Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la diffusion de la culture économique et des notions économiques de base à travers le Conseil pour la diffusion de la culture économique (le Codice), Paris le 14 mars 2007.

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Circonstance : Réunion de présentation des recommandations du Codice à l'École d'économie de Paris le 14 mars 2007

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Claude PERDRIEL,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'introduire ce matin la réunion de présentation des recommandations du Codice. C'est en effet l'aboutissement d'un travail de 6 mois que j'ai demandé à Claude Perdriel et aux membres du Codice de mener en septembre dernier, en installant ce Conseil qui est une première en France.
1. Je voudrais donc avant tout, personnellement et chaleureusement, remercier à nouveau devant vous Claude Perdriel, homme de média mais aussi homme d'entreprise, d'avoir bien voulu malgré son emploi du temps lourdement chargé, accepter de présider le Conseil pour la diffusion de la culture économique (le Codice). Je savais pouvoir compter sur lui, connaissant son engagement constant en faveur de la pédagogie de l'économie.
Je voudrais remercier également tous les membres du Codice qui ont eux aussi donné de leur temps pour faire avancer concrètement ce dossier, dont on parle souvent mais sur lequel bien peu a été fait jusqu'à maintenant, notamment quand on regarde ce qui se passe à l'étranger. Avec Claude PERDRIEL, j'ai souhaité que ce Conseil soit riche d'hommes de médias, car c'est d'une diffusion au plus grand nombre des notions économiques de base dont nous avons le plus grand besoin, mais aussi, tout comme la Commission Pébereau d'ailleurs- qu'il soit trans-partisan dans sa composition.
2. Cet enjeu, permettez moi de le dire haut et fort, il est partagé par une très grande majorité des Français.
Ce n'est pas une lubie de quelques uns, moi-même, vous mon cher Claude et je me tourne aussi vers les membres du Codice qui sont tous très engagés dans ce combat ! Les Français en ont très largement conscience. C'est ce que montrent très clairement tous les sondages sur ce sujet : la Sofres vous en présentera les grandes conclusions tout à l'heure.
En deux mots, si une grande majorité de nos compatriotes reconnaissent leurs lacunes en économie, en même temps, ils souhaitent à 80 % en savoir plus, être mieux informés, être aussi mieux formés, mais encore qu'on leur parle mieux d'économie. Ils sont même exigeants, notamment vis-à-vis des hommes politiques : un sondage dévoilé à l'occasion du prix du livre d'économie de l'année, [que j'ai remis il y a un mois à Erik ORSENNA, membre du Codice, que je salue donc tout particulièrement pour sa contribution personnelle en plus de sa contribution collective !], indique que c'est des hommes politiques que 60 % des Françaises et des Français attendent le plus d'explications dans ce domaine qu'ils jugent important pour leur vie quotidienne.
Ils ont raison et la période électorale actuelle doit être mise à profit par les hommes politiques pour expliquer les enjeux et détailler leurs propositions : expliquer l'économie avant, c'est la meilleure façon pour que l'économie ne déçoive pas après !
3. Une plus grande diffusion de la culture économique, vous le savez, c'est un de mes combats depuis que je suis à Bercy. Je dis souvent, et je le pense assez profondément, que c'est le facteur de croissance oublié.
Edmund Phelps, le récent prix Nobel d'économie, que nous avions convié avec le Premier ministre à la Conférence sur la croissance la semaine dernière à Bercy, ne disait pas autre chose quand il a évoqué le levier de la culture économique, insuffisamment développée pour relever notre potentiel de croissance à 3 ou 4 %. C'est d'ailleurs d'autant plus important pour le ministre de l'Économie que je suis, qu'il n'y a pas de politique économique efficace, qui ne soit pas comprise par tous les acteurs économiques !
Je crois qu'il y a moyen de parler de l'économie autrement, de façon plus compréhensible par nos concitoyens. Depuis que je suis à Bercy, j'ai essayé d'y contribuer en tenant bon sur mes engagements de rendez-vous trimestriel et en améliorant la lisibilité de notre situation économique : je pense au tableau de bord qui est en ligne depuis bientôt 2 ans maintenant, au radar de l'économie dont j'ai présenté en décembre la 4eédition, au chariot type pour mesurer de manière plus concrète l'évolution des prix dans la grande distribution, aux indices de prix par catégories et dernièrement à l'indice de prix individualisé qu'a mis en ligne l'Insee, etc.
J'ai lancé aussi le grand débat sur la dette, avec le rapport Pébereau : la médiatisation de thématiques telles que l'impact du vieillissement sur nos finances publiques, la comparaison édifiante des intérêts de la dette avec le montant de l'impôt sur le revenu, l'effet « boule de neige » de la charge d'intérêts sur l'endettement ou encore le fardeau insupportable de 18 000 euros de dette publique à rembourser qui pèse sur chaque enfant à sa naissance ...ont petit à petit convaincu les Françaises et les Français que la santé de leurs finances publiques devait être une de leurs préoccupations majeures.
Autre combat livré, celui de l'entrée de la France dans l'économie de l'immatériel. Il recèle énormément d'enjeux de nature et d'ampleur différentes. Mais ce que je retire avant tout du rapport Lévy-Jouyet sur l'« économie de l'immatériel », c'est que nous ne tirerons profit de notre entrée dans l'économie de l'immatériel que si nous accomplissons un immense travail de pédagogie auprès de nos concitoyens. Car les changements de paradigmes qu'elle suppose ne vont pas de soi. Dans l'économie de l'immatériel, c'est notre capacité à créer, à inventer, à innover qui devient notre principal critère de compétitivité : de même que l'électricité fut le moteur de la révolution industrielle, les technologies et le savoir sont les carburants de la révolution de l'immatériel. L'économie de l'immatériel change aussi profondément notre rapport au temps - on peut avoir des idées le week-end, on peut travailler à distance, on peut être créatif même quand on a dépassé l'âge de la retraite ! - et à l'espace - le territoire de la croissance est désormais celui de la planète tout entière. Il faudra là aussi faire preuve de pédagogie pour réussir cette transition là et permettre à la France de faire la course en tête.
J'ai aussi plaidé pour une revalorisation du travail à travers des signaux concrets (primes à la reprise du travail pour les jeunes dans les secteurs pénuriques, pour les chômeurs de longue durée, pour les mobilités géographiques, ...) et je suis aujourd'hui engagé dans un combat pour mettre la croissance au coeur des choix politiques.
Et, vous savez quoi, les Français comprennent ce qu'on leur dit quand on le fait de manière claire et avec conviction :
- la dette, la Sofres vous le rappellera tout à l'heure, est devenue une préoccupation majeure de nos concitoyens ;
- la maîtrise des dépenses publiques également : 73 % des Français sont favorables à la limitation de la dépense publique (dont 69 % de sympathisants socialistes) selon un sondage de début mars de l'institut LH2 ;
- un autre sondage de ce même institut sur le thème "Travailler plus pour gagner plus", montre une nette modification de l'opinion sur ce sujet: à la question voudriez-vous pouvoir travailler plus pour gagner plus ? 45 % répondent oui aujourd'hui contre 34 % en sept. 2006, soit + 11 points !
Les choses évoluent donc positivement ; il faut évidemment aller plus loin : l'économie, c'est l'affaire de tous ; à chacun des parties prenantes de se saisir de cet enjeu. Je compte donc beaucoup sur les préconisations du Codice pour cela.
4. De mon côté, j'ai souhaité que le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie donne l'exemple comme toujours et qu'il intègre donc structurellement cette mission de pédagogie économique.
C'est pourquoi j'ai décidé d'engager d'ores et déjà 4 chantiers dans le droit fil des recommandations du Codice. Ils seront mis en oeuvre par la délégation générale, structure légère d'accompagnement du Codice, dirigée par Isabelle KNOCK :
- D'abord, développer un site internet pédagogique, jeune, moderne et interactif : le Codice a retenu à l'unanimité la proposition d'un site intégrant un contenu vidéo qui pourra aussi être diffusé à la TV, relais puissant d'information et de diffusion de toutes les cultures.
- ensuite mettre en place un partenariat entre l'Éducation nationale et les acteurs économiques pour promouvoir les grands axes développés par Gilles de Robien d'ouverture de l'école sur le monde de l'entreprise à travers notamment l'insertion d'un stage obligatoire en entreprise dans les modules de formation de tous les enseignants mais aussi le nouveau "module de découvertes professionnelles"en fin de collège.
- troisième chantier, constituer un fonds de labellisation/d'amorçage pour reconnaître les bonnes initiatives et en faire émerger de nouvelles en leur donnant éventuellement un coup de pouce financier : ...
- enfin, il faut que les journalistes économiques puissent compter sur les services de Bercy pour les alimenter plus et mieux. C'est pourquoi je voudrais officialiser aujourd'hui le partenariat qui est en train de se nouer entre l'AJEF et les Services de Bercy, en matière de diffusion de l'information et d'analyse économique. Ce cycle de conférences économiques co-parrainées par l'AJEF et le ministère me semble en effet être le vecteur idéal pour permettre aux journalistes d'accéder en toute rigueur et indépendance, en rencontrant les experts du ministère, au gisement gigantesque d'information et d'expertise de Bercy. Je l'avais encouragé et je suis heureux de vous confirmer que ce partenariat va se concrétiser avant les échéances électorales à venir.
5. Par ailleurs je tiens à saluer une initiative particulièrement judicieuse et novatrice, mentionnée d'ailleurs par le Codice : l'idée de Sophie de MENTHON, présidente du Mouvement Ethic, de créer un musée ou une Cité de l'économie.
Les sciences - avec la Cité des sciences et de l'industrie ou le Muséum d'histoire naturelle -, disposent déjà d'une grande vitrine de vulgarisation tout comme les techniques - avec le musée du Conservatoire national des arts et métiers -. Ce n'est pas le cas pour l'économie alors même que cette discipline souffre de l'image d'une matière complexe - je viens d'en parler longuement.
L'idée d'un musée ou d'une Cité de l'économie qui présenterait de façon vivante et pédagogique les grandes théories économiques, les mécanismes de marché, les structures de l'activité économique (organisations professionnelles, différents types d'entreprises, syndicats, organismes sociaux, organismes internationaux ...), les comparaisons chiffrées, etc. a tout son sens. Ce serait un lieu de ralliement, qui permettrait aussi à tous les publics de comprendre et s'approprier les mécanismes économiques de base.
J'espère que le ministère de l'Économie pourra d'une façon ou d'une autre y apporter sa contribution.
Voilà ce que je voulais vous dire ce matin. Place maintenant au Codice auquel je souhaite une longue et fructueuse vie au service de la pédagogie économique.
Je vous remercie.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 19 mars 2007