Texte intégral
Q- J.-M. Lemétayer, président de la FNSEA, le premier syndicat agricole de France. Cela a été confirmé au moment d'élections professionnelles récentes ?
R- Je crois largement confirmé, effectivement. Il y en a qui voulaient nous mettre un peu par terre, mais ils en ont été pour leurs frais. Je l'avais un peu dit avant. C'est plus facile quand c'est après, effectivement, le vote des paysans français qui nous a largement confirmés avec plus de 57% de confiance.
Q- Alors le Salon de l'Agriculture ouvre ses portes, demain. C'est le sens de votre présence ici ce matin. Et puis, vous n'allez pas chômer probablement pendant ce Salon de l'Agriculture, parce qu'on est à moins de deux mois de la présidentielle, et ils vont tous venir tâter le cul des vaches ! Cela ne vous exaspère pas, un peu ?
R- C'est-à-dire qu'on voudrait surtout qu'ils parlent d'agriculture, pas seulement pendant le Salon. On sait que tous les ans, à cette occasion, on a la visite des membres du Gouvernement, des différents responsables de partis politiques. Mais ce qui nous semble, nous, indispensable, c'est la mobilisation de nos dirigeants politiques, de quelque parti que ce soit, de ceux qui sont au Gouvernement, mais aussi des autres, quant à l'ambition agricole qu'il faut développer parce que depuis le début de la campagne, on ne parle pas d'agriculture.
Q- C'est vrai.
R- Je ne suis pas inquiet, parce que je suis certain qu'on va en parler pendant une semaine. Je m'interroge si on va encore en parler après le Salon et jusqu'à l'élection. Et moi, ce qui m'intéresse surtout, c'est ce que fera le président ou la présidente et son Gouvernement parce que le calendrier de politique agricole, j'allais dire, n'a rien à cirer du calendrier de politique française. On a des échéances énormes qui nous attendent. Il y a une négociation actuellement...
Q- Européennes ? Mondiales ?
R- ...non, internationales. En ce moment, le Commissaire européen chargé de la négociation, M.Mandelson, je me demande s'il n'est pas en train de nous sacrifier parce qu'il se dit, pour une fois, on n'entend plus les Français...
Q- Alors, on va parler politique en entrant, si possible, dans le détail des propositions des candidats. Avant ça, quand même, c'est une année terrible pour vous parce que votre président chéri, le grand ami des agriculteurs et de la FNSEA, va probablement passer la main, enfin, c'est de l'ordre du probable. Vous l'avez aimé, ce président ?
R- On ne peut pas ignorer qu'il a toujours été mobilisé pour la cause agricole. Donc, ce serait bien ingrat que de ne pas reconnaître ce qu'a fait le président Chirac pour l'agriculture. A chaque fois qu'il y a eu des rendez-vous très importants sur le plan européen ou international, il a été
présent. Il a répondu présent pour éviter certaines dérives. Il n'a certainement pas tout fait bien ; mais c'est vrai que la profession agricole reconnaît dans le président Chirac ce qu'il a fait au cours de ces années.
Q- Alors, maintenant, qui sera le bon président pour la FNSEA ?
Logiquement parce que vous êtes un syndicat de droite, et vous ne vous en êtes jamais caché.... Si ! Vous me démentez ?
R- Absolument parce que d'abord, il n'y a jamais de consignes de vote à la FNSEA. C'est la première chose. Ce sont les sondages qui le disent, il semble qu'une majorité de paysans votent à droite, mais la FNSEA a toute liberté de penser et moi, je le revendique particulièrement.
Q- Sarkozy peut-il succéder dans votre coeur à J. Chirac ? C'est un citadin, c'est-à-dire ça n'a rien à voir, quoi ! C'est un rat des villes.
R- Non mais moi, je dirai qu'aucun des candidats n'a la fibre agricole qu'a le président Chirac. Donc, il faudra qu'il démontre, que ce soit N. Sarkozy, S. Royal ou un autre...
Q- J'ai une idée mais je vous la donnerai tout à l'heure...
R- Oui, oui, oui... Mais moi, que ce soient les uns ou les autres, ou notamment parmi les deux principaux candidats, il faudra qu'ils démontrent qu'ils ont une fibre agricole, et surtout qu'ils reconnaissent en l'agriculture un des principaux secteurs économiques de notre pays, et même en matière d'emplois. Parce que quand j'entends tout ce qui se dit actuellement au travers d'Airbus, d'EADS, de cette mobilisation politique, j'ai pas envie de crise, moi, en agriculture. On a déjà quelques difficultés dans le secteur viticole et un petit peu dans le secteur des légumes en ce moment. Je n'ai pas envie de crise pour qu'on parle de nous, et je n'ai pas envie d'interventionnisme non plus. Mais j'ai envie surtout qu'on reconnaisse ce qu'on représente, y compris dans la balance commerciale. On est un secteur qui représente 15% des emplois dans le pays dans certains départements, c'est près de 30%. On n'entend pas parler de ruralité dans ce débat électoral. Donc, est-ce que oui ou non, la France ce sont les villes mais aussi tous nos territoires ruraux ?
Q- Je suis allé voir les programmes des différents candidats. C'est vrai qu'en ce qui concerne l'agriculture, parfois il y a trois lignes, et ce sont souvent des généralités. C'est-à-dire, grosso modo, on dit que vous êtes très, très important, qu'on ne pourra pas se passer de vous, qu'il faut que vous respectiez la nature et que vous ayez une place de choix dans ce qui va être, semble-t-il, le grand enjeu de demain, ce sont les biocarburants. Voilà ce que disent à peu près tous les candidats...
R- J'ai eu l'occasion de rencontrer N. Sarkozy, il y a une semaine, et S. Royal en ce début de semaine. Je leur ai dit des choses simples. Qu'on n'entre pas dans les détails techniques de l'agriculture - c'est compliqué - pourquoi pas ! Mais déjà au moins qu'on affiche que l'indépendance alimentaire de la France, de l'Europe, c'est un poids numéro un, que notre Europe soit capable de nourrir sa population. Il n'y a pas besoin d'aller chercher au Brésil, en Argentine ou en Océanie. Qu'on affiche effectivement cette orientation du monde alimentaire et pas forcément seulement les biocarburants, qu'au moins déjà, on fixe le cap sur le plan de l'ambition agricole.
Q- Alors, vous avez dit - c'est vrai que Sarkozy n'est pas agriculteur, il n'est pas vraiment rural - S. Royal ne l'est pas non plus. Il y en a deux qui le sont : d'abord Bayrou. Bayrou est agriculteur. Il est éleveur de chevaux. Il habite le monde rural. Il pourrait être votre candidat ?
R- Il n'a pas à être plus notre candidat que d'autres. Mais je reconnais en F. Bayrou le fait qu'il connaît l'agriculture...
Q- Il a la fibre ?
R- Il a la fibre. Ce n'est pas un scoop : il est même adhérent à la FNSEA.
Donc, c'est pas pour ça que je...
Q- ... Que vous voterez pour lui ?
R- Non, c'est pas une question que je voterai...
Q- Et puis, il y a J. Bové. Alors, lui, c'est un vrai. C'est un agriculteur ?
R- Je pense que les paysans qui viennent de voter, il y a quelques jours, n'ont pas reconnu en la Confédération paysanne, et surtout en J. Bové, qu'il avait vraiment la fibre pour défendre les paysans.
Q- Non, mais même la Confédération paysanne ne reconnaît plus J. Bové aujourd'hui.
R- Ce n'est pas surprenant quand on vient de prendre une claque comme ils viennent d'en prendre une aux élections professionnelles, c'est difficile de reconnaître en J. Bové, maintenant, un vrai porte-parole ou un vrai leader. Mais J. Bové, on le sait depuis toujours, moi je l'ai dit plusieurs fois y compris à cette antenne : qu'il n'a jamais défendu le monde paysan. Je pense même qu'il a fait du mal au monde paysan. Quand on parle de mal bouffe, quand on laisse entendre à nos consommateurs que les paysans français pourraient produire de la mauvaise qualité, pourraient ne pas se soucier de la qualité de ce qu'on trouve dans l'assiette, je pense qu'on joue contre son camp, et les paysans n'acceptent pas qu'on joue contre notre camp.
Q- Quand il ira au Salon, est-ce que vous ferez partie de la cohorte qui viendra le saluer ?
R- Mais je n'ai pas à faire partie de la cohorte. Vous savez, les candidats, ils savent que s'ils s'annoncent, ils seront reçus sur le stand de la FNSEA. Mais moi, je n'ai pas à aller recevoir les visiteurs au Salon. C'est à eux de venir nous rencontrer sur notre stand de la FNSEA...
Q- Si Bové vient vous voir ?
R- Eh bien, écoutez, il sera reçu comme d'autres candidats. Mais je ne suis pas certain qu'il vienne sur le stand de la FNSEA.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 mars 2007