Texte intégral
Q- On se retrouve avec J.-M. Lemétayer au Salon de l'Agriculture au milieu des vaches partenaises et des vaches normandes qui sont derrière moi. C'est le calme qui précède la tempête parce que cette année, à quelques semaines de l'élection présidentielle, c'est évidemment le défilé des candidats. Tout le monde va venir ou presque ?
R- Oui et puis la fréquentation du Salon est excellente, depuis son ouverture samedi et puis c'est vrai que c'est la déferlante des politiques - j'allais dire "le balai des politiques". Hier en particulier, on a du avoir la visite de quatre candidats au moins.
Q- Il paraît qu'au moment de la visite de F. Bayrou, votre stand a été carrément démoli ?
R- Cela a été chaud en tout cas, on a craint pour le stand parce qu'il se trouve qu'en plus, P. de Villiers est arrivé quasiment au même moment et il se trouve que le stand de la Vendée est tout prêt de celui de la FNSEA, et c'est vrai que ça a été très chaud.
Q- Alors les candidats justement, vous vous débrouillez pour qu'ils ne se rencontrent pas. Ils demandent à ne pas se rencontrer ?
Comment ça se passe ?
R- Ce sont surtout eux qui se débrouillent pour ne pas se rencontrer et pour les organisateurs du Salon, il faut organiser les circuits pour qu'effectivement ils ne se croisent pas, ils n'ont pas vraiment envie de se croiser sur le Salon. Ceci étant, s'ils se croisaient, je pense qu'ils se donneraient une bonne poignée de mains.
Q- Alors dimanche, c'était J. Chirac qui était présent, c'était sa dernière visite comme président de la République, J. Chirac c'était le chouchou des agriculteurs, vous allez le regretter ?
R- On serait bien ingrats de ne pas reconnaître sa détermination à défendre la profession agricole. Alors, le regretter... on aura forcément de souvenirs du Président Chirac qui n'a d'ailleurs raté qu'un seul Salon sur une trentaine, c'est aux candidats et à celle ou celui qui sera élu de faire en sorte qu'on ne le regrette pas, c'est-à-dire que ce futur chef de l'Etat ait vraiment de l'ambition pour notre agriculture, parce qu'à partir de ce moment-là, je ne dis pas qu'on oubliera mais on saura qu'on peut compter à nouveau sur un chef de l'Etat, un Gouvernement, un ou une ministre pour soutenir une profession qui est un grand secteur pour notre pays.
Q- Mais justement alors, parmi les candidats qui se présentent, est-ce que il y en a qui vous paraissent proches de vos préoccupations comme pouvait l'être J. Chirac ?
R- Il faut d'abord dire qu'on ne les a pas beaucoup entendus pendant les premières semaines de campagne. Cette semaine, on les entend beaucoup. Hier, évidemment, F. Bayrou a montré toutes ses connaissances en agriculture puisqu'il est éleveur lui-même, fils de paysan.
Q- Il a même sa carte à la FNSEA, je crois. Cela vous rapproche ?
R- C'est vrai mais il est fils de paysan, il ne manque pas de le rappeler. Il appartient à ceux qui ont moins d'origines agricoles, s'ils sont urbains en particulier, de montrer qu'ils peuvent être eux-mêmes de véritables porte-parole non seulement du monde agricole mais aussi du monde
rural.
Q- Mais alors concrètement, qu'est-ce que vous attendez de candidats, sachant que dans les programmes il n'y a pas vraiment grand chose ?
R- J'attends, nous attendons surtout qu'ils ne rentrent pas dans le détail de la technique de la politique agricole, tout le monde sait que c'est compliqué. Mais la première chose que je rappelle aux candidats, c'est que la politique agricole dépend d'abord de ce qui se décide sur le plan européen. Nous sommes un des rares secteurs où la politique agricole se décide d'abord à Bruxelles. Ceci étant, ils doivent afficher de l'ambition sur le plan européen et sur le plan international. Le président Chirac samedi dernier a réaffirmé, les positions de la France concernant les négociations internationales.
Q- Alors justement, J. Chirac a critiqué le commissaire européen qui est chargé de négocier au nom de l'Europe à l'organisation Mondiale du Commerce, il a eu raison ? Vous pensez que l'Europe peut sacrifier l'agriculture française ?
R- L'Europe ne peut pas sacrifier son agriculture, pas plus l'agriculture française que son agriculture tout simplement et, dans cette négociation qui a lieu, qui peut aboutir finalement, au moins sur le plan agricole, dans les semaines qui viennent, il n'y a pas de nouvelles concessions à faire, en particulier aux Américains qui eux, ne vont pas changer leur politique agricole. Mais ce que je veux dire aux candidats, c'est que complémentairement à la politique agricole européenne, ils peuvent donner des signes forts sur le plan national. Je pense en particulier à l'installation des jeunes. La dynamique d'installation dépend d'abord du Gouvernement français. La modernisation de notre agriculture dépend aussi de la volonté du Gouvernement français. Derrière tout ça, c'est toute la politique de financement de notre agriculture et puis toute la politique de qualité des produits.
Q- Vous réclamez encore de l'argent ?
R- Non, je dis simplement que je préfère voir inciter à la modernisation de notre agriculture plutôt que devoir éventuellement dépenser de l'argent à gérer des crises. Et puis je pense qu'il faut investir aussi dans tout ce qui permet le développement de la qualité, la traçabilité, tout ce qui va dans le domaine de la sécurité pour les consommateurs. On va recevoir peut-être 600.000 visiteurs ici au Salon de l'agriculture, je crois qu'ils sont tous intéressés par les produits qu'on met dans leur assiette, la qualité, le goût, les terroirs, et en même temps la sécurité, et tout ça dépend d'abord et avant tout du Gouvernement français.
Q- Vous parlez de qualité des produits, il y a un des candidats à la présidentielle, J. Bové, lui, qui attaque l'agriculture française dans ce qu'elle a de trop productiviste. On a l'impression que ça ne va pas fort entre vous ?
R- Ecoutez, J. Bové avec l'organisation qu'il a longtemps représentée, la Confédération paysanne, a joué et joue contre son camp. Et d'ailleurs, il y a un sondage récent qui montre que les paysans ne comptent pas sur lui pour les défendre. Pourquoi ? Parce que quand on parle de malbouffe, quand on parle de mauvaise qualité des produits, qui peut penser dans un pays comme le nôtre, le pays où il y a le plus de produits sous signe de qualité, appellation d'origine, des labels, la culture bio...
Q- Mais on dit aussi que l'agriculture pollue beaucoup ?
R- Attendez, d'abord, je veux terminer ma phrase, qui peut penser qu'on serait dans un pays où la qualité de ce qu'il y a dans notre assiette ne serait pas là ? Et puis en même temps, qui pollue beaucoup ? Qui peut penser aussi qu'un paysan se lèverait le matin pour polluer ? Non. Un paysan se lève le matin de bonne heure très souvent parce qu'il a envie d'abord de bien faire son métier et puis d'apporter une alimentation de qualité au consommateur.
Q- Un des problèmes du monde rural, ce sont les services publics dans le monde rural. Est-ce que là vous réclamez un plan pour les campagnes ?
R- Oui parce qu'il ne faut pas que le programme...On réclame beaucoup sur l'agriculture mais il faut élargir et la ruralité est un vrai sujet. Et moi je regrette beaucoup qu'on soit presque dans certaines zones, en sous-développement par exemple en services de santé. Il est grand temps qu'il y ait une vraie politique de santé, pas seulement dans les villes, mais aussi en milieu rural et il faut une véritable politique incitative pour que des jeunes médecins acceptent de s'installer, y compris là où il y a une faible densité de population.
Q- Vous en avez parlé aux candidats ?
R- Absolument et puis je leur parle aussi des services. Tout le monde a envie de bénéficier des nouvelles technologies de l'information et de la communication. On était en campagne électorale professionnelle, nous, il y a quelques semaines. Quel que soit l'abonnement qu'on puisse avoir à l'un des trois opérateurs, il y a de nombreuses zones...
Q- Vous parlez du téléphone mobile là ?
R- Oui absolument, je parle du téléphone mobile, il y a de nombreuses zones encore sur notre territoire qui ne sont pas servies. J'ai pourtant entendu des tas de promesses sur le sujet. Donc, j'espère qu'en matière de santé, en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication, on aura un véritable non seulement engagement de la part des candidats mais qu'effectivement il y aura un programme qui s'appliquera.
Q- Un des sujets du Salon, c'est les biocarburants. C'est la planche de salut pour l'agriculture française ?
R- Ce n'est pas la planche de salut mais ça offre de nouvelles perspectives. Notre mission première c'est bien sûr celle de nourrir les populations et je crois que le Salon démontre à quel point on s'y engage et puis on produit de la qualité bien sûr, mais c'est aussi cette possibilité de fournir de l'énergie verte et le Salon le démontre aussi. Et pour la première fois, on a à nos côtés, j'allais dire la filière mais notamment les constructeurs automobiles, qui montrent que désormais ils sont prêts à jouer le jeu, avec l'agriculture, de l'énergie verte.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 mars 2007