pas la face : la difficulté est forte, réelle, la dynamique n'est pas encore au rendez vous.
Il est urgent de redonner espoir aux citoyens, aux jeunes de ce pays. Il faut proposer un projet radicalement nouveau pour le siècle à venir. La révolution écologique c'est la proposition que les Verts mettent sur la table, pour inventer un nouveau projet de vivre ensemble, en France, en Europe, dans un monde moins violent et plus juste. Les électeurs diront, bien sur, au premier tour quelle dose d'écologie ils veulent insuffler.
Aujourd'hui je fais une offre publique de débat à toute la gauche :
Ségolène, Marie-George, Olivier : aucune de nos formations ne détient à elle seule les clés de l'avenir de la gauche du XXIème siècle. Mais chacune a son rôle à jouer, sa responsabilité à assumer, pour écrire un projet qui ré-enchante les forces vives et la jeunesse de notre pays.
La gauche, depuis 2002, a pris du retard.
Elle a négligé beaucoup d'occasions de débattre.
Elle s'est divisée sur l'Europe et a entretenu à loisir cette division.
Je veux, nous voulons, que la gauche gagne, à la présidentielle, aux législatives.
Elle ne le fera pas en niant sa diversité,... en invoquant le vote utile. Je veux qu'elle gagne pour changer nos vies, pour inventer, pour innover. Voilà pourquoi il faut débattre ensemble, devant les français.
Débattons enfin des solutions les meilleures pour créer de l'activité et des emplois et améliorer la qualité de vie, pour diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, pour protéger l'environnement et le monde rural des effets et des excès du productivisme, pour protéger la paix et construire l'Europe...
Il s'agit de répondre aux défis qui nous attendent sans décevoir à nouveau en tirant toutes les leçons des expériences menées ces dernières années.
C'est difficile. Rien à voir cependant avec l'océan à contre courant qu'a traversé Maud Fontenoy.
CherEs amiEs, vertEs, nous avons ensemble résisté au gros vent ces derniers mois.
Chère Secrétaire nationale, chers tous, chers militants de l'écologie dans les régions, nous avons montré ces dernières semaines que nous ne manquons ni de combativité, ni d'énergie, ni de ressources, ni de crédibilité.
Tournons nous maintenant vers le grand public. Les meetings, les déplacements, les émissions médias, nous permettrons d'essayer de la convaincre à grande échelle.
Ouvrons la maison verte à tous ceux et à toutes celles qui nous témoignent chaque jour leur intérêt pour notre campagne.
Soyons responsables, écologistes pour 4 s'il le faut.
Le 22 avril, nous arriverons à bon port, si nous le voulons.
Source http://blog.voynet2007.fr, le 19 mars 2007