Texte intégral
François BAYROU. - Avant de m'adresser à vous et de vous remercier de votre présence si nombreuse, je veux donner la parole à Azouz Begag, ministre de l'Egalité des chances.
Azouz BEGAG. - Merci, François, merci, Mesdames et Messieurs, pour cet accueil qui est à la mesure des espoirs que la France porte sur toi, François.
J'ai aussi toujours rêvé de sortir de la tyrannie de ce clivage gauche/droite.
J'ai toujours pensé aussi qu'il y avait des possibilités pour les hommes de bonne volonté de France de pouvoir faire converger leur engagement pour la France quelle que soit leur idéologie, quelle que soit leur appartenance à un appareil.
J'ai toujours pensé aussi, Mesdames et Messieurs, que, suivant en cela le général de Gaulle, une élection présidentielle, c'était la rencontre entre un homme et un peuple.
J'ai une drôle de sensation, depuis quelques semaines, que cette rencontre est en train de s'opérer sous nos yeux. C'est toi qui la portes, François.
Les gens me le disent, dans le métro, dans la rue, quand je rentre chez moi : "Merci", mais je leur réponds : "Merci de quoi ?" Ils me disent de votre courage, pour votre engagement avec François Bayrou. Je leur explique que ce n'est pas du courage, que c'est juste suivre ses convictions.
J'ai toujours considéré que la démocratie, cela commence à trois et non à deux. A partir du moment où l'on offre la possibilité aux Français d'avoir trois candidats, alors, on démultiplie l'offre politique et on leur offre un choix à la mesure de leur diversité.
Mesdames et Messieurs, je dirai même mieux, je suis Ministre de la Promotion de l'égalité des chances, mais, dans une vie antérieure qui est toujours ma vie aujourd'hui, je suis un homme de lettre et je crois que la France a aussi besoin d'un professeur de français ! Pour montrer à quel point -et, là, je parle à tous les enfants de Montréno qui sont peut-être ici- la maîtrise de la langue française, de la langue écrite et orale est un instrument majeur d'égalité des chances et je suis très fier aujourd'hui d'apporter mon soutien à un professeur de français qui sera, je crois, le président de la République française dans quelques semaines.
François BAYROU. - Mes chers amis, je suis très heureux et très ému. Je suis très heureux de voir cet immense hall rempli par votre présence amicale et chaleureuse. Je suis très ému de l'accueil que vous m'avez réservé tout au long de la traversée de cette immense salle. Je suis heureux de la présence de mes amis parlementaires qui sont les uns et les autres venus me rejoindre.
Je commencerai par Claire Gibault, député européen, Thierry Cornillet, député européen, Anne-Marie Comparini, député du Rhône et ancienne présidente de la région, Gilles Artigues, député de la Loire, Michel Mercier, sénateur et président du Conseil général du Rhône, Muguette Dini, sénateur du Rhône, François Rochebloine, député de la Loire, François Sauvadet, député de la Côte d'Or et porte-parole de l'UDF et je veux associer Jean-François Barnier qui sera, dimanche prochain, élu conseiller général.
Je veux dire à Azouz Begag à quel point son propos est magnifiquement éloquent, du fait de sa maîtrise de la langue française, de son expression, de sa richesse, de son émotion -tu nous as montré à quel point, en effet, tu en avais la maîtrise et la force- mais ce n'est pas seulement pour cela, ce n'est pas seulement pour ton soutien. C'est aussi pour ce que tu as fait, depuis l'année où tu es membre du gouvernement. C'est aussi pour les valeurs que tu as défendues, pour la vérité que tu as faite entendre, sans peur et sans reproche.
Sans peur et sans reproche, les hommes de courage comme toi, d'engagement comme toi, de brio comme toi, d'indépendance comme toi, ces hommes sont précieux dans l'équipe que nous allons former au service de la France.
Merci, Azouz. Je le dis d'autant plus que cette équipe, comme vous le voyez, est en train de s'étendre, de se renforcer tous les jours, de marquer de nouveaux points, puisque, ce matin, le ministre de la Recherche du gouvernement, François Goulard, a décidé qu'il s'engageait avec nous, lui qui vient de l'UMP et, désormais, de mettre son expérience au service de cette nouvelle équipe que nous sommes en train de constituer pour la France.
Ainsi, ceux qui, il y a encore quelques jours ou quelques semaines, prétendaient que cette idée de faire travailler ensemble des gens venant de camps différents était idéaliste ou utopique, que ce n'était pas réalisable et que, naturellement, je ne trouverai personne pour être interlocuteur et partie prenante de cette grande aventure, ceux-là en sont pour leurs frais.
En quelques semaines, des hommes sont venus de la gauche avec une expérience professionnelle aussi importante que celle de Jean Peyrlevade, l'homme qui a sauvé le Crédit Lyonnais de la faillite qui lui était promise, des gens qui ont occupé des responsabilités aussi lourdes au sein de l'appareil d'Etat que ceux qui ont signé, sous des pseudonymes différents, mais qui sont transparents pour tout le monde : Spartacus ou les Gracques, personnalités reconnues de tous ceux qui, en France, ont fait vivre la République depuis des années, viennent de la gauche.
Puis, il y en a qui viennent des milieux écologistes. Corinne Lepage, par exemple, a décidé de nous rejoindre et d'être avec nous.
Puis, il y en a qui viennent de la société civile indépendante, bien que de responsabilité ministérielle, comme Azouz Begag qui s'est adressé à vous à l'instant.
Puis, il y en a qui viennent carrément de l'UMP, comme François Goulard, ministre qui s'est prononcé ce matin et d'autres encore, parce que je ne doute pas, je sais que ce mouvement est en train de s'étendre et que des dizaines et des dizaines de femmes et d'hommes d'expérience et d'engagement sont sensibles à ce que nous disons.
Quelques-uns se sentent encore verrouillés par les états-majors, mais vous verrez que, au fur et à mesure que les semaines passeront, nous allons découvrir que, de plus en plus, de femmes et d'hommes se sentent libres dans notre pays, parce que votre engagement les aura libérés. On leur aura montré que c'est possible et, parce que c'est possible, alors, ils vont le faire et ils vont le faire avec nous.
Cette équipe de France est en train de prendre corps sous nos yeux, cette nouvelle équipe de France qui n'est pas la guerre d'une France contre l'autre, la perpétuelle guerre à laquelle, depuis vingt-cinq ans, nous sommes habitués, la guerre du PS contre l'UMP, de l'UMP contre le PS. C'était, hier, le RPR et l'UMP. Aujourd'hui, quels que soient les noms différents que ces familles politiques ont eu au travers du temps, il y a une autre guerre à livrer en France que celle de l'UMP contre le PS. Je suis décidé à livrer cette guerre.
Ce n'est pas une guerre des étiquettes de partis. Nous avons à livrer la guerre aux vrais ennemis. Les vrais ennemis, ce sont le chômage, l'échec de l'éducation, l'exclusion, la pauvreté, les fins de mois difficile, l'inquiétude et le souci des familles. Le vrai ennemi, c'est quand notre pays est en train de perdre sa substance, est en train de perdre ce qui faisait sa fierté. Tout cela, ce sont des ennemis. Les ennemis ne sont pas dans le champ politique. Ce sont les échecs répétés que les politiques ont infligés, depuis vingt-cinq ans, à la société française. C'est contre cela que nous voulons nous battre.
Comme il y a alternance des interprètes, je suis aussi heureux de saluer ceux qui traduisent cette intervention en langage des signes à l'intention des sourds et des malentendants qui sont là.
Voilà la guerre que nous voulons livrer. Nous ne devons pas nous tromper d'ennemis et je crains que, dans cette campagne, on soit, en ce moment, en train de se tromper d'ennemis ou plus exactement d'inventer des ennemis imaginaires.
La manière dont Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy sont partis dans une surenchère, dans un dérapage imprévu, pour ne pas dire incontrôlé, autour des thèmes de l'identité nationale, pour l'un, du drapeau et de son utilisation, pour l'autre, cette manière de rendre l'identité de notre nation, non pas affectueuse comme elle devrait l'être, mais obsessionnelle, bizarre, ne répond pas aux attentes profondes du pays.
Je témoigne que je n'ai jamais de ma vie rencontré quelqu'un qui me dise que son problème ou son souci était, aujourd'hui, la nation et le drapeau. Nous sommes une nation debout, nous sommes une nation fière d'elle-même. Nous sommes une nation équilibrée. Nous aimons l'équilibre de la France et ses valeurs, ses valeurs républicaines. Nous aimons que ses valeurs républicaines soient des valeurs qui nous rassemblent et pas des valeurs qui nous opposent. Nous ne mettons pas la nation dans les signes extérieurs qui sont ceux de la nation. Nous ne confondons pas l'affection pour la nation et l'obsession de l'identité nationale.
Chaque fois que, dans un pays, on a posé de cette manière obsédante, les questions d'identité, les questions de l'exaltation des drapeaux et des manifestations patriotiques, chaque fois, c'est que le pays allait mal et cela n'a jamais été des moments heureux de notre histoire.
Moi, je n'ai pas de problème avec la nation. Je suis bien dans la France. Je suis bien dans la France qui est équilibrée, heureuse et qui reçoit l'affection de ceux qui y participent et qui la forment.
Je demande que l'on s'intéresse, non pas à cette obsession des signes d'identité de la France, mais à ce qui empêche, aujourd'hui, la France d'être heureuse, c'est-à-dire au chômage, à l'échec des systèmes éducatifs, à la difficulté de notre économie, au problème des fins de mois, au malaise des Français et non pas au malaise de la France, car la France se portera bien dès l'instant où l'on aura répondu au problème des familles et des citoyens français dans leur vie de tous les jours.
En disant cela, je me sens autant et plus Français, bien dans notre Histoire dont nous devons conserver les enseignements, bien dans notre langue, dans la langue française pour les Français et dans la langue française pour les autres. Je pense à la francophonie. J'aime la défense de la diversité culturelle. J'aime que nous ayons une langue à partager avec d'autres peuples du monde. J'aime même que cette langue respecte les différences des traditions, des patrimoines culturels qui existent dans notre pays.
J'aime aussi que nous ayons la richesse des cultures régionales dans notre pays. J'aime que nous considérions que la France est un rassemblement et pas une exclusion. C'est une réunion et pas une division. La France est un pays qui rassemble les siens pour accomplir son destin. Après tout, son destin national est bien de s'adresser au monde et d'avoir une vision universelle et pas une vision uniquement refermée sur nous-mêmes. Tel est le sens de notre histoire et tel est celui que je défendrai, si je suis élu président de la République.
Et je dis ceci avec la mémoire de ceux qui ont été les plus grands Français de notre histoire. Jamais le général de Gaulle n'a laissé dériver l'amour de la patrie vers des obsessions qui touchent à son identité, jamais. Il a pris le plus grand soin d'éviter que l'un dérive vers l'autre. Jamais les grands Français de notre histoire ne se sont ainsi laissés entraînés à faire des signes de notre identité quelque chose qui nous divise et qui excite les passions des Français entre eux.
Je sais très bien pourquoi on le fait. On le fait, mes chers amis, vous le savez bien, pour des raisons électorales. On le fait, parce que l'on croit qu'il y a un certain électorat et que, cet électorat qu'il faut atteindre, on l'atteint mieux quand on excite sa passion que quand on fait appel à son ouverture d'esprit et à sa raison.
Eh bien, je fais, avec vous, le pari inverse, le pari contraire. Je veux réunir les Français en leur parlant de choses positives et heureuses et non pas les exciter en les poussant les uns contre les autres, en les divisant et en faisant en sorte qu'ils refusent ce qui est le fond de leur identité, c'est-à-dire les valeurs qui nous font vivre ensemble.
Voyez-vous, tous les problèmes que nous avons devant nous, tous les problèmes que nous avons à résoudre exigent un pays bien dans sa peau, pas un pays constamment crispé sur lui-même, dans la fermeture, qui se ferme et qui rejette les autres.
Regardez comme il est étrange que cette espèce de surenchère ait eu lieu le jour même où l'on fêtait le cinquantième anniversaire de la naissance de l'Europe avec le cinquantième anniversaire de la signature du traité de Rome. Il y a la quelque chose qui, me semble-t-il, devrait nous donner à réfléchir.
C'est la France qui a bâti le projet d'Union européenne. Elle l'a fait en montrant, non pas ce qui la séparait des autres, mais ce qui lui permettait de se réunir avec les autres. La France l'a fait après la plus terrible des périodes de son histoire. Je veux rappeler que François Mitterrand disait cette phrase terrible et juste : "Le nationalisme, c'est la guerre."
Nous avons vécu, en 75 années, trois conflits qui ont amené à l'exigence de l'Europe et je me reconnais dans ceux qui ont porté ce projet de réunion des pays européens.
Nous avons eu la guerre de 70 avec la défaite. Nous avons eu la guerre de 14 avec un million et demi de morts français. Je suis d'un petit village dans les Pyrénées qui comptait, le jour où la guerre a été déclarée, 350 habitants. Sur le monument aux morts de mon village, il y a 36 noms dont le mien.... 36 garçons sur une population de 350 habitants. Combien d'habitants à Saint-Etienne ? 183 000... C'est comme s'il y avait 18 000 garçons morts à Saint-Etienne dans les quatre années qui viennent... Et les jeunes, tous les étudiants de Saint-Etienne... Cela a été la plus épouvantable saignée voulue pour que les uns prennent le pas sur les autres, les Allemands d'un côté contre les Français de l'autre avec, naturellement, toute l'exaltation et les drames que cela a représentés.
J'ai vu les portes fermées sur les familles demeurées sans enfant. J'ai vu ce qu'a été, dans la vie des jeunes femmes, en particulier le fait qu'il n'y ait plus aucun compagnon qui puisse partager leur destin. Ce n'est pas si vieux.
J'ai été élevé, en partie, par une vieille dame adorable, très intelligente, couturière, qui s'appelait Trésia. Je la trouvais très belle. Elle était borgne et boiteuse et je la trouvais très belle, pleine d'esprit. Elle savait toutes les fables de la Fontaine qu'elle nous récitait à sa machine à coudre.
Trésia, il lui est arrivé quelque chose que je veux simplement vous raconter pour vous dire ce que la guerre a été pour les gens, pour le peuple. Elle était fiancée, en 1914, avec un jeune homme qui est parti à la guerre et il a été tué en 1915. Elle s'est retrouvée avec son fiancé mort. Quelque deux ans après, elle s'est fiancée avec son frère et il a été tué à la guerre, en 1918. L'un après l'autre, ses deux fiancés ont été tués et il n'y avait plus de garçons dans le village. Elle a fini par épouser, 20 ans après, le père de ces deux garçons, devenu veuf. Tous les garçons étaient morts dans le village, sauf ceux qui ont eu la chance d'être versés dans l'artillerie au lieu d'être versés dans l'infanterie et c'est parce que mon grand-père était versé dans l'artillerie au lieu de l'être l'infanterie que je suis devant vous aujourd'hui. Autrement, il aurait aussi disparu.
Les deux Etats-majors, les deux gouvernements avaient décidé que, cette fois-ci, ce serait, comme on disait, la der des ders et que ce serait la der des ders, parce qu'on aurait enlevé à l'autre pays ses forces vives.
Puis, vingt-cinq ans ont passé, on a négocié un mauvais traité. On a voulu écraser l'autre au moment de la Libération et, là, on a eu de nouveau une guerre et, là, ce ne sont pas les jeunes garçons de l'autre pays que l'on a tués ; c'est pire, c'est une certaine idée de l'homme. On est allé jusqu'à l'extermination des Juifs et de quelques autres, les tziganes et les homosexuels, simplement parce que l'on considérait qu'il fallait en débarrasser l'humanité.
Soixante-quinze ans d'horreur. On a failli tout perdre et, alors, des hommes qui sont, j'ose le dire, mes amis, même si je ne les ai pas connus dans cette vie, des hommes généreux et modestes -je pense à Robert Schumann, à Jean Monnet- dont le nom honore l'Humanité, que je vais saluer chaque fois que je passe à côté de leur tombe, ces hommes-là ont décidé qu'on allait arrêter avec toutes ces histoires et qu'on allait, désormais, pas seulement faire la paix, mais aller plus loin que la paix, c'est-à-dire bâtir pour tous les Européens une maison commune, dans laquelle nous allions pouvoir habiter en considérant que, désormais, la maison nous accueillerait tous et que nous ferions de plus grandes choses ensemble que nous n'en avions fait les uns contre les autres.
Tout le monde croyait que c'était impossible, mais ils l'ont fait. Ils ont réalisé ce projet et c'est parce qu'ils l'ont réalisé que, désormais, nous sommes, la France, l'Allemagne, les 27 pays de l'Europe, devenus parmi les pays les plus prospères de la planète.
Je suis fier de ces hommes-là, d'être dans ce sillon et dans ce message. Je veux que nous soyons dans cette construction. Je veux que la France soit un pays qui tende les mains par-dessus les frontières et non pas un pays qui se referme et qui tourne le dos aux autres.
Je veux que la France soit bien dans la construction et non pas dans la restriction et c'est pourquoi je dis que la fierté d'être Français, c'est la fierté de réunir, de rassembler, de comprendre les autres et d'aller jusqu'au bout du destin généreux que nous avons décidé de donner à notre pays, de donner les uns avec les autres et de donner de la France au monde, car c'est un message universel.
C'est un grand choix que celui de considérer que notre pays est un pays positif et pas un pays qui, perpétuellement, ressasse, que l'on amène perpétuellement à ressasser les thèmes qui ont été, c'est vrai, introduits à force de faiblesse dans la vie politique française par tous les Le Pen de la création et auxquels, nous, républicains, devons résister et non pas céder.
Le rôle des républicains est de résister à ces thèmes et non pas de marcher dans le sens de ces thèmes ou, alors, où est notre héritage ? Où sont nos valeurs ?
Les républicains de droite, les républicains du centre et les républicains de gauche, leur vocation, leur devoir, leur volonté, ce n'est pas de céder à cet entraînement, à cette faiblesse, d'aller dans le sens de cette division, mais de résister au nom des principes humanistes qui sont les nôtres et qui ont été le projet de société de la France et de la République française.
Oui, je m'adresse aux républicains et je m'adresse même aux républicains de gauche. C'est vrai, ce n'est pas ma famille. J'ai toujours été de la famille du centre, mais comment ne pas se poser de questions quand on voit la gauche française, avec sa tradition et ses valeurs, s'engager dans la voie de cette course/poursuite et de cette surenchère. Cela ne ressemble pas à la gauche française et, notamment, cela ne ressemble pas à la gauche qui a vécu les dangers et les risques.
Si quelqu'un a envie de voir de quoi il s'agit, je l'invite à relire l'éditorial que Léon Blum a donné aux Populaires au mois d'août 1933, au moment où s'est posée cette grande question de savoir si le socialisme, en France, avait des valeurs universelles ou s'il fallait qu'il se replie sur des valeurs nationalistes. Cette question s'est posée.
Je me reconnais dans les républicains, et même les républicains de gauche, qui ont fait le choix de défendre ces valeurs et de ne pas se laisser entraîner dans cette surenchère, malgré la difficulté des temps.
Ceci est le bien commun de tous les républicains quel que soit le camp d'où ils viennent. Je veux que nous soyons du côté des résistants, de ceux qui aiment la patrie, de ceux qui aiment la France, de ceux qui aiment la nation, mais qui, parce qu'ils l'aiment, refusent d'en faire une obsession et d'enfumer les esprits avec le perpétuel ressassement de ses signes et de ses exaltations.
Il y a quelque chose que nous devons à notre pays, c'est l'équilibre. Il y a quelque chose que nous devons à notre pays, c'est qu'il soit paisible, apaisé et qu'au lieu d'en exciter l'identité ou les signes d'identité, nous acceptions, au contraire, de considérer que son identité est dans son équilibre, dans son ouverture et sa générosité.
J'ai voulu que cette journée soit consacrée à l'industrie. Dans cette campagne électorale, on ne parle pas de l'industrie, on ne parle pas des ouvriers.
Eh bien, moi, je considère qu'il est digne de notre pays que l'on place la question de l'industrie au coeur de la campagne électorale et que l'on parle aux ouvriers de leur métier, de leur destinée, de leur vocation, qu'ils aient la reconnaissance qu'ils méritent de la nation.
Voyez-vous, dans la Loire, j'ai voulu voir les deux visages des problèmes et de la chance que représente l'industrie française. J'ai voulu voir ces deux visages et, d'abord, le visage sombre.
Nous sommes allés visiter à Rives de Gié, l'entreprise Duralex. C'est un des plus grands verriers, une des plus grandes marques de verrerie. Il y a 102 ouvriers à l'entreprise Duralex. Ils ont été rachetés par un investisseur originaire de Turquie, vivant en Turquie, et ce monsieur a décidé de fermer l'entreprise, la verrerie et le four, au mois de septembre. Depuis cette période, ces 102 ouvriers sont sans nouvelles de leur directeur qui est parti, de leur administration qui est partie. Ils touchent leur salaire à la fin du mois, mais ils disent : "Ce n'est pas une question d'argent. Comment peut-on nous laisser sans aucune nouvelle du destin qui sera le nôtre ?"
J'ai voulu être à côté d'eux, parce que je considère que la mission d'un homme qui se présente à la présidence de la République et, un jour peut-être, la mission du président de la République, c'est d'être du côté de ceux qui souffrent et pas seulement du côté de ceux qui ont la chance que tout aille bien pour eux.
Je suis du côté du monde du travail. Je trouve normal, bien et juste que nous rendions au monde du travail l'hommage qui lui est dû. Je trouve normal, bien et juste que nous disions qu'il n'est pas normal que la décision d'un tribunal de commerce traîne, comme elle traîne dans cette affaire de Duralex depuis plusieurs mois, depuis le mois de septembre.
Il n'est pas normal et il n'est pas juste de laisser une centaine de personnes sans aucune idée de ce que leur avenir pourra être, s'asphyxier avec l'usine fermée, l'électricité coupée. Ils sont là à attendre qu'un jour quelqu'un décide pour eux sans rien leur dire.
Dans la République française et dans la République que nous voulons, il n'est pas acceptable que l'on ait des comportements de cet ordre. Il faut le dire à tous ceux qui, administration, tribunal de commerce, responsables économiques, ont quelque chose à manifester dans des affaires de cet ordre. On a une considération minimale que l'on doit aux personnes, même quand on rencontre des difficultés économiques. Nous sommes là pour défendre cette considération que l'on doit aux citoyens et spécialement aux citoyens qui travaillent.
Je suis donc allé leur dire que, oui, il fallait mettre au clair la situation de l'entreprise, oui, il fallait que le tribunal de commerce prenne son jugement, oui, il fallait voir s'il n'y a pas des repreneurs.
Je trouve que, en France, trop souvent, on est un peu en défaut dans l'accueil des repreneurs. Je trouve que, quand une usine ferme, il faut accepter que des repreneurs viennent et que les pouvoirs publics poussent.
J'ai vécu, dans le Pas-de-Calais, la fermeture de trois unités sur quatre d'une très grosse entreprise papetière fabriquant du papier, avec la disparition de centaines d'emplois. Il y avait des repreneurs, mais on a refusé de leur vendre, après avoir, dans un premier temps, permis aux ouvriers de penser que, s'ils trouvaient des repreneurs, naturellement, on leur laisserait la place. Eh bien, lorsque les repreneurs sont arrivés, toutes les portes se sont fermées devant eux. En réalité, on n'a pas voulu qu'il y ait de reprises parce qu'on voulait que le marché soit contrôlé par un petit nombre de fournisseurs.
Je trouve que ce n'est pas normal. Je pense que, quand des emplois sont en jeu et un outil industriel, si des repreneurs existent, il faut leur faire la place. Nous devons être plus ouverts, plus accueillants à des reprises d'entreprise, parce qu'il y en a qui réussissent.
Je prends le deuxième cas ou la deuxième visite que nous avons faite dans les forges que nous avons visitées en 1992, c'est-à-dire il n'y a pas si longtemps. Il y a 15 ans, l'entreprise était au bord de la faillite -Je ne sais pas si M. Romany, le chef créateur et fondateur de cette entreprise, est là. Il m'a dit qu'il viendrait au meeting. S'il est là, je le salue- cette entreprise avait 26 salariés. Elle allait fermer, déposer le bilan. Elle était à bout de souffle et, à cette époque, personne n'aurait parié un sou, un "kopeck", sur la survie d'une entreprise de forge en France avec le contexte industriel qui était le nôtre et qui était déjà celui d'une mondialisation en train de se former. Tout le monde aurait parié que, la forge, cela se passerait désormais ailleurs.
M. Romany est arrivé et il a dit : "On ne peut pas laisser fermer un outil, même petit, même fragile comme celui-là." Aujourd'hui, 15 ans après, l'entreprise compte 350 salariés et elle est la première forge française. Il y a un développement formidable avec un chiffre d'affaires de 80 Meuros. C'est une entreprise prospère, en plein développement, en pleine dynamique, qui réussit à gagner des parts de marché, non pas en écrasant les salaires comme d'autres pays le font, mais simplement en offrant à ses clients quelque chose que les autres ne peuvent pas offrir. Ils ont décidé d'offrir la qualité maximale, la rapidité maximale et la réactivité maximale. Ils arrivent à produire des pièces immenses -certaines font 4 m de diamètre- pour les avions, la fusée Ariane, tous les grands clients industriels, en moins d'un mois, alors que leurs concurrents les plus rapides le font en trois mois.
Ainsi, parce qu'ils ont la rapidité, parce qu'ils ont la réactivité, parce qu'ils savent aller plus vite et travailler mieux que les autres entreprises, ils se développent au lieu de fermer.
Nous avons là la voie pour l'avenir de l'industrie française et il faut la regarder comme telle. Nous ne sommes pas un pays qui n'a plus d'avenir industriel. Nous avons un grand avenir industriel, si nous sommes décidés à travailler plus vite, plus exactement mieux, avec plus de qualité et plus de réactivité que les autres. Cela est le destin industriel de la France.
Je ne veux pas que la France devienne un pays sans usines. Je veux que la France soit un pays avec des usines, un pays avec des industries, un pays avec la colonne vertébrale. Et ceci exige un certain nombre de choses dont je voudrais très rapidement parler devant vous.
Cela exige, d'abord, que notre pays ait une politique industrielle. Je suis pour qu'il y ait, dans le prochain gouvernement, même resserré, un ministère de l'Industrie qui assume la vocation industrielle de la France et pas seulement la vocation de pays de services, quelqu'un qui pense aux usines, quelqu'un qui pense aux ingénieurs, quelqu'un qui pense aux ouvriers, quelqu'un qui pense à la recherche, qui va dans le sens de l'industrie. C'est un signe et c'est un signe très important.
Quand il faut livrer une bataille, il faut des généraux qui aient la bataille à l'esprit et qui soient décidés à porter jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à la victoire, le combat qu'il est nécessaire de mener, premièrement.
Deuxièmement, il faut que l'Europe s'occupe réellement de politiques industrielles et pas qu'elle considère que sa seule vocation est d'être un marché ouvert aux quatre vents.
Je ne suis pas pour le protectionnisme au sens où il faudrait refermer, autour de nos pays, toutes les frontières, mais je suis pour la loyauté dans la concurrence. Or, ce n'est pas la loyauté dans la concurrence quand on exige de nos producteurs de respecter des normes, par exemple, environnementales que les autres ne respectent pas. Si l'on demande, si l'on impose des normes aux producteurs de nos pays et aux producteurs français, alors, il faut que tout le monde les respecte et que l'Europe se charge de faire respecter aux autres les exigences qu'elle impose aux nôtres.
C'est vrai en particulier, et ce sera une grande question, en matière monétaire. C'est une question compliquée. Bien sûr, ce n'est pas un sujet de meeting, mais il se trouve qu'il y a, à la surface de la planète, des déséquilibres monétaires extrêmement lourds, mais ce n'est pas de la faute de l'euro, comme on le dit. L'euro est une monnaie équilibrée -la preuve, c'est que tout le monde a confiance en son avenir- de manière que nous avons des taux d'intérêt qui nous permettent d'investir, qui sont parmi les plus bas de la planète.
Pour moi, ceci est extrêmement important. C'est une chose indispensable que nous puissions, pour consommer, pour construire une maison, pour emprunter, pour investir dans nos usines, trouver des taux d'intérêt qui soient assez bas pour que l'investissement soit utile et indispensable.
C'est d'ailleurs vrai, je le dis au passage, pour ceux qui, comme moi, se préoccupent de la dette de notre pays. On a laissé s'accumuler sur les épaules des plus jeunes que nous avons là -et j'ai fait le serment d'en parler tous les soirs, dans tous les meetings et toutes les émissions- une dette honteuse, 1 200 Mdeuros, que les générations qui viennent vont devoir rembourser.
C'est devenu à un tel point que la totalité de l'impôt sur le revenu des Français sert à payer l'intérêt de la dette. Ceci n'est pas responsable, n'est pas sérieux. C'est une exigence, selon moi, pour le prochain gouvernement et pour le président de la République qui sera élu, de mettre un terme à cette honte.
Mes chers amis, ce qui nous sauve, ce qui réussit à alléger un peu le fardeau que nous avons au-dessus de nos épaules, c'est que nous pouvons réemprunter pour refinancer notre dette pour l'étaler sur une plus longue période.
Savez-vous que l'État français emprunte, en ce moment, sur les marchés financiers, pour refinancer notre dette, à 50 ans, à 3,85 %. Faut-il que le monde ait confiance dans notre monnaie pour nous prêter, à 50 ans, à un taux aussi bas que 3,85 %.
Ceci est un bienfait de la monnaie qui est la nôtre, mais il n'est pas normal qu'il y ait des monnaies complètement sous-évaluées. C'est le cas, en particulier, pour le yuan, la monnaie chinoise, qui est très sous-évaluée par rapport à l'euro, ce qui est un problème pour l'équilibre des échanges sur la planète.
Il faudra que, de manière sereine, calme et équilibrée, nous ayons, dans notre pays et en Europe, une réflexion sur comment faire comprendre au gouvernement chinois qu'il faut un équilibre pour que la concurrence soit équitable, qu'elle soit loyale et qu'elle permette à chacun de vivre sans que les uns soient en situation d'écraser les autres.
Ceci est une exigence pour notre avenir. Je suis pour que l'Europe s'occupe de protéger l'industrie européenne et, à l'intérieur, l'industrie française. Il faudra le rappeler de toutes les manières à ceux qui sont en charge du destin de l'Europe dont le prochain président de la République française. Pour cela, il faut que l'Europe existe.
Deuxièmement, si nous voulons avoir une économie, une industrie capable de relever les défis, capable, comme l'a fait cette entreprise que je citais à l'instant, de se porter au premier plan, au premier rang de ce qu'exige, désormais, le marché du monde, si nous voulons cela, alors, il y a une chose à faire, qui est indispensable, qui est essentielle, qui est la clef de tout : il faut que nous fassions le serment d'avoir, désormais, au terme de quelques années, les jeunes les mieux formés de la planète.
J'ai la conviction absolue que tous les problèmes passent par l'éducation, que ce soit les problèmes de la compétitivité de notre pays, de l'égalité des chances, de la lutte contre les discriminations, de la formation, de la sensibilité à ces grands problèmes que sont, par exemple, le réchauffement climatique, de la science et de la recherche, de l'adaptation aux diverses carrières qu'il va falloir conduire dans une vie, de la culture, de la résistance qu'il faut opposer aux pulsions mauvaises qu'il y a dans les peuples.
Tout cela, la connaissance de l'histoire, la connaissance de la langue, la connaissance des arts, la connaissance de techniques et sciences de l'avenir, passe par l'éducation.
J'ai décidé de faire de l'investissement dans l'éducation, non pas une des priorités, mais la priorité des priorités de la législature qui viendra et de l'exercice de la responsabilité qui sera la mienne, si je suis élu président de la République française.
Evidemment, l'éducation, cela demande de très grands efforts. Cela demande un premier effort, dont je vous prie de réfléchir à l'importance, qui est qu'il faut soutenir les éducateurs et non pas perpétuellement les prendre pour cible, pour bouc émissaire et les critiquer.
Voyez-vous, quand j'étais ministre de l'Éducation nationale, ce qui a été un moment heureux de ma vie, j'avais une question qui me travaillait, qui me tarabustait et cette question était celle-ci : on nous disait que la réussite dépendait de la situation de famille, qu'au fond réussissaient les enfants issus de milieux favorisés et échouaient les enfants issus de milieux défavorisés. C'était cela que l'on considérait comme la règle, mais comment se faisait-il que des enfants issus de milieux défavorisés réussissaient parfaitement bien et des enfants issus de milieux favorisés échouaient ?
Alors, j'ai fait appel à des sociologues intelligents -bien que ceci soit un pléonasme ! Puisque, par nature et par définition, tous les sociologues sont intelligents ; enfin, ceux-là étaient, en tout cas, des sociologues intelligents- qui ont fait une enquête. Ils sont arrivés à une conclusion que je n'ai jamais oubliée et que je vous transmets. Cette conclusion était celle-ci : réussissaient les enfants dans les familles desquels l'école était estimée, soutenue et défendue et échouaient les enfants dans les familles desquels l'école était critiquée, mal vue, méprisée.
Eh bien, selon moi, il en est de même pour un pays. Les nations dont les enfants réussissent sont celles qui considèrent que l'école est la clef de leur avenir et la défendent comme telle, y compris auprès de leurs enfants et de leur opinion publique et, malheureusement, les pays dont les enfants réussissent moins sont ceux qui prennent perpétuellement pour cible leur éducation au lieu de la soutenir, de l'aider, de la défendre et, même, de l'aimer.
C'est un grand effort, mais pour cet effort, je protégerai les moyens de l'Education nationale. Je l'ai dit, il va falloir faire des économies. Il va falloir réduire le déficit et la dette, mais, pour moi, l'argent que nous mettons dans l'éducation doit être préservé et défendu, parce que ce n'est pas réellement une dépense, c'est un investissement au service de la nation.
En échange, je demanderai à l'Education nationale de fixer, avec nous, des objectifs que nous évaluerons tous les ans, afin de voir s'ils sont remplis et s'ils trouvent les résultats qu'ils méritent.
Le premier de ces objectifs, qui est d'une simplicité républicaine, sera celui-ci : plus aucun enfant ne doit, au moment où il entre en sixième, se trouver sans savoir lire et écrire. C'est un objectif de redressement national, de redressement républicain. Je sais que cela demande un très gros effort. Je sais très bien que, dans notre société, ce n'est plus la lecture qui est mise en valeur, mais l'image. Je sais très bien que les jeunes, les enfants, spécialement ceux dans les maisons desquels il n'y a pas de livres, passent l'essentiel de leur temps devant un écran, que ce soit un écran de télévision, de jeux vidéo, de console. Cependant, si l'on n'a pas la maîtrise de la lecture et de l'écriture au moment où l'on entre en sixième, on ne rattrape jamais ce retard. C'est de la non-assistance à personne en danger.
Je veux que, dans notre pays, en cinq années, on aille vers l'illettrisme zéro. Cela veut dire aussi avoir le calme dans toutes les écoles, dans tous les quartiers, le calme républicain, la discipline républicaine, que l'on puisse faire des études et pas se trouver en insécurité.
Cela veut dire aussi l'égalité des chances, l'excellence dans tous les quartiers. Que dans tous les établissements, toutes les familles aient la certitude que, là, si l'on est motivé, si l'on a le potentiel, comme l'on dit, si l'on veut réussir à toute force, si l'on sait faire les efforts nécessaires, on va pouvoir trouver une éducation aussi bonne qu'au lycée Henri IV où tout le monde de la société favorisée voudrait scolariser ses enfants.
Ceci a été l'école républicaine : le calme partout, l'excellence partout et même la possibilité d'obtenir, d'où que l'on vienne, quel que soit l'établissement, la même proportion de places dans les classes préparatoires aux grandes écoles que si l'on était, par exemple, dans le lycée le plus favorisé du centre-ville, le plus désiré de la ville la plus cultivée de France. Je veux que tout le monde ait les mêmes chances.
Cela veut dire aussi des moyens pour l'université. Je ne vais pas m'étendre, mais puisque les étudiants de Saint-Etienne sont là.... Naturellement, il va falloir faire un très gros effort pour l'université, un effort de moyens, un effort d'encadrement, un effort d'accompagnement des jeunes qui entrent, un effort d'orientation pour qu'ils ne se trouvent pas largués comme ils le sont quelquefois ou souvent en première année, un effort d'insertion et de formation professionnelle, car l'on sait, maintenant, que le diplôme ne garantit plus l'emploi. Tout cela est un vaste, un immense effort de reconstruction.
Je dis aux universitaires, qui sont là, qu'il va aussi falloir changer la gouvernance des universités, parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans la gouvernance des universités françaises. C'est un immense effort.
C'est pareil pour la recherche. Je pourrais continuer ainsi pendant des heures sur la dimension des efforts, qui sont devant nous, pour reconstruire notre pays, non pas dans le renfermement qu'il soit d'un bord ou de l'autre, non pas dans les vieilles recettes -elles ont toutes échoué- mais dans un effort positif, optimiste, qui veut, au contraire, que l'on identifie chacune des questions qui sont devant nous et elles sont nombreuses. Je les ai évoquées, c'est le déficit, la dette, l'emploi, l'exclusion, le fait qu'il y ait de plus en plus de personnes qui sont sur le bord de la route, de plus en plus de personnes qui sont au chômage après 50 ans, de plus en plus de jeunes diplômés qui ne trouvent pas de chances, le réchauffement climatique, l'Europe.
Tout cela sont d'immenses chantiers devant nous et aucun de ces chantiers ne pourra trouver de réponse si l'on reste, comme depuis des années, dans la guerre stupide du Parti Socialiste contre l'UMP et de l'UMP contre le Parti Socialiste.
C'est mon dernier message de cette soirée, mais c'est probablement le plus important. Il y a des candidats qui vous proposent de continuer à faire, comme depuis 25 ans, dans la caricature et dans l'outrance, en essayant perpétuellement de dépasser l'un sur un côté et l'autre sur un autre, en essayant perpétuellement d'aller chercher les mêmes thèmes et les mêmes mots, non pas de proposer des projets différents, mais simplement d'aller chatouiller l'électorat dans le sens qu'ils croient être celui de ses attentes.
Moi, je crois qu'ils se trompent profondément sur les attentes qui sont celles de l'électorat. Cette guerre est stupide. Elle nous a conduits où nous en sommes. Quand les uns sont au pouvoir, les autres n'ont de cesse que de démolir toutes les propositions de ceux qui gouvernent et, quand il y a alternance, ceux qui arrivent démolissent ce qu'avaient fait ceux qui s'en vont. Ceci a conduit la France à l'impasse.
Je veux que nous sortions de cette impasse. Je veux que nous tournions la page sur ces 25 années qui ont été, au total, 25 années d'échec, d'enlisement pour un pays qui mériterait d'être le pays le plus rayonnant, le plus entreprenant et le plus envié de la planète au lieu de s'enfoncer dans la profondeur des classements sur tous les sujets.
Nous sommes un grand pays bien dans sa peau, un grand pays qui a envie de construire et pas de se replier, un grand pays qui a envie de reprendre le chemin qui a été celui de ses succès. Le redressement exige -un vieux mot de l'histoire française- le rassemblement et, élu président de la République, je constituerai un gouvernement avec des hommes venant d'un bord et de l'autre, différents, compétents, acceptant de travailler ensemble et de se mettre ensemble au service de notre pays.
Élu président de la République, je demanderai aux Français de donner à ce gouvernement de rassemblement pour le redressement, ce gouvernement qui sortira de la guerre stérile des uns contre les autres, la majorité nouvelle, la majorité ouverte, la majorité centrale qu'il mérite pour faire travailler ensemble des gens qui viennent de la droite, des gens qui viennent du centre, des gens qui viennent de la gauche et qui partagent ensemble les valeurs républicaines qui sont celles dont notre pays a besoin.
Voilà le programme que nous avons devant nous. Voilà l'avenir que nous allons construire ensemble.
Vive la République et vive la France.
Mes chers amis, pour nous, ce n'est pas une nouveauté, nous chantons la Marseillaise tous les soirs après nos meetings et nous en connaissons les paroles !Source http://www.bayrou.fr, le 29 mars 2007
Azouz BEGAG. - Merci, François, merci, Mesdames et Messieurs, pour cet accueil qui est à la mesure des espoirs que la France porte sur toi, François.
J'ai aussi toujours rêvé de sortir de la tyrannie de ce clivage gauche/droite.
J'ai toujours pensé aussi qu'il y avait des possibilités pour les hommes de bonne volonté de France de pouvoir faire converger leur engagement pour la France quelle que soit leur idéologie, quelle que soit leur appartenance à un appareil.
J'ai toujours pensé aussi, Mesdames et Messieurs, que, suivant en cela le général de Gaulle, une élection présidentielle, c'était la rencontre entre un homme et un peuple.
J'ai une drôle de sensation, depuis quelques semaines, que cette rencontre est en train de s'opérer sous nos yeux. C'est toi qui la portes, François.
Les gens me le disent, dans le métro, dans la rue, quand je rentre chez moi : "Merci", mais je leur réponds : "Merci de quoi ?" Ils me disent de votre courage, pour votre engagement avec François Bayrou. Je leur explique que ce n'est pas du courage, que c'est juste suivre ses convictions.
J'ai toujours considéré que la démocratie, cela commence à trois et non à deux. A partir du moment où l'on offre la possibilité aux Français d'avoir trois candidats, alors, on démultiplie l'offre politique et on leur offre un choix à la mesure de leur diversité.
Mesdames et Messieurs, je dirai même mieux, je suis Ministre de la Promotion de l'égalité des chances, mais, dans une vie antérieure qui est toujours ma vie aujourd'hui, je suis un homme de lettre et je crois que la France a aussi besoin d'un professeur de français ! Pour montrer à quel point -et, là, je parle à tous les enfants de Montréno qui sont peut-être ici- la maîtrise de la langue française, de la langue écrite et orale est un instrument majeur d'égalité des chances et je suis très fier aujourd'hui d'apporter mon soutien à un professeur de français qui sera, je crois, le président de la République française dans quelques semaines.
François BAYROU. - Mes chers amis, je suis très heureux et très ému. Je suis très heureux de voir cet immense hall rempli par votre présence amicale et chaleureuse. Je suis très ému de l'accueil que vous m'avez réservé tout au long de la traversée de cette immense salle. Je suis heureux de la présence de mes amis parlementaires qui sont les uns et les autres venus me rejoindre.
Je commencerai par Claire Gibault, député européen, Thierry Cornillet, député européen, Anne-Marie Comparini, député du Rhône et ancienne présidente de la région, Gilles Artigues, député de la Loire, Michel Mercier, sénateur et président du Conseil général du Rhône, Muguette Dini, sénateur du Rhône, François Rochebloine, député de la Loire, François Sauvadet, député de la Côte d'Or et porte-parole de l'UDF et je veux associer Jean-François Barnier qui sera, dimanche prochain, élu conseiller général.
Je veux dire à Azouz Begag à quel point son propos est magnifiquement éloquent, du fait de sa maîtrise de la langue française, de son expression, de sa richesse, de son émotion -tu nous as montré à quel point, en effet, tu en avais la maîtrise et la force- mais ce n'est pas seulement pour cela, ce n'est pas seulement pour ton soutien. C'est aussi pour ce que tu as fait, depuis l'année où tu es membre du gouvernement. C'est aussi pour les valeurs que tu as défendues, pour la vérité que tu as faite entendre, sans peur et sans reproche.
Sans peur et sans reproche, les hommes de courage comme toi, d'engagement comme toi, de brio comme toi, d'indépendance comme toi, ces hommes sont précieux dans l'équipe que nous allons former au service de la France.
Merci, Azouz. Je le dis d'autant plus que cette équipe, comme vous le voyez, est en train de s'étendre, de se renforcer tous les jours, de marquer de nouveaux points, puisque, ce matin, le ministre de la Recherche du gouvernement, François Goulard, a décidé qu'il s'engageait avec nous, lui qui vient de l'UMP et, désormais, de mettre son expérience au service de cette nouvelle équipe que nous sommes en train de constituer pour la France.
Ainsi, ceux qui, il y a encore quelques jours ou quelques semaines, prétendaient que cette idée de faire travailler ensemble des gens venant de camps différents était idéaliste ou utopique, que ce n'était pas réalisable et que, naturellement, je ne trouverai personne pour être interlocuteur et partie prenante de cette grande aventure, ceux-là en sont pour leurs frais.
En quelques semaines, des hommes sont venus de la gauche avec une expérience professionnelle aussi importante que celle de Jean Peyrlevade, l'homme qui a sauvé le Crédit Lyonnais de la faillite qui lui était promise, des gens qui ont occupé des responsabilités aussi lourdes au sein de l'appareil d'Etat que ceux qui ont signé, sous des pseudonymes différents, mais qui sont transparents pour tout le monde : Spartacus ou les Gracques, personnalités reconnues de tous ceux qui, en France, ont fait vivre la République depuis des années, viennent de la gauche.
Puis, il y en a qui viennent des milieux écologistes. Corinne Lepage, par exemple, a décidé de nous rejoindre et d'être avec nous.
Puis, il y en a qui viennent de la société civile indépendante, bien que de responsabilité ministérielle, comme Azouz Begag qui s'est adressé à vous à l'instant.
Puis, il y en a qui viennent carrément de l'UMP, comme François Goulard, ministre qui s'est prononcé ce matin et d'autres encore, parce que je ne doute pas, je sais que ce mouvement est en train de s'étendre et que des dizaines et des dizaines de femmes et d'hommes d'expérience et d'engagement sont sensibles à ce que nous disons.
Quelques-uns se sentent encore verrouillés par les états-majors, mais vous verrez que, au fur et à mesure que les semaines passeront, nous allons découvrir que, de plus en plus, de femmes et d'hommes se sentent libres dans notre pays, parce que votre engagement les aura libérés. On leur aura montré que c'est possible et, parce que c'est possible, alors, ils vont le faire et ils vont le faire avec nous.
Cette équipe de France est en train de prendre corps sous nos yeux, cette nouvelle équipe de France qui n'est pas la guerre d'une France contre l'autre, la perpétuelle guerre à laquelle, depuis vingt-cinq ans, nous sommes habitués, la guerre du PS contre l'UMP, de l'UMP contre le PS. C'était, hier, le RPR et l'UMP. Aujourd'hui, quels que soient les noms différents que ces familles politiques ont eu au travers du temps, il y a une autre guerre à livrer en France que celle de l'UMP contre le PS. Je suis décidé à livrer cette guerre.
Ce n'est pas une guerre des étiquettes de partis. Nous avons à livrer la guerre aux vrais ennemis. Les vrais ennemis, ce sont le chômage, l'échec de l'éducation, l'exclusion, la pauvreté, les fins de mois difficile, l'inquiétude et le souci des familles. Le vrai ennemi, c'est quand notre pays est en train de perdre sa substance, est en train de perdre ce qui faisait sa fierté. Tout cela, ce sont des ennemis. Les ennemis ne sont pas dans le champ politique. Ce sont les échecs répétés que les politiques ont infligés, depuis vingt-cinq ans, à la société française. C'est contre cela que nous voulons nous battre.
Comme il y a alternance des interprètes, je suis aussi heureux de saluer ceux qui traduisent cette intervention en langage des signes à l'intention des sourds et des malentendants qui sont là.
Voilà la guerre que nous voulons livrer. Nous ne devons pas nous tromper d'ennemis et je crains que, dans cette campagne, on soit, en ce moment, en train de se tromper d'ennemis ou plus exactement d'inventer des ennemis imaginaires.
La manière dont Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy sont partis dans une surenchère, dans un dérapage imprévu, pour ne pas dire incontrôlé, autour des thèmes de l'identité nationale, pour l'un, du drapeau et de son utilisation, pour l'autre, cette manière de rendre l'identité de notre nation, non pas affectueuse comme elle devrait l'être, mais obsessionnelle, bizarre, ne répond pas aux attentes profondes du pays.
Je témoigne que je n'ai jamais de ma vie rencontré quelqu'un qui me dise que son problème ou son souci était, aujourd'hui, la nation et le drapeau. Nous sommes une nation debout, nous sommes une nation fière d'elle-même. Nous sommes une nation équilibrée. Nous aimons l'équilibre de la France et ses valeurs, ses valeurs républicaines. Nous aimons que ses valeurs républicaines soient des valeurs qui nous rassemblent et pas des valeurs qui nous opposent. Nous ne mettons pas la nation dans les signes extérieurs qui sont ceux de la nation. Nous ne confondons pas l'affection pour la nation et l'obsession de l'identité nationale.
Chaque fois que, dans un pays, on a posé de cette manière obsédante, les questions d'identité, les questions de l'exaltation des drapeaux et des manifestations patriotiques, chaque fois, c'est que le pays allait mal et cela n'a jamais été des moments heureux de notre histoire.
Moi, je n'ai pas de problème avec la nation. Je suis bien dans la France. Je suis bien dans la France qui est équilibrée, heureuse et qui reçoit l'affection de ceux qui y participent et qui la forment.
Je demande que l'on s'intéresse, non pas à cette obsession des signes d'identité de la France, mais à ce qui empêche, aujourd'hui, la France d'être heureuse, c'est-à-dire au chômage, à l'échec des systèmes éducatifs, à la difficulté de notre économie, au problème des fins de mois, au malaise des Français et non pas au malaise de la France, car la France se portera bien dès l'instant où l'on aura répondu au problème des familles et des citoyens français dans leur vie de tous les jours.
En disant cela, je me sens autant et plus Français, bien dans notre Histoire dont nous devons conserver les enseignements, bien dans notre langue, dans la langue française pour les Français et dans la langue française pour les autres. Je pense à la francophonie. J'aime la défense de la diversité culturelle. J'aime que nous ayons une langue à partager avec d'autres peuples du monde. J'aime même que cette langue respecte les différences des traditions, des patrimoines culturels qui existent dans notre pays.
J'aime aussi que nous ayons la richesse des cultures régionales dans notre pays. J'aime que nous considérions que la France est un rassemblement et pas une exclusion. C'est une réunion et pas une division. La France est un pays qui rassemble les siens pour accomplir son destin. Après tout, son destin national est bien de s'adresser au monde et d'avoir une vision universelle et pas une vision uniquement refermée sur nous-mêmes. Tel est le sens de notre histoire et tel est celui que je défendrai, si je suis élu président de la République.
Et je dis ceci avec la mémoire de ceux qui ont été les plus grands Français de notre histoire. Jamais le général de Gaulle n'a laissé dériver l'amour de la patrie vers des obsessions qui touchent à son identité, jamais. Il a pris le plus grand soin d'éviter que l'un dérive vers l'autre. Jamais les grands Français de notre histoire ne se sont ainsi laissés entraînés à faire des signes de notre identité quelque chose qui nous divise et qui excite les passions des Français entre eux.
Je sais très bien pourquoi on le fait. On le fait, mes chers amis, vous le savez bien, pour des raisons électorales. On le fait, parce que l'on croit qu'il y a un certain électorat et que, cet électorat qu'il faut atteindre, on l'atteint mieux quand on excite sa passion que quand on fait appel à son ouverture d'esprit et à sa raison.
Eh bien, je fais, avec vous, le pari inverse, le pari contraire. Je veux réunir les Français en leur parlant de choses positives et heureuses et non pas les exciter en les poussant les uns contre les autres, en les divisant et en faisant en sorte qu'ils refusent ce qui est le fond de leur identité, c'est-à-dire les valeurs qui nous font vivre ensemble.
Voyez-vous, tous les problèmes que nous avons devant nous, tous les problèmes que nous avons à résoudre exigent un pays bien dans sa peau, pas un pays constamment crispé sur lui-même, dans la fermeture, qui se ferme et qui rejette les autres.
Regardez comme il est étrange que cette espèce de surenchère ait eu lieu le jour même où l'on fêtait le cinquantième anniversaire de la naissance de l'Europe avec le cinquantième anniversaire de la signature du traité de Rome. Il y a la quelque chose qui, me semble-t-il, devrait nous donner à réfléchir.
C'est la France qui a bâti le projet d'Union européenne. Elle l'a fait en montrant, non pas ce qui la séparait des autres, mais ce qui lui permettait de se réunir avec les autres. La France l'a fait après la plus terrible des périodes de son histoire. Je veux rappeler que François Mitterrand disait cette phrase terrible et juste : "Le nationalisme, c'est la guerre."
Nous avons vécu, en 75 années, trois conflits qui ont amené à l'exigence de l'Europe et je me reconnais dans ceux qui ont porté ce projet de réunion des pays européens.
Nous avons eu la guerre de 70 avec la défaite. Nous avons eu la guerre de 14 avec un million et demi de morts français. Je suis d'un petit village dans les Pyrénées qui comptait, le jour où la guerre a été déclarée, 350 habitants. Sur le monument aux morts de mon village, il y a 36 noms dont le mien.... 36 garçons sur une population de 350 habitants. Combien d'habitants à Saint-Etienne ? 183 000... C'est comme s'il y avait 18 000 garçons morts à Saint-Etienne dans les quatre années qui viennent... Et les jeunes, tous les étudiants de Saint-Etienne... Cela a été la plus épouvantable saignée voulue pour que les uns prennent le pas sur les autres, les Allemands d'un côté contre les Français de l'autre avec, naturellement, toute l'exaltation et les drames que cela a représentés.
J'ai vu les portes fermées sur les familles demeurées sans enfant. J'ai vu ce qu'a été, dans la vie des jeunes femmes, en particulier le fait qu'il n'y ait plus aucun compagnon qui puisse partager leur destin. Ce n'est pas si vieux.
J'ai été élevé, en partie, par une vieille dame adorable, très intelligente, couturière, qui s'appelait Trésia. Je la trouvais très belle. Elle était borgne et boiteuse et je la trouvais très belle, pleine d'esprit. Elle savait toutes les fables de la Fontaine qu'elle nous récitait à sa machine à coudre.
Trésia, il lui est arrivé quelque chose que je veux simplement vous raconter pour vous dire ce que la guerre a été pour les gens, pour le peuple. Elle était fiancée, en 1914, avec un jeune homme qui est parti à la guerre et il a été tué en 1915. Elle s'est retrouvée avec son fiancé mort. Quelque deux ans après, elle s'est fiancée avec son frère et il a été tué à la guerre, en 1918. L'un après l'autre, ses deux fiancés ont été tués et il n'y avait plus de garçons dans le village. Elle a fini par épouser, 20 ans après, le père de ces deux garçons, devenu veuf. Tous les garçons étaient morts dans le village, sauf ceux qui ont eu la chance d'être versés dans l'artillerie au lieu d'être versés dans l'infanterie et c'est parce que mon grand-père était versé dans l'artillerie au lieu de l'être l'infanterie que je suis devant vous aujourd'hui. Autrement, il aurait aussi disparu.
Les deux Etats-majors, les deux gouvernements avaient décidé que, cette fois-ci, ce serait, comme on disait, la der des ders et que ce serait la der des ders, parce qu'on aurait enlevé à l'autre pays ses forces vives.
Puis, vingt-cinq ans ont passé, on a négocié un mauvais traité. On a voulu écraser l'autre au moment de la Libération et, là, on a eu de nouveau une guerre et, là, ce ne sont pas les jeunes garçons de l'autre pays que l'on a tués ; c'est pire, c'est une certaine idée de l'homme. On est allé jusqu'à l'extermination des Juifs et de quelques autres, les tziganes et les homosexuels, simplement parce que l'on considérait qu'il fallait en débarrasser l'humanité.
Soixante-quinze ans d'horreur. On a failli tout perdre et, alors, des hommes qui sont, j'ose le dire, mes amis, même si je ne les ai pas connus dans cette vie, des hommes généreux et modestes -je pense à Robert Schumann, à Jean Monnet- dont le nom honore l'Humanité, que je vais saluer chaque fois que je passe à côté de leur tombe, ces hommes-là ont décidé qu'on allait arrêter avec toutes ces histoires et qu'on allait, désormais, pas seulement faire la paix, mais aller plus loin que la paix, c'est-à-dire bâtir pour tous les Européens une maison commune, dans laquelle nous allions pouvoir habiter en considérant que, désormais, la maison nous accueillerait tous et que nous ferions de plus grandes choses ensemble que nous n'en avions fait les uns contre les autres.
Tout le monde croyait que c'était impossible, mais ils l'ont fait. Ils ont réalisé ce projet et c'est parce qu'ils l'ont réalisé que, désormais, nous sommes, la France, l'Allemagne, les 27 pays de l'Europe, devenus parmi les pays les plus prospères de la planète.
Je suis fier de ces hommes-là, d'être dans ce sillon et dans ce message. Je veux que nous soyons dans cette construction. Je veux que la France soit un pays qui tende les mains par-dessus les frontières et non pas un pays qui se referme et qui tourne le dos aux autres.
Je veux que la France soit bien dans la construction et non pas dans la restriction et c'est pourquoi je dis que la fierté d'être Français, c'est la fierté de réunir, de rassembler, de comprendre les autres et d'aller jusqu'au bout du destin généreux que nous avons décidé de donner à notre pays, de donner les uns avec les autres et de donner de la France au monde, car c'est un message universel.
C'est un grand choix que celui de considérer que notre pays est un pays positif et pas un pays qui, perpétuellement, ressasse, que l'on amène perpétuellement à ressasser les thèmes qui ont été, c'est vrai, introduits à force de faiblesse dans la vie politique française par tous les Le Pen de la création et auxquels, nous, républicains, devons résister et non pas céder.
Le rôle des républicains est de résister à ces thèmes et non pas de marcher dans le sens de ces thèmes ou, alors, où est notre héritage ? Où sont nos valeurs ?
Les républicains de droite, les républicains du centre et les républicains de gauche, leur vocation, leur devoir, leur volonté, ce n'est pas de céder à cet entraînement, à cette faiblesse, d'aller dans le sens de cette division, mais de résister au nom des principes humanistes qui sont les nôtres et qui ont été le projet de société de la France et de la République française.
Oui, je m'adresse aux républicains et je m'adresse même aux républicains de gauche. C'est vrai, ce n'est pas ma famille. J'ai toujours été de la famille du centre, mais comment ne pas se poser de questions quand on voit la gauche française, avec sa tradition et ses valeurs, s'engager dans la voie de cette course/poursuite et de cette surenchère. Cela ne ressemble pas à la gauche française et, notamment, cela ne ressemble pas à la gauche qui a vécu les dangers et les risques.
Si quelqu'un a envie de voir de quoi il s'agit, je l'invite à relire l'éditorial que Léon Blum a donné aux Populaires au mois d'août 1933, au moment où s'est posée cette grande question de savoir si le socialisme, en France, avait des valeurs universelles ou s'il fallait qu'il se replie sur des valeurs nationalistes. Cette question s'est posée.
Je me reconnais dans les républicains, et même les républicains de gauche, qui ont fait le choix de défendre ces valeurs et de ne pas se laisser entraîner dans cette surenchère, malgré la difficulté des temps.
Ceci est le bien commun de tous les républicains quel que soit le camp d'où ils viennent. Je veux que nous soyons du côté des résistants, de ceux qui aiment la patrie, de ceux qui aiment la France, de ceux qui aiment la nation, mais qui, parce qu'ils l'aiment, refusent d'en faire une obsession et d'enfumer les esprits avec le perpétuel ressassement de ses signes et de ses exaltations.
Il y a quelque chose que nous devons à notre pays, c'est l'équilibre. Il y a quelque chose que nous devons à notre pays, c'est qu'il soit paisible, apaisé et qu'au lieu d'en exciter l'identité ou les signes d'identité, nous acceptions, au contraire, de considérer que son identité est dans son équilibre, dans son ouverture et sa générosité.
J'ai voulu que cette journée soit consacrée à l'industrie. Dans cette campagne électorale, on ne parle pas de l'industrie, on ne parle pas des ouvriers.
Eh bien, moi, je considère qu'il est digne de notre pays que l'on place la question de l'industrie au coeur de la campagne électorale et que l'on parle aux ouvriers de leur métier, de leur destinée, de leur vocation, qu'ils aient la reconnaissance qu'ils méritent de la nation.
Voyez-vous, dans la Loire, j'ai voulu voir les deux visages des problèmes et de la chance que représente l'industrie française. J'ai voulu voir ces deux visages et, d'abord, le visage sombre.
Nous sommes allés visiter à Rives de Gié, l'entreprise Duralex. C'est un des plus grands verriers, une des plus grandes marques de verrerie. Il y a 102 ouvriers à l'entreprise Duralex. Ils ont été rachetés par un investisseur originaire de Turquie, vivant en Turquie, et ce monsieur a décidé de fermer l'entreprise, la verrerie et le four, au mois de septembre. Depuis cette période, ces 102 ouvriers sont sans nouvelles de leur directeur qui est parti, de leur administration qui est partie. Ils touchent leur salaire à la fin du mois, mais ils disent : "Ce n'est pas une question d'argent. Comment peut-on nous laisser sans aucune nouvelle du destin qui sera le nôtre ?"
J'ai voulu être à côté d'eux, parce que je considère que la mission d'un homme qui se présente à la présidence de la République et, un jour peut-être, la mission du président de la République, c'est d'être du côté de ceux qui souffrent et pas seulement du côté de ceux qui ont la chance que tout aille bien pour eux.
Je suis du côté du monde du travail. Je trouve normal, bien et juste que nous rendions au monde du travail l'hommage qui lui est dû. Je trouve normal, bien et juste que nous disions qu'il n'est pas normal que la décision d'un tribunal de commerce traîne, comme elle traîne dans cette affaire de Duralex depuis plusieurs mois, depuis le mois de septembre.
Il n'est pas normal et il n'est pas juste de laisser une centaine de personnes sans aucune idée de ce que leur avenir pourra être, s'asphyxier avec l'usine fermée, l'électricité coupée. Ils sont là à attendre qu'un jour quelqu'un décide pour eux sans rien leur dire.
Dans la République française et dans la République que nous voulons, il n'est pas acceptable que l'on ait des comportements de cet ordre. Il faut le dire à tous ceux qui, administration, tribunal de commerce, responsables économiques, ont quelque chose à manifester dans des affaires de cet ordre. On a une considération minimale que l'on doit aux personnes, même quand on rencontre des difficultés économiques. Nous sommes là pour défendre cette considération que l'on doit aux citoyens et spécialement aux citoyens qui travaillent.
Je suis donc allé leur dire que, oui, il fallait mettre au clair la situation de l'entreprise, oui, il fallait que le tribunal de commerce prenne son jugement, oui, il fallait voir s'il n'y a pas des repreneurs.
Je trouve que, en France, trop souvent, on est un peu en défaut dans l'accueil des repreneurs. Je trouve que, quand une usine ferme, il faut accepter que des repreneurs viennent et que les pouvoirs publics poussent.
J'ai vécu, dans le Pas-de-Calais, la fermeture de trois unités sur quatre d'une très grosse entreprise papetière fabriquant du papier, avec la disparition de centaines d'emplois. Il y avait des repreneurs, mais on a refusé de leur vendre, après avoir, dans un premier temps, permis aux ouvriers de penser que, s'ils trouvaient des repreneurs, naturellement, on leur laisserait la place. Eh bien, lorsque les repreneurs sont arrivés, toutes les portes se sont fermées devant eux. En réalité, on n'a pas voulu qu'il y ait de reprises parce qu'on voulait que le marché soit contrôlé par un petit nombre de fournisseurs.
Je trouve que ce n'est pas normal. Je pense que, quand des emplois sont en jeu et un outil industriel, si des repreneurs existent, il faut leur faire la place. Nous devons être plus ouverts, plus accueillants à des reprises d'entreprise, parce qu'il y en a qui réussissent.
Je prends le deuxième cas ou la deuxième visite que nous avons faite dans les forges que nous avons visitées en 1992, c'est-à-dire il n'y a pas si longtemps. Il y a 15 ans, l'entreprise était au bord de la faillite -Je ne sais pas si M. Romany, le chef créateur et fondateur de cette entreprise, est là. Il m'a dit qu'il viendrait au meeting. S'il est là, je le salue- cette entreprise avait 26 salariés. Elle allait fermer, déposer le bilan. Elle était à bout de souffle et, à cette époque, personne n'aurait parié un sou, un "kopeck", sur la survie d'une entreprise de forge en France avec le contexte industriel qui était le nôtre et qui était déjà celui d'une mondialisation en train de se former. Tout le monde aurait parié que, la forge, cela se passerait désormais ailleurs.
M. Romany est arrivé et il a dit : "On ne peut pas laisser fermer un outil, même petit, même fragile comme celui-là." Aujourd'hui, 15 ans après, l'entreprise compte 350 salariés et elle est la première forge française. Il y a un développement formidable avec un chiffre d'affaires de 80 Meuros. C'est une entreprise prospère, en plein développement, en pleine dynamique, qui réussit à gagner des parts de marché, non pas en écrasant les salaires comme d'autres pays le font, mais simplement en offrant à ses clients quelque chose que les autres ne peuvent pas offrir. Ils ont décidé d'offrir la qualité maximale, la rapidité maximale et la réactivité maximale. Ils arrivent à produire des pièces immenses -certaines font 4 m de diamètre- pour les avions, la fusée Ariane, tous les grands clients industriels, en moins d'un mois, alors que leurs concurrents les plus rapides le font en trois mois.
Ainsi, parce qu'ils ont la rapidité, parce qu'ils ont la réactivité, parce qu'ils savent aller plus vite et travailler mieux que les autres entreprises, ils se développent au lieu de fermer.
Nous avons là la voie pour l'avenir de l'industrie française et il faut la regarder comme telle. Nous ne sommes pas un pays qui n'a plus d'avenir industriel. Nous avons un grand avenir industriel, si nous sommes décidés à travailler plus vite, plus exactement mieux, avec plus de qualité et plus de réactivité que les autres. Cela est le destin industriel de la France.
Je ne veux pas que la France devienne un pays sans usines. Je veux que la France soit un pays avec des usines, un pays avec des industries, un pays avec la colonne vertébrale. Et ceci exige un certain nombre de choses dont je voudrais très rapidement parler devant vous.
Cela exige, d'abord, que notre pays ait une politique industrielle. Je suis pour qu'il y ait, dans le prochain gouvernement, même resserré, un ministère de l'Industrie qui assume la vocation industrielle de la France et pas seulement la vocation de pays de services, quelqu'un qui pense aux usines, quelqu'un qui pense aux ingénieurs, quelqu'un qui pense aux ouvriers, quelqu'un qui pense à la recherche, qui va dans le sens de l'industrie. C'est un signe et c'est un signe très important.
Quand il faut livrer une bataille, il faut des généraux qui aient la bataille à l'esprit et qui soient décidés à porter jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à la victoire, le combat qu'il est nécessaire de mener, premièrement.
Deuxièmement, il faut que l'Europe s'occupe réellement de politiques industrielles et pas qu'elle considère que sa seule vocation est d'être un marché ouvert aux quatre vents.
Je ne suis pas pour le protectionnisme au sens où il faudrait refermer, autour de nos pays, toutes les frontières, mais je suis pour la loyauté dans la concurrence. Or, ce n'est pas la loyauté dans la concurrence quand on exige de nos producteurs de respecter des normes, par exemple, environnementales que les autres ne respectent pas. Si l'on demande, si l'on impose des normes aux producteurs de nos pays et aux producteurs français, alors, il faut que tout le monde les respecte et que l'Europe se charge de faire respecter aux autres les exigences qu'elle impose aux nôtres.
C'est vrai en particulier, et ce sera une grande question, en matière monétaire. C'est une question compliquée. Bien sûr, ce n'est pas un sujet de meeting, mais il se trouve qu'il y a, à la surface de la planète, des déséquilibres monétaires extrêmement lourds, mais ce n'est pas de la faute de l'euro, comme on le dit. L'euro est une monnaie équilibrée -la preuve, c'est que tout le monde a confiance en son avenir- de manière que nous avons des taux d'intérêt qui nous permettent d'investir, qui sont parmi les plus bas de la planète.
Pour moi, ceci est extrêmement important. C'est une chose indispensable que nous puissions, pour consommer, pour construire une maison, pour emprunter, pour investir dans nos usines, trouver des taux d'intérêt qui soient assez bas pour que l'investissement soit utile et indispensable.
C'est d'ailleurs vrai, je le dis au passage, pour ceux qui, comme moi, se préoccupent de la dette de notre pays. On a laissé s'accumuler sur les épaules des plus jeunes que nous avons là -et j'ai fait le serment d'en parler tous les soirs, dans tous les meetings et toutes les émissions- une dette honteuse, 1 200 Mdeuros, que les générations qui viennent vont devoir rembourser.
C'est devenu à un tel point que la totalité de l'impôt sur le revenu des Français sert à payer l'intérêt de la dette. Ceci n'est pas responsable, n'est pas sérieux. C'est une exigence, selon moi, pour le prochain gouvernement et pour le président de la République qui sera élu, de mettre un terme à cette honte.
Mes chers amis, ce qui nous sauve, ce qui réussit à alléger un peu le fardeau que nous avons au-dessus de nos épaules, c'est que nous pouvons réemprunter pour refinancer notre dette pour l'étaler sur une plus longue période.
Savez-vous que l'État français emprunte, en ce moment, sur les marchés financiers, pour refinancer notre dette, à 50 ans, à 3,85 %. Faut-il que le monde ait confiance dans notre monnaie pour nous prêter, à 50 ans, à un taux aussi bas que 3,85 %.
Ceci est un bienfait de la monnaie qui est la nôtre, mais il n'est pas normal qu'il y ait des monnaies complètement sous-évaluées. C'est le cas, en particulier, pour le yuan, la monnaie chinoise, qui est très sous-évaluée par rapport à l'euro, ce qui est un problème pour l'équilibre des échanges sur la planète.
Il faudra que, de manière sereine, calme et équilibrée, nous ayons, dans notre pays et en Europe, une réflexion sur comment faire comprendre au gouvernement chinois qu'il faut un équilibre pour que la concurrence soit équitable, qu'elle soit loyale et qu'elle permette à chacun de vivre sans que les uns soient en situation d'écraser les autres.
Ceci est une exigence pour notre avenir. Je suis pour que l'Europe s'occupe de protéger l'industrie européenne et, à l'intérieur, l'industrie française. Il faudra le rappeler de toutes les manières à ceux qui sont en charge du destin de l'Europe dont le prochain président de la République française. Pour cela, il faut que l'Europe existe.
Deuxièmement, si nous voulons avoir une économie, une industrie capable de relever les défis, capable, comme l'a fait cette entreprise que je citais à l'instant, de se porter au premier plan, au premier rang de ce qu'exige, désormais, le marché du monde, si nous voulons cela, alors, il y a une chose à faire, qui est indispensable, qui est essentielle, qui est la clef de tout : il faut que nous fassions le serment d'avoir, désormais, au terme de quelques années, les jeunes les mieux formés de la planète.
J'ai la conviction absolue que tous les problèmes passent par l'éducation, que ce soit les problèmes de la compétitivité de notre pays, de l'égalité des chances, de la lutte contre les discriminations, de la formation, de la sensibilité à ces grands problèmes que sont, par exemple, le réchauffement climatique, de la science et de la recherche, de l'adaptation aux diverses carrières qu'il va falloir conduire dans une vie, de la culture, de la résistance qu'il faut opposer aux pulsions mauvaises qu'il y a dans les peuples.
Tout cela, la connaissance de l'histoire, la connaissance de la langue, la connaissance des arts, la connaissance de techniques et sciences de l'avenir, passe par l'éducation.
J'ai décidé de faire de l'investissement dans l'éducation, non pas une des priorités, mais la priorité des priorités de la législature qui viendra et de l'exercice de la responsabilité qui sera la mienne, si je suis élu président de la République française.
Evidemment, l'éducation, cela demande de très grands efforts. Cela demande un premier effort, dont je vous prie de réfléchir à l'importance, qui est qu'il faut soutenir les éducateurs et non pas perpétuellement les prendre pour cible, pour bouc émissaire et les critiquer.
Voyez-vous, quand j'étais ministre de l'Éducation nationale, ce qui a été un moment heureux de ma vie, j'avais une question qui me travaillait, qui me tarabustait et cette question était celle-ci : on nous disait que la réussite dépendait de la situation de famille, qu'au fond réussissaient les enfants issus de milieux favorisés et échouaient les enfants issus de milieux défavorisés. C'était cela que l'on considérait comme la règle, mais comment se faisait-il que des enfants issus de milieux défavorisés réussissaient parfaitement bien et des enfants issus de milieux favorisés échouaient ?
Alors, j'ai fait appel à des sociologues intelligents -bien que ceci soit un pléonasme ! Puisque, par nature et par définition, tous les sociologues sont intelligents ; enfin, ceux-là étaient, en tout cas, des sociologues intelligents- qui ont fait une enquête. Ils sont arrivés à une conclusion que je n'ai jamais oubliée et que je vous transmets. Cette conclusion était celle-ci : réussissaient les enfants dans les familles desquels l'école était estimée, soutenue et défendue et échouaient les enfants dans les familles desquels l'école était critiquée, mal vue, méprisée.
Eh bien, selon moi, il en est de même pour un pays. Les nations dont les enfants réussissent sont celles qui considèrent que l'école est la clef de leur avenir et la défendent comme telle, y compris auprès de leurs enfants et de leur opinion publique et, malheureusement, les pays dont les enfants réussissent moins sont ceux qui prennent perpétuellement pour cible leur éducation au lieu de la soutenir, de l'aider, de la défendre et, même, de l'aimer.
C'est un grand effort, mais pour cet effort, je protégerai les moyens de l'Education nationale. Je l'ai dit, il va falloir faire des économies. Il va falloir réduire le déficit et la dette, mais, pour moi, l'argent que nous mettons dans l'éducation doit être préservé et défendu, parce que ce n'est pas réellement une dépense, c'est un investissement au service de la nation.
En échange, je demanderai à l'Education nationale de fixer, avec nous, des objectifs que nous évaluerons tous les ans, afin de voir s'ils sont remplis et s'ils trouvent les résultats qu'ils méritent.
Le premier de ces objectifs, qui est d'une simplicité républicaine, sera celui-ci : plus aucun enfant ne doit, au moment où il entre en sixième, se trouver sans savoir lire et écrire. C'est un objectif de redressement national, de redressement républicain. Je sais que cela demande un très gros effort. Je sais très bien que, dans notre société, ce n'est plus la lecture qui est mise en valeur, mais l'image. Je sais très bien que les jeunes, les enfants, spécialement ceux dans les maisons desquels il n'y a pas de livres, passent l'essentiel de leur temps devant un écran, que ce soit un écran de télévision, de jeux vidéo, de console. Cependant, si l'on n'a pas la maîtrise de la lecture et de l'écriture au moment où l'on entre en sixième, on ne rattrape jamais ce retard. C'est de la non-assistance à personne en danger.
Je veux que, dans notre pays, en cinq années, on aille vers l'illettrisme zéro. Cela veut dire aussi avoir le calme dans toutes les écoles, dans tous les quartiers, le calme républicain, la discipline républicaine, que l'on puisse faire des études et pas se trouver en insécurité.
Cela veut dire aussi l'égalité des chances, l'excellence dans tous les quartiers. Que dans tous les établissements, toutes les familles aient la certitude que, là, si l'on est motivé, si l'on a le potentiel, comme l'on dit, si l'on veut réussir à toute force, si l'on sait faire les efforts nécessaires, on va pouvoir trouver une éducation aussi bonne qu'au lycée Henri IV où tout le monde de la société favorisée voudrait scolariser ses enfants.
Ceci a été l'école républicaine : le calme partout, l'excellence partout et même la possibilité d'obtenir, d'où que l'on vienne, quel que soit l'établissement, la même proportion de places dans les classes préparatoires aux grandes écoles que si l'on était, par exemple, dans le lycée le plus favorisé du centre-ville, le plus désiré de la ville la plus cultivée de France. Je veux que tout le monde ait les mêmes chances.
Cela veut dire aussi des moyens pour l'université. Je ne vais pas m'étendre, mais puisque les étudiants de Saint-Etienne sont là.... Naturellement, il va falloir faire un très gros effort pour l'université, un effort de moyens, un effort d'encadrement, un effort d'accompagnement des jeunes qui entrent, un effort d'orientation pour qu'ils ne se trouvent pas largués comme ils le sont quelquefois ou souvent en première année, un effort d'insertion et de formation professionnelle, car l'on sait, maintenant, que le diplôme ne garantit plus l'emploi. Tout cela est un vaste, un immense effort de reconstruction.
Je dis aux universitaires, qui sont là, qu'il va aussi falloir changer la gouvernance des universités, parce qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans la gouvernance des universités françaises. C'est un immense effort.
C'est pareil pour la recherche. Je pourrais continuer ainsi pendant des heures sur la dimension des efforts, qui sont devant nous, pour reconstruire notre pays, non pas dans le renfermement qu'il soit d'un bord ou de l'autre, non pas dans les vieilles recettes -elles ont toutes échoué- mais dans un effort positif, optimiste, qui veut, au contraire, que l'on identifie chacune des questions qui sont devant nous et elles sont nombreuses. Je les ai évoquées, c'est le déficit, la dette, l'emploi, l'exclusion, le fait qu'il y ait de plus en plus de personnes qui sont sur le bord de la route, de plus en plus de personnes qui sont au chômage après 50 ans, de plus en plus de jeunes diplômés qui ne trouvent pas de chances, le réchauffement climatique, l'Europe.
Tout cela sont d'immenses chantiers devant nous et aucun de ces chantiers ne pourra trouver de réponse si l'on reste, comme depuis des années, dans la guerre stupide du Parti Socialiste contre l'UMP et de l'UMP contre le Parti Socialiste.
C'est mon dernier message de cette soirée, mais c'est probablement le plus important. Il y a des candidats qui vous proposent de continuer à faire, comme depuis 25 ans, dans la caricature et dans l'outrance, en essayant perpétuellement de dépasser l'un sur un côté et l'autre sur un autre, en essayant perpétuellement d'aller chercher les mêmes thèmes et les mêmes mots, non pas de proposer des projets différents, mais simplement d'aller chatouiller l'électorat dans le sens qu'ils croient être celui de ses attentes.
Moi, je crois qu'ils se trompent profondément sur les attentes qui sont celles de l'électorat. Cette guerre est stupide. Elle nous a conduits où nous en sommes. Quand les uns sont au pouvoir, les autres n'ont de cesse que de démolir toutes les propositions de ceux qui gouvernent et, quand il y a alternance, ceux qui arrivent démolissent ce qu'avaient fait ceux qui s'en vont. Ceci a conduit la France à l'impasse.
Je veux que nous sortions de cette impasse. Je veux que nous tournions la page sur ces 25 années qui ont été, au total, 25 années d'échec, d'enlisement pour un pays qui mériterait d'être le pays le plus rayonnant, le plus entreprenant et le plus envié de la planète au lieu de s'enfoncer dans la profondeur des classements sur tous les sujets.
Nous sommes un grand pays bien dans sa peau, un grand pays qui a envie de construire et pas de se replier, un grand pays qui a envie de reprendre le chemin qui a été celui de ses succès. Le redressement exige -un vieux mot de l'histoire française- le rassemblement et, élu président de la République, je constituerai un gouvernement avec des hommes venant d'un bord et de l'autre, différents, compétents, acceptant de travailler ensemble et de se mettre ensemble au service de notre pays.
Élu président de la République, je demanderai aux Français de donner à ce gouvernement de rassemblement pour le redressement, ce gouvernement qui sortira de la guerre stérile des uns contre les autres, la majorité nouvelle, la majorité ouverte, la majorité centrale qu'il mérite pour faire travailler ensemble des gens qui viennent de la droite, des gens qui viennent du centre, des gens qui viennent de la gauche et qui partagent ensemble les valeurs républicaines qui sont celles dont notre pays a besoin.
Voilà le programme que nous avons devant nous. Voilà l'avenir que nous allons construire ensemble.
Vive la République et vive la France.
Mes chers amis, pour nous, ce n'est pas une nouveauté, nous chantons la Marseillaise tous les soirs après nos meetings et nous en connaissons les paroles !Source http://www.bayrou.fr, le 29 mars 2007