Texte intégral
Frédéric Haziza
Bienvenue à « Questions d'info ». Notre invitée aujourd'hui est Ségolène Royal, candidate socialiste à la présidentielle. Merci, madame ROYAL, d'avoir accepté cette invitation de « Questions d'info », LCP, Le Monde, France Info. À mes côtés pour vous interroger, et comme chaque semaine, Marie-Ève Malouines de France-Info et Patrick Roger du Monde. Alors, madame ROYAL, à moins de cinq semaines du premier tour, les pronostics sont de plus en plus incertains, l'électorat de gauche paraît particulièrement volatile, alors que les candidatures se multiplient à côté du PS. Vous allez donc pouvoir nous dire comment vous comptez peut-être mobiliser votre électorat et sans doute aussi dès le premier tour. Nous parlerons aussi avec vous de vos adversaires directs, Nicolas SARKOZY et François BAYROU. À l'ordre du jour aussi, la mobilisation des enseignants cette semaine. Ce sera l'occasion d'aborder avec vous plusieurs points concernant votre programme présidentiel. Mais tout d'abord un thème que vous avez lancé ce week-end, la VIe République.
Marie-Ève Malouines
Vous avez relancé le terme ce week-end, on n'a pas très bien compris si vous voulez modifier la constitution dans la pratique ou dans les textes, et dans ce cas-là est-ce que ce serait véritablement un changement de régime ?
Ségolène Royal
La réponse à cette question est très claire puisque dans le Pacte présidentiel que j'ai proposé, il y a bien sûr des réformes en profondeur, y compris des textes. Comment voulez-vous...
Marie-Ève Malouines
Ça change la constitution complètement ?
Ségolène Royal
Comment voulez-vous modifier la constitution sans modifier les textes et uniquement dans la pratique ? Non. Cette réforme des institutions que la France attend pour se remettre en mouvement, il faut moderniser la France et faire en sorte qu'il n'y ait plus aucune intelligence qui soit gaspillée...
Frédéric Haziza
Mais la question est de savoir comment.
Ségolène Royal
Il faut donc que les institutions fonctionnent bien, se modernisent, prennent en considération les changements profonds auxquels nous sommes confrontés, pour avoir à la fois un État plus efficace, une démocratie plus vivante, ça c'est la réforme de la démocratie parlementaire, avec en particulier l'interdiction du cumul de mandats et la suppression du 49.3 pour que le Parlement puisse correctement et sereinement délibérer. C'est la démocratie participative, avec la création des jurys citoyens, le référendum d'initiative populaire, ça c'est pour que les citoyens...
Patrick Roger
On peut prendre tous ces points un par un, si vous le voulez bien, mais au préalable, vous avez parlé de réunir une assemblée constituante. Jack LANG, qui est un de vos proches, s'interroge lui-même sur la formule. Est-ce que vous pouvez lui préciser ce que vous entendez par là ?
Ségolène Royal
Je veux que la réforme des institutions soit travaillée et anticipée et que ce ne soit pas dans le secret des cabinets ministériels ou dans un cercle restreint...
Frédéric Haziza
Anticipés, c'est-à-dire au Parlement ?
Ségolène Royal
... ou dans un cercle restreint de juristes, que le texte du référendum soit élaboré. Je veux donc faire en sorte de consulter en amont, dans le cadre d'un comité constituant, on peut l'appeler ainsi, qui rassemblera des parlementaires, qui rassemblera aussi des élus locaux puisqu'il va y avoir dans cette réforme de l'État...
Patrick Roger
Un comité consultatif ?... Je vous pose la question.
Ségolène Royal
Oui, c'est un comité consultatif, bien évidemment. Mais c'est très important de changer la façon dont l'on gouverne. Et il ne vous a pas échappé que je l'ai déjà appliquée, cette nouvelle méthode de gouvernement dans le cadre de ma campagne électorale, puisque j'ai pris le temps d'écouter les Français. Et donc je crois qu'il faudra en effet consulter en amont pour bien décider ensuite. Et pour que l'autorité de l'État s'affirme bien, il faut avoir le sentiment que les décisions prises en amont sont justes. Donc je vais voir comment ce comité constituant sera composé, il y aura bien évidemment des parlementaires, je pense qu'il y aura des responsables, des exécutifs régionaux ou locaux, parce qu'il y a un volet très important d'une nouvelle étape de régionalisation et je souhaite mettre dans ce comité constituant des citoyens, qui seront tirés au sort sur les listes électorales, autrement dit...
Frédéric Haziza
C'est une forme de jury populaire.
Ségolène Royal
... autrement dit un jury citoyen national qui sera membre de ce comité constituant, de ce conseil, en effet, qui permettra ensuite au chef de l'État de définir le contenu du texte du référendum qui sera soumis au peuple français.
Ségolène Royal
Ça va durer combien de temps, cette consultation ?
Frédéric Haziza
... le texte soumis au référendum ?
Ségolène Royal
Non, il faut respecter les institutions. Celui qui élabore le référendum soumis au peuple français, c'est le président de la République, mais bien évidemment il s'entoure d'un certain nombre d'avis, de conseils, et je souhaite que cette façon de faire, qui renforce à la fois l'autorité du chef de l'État, parce que l'on sait qu'en amont il a pris le soin d'écouter et de consulter, pas seulement des spécialistes ou des experts, mais aussi des parlementaires, des élus, des élus de terrain et des citoyens, il sera donc éclairé dans sa décision pour que le texte soit le mieux adapté à la situation de la France et à la modernisation des institutions dont elle a besoin. Je veux que la France devienne un grand pays moderne où le dialogue fonctionne bien, où les intelligences collectives se mettent au service de l'intérêt général. C'est vrai dans le domaine de la démocratie sociale, dans le domaine de la démocratie parlementaire. Il y a quatre piliers : la démocratie territoriale et la démocratie participative.
Frédéric Haziza
Concernant cette réforme institutionnelle, cet éventuel changement de République, la consultation de votre conseil consultatif, je crois que vous l'appelez comme ça, ça a duré combien de temps ?
Ségolène Royal
Écoutez, on ne va pas là entrer dans le détail...
Frédéric Haziza
Le référendum que vous voulez organiser, ce serait un référendum que vous voudriez quand ?
Ségolène Royal
Il prendra le temps nécessaire et, vous savez, nous y travaillons déjà puisque j'ai une base de travail déjà tout à fait élaborée, avec les rapports de Jean-Pierre BEL et de Jean-Marc AYRAUD. Donc j'ai un travail déjà très approfondi sur toutes les questions, plus le rapport qui vient de m'être remis à nouveau par Jean-Pierre BEL, qui s'est appuyé sur le travail des élus locaux concernant la démocratie territoriale. Il y a donc déjà là un travail considérable et il y a des constitutionnalistes qui actuellement approfondissent un certain nombre de choses et je veux ensuite que ce débat soit totalement transparent et soit mis au débat public pour que le texte dont les Français auront à se saisir corresponde bien à la modernisation des institutions dont la France a besoin. Je crois qu'aujourd'hui la France est en panne, il y a un sentiment de déclassement, il y a un sentiment de sur-place, parce que nos institutions ne sont pas suffisamment modernes et je veux faire évoluer cette espèce de culture de l'affrontement vers une culture de la discussion et du compromis, pour que les intérêts des uns et les intérêts des autres, au lieu de s'affronter dans des logiques parfois destructrices, puissent au contraire, comment dirais-je, entrer en dialogue les unes avec les autres - tout n'est pas compatible mais justement il appartient ensuite à l'autorité de l'État de choisir, une fois que les gens ont bien discuté, de choisir ce qui correspond à l'intérêt général.
Marie-Ève Malouines
Concernant les jurys citoyens, par exemple, est-ce que ça veut dire que l'action du chef de l'État serait évaluée par une forme de jury citoyen, régulièrement, comment ça se passerait ?
Ségolène Royal
La démocratie participative sera mise en mouvement à tous les niveaux de l'exercice de la responsabilité politique. Je suis la seule candidate à avoir fait depuis longtemps le constat de la crise démocratique. Les citoyens qui s'éloignent des urnes, qui s'abstiennent, qui se réfugient vers des votes contestataires, qui doutent dans l'efficacité de la politique. Et donc c'est parce que j'ai pris le temps de cette réflexion, que j'ai moi-même mis en application sur le territoire régional dont j'ai la charge la démocratie participative, d'ailleurs les résultats sont là puisqu'il y a eu des enquêtes auprès des habitants de la région, alors que d'habitude la région est une institution très éloignée des gens, on voit que les gens ont parfaitement compris quelles étaient les actions de la région et les plébiscitent largement. Je crois, moi, dans l'intelligence des citoyens et je pense que la France a besoin de ces intelligences collectives pour avancer, puisque nous avons des crises profondes, crises morales, crises sociales, crises économiques, crises institutionnelles, et donc c'est tout le peuple français qu'il faut mettre en mouvement, en tout cas tous ceux qui veulent participer aux décisions qui les concernent.
Frédéric Haziza
Mais vous avez entendu ce qu'a dit Nicolas SARKOZY à propos de vos jurys citoyens, il a dit : « Ségolène Royal veut sans doute installer des jurys populaires qui ressembleraient à des soviets ».
Ségolène Royal
Ça en dit long sur la façon dont lui-même exerce son mandat local. Cela veut dire donc qu'il ne consulte pas ses habitants. D'ailleurs le résultat est là puisque c'est un des rares maires de France qui ne respecte pas la loi sur la construction des logements sociaux. Je crois que s'il consultait sa population, cette population-là, ces habitants lui diraient : monsieur le maire, commencez par respecter la loi républicaine, vous qui êtes chargé non seulement de l'élaborer, mais de la faire appliquer. C'est très choquant et je crois en effet qu'il y a plusieurs catégories d'élus. Ceux qui ont compris qu'en associant les populations aux décisions qui les concernaient, c'était un plus, ça n'était pas une mise en cause des élus, c'était une façon de tirer la sonnette d'alarme au bon moment, lorsque les décisions qui sont annoncées ne rentrent pas suffisamment vite en application. Et c'est très intéressant, c'est très judicieux. Moi quand je fais des jurys de lycéens dans les lycées pour vérifier que ce que je décide est bien appliqué sur le territoire et que les décisions sont bien allées jusqu'au bout du cheminement et ne se sont pas arrêtées en chemin. C'est très utile quand on tire la sonnette d'alarme, ou par exemple dans les structures de la petite enfance, lorsque l'on annonce des places de crèche et qu'au bout d'un an ou deux on ne les voit pas sur le terrain. C'est très utile s'il y avait des associations de citoyens qui disent : voilà, vous aviez dit telle chose, nous on n'en voit pas la couleur sur le territoire. Ça met les élus devant leurs responsabilités et surtout ça fait remonter l'information du terrain, et enfin ça oblige à changer les formes de décision politique. Et donc c'est tout simplement la recherche de l'efficacité.
Patrick Roger
Parlons des élus et des élections. Dimanche vous n'avez pas abordé la question du mode de scrutin aux élections législatives. Etes-vous toujours favorable à l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives ?
Ségolène Royal
Oui, c'est d'ailleurs bien indiqué dans...
Patrick Roger
Et à quel niveau ?
Ségolène Royal
... dans la partie « réformes institutionnelles » du Pacte présidentiel. Pourquoi est-ce que d'ailleurs je parle de pacte et pas de programme...
Patrick Roger
À quel niveau ?
Ségolène Royal
... ou de projet ? Parce qu'il a été construit avec les Français, ce Pacte présidentiel, il y a plus de 3 millions de personnes qui sont venues dans les débats ou sur le site. Donc il y aura...
Frédéric Haziza
Quelle dose de proportionnelle ?
Ségolène Royal
La dose de proportionnelle sera discutée dans le cadre de la réforme des institutions. À ce stade...
Frédéric Haziza
Oui mais le projet du PS ?
Ségolène Royal
Je suis candidate à l'élection présidentielle, donc à ce stade je mets sur la table, je rends publiques les grandes orientations des réformes institutionnelles et des autres réformes que j'entends mettre en place. Il y aura donc une dose de proportionnelle. À quel niveau ? Nous en discuterons. Mais elle sera significative.
Patrick Roger
Le projet du Parti socialiste fixait un niveau, il parlait de 120 députés ?
Ségolène Royal
Le Pacte présidentiel ne fixe pas de niveau...
Patrick Roger
Et Jean-Pierre BEL vous a fait des propositions également ?
Ségolène Royal
Jean-Pierre BEL a fait des propositions. Ces propositions vont être examinées, vont être débattues, vont être discutées dans le cadre du comité que j'évoquais tout à l'heure.
Frédéric Haziza
Alors il y a aussi les propositions des enseignants. Le choix des enseignants, madame ROYAL, est l'une des énigmes de cette campagne. Un reportage de Amandine ATALAYA et Julien WINTENBERGER qui se sont promenés parmi les professeurs du collège MICHELET du 19e arrondissement de la capitale.
REPORTAGE
Journaliste
Discussion animée salle des professeurs. Même à la pause déjeuner, la présidentielle fait débat. On représente souvent les professeurs comme votant à gauche. À tort, cette année les voilà hésitants.
Frédéric Garrigues , professeur d'histoire-géographie
Je crois que les enseignants sont ancrés sur des positions politiques traditionnelles qui voulaient que les enseignements soient majoritairement à gauche. Se répartit sur tout l'éventail politique, avec effectivement une petite tendance plutôt à gauche qu'à droite, mais il y a un rééquilibrage que l'on constate depuis 2002.
Journaliste
Et chose nouvelle, le bulletin François BAYROU en tente plus d'un cette année. Comme beaucoup, le principal garde le souvenir d'un ministre de l'Éducation nationale consensuel. Aujourd'hui il sent un intérêt croissant pour sa candidature.
Frédéric Garrigues
Elle prend un certain écho, c'est une évidence.
Journaliste
La plupart ici voteront tout de même Ségolène Royal, mais par défaut. C'est le choix du moindre mal, explique ce jeune professeur. Il attendait beaucoup de la gauche, elle le déçoit.
Martin COLAS, professeur d'histoire-géographie
Que l'ancien RPR ou UMP fasse des choses, on va dire négatives pour les professeurs, c'est normal, si je puis dire, donc on peut toujours contester mais ça nous paraît logique. On sera beaucoup plus en colère si ça vient de la gauche.
Journaliste
La proposition de la candidate au début de la campagne d'obliger les professeurs à rester 35 heures à l'intérieur du collège est mal passée. Martin ne comprend d'ailleurs pas où ses collègues d'histoire-géographie et lui pourraient bien travailler. Voici leur local.
Sylvie SAFAR, professeur d'histoire-géographie
Un peu de matériel informatique, on attend toujours la connexion Internet, mais ça n'est pas encore câblé jusqu'ici.
Journaliste
Les conditions de travail, voici leur préoccupation numéro un.
Sylvie SAFAR
Voyez, entre le bureau de la principale adjointe et le bureau du principal, vous avez cet espace pour pouvoir accueillir les parents.
Journaliste
Alors lorsque l'on évoque les promesses de la candidate du PS...
Sylvie SAFAR
Il faudrait aussi qu'on prenne le porte-avion et aussi il faudra supprimer le nucléaire. Il faudrait, il faudrait... Si on écoute tout ce que madame ROYAL dit, hein, on a du souci à se faire.
Journaliste
À un mois des élections, les voilà donc dubitatifs. En tout cas le vote de gauche n'est plus automatique et dans la salle des professeurs les sensibilités n'ont pas fini de s'affronter.
Fin du reportage
Frédéric Haziza
Comment expliquez-vous cette méfiance des enseignants ou défiance, je ne sais pas, à votre égard ?
Ségolène Royal
Écoutez, d'abord c'est pas uniquement à partir d'un reportage qu'on peut généraliser une méfiance ou une défiance. Moi je voudrais dire aux enseignants qu'ils sont des citoyens et qu'ils ont le droit à la liberté de vote comme tous les autres. Pourquoi voulez-vous qu'il y ait tout de suite des interprétations sur le vote de enseignants ?
Frédéric Haziza
On dit qu'ils votent BAYROU cette année.
Ségolène Royal
Écoutez, on va voir, le vote n'a pas encore eu lieu.
Patrick Roger
C'était un vote traditionnellement acquis à la gauche... Majoritairement.
Ségolène Royal
Aucun vote n'est traditionnellement acquis et aujourd'hui moins que jamais. Les enseignants sont exigeants et ils ont raison de l'être. Et au moment de l'heure de vérité, c'est-à-dire au moment où il faut glisser son bulletin dans l'urne, ce qu'il faudra faire, les uns et les autres, c'est de comparer les politiques des uns et les politiques des autres. Ce qui s'est passé depuis cinq années dans l'Éducation nationale, avec 125 000 emplois en moins, emplois toutes catégories confondues. Ce qui se passe à la prochaine rentrée scolaire, y compris dans des zones qui sont durement frappées par le chômage, où il y a des suppressions d'emplois et des fermetures de classes. Ça ce sont des décisions inadmissibles. Et les enseignants savent bien que pour la gauche, et en tout cas c'est mon engagement aussi, c'est que l'éducation est au coeur de mon projet présidentiel, parce que je crois que tout repart à partir de l'éducation. Quant à la polémique sur les 35 heures, elle n'a jamais fait partie de mes propositions, c'est une...
Marie-Ève Malouines
C'est un malentendu ?
Ségolène Royal
Attendez, c'est une vidéo tronquée qui, comme par hasard, réapparaît là dans les dernières semaines de campagne électorale, et je trouve le procédé totalement scandaleux...
Frédéric Haziza
Mais c'est un procédé au départ interne au PS.
Ségolène Royal
C'est un procédé scandaleux qui a été en effet diffusé par les autres partis politiques aussi sur tous les sites Internet des enseignants. C'est une vidéo tronquée, et donc je tiens à redire ici qu'il est inadmissible, comme cela vient d'être fait dans votre sujet, de présenter cela comme une proposition que j'ai faite...
Marie-Ève Malouines
Alors quelle est exactement votre proposition là-dessus, parce que vous avez quand même idée de ce qu'il faudrait revoir...
Ségolène Royal
J'ai dit que se posait un problème de qualité de travail et de présence des enseignants dans les établissements. Et d'ailleurs, l'enseignant que vous avez interrogé juste ensuite n'a pas dit autre chose lorsqu'elle a montré les locaux. Et j'ai dit très clairement...
Frédéric Haziza
Manque de moyens.
Ségolène Royal
Et j'ai dit très clairement que pour que les enseignants puissent rester plus longtemps dans les établissements scolaires, y compris pour faire leur lourd travail de préparation des cours et de correction des copies, il fallait au préalable leur donner des locaux suffisants, des bureaux, des secrétariats, des moyens informatiques. Et c'est ce que je demanderai désormais lorsqu'il y aura des rénovations de collèges et de lycées, c'est ce que je fais d'ailleurs concrètement dans ma région, chaque fois qu'il y a une rénovation de lycée, je prévois des bureaux, des matériels informatiques et je veux aller plus loin en donnant des secrétariats aux enseignants, le secrétariat collectif, pour qu'ils puissent travailler dans de bonnes conditions...
Marie-Ève Malouines
Mais l'État l'impulsera parce que c'est les régions et les départements qui le font maintenant.
Ségolène Royal
Attendez, laissez-moi parler, parce que c'est quand même suffisamment grave et comme j'entends reprendre cette polémique, qui s'était calmée puisque j'avais eu l'occasion de refaire le point et comme par hasard elle ressort à quelques semaines du premier tour de l'élection présidentielle, je tiens à mettre les points sur les « i ». Le débat avait lieu dans le cadre d'un débat informel, d'un brain storming informel, dans une réunion qui n'était pas filmée. Elle a été tronquée, c'est-à-dire qu'on a ressorti seulement une phrase me faisant dire que je voulais exiger que les enseignants restent 35 heures dans l'établissement. Ceci est faux, est inexact. Ce qui fait foi, c'est ce qui est dans le Pacte présidentiel. Qu'est-ce que je dis, dans ce pacte ? C'est que premièrement l'éducation redeviendra la priorité et les enseignants savent que sur cette question ils peuvent comparer les politiques de droite et les politiques de gauche et ils savent que ce sont les gouvernements de gauche qui ont rendu et qui ont augmenté les moyens donnés à l'Éducation nationale. Deuxièmement, ce que je leur dis, c'est qu'au plus haut niveau du chef de l'État et de la présidence de la République, il y aura l'affirmation de la reconnaissance du métier d'enseignant...
Frédéric Haziza
De quelle manière ?
Ségolène Royal
Car ce dont ils souffrent aujourd'hui, c'est un sentiment de déclassement. Ils ont l'impression d'être concurrencés par une foultitude d'informations périphériques, Internet, la télévision, et donc ils ne savent plus si la nation, la République, accordent autant d'importance à leur métier. Je leur dis oui, le creuset de la République est là, et il est uniquement là. Et dans tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, la question du lien social dans les banlieues, la question de la désertification rurale, la question de la préparation des jeunes à leurs futurs emplois, la question de la lutte contre les inégalités sociales, la question de l'articulation avec les familles, l'articulation aussi de la prévention de la délinquance. C'est par l'éducation que l'on pourra le mieux répondre à l'ensemble de ces défis. Mais je leur dis aussi qu'ils ne seront pas seuls, et en particulier lorsque la droite a supprimé tous les aides éducateurs, la droite a supprimé les contrats éducatifs locaux, la droite a supprimé la police de proximité et donc souvent la délinquance fait irruption dans l'établissement scolaire, parce que les services publics sont à la périphérie de l'école et qu'ils permettent justement à l'école d'être ce lieu sanctuarisé, apaisé, à l'abri des tensions et des problèmes extérieurs. Aujourd'hui ça n'est plus le cas. Eh bien moi je rendrai à l'école son exigence d'harmonie et de lieu paisible, parce que je remettrai du service public à la périphérie de l'école pour prendre en charge les problèmes qui n'ont pas à retomber sur les enseignants...
Frédéric Haziza
Ça passera par une augmentation du budget de l'Éducation nationale ?
Ségolène Royal
Je rendrai, dès la rentrée prochaine, les moyens aux écoles qui viennent d'être annoncés... dont les suppressions viennent d'être annoncées maintenant, c'est-à-dire déstabilisant un peu plus le système scolaire. Et ce que je voudrais dire aussi solennellement aux enseignants, c'est que le ministre de l'Éducation nationale que je choisirai aura comme instruction de cesser d'accabler l'école par une accumulation de réformes, simplement pour y attacher son nom, des réformes qui s'empilent les unes sur les autres avant même qu'elles n'aient le temps d'entrer en application, c'est ce qui se passe encore aujourd'hui, avec les décrets ROBIEN sur la bivalence, alors même que les réformes antérieures ne sont toujours pas appliquées. Le décret ROBIEN sera retiré et les principales actions que je mettrai(s) en place, c'est la remise à niveau des moyens d'un côté et le droit à l'expérimentation pédagogique de l'autre, sans subir les contrôles tatillons.
Marie-Ève Malouines
Pas de réforme mais des moyens ?
Ségolène Royal
Pas de réformes inutiles et supplémentaires avant de faire l'état des lieux des réformes précédentes, de celles qui marchent, de celles qui sont utiles, de celles qui ne marchent pas et de celles qui ne sont pas appliquées. Il n'y aura donc pas de réforme nouvelle avant que les moyens ne soient remis à disposition des établissements scolaires et en particulier aussi tous les moyens pour lutter contre la violence à l'école, où là il faudra mettre en place des nouveaux moyens et des nouveaux métiers, notamment à la périphérie de l'école. Et deuxièmement, avant que l'on puisse libérer les initiatives pédagogiques et le droit à l'expérimentation des équipes pédagogiques, et les établissements scolaires qui voudront mettre en place des actions par équipes, parce que c'est la principale demande, c'est : donnez-nous des moyens horaires, des heures, pour pouvoir travailler en équipes, parce que c'est comme cela que l'on peut échanger nos savoir-faire et c'est comme cela que l'on peut le mieux faire réussir les élèves.
Patrick Roger
Est-ce que le ministre de l'Éducation que vous nommerez aura pour instruction de revoir la carte scolaire ?
Ségolène Royal
Ça n'est pas la principale priorité ni la principale préoccupation. Vous l'avez noté, dans le cadre de ce que je viens de dire, les priorités sont celles que je viens d'indiquer. La question de la carte scolaire qui est celle de la mixité scolaire, c'est-à-dire des enseignants qui souffrent d'être dans des établissements qu'ils qualifient eux-mêmes de ghettos scolaires, se pose donc en effet le problème de la mixité scolaire. Nous mettrons le temps de l'année scolaire - je l'ai déjà dit - pour poser très clairement les problèmes qui se posent aux établissements scolaires, aux équipes pédagogiques, mais surtout aussi, comme me l'ont dit les enseignants, pour bien affirmer l'idée que la mixité scolaire se traduit aussi dans la mixité urbaine. C'est parce qu'on a laissé faire aussi des ghettos urbains qu'un certain nombre d'écoles se sont retrouvées dans des situations de ghettos scolaires. Mais en même temps ça permettra aussi de donner beaucoup plus aux écoles qui en ont le plus besoin. Aujourd'hui, dans certaines zones d'éducation prioritaire, l'écart des moyens n'est pas suffisant. Il est beaucoup trop faible. Et donc il va falloir mettre le paquet, si j'ose dire, sur les établissements scolaires pour qu'ils aient les moyens de mettre en place des pédagogies par projet, pour que les enseignants qui y travaillent ne soient pas freinés par un certain nombre de manques de moyens matériels et de manques en terme de dotations horaires pour travailler en équipes, comme je l'ai dit tout à l'heure, et qu'il y ait aussi, sur la base du volontariat avec des rémunérations supérieures, donner aux enseignants qui travaillent dans les endroits les plus difficiles. Moi je veux donner plus aux établissements qui en ont le plus besoin et là où le travail quotidien des enseignants est le plus difficile.
Frédéric Haziza
Alors on va abandonner les enseignants et on va voir qu'il n'y a pas que chez les enseignants, madame ROYAL, que vous ne faites pas l'unanimité. Marie-George BUFFET, la candidate du Parti communiste, semble...
Ségolène Royal
Heureusement que je ne fais pas l'unanimité partout...
Frédéric Haziza
On va voir ce qu'elle dit de vous. Elle semble douter de ce qu'elle a appelé votre capacité...
Ségolène Royal
Sinon il n'y aurait même pas de débat politique.
Frédéric Haziza
... à changer la vie des Français, et puis on essaye de débattre ensuite avec vous.
Marie-George BUFFET
Aujourd'hui il faut avoir la lucidité de voir la gravité du danger. La candidate qui semble susceptible de représenter toute la gauche au second tour ne propose pas à notre peuple un projet qui change vraiment la vie. Elle ne permet donc pas que la gauche, dans sa diversité, se rassemble face à la droite, elle désoriente profondément le peuple de gauche. La droite n'a pas gagné. Qui aujourd'hui a vraiment tranché ce qu'il votera le 22 avril ? Sinon toutes celles et ceux qui veulent forcer la main des électeurs et électrices au nom d'un soi-disant vote utile. Le vote utile, c'est d'abord le vote utile à vous-même, à votre famille, à vos proches. Le vote utile, c'est le vote qui répond à vos attentes, le vote qui porte votre espoir d'un véritable changement en France. Le vote utile à gauche, c'est le vote qui sort de la spirale des échecs et des renoncements pour mettre en avant les valeurs de justice sociale, d'égalité et de solidarité.
Marie-Ève Malouines
Alors comment est-ce que vous prenez ces propos de Marie-George BUFFET, qui sont un peu agressifs pour vous, en disant que vous n'êtes pas assez à gauche, finalement ?
Ségolène Royal
Écoutez, moi je suis mon chemin, c'est-à-dire que je veux à la fois une France juste et une France forte. J'ai entendu le désespoir des Français, leurs inquiétudes...
Frédéric Haziza
C'est votre nouveau slogan « une France juste et une France forte » ?
Ségolène Royal
Je crois qu'on ne fait pas de la politique par slogans, mais par valeurs. Et ma conviction profonde, c'est que lorsque la France est plus juste, elle est aussi plus forte. Et qu'on ne peut pas aujourd'hui faire de l'efficacité économique sans lutter aussi contre toutes les formes de précarité. Et moi mon projet s'oppose à celui de la droite. Il s'oppose à celui de la droite parce qu'il n'est pas fondé sur les mêmes valeurs. Je le vois dans le projet de Nicolas SARKOZY, il propose de généraliser le CNE, les précarité, il pense que c'est comme cela que l'on va pouvoir lutter pour la productivité des entreprises. Moi je crois tout le contraire, je crois que l'efficacité économique, qui est quand même aujourd'hui un des ressorts pour remettre la France en mouvement, parce que c'est en débloquant la machine économique que l'on pourra aussi distribuer des salaires et créer à nouveau des emplois, et c'est cela aujourd'hui qui ne va pas en France. Il va falloir donc réinvestir dans la recherche, qui a été dramatiquement sacrifiée, dans l'innovation, dans la qualité des relations sociales...
Marie-Ève Malouines
On va parler de Nicolas SARKOZY tout à l'heure. Mais là on voudrait parler un peu de la gauche parce que le problème qui se pose, c'est des sondages mais quand même, la gauche n'a jamais été aussi faible globalement. C'est quand même un peu inquiétant pour vous, parce que vous arrivez au premier tour et comment vous faites pour le deuxième, comment vous faites pour vous rassembler avec Marie-George BUFFET qui a des propos assez distants de vous ?
Ségolène Royal
On verra, c'est le déroulement de la campagne électorale.
Marie-Ève Malouines
Ça ne vous inquiète pas du tout de voir la gauche si faible ?
Ségolène Royal
Je ne fais pas de polémique avec les autres candidats de gauche. Moi, mon adversaire, il est clair. Mon adversaire c'est le candidat sortant, parce que je crois qu'il nous laisse une France en très mauvais état, chacun en fait le constat et il est comptable, il est responsable de ce bilan, et notamment du profond endettement de la France, du déficit du commerce extérieur, de la machine économique en panne, du creusement des inégalités et des précarités, la question des cités ou des banlieues, où il ne peut même pas se rendre, où ce problème n'est pas réglé, où ça peut repartir à tout moment, on vient de le voir, le désengagement sur les services publics, et notamment dans le domaine de l'Éducation nationale, la santé aussi, où la situation va mal. Et en même temps... et en même temps, ce que je veux dire aux Français, parce que je ne veux pas leur tenir non plus un discours misérabiliste...
Frédéric Haziza
On essaye de vous poser quand même quelques questions...
Ségolène Royal
Oui, misérabiliste... Oui, mais on est dans une élection présidentielle. Et ce que je crois c'est que les Français ils ont besoin maintenant de comprendre la cohérence des projets. Et ça n'est pas ceux qui se mettent telle ou telle étiquette qui sont le plus forcément à gauche ou à droite. Les Français en ont assez justement de l'instrumentalisation des étiquettes politiques. Ce qu'ils veulent, c'est la politique par la preuve. Comment la politique par la preuve ? D'abord il faut qu'ils regardent pour chaque candidat, ce que chaque candidat a fait dans son expérience passée par rapport aux responsabilités qu'il a exercées. Moi je peux dire, la tête haute, que chaque fois que j'ai eu des responsabilités publiques, que ce soit dans les ministères, éducation, famille, environnement, que j'ai profondément réformés, que je suis allée de l'avant, que j'ai affronté les lobbies et les rapports de force de toutes sortes, que j'ai fait prévaloir l'intérêt général, que j'ai accompli des réformes en profondeur, je peux dire aujourd'hui aussi, à la tête de la région Poitou-Charentes que j'ai montré que j'étais capable à la fois de faire baisser le chômage, de réduire l'endettement, sans augmenter les impôts et en mettant en place des actions nouvelles. Donc il va falloir aussi que chaque candidat puisse dire ce qu'il a fait et comment il a géré le pouvoir public dont il a été dépositaire à un moment... En ce qui concerne les deux autres candidats, leur bilan il faudra aussi que vous le fassiez.
Frédéric Haziza
Oui mais également d'autres candidats à gauche.
Ségolène Royal
Parce que c'est trop facile les discours et les écarts entre les discours et les actes.
Marie-Ève Malouines
Revenons quand même sur la gauche, permettez-moi d'insister. Vous dites : mon adversaire c'est Nicolas SARKOZY et François BAYROU. Lionel JOSPIN aussi en 2002 disait : mon adversaire c'est Jacques CHIRAC. Et puis finalement il n'a pas été au second tour, pourquoi, parce que la gauche avait énormément de candidats. Et vous avez un peu ce problème quand même cette année, c'est qu'il y a énormément de candidats à gauche. Alors comment vous faites pour les concilier, ou au moins leur électorat ?
Ségolène Royal
D'abord je voudrais rectifier ce que vous venez de dire. Bien sûr j'ai des adversaires, mais je suis aussi en bataille politique de façon positive, c'est-à-dire autour d'un pacte présidentiel, d'un projet. Je suis en bataille pour un dépassement, pour que la France ait vraiment ce qu'elle mérite, pour qu'elle puisse saisir toutes ses chances. Et c'est là-dessus, sur les nouvelles règles du jeu, sur les nouvelles valeurs et sur les propositions concrètes que je propose aux Français, y compris donc sur l'évaluation de mes actions passées, que j'entends être évaluée, être jugée, être choisie et mériter ce vote. Alors maintenant j'en viens à votre question. Il y a en effet une grande dispersion des candidats de gauche au premier tour...
Frédéric Haziza
Une trop grande dispersion ?
Ségolène Royal
Pas trop grande puisque c'est leur liberté d'être candidats et à partir du moment où ils ont eu les parrainages. Mais en effet, il y a un risque de dispersion au premier tour, c'est vrai... Et c'est pourquoi...
Frédéric Haziza
Risque d'un nouveau 21 avril ?
Ségolène Royal
Ça n'est pas écarté, bien évidemment, compte tenu de cette dispersion qui est plus forte à gauche qu'à droite, et comme l'électorat de gauche souvent est très exigeant, c'est vrai, donc cette campagne, il y a encore plusieurs semaines pour convaincre. Et donc tout dépend de ma force de conviction, de ceux qui sur le terrain avec moi se battent pour faire comprendre que la France a besoin d'un réel changement, mais aussi d'un changement réaliste au sens où il sera effectivement concrétisé et mis en application. C'est aussi la crédibilité d'un projet. Il ne s'agit pas de s'autoproclamer de gauche, il faut aussi que les citoyens aient la conviction que ce qui est proposé, et c'est cela le sens de mon engagement, sera effectivement et rapidement réalisé, c'est-à-dire faire réduire les inégalités et les précarités et en même temps agir pour la compétitivité des entreprises dans un pays qui est en panne sur le plan économique. Et moi c'est ce dépassement-là, très neuf, que je veux réaliser et tenir bon sur un certain nombre de valeurs et sur le lien social. Et en même temps regarder la réalité en face, telle qu'elle est. Et avant devenir vous voir j'étais avec un groupe de chefs d'entreprises qui me font confiance et qui disent : en effet il est temps de réconcilier la France avec les entreprises pour que l'envie de créer, l'envie de prendre des risques, l'envie de conquérir des marchés soit conciliable avec la hausse des bas salaires, la formation professionnelle et la sécurisation au travail.
Frédéric Haziza
Qu'est-ce que vous répondez aux électeurs de gauche qui disent aujourd'hui : le vote utile pour battre Nicolas SARKOZY, c'est plus BAYROU que ROYAL ?
Ségolène Royal
Je leur dis qu'ils se trompent, dans la mesure où ces deux candidats sont des candidats de droite. En plus, il y en a un qui n'a pas de programme et qui s'en vante...
Frédéric Haziza
C'est ?
Ségolène Royal
Eh bien c'est François BAYROU. Il le dit sur toutes les chaînes de télévision : je n'ai pas de programme et je m'en vante puisqu'on n'est pas élu sur un programme. Donc c'est quand même aussi tromper, d'une certaine façon, les électeurs que de ne pas dire à l'avance ce qui sera fait. Donc c'est une exigence aussi de transparence, de vérité et de réalisme...
Frédéric Haziza
Et sur l'autre candidat ?
Ségolène Royal
L'autre candidat est le candidat qui va prolonger la politique sortante. Il fait un certain nombre de propositions nouvelles, il y a donc une confrontation des projets, des valeurs, des points de vue, du regard que l'on porte sur la France, sur son potentiel, sur ses capacités. Il a échoué dans ses responsabilités ministérielles, ça c'est la réalité. Comment peut-il prétendre demain réussir à un autre niveau de responsabilités, mais il faut que ce débat-là ait lieu en respect des personnes pour que les électeurs puissent choisir dans quelle France ils veulent vivre demain.
Frédéric Haziza
On va voir justement ce que pense cet autre candidat de vous, madame ROYAL, Nicolas SARKOZY.
Nicolas SARKOZY
À l'arrivée les Français vont choisir. Et ils vont choisir sur une stratégie claire. Madame ROYAL, qu'est-ce qu'elle veut ? Elle veut revenir à la politique socialiste de l'époque JOSPIN. C'est son droit le plus absolu. Moi je propose une stratégie de changement pour la France.
Marie-Ève Malouines
Alors Nicolas SARKOZY a reçu aujourd'hui le soutien de Jacques CHIRAC. Qu'est-ce que vous en pensez, est-ce que vous pensez que c'est un appui de poids et déterminant dans cette campagne ?
Frédéric Haziza
Et pour être précis, madame ROYAL...
Ségolène Royal
Mais je n'en ai jamais douté.
Marie-Ève Malouines
De l'appui de CHIRAC ?
Ségolène Royal
Oui, que l'UMP soutienne l'UMP, oui, ça me paraît... ça me paraît cohérent. Ce qui est plus surprenant c'est que ça vous surprenne.
Frédéric Haziza
Non mais Jacques CHIRAC dit : je soutiens Nicolas SARKOZY et je lui accorde mon vote et mon soutien.
Ségolène Royal
Oui.
Frédéric Haziza
Pour vous c'est chaleureux, c'est pas excessivement chaleureux ou pas ?
Ségolène Royal
Mais c'est la continuité de la politique de la droite telle qu'elle est conduite. Donc effectivement Nicolas SARKOZY, et c'en est la preuve, même s'il s'en défend, est le candidat sortant de la majorité sortante.
Marie-Ève Malouines
Et donc il est comptable du bilan du gouvernement VILLEPIN ?
Ségolène Royal
Évidemment. Il fait partie de ce gouvernement depuis le départ, il y a exercé des fonctions éminentes et donc bien sûr il est responsable. Et heureusement, c'est la démocratie, on est responsable de ses actes. C'est la politique par la preuve. Donc il est responsable du constat lui-même catastrophiste qu'il fait de la situation de la France. Voilà. Le niveau de la dette, c'est quand même un des résultats de la politique de ce gouvernement. Le déficit des comptes sociaux aussi, la machine économique en panne encore, la montée des précarités aussi, les problèmes de sécurité qui ne sont pas résolus, les projets dans les banlieues où le feu couve encore sous la cendre, les retraits des moyens au service public, comme je l'ai dit tout à l'heure. Oui, tout cela c'est le bilan de la politique de la droite et c'est le bilan de Nicolas SARKOZY. Donc il faut qu'il l'assume, ça c'est une question de vérité et de responsabilité politique, c'est le coeur même de la démocratie, que lorsqu'on a exercé pendant cinq ans des responsabilités, on ait quand même le courage d'en assumer le bilan.
Frédéric Haziza
Alors vous vous dites c'est l'héritier de Jacques CHIRAC, en gros. Il vous dit : vous êtes l'héritière des années JOSPIN.
Ségolène Royal
Je ne crois pas.
Frédéric Haziza
Non ?
Ségolène Royal
Je ne crois pas puisque je vous ai dit le contraire tout à l'heure, au sens où j'assume les valeurs au nom desquelles nous avons agi, mais j'ai dit aussi que la France a changé, que le monde a bougé, que la politique a changé. Donc je regarde vers l'avenir et l'avenir c'est une France qui a changé en cinq ans. Donc je ne suis ni dans le reniement, comme vous voudriez me le faire dire...
Frédéric Haziza
Mais non...
Ségolène Royal
Ni dans la répétition des années du passé puisque les conditions actuelles de la France ont changé. Donc ce que je veux c'est inventer les années qui viennent...
Patrick Roger
Et Lionel JOSPIN et le PS ne l'avaient pas vu changer.
Ségolène Royal
Et inventer et... Attendez, les élections présidentielles arrivent, c'est moi qui ai été désignée, par 60 % des militants. Donc le Parti socialiste a adhéré à cette nouvelle façon de faire et à cette nouvelle façon d'assumer la politique et de dépasser les dogmes et d'inventer les nouvelles solutions qui vont correspondre à la façon...
Patrick Roger
Dépasser les dogmes, est-ce que ce n'est pas aussi dépasser des clivages anciens, à ce moment-là ?
Ségolène Royal
Oui bien sûr, dépasser des clivages anciens, bien sûr.
Patrick Roger
Justement pour arriver à une majorité au second tour, 50 %, qu'à l'heure actuelle, si l'on en croit les intentions de vote, la gauche, les deux gauches à elles seules ne sont pas à même de réunir ?
Ségolène Royal
Mais c'est juste.
Patrick Roger
Donc vous êtes prête à élargir au second tour, à vous tourner...
Ségolène Royal
Évidemment, c'est la nature même de l'élection présidentielle.
Patrick Roger
À vous tourner vers de nouveaux partenaires ?
Ségolène Royal
Mais il ne s'agit pas de négocier entre partenaires, à ce stade, puisque l'élection présidentielle c'est un lien direct entre le pays et une personnalité politique, appuyé sur au départ le soutien de partis politiques. Moi j'ai cette chance d'avoir franchi toutes ces étapes. Et donc aujourd'hui se noue le dialogue direct avec le pays pour ensuite, effectivement, élargir dans le cadre d'une majorité présidentielle, le plus grand nombre de Français qui se reconnaîtront dans cette vision d'une France qui veut se relever.
Patrick Roger
Oui mais si BAYROU et SARKOZY c'est blanc bonnet et bonnet blanc, où trouvez-vous votre majorité présidentielle ?
Ségolène Royal
Ils ne sont pas propriétaires de leurs électeurs. La preuve, c'est qu'il y a aujourd'hui une grande volatilité de l'électorat. C'est ça qui est nouveau. C'est ça qui a profondément changé. On ne peut donc pas plaquer des raisonnements arithmétiques comme il y a quelques années, c'est fini. C'est fini. Et aujourd'hui chaque électeur est extrêmement exigeant. Les électeurs refusent d'être mis dans des cases. Ils n'en veulent plus de ces cases. Et là ça fait un certain nombre d'années que je l'ai compris. C'est pourquoi j'ai lancé cette démarche participative, pour comprendre vraiment ce que les gens ne voulaient plus et ce qu'ils voulaient. Donc moi je suis dans un dépassement, à partir bien sûr de mon identité de gauche, à partir bien sûr du parti qui me porte, mais je suis dans une logique de dépassement parce que je crois qu'il faut impérativement répondre à la crise démocratique, en apportant des réponses nouvelles. Et en quoi ces réponses nouvelles restent de gauche, profondément de gauche ? C'est parce que je crois que face aux insécurités qui sont subies, autant pour le territoire national qu'à l'échelle du monde, qu'à l'échelle de la planète, nous devons absolument inventer les sécurités nouvelles qui permettront aux Français de retrouver ou de trouver tout simplement le goût du risque, l'esprit d'entreprendre, la confiance dans leur avenir, le désir d'avenir. Je le dis souvent et donc si chacun est dans une posture positive à l'égard de l'avenir, à ce moment-là la France réussira à nouveau à se remettre en marche, et pas comme le fait la droite en opposant les Français les uns contre les autres. C'est ça la différence profonde entre les deux.
Marie-Ève Malouines
Votre démarche, c'est-à-dire que ça dépasse les structures partisanes et partis politiques, c'est directement auprès des citoyens, donc ça veut dire que les partis qu'il y a actuellement seraient amenés à bouger, à se recomposer en cas de victoire à la présidentielle ?
Ségolène Royal
Mais il y aura forcément des mutations des partis politiques. Déjà là, le Parti socialiste est en mutation. Il y a eu cette masse de nouveaux adhérents qui sont arrivés, il y a eu un effort considérable pour changer les méthodes de la campagne électorale, il y a une volonté de regarder la réalité telle qu'elle est. Je dis le socialiste du 21e siècle, la réalité des choses, comment est-ce qu'on pouvait à nouveau réinventer des convergences intelligentes entre les intérêts des uns et ceux des autres, comment est-ce qu'on peut stopper ce système ou quelques-uns s'enrichissent aux dépens du plus grand nombre, où il y a une angoisse montante, où il y a toutes les formes de violence et de brutalité, et en même temps où il y a des talents exceptionnels qui sont gaspillés. Et je le sais, en tant que présidente de région, je le vois avec mes collègues, il y a du potentiel considérable, il y a des gens qui sont désespérés de ne pas pouvoir déployer leur énergie au niveau du territoire national et de la création de richesses. Je veux que la France recommence à créer des richesses, des activités, et que les entrepreneurs aient confiance dans leur pays. Et moi je veux leur donner les moyens à la fois de l'agilité mais aussi le sens de la responsabilité à l'égard des territoires. Et je sais qu'ils y sont prêts et que les syndicats de salariés, les représentants de salariés peuvent contribuer puissamment à relever la France et à la moderniser. C'est ça le message de confiance que je veux donner, je crois que c'est dans une nouvelle harmonie et dans un respect mutuel, dans cette République du respect que j'appelle de mes voeux, que nous serons aussi les plus efficaces.
Frédéric Haziza
Une dernière question, madame ROYAL. Jacques CHIRAC vient de rendre hommage à Lucie AUBRAC. En quoi le message de Lucie AUBRAC reste d'actualité, le message de Lucie AUBRAC et de la résistance ?
Ségolène Royal
Ah, le message de la résistance et du courage est toujours d'actualité. On le voit aussi aujourd'hui par rapport aux malheurs du monde. Heureusement qu'il y a toujours des forces qui se lèvent, qui disent non, qui refusent, qui acceptent même de risquer leur vie, qui transmettent ensuite sans relâche ce message. Et Lucie AUBRAC avait dit il y a quelques semaines : je veux tenir jusqu'au vote de l'élection présidentielle pour continuer à participer à l'avenir de mon pays. Elle n'aura pas pu le faire, mais en tout cas ce message, sa mémoire, son courage, sa générosité, c'était une femme aussi profondément gentille, qui rayonnait de bonheur et de générosité et qui portait ce témoignage-là pour les générations futures. Son message ne sera pas oublié.
Frédéric Haziza
C'est ça l'identité nationale ?
Ségolène Royal
Ou, bien sûr, ça fait partie profondément de l'identité nationale, de la fierté nationale, de l'explication de ce qui fait la France aujourd'hui, c'est-à-dire cette addition de courages individuels, engagés dans des combats collectifs.
Frédéric Haziza
Merci, madame ROYAL, d'avoir répondu à nos questions. Merci de votre fidélité et à mercredi prochain.
Bienvenue à « Questions d'info ». Notre invitée aujourd'hui est Ségolène Royal, candidate socialiste à la présidentielle. Merci, madame ROYAL, d'avoir accepté cette invitation de « Questions d'info », LCP, Le Monde, France Info. À mes côtés pour vous interroger, et comme chaque semaine, Marie-Ève Malouines de France-Info et Patrick Roger du Monde. Alors, madame ROYAL, à moins de cinq semaines du premier tour, les pronostics sont de plus en plus incertains, l'électorat de gauche paraît particulièrement volatile, alors que les candidatures se multiplient à côté du PS. Vous allez donc pouvoir nous dire comment vous comptez peut-être mobiliser votre électorat et sans doute aussi dès le premier tour. Nous parlerons aussi avec vous de vos adversaires directs, Nicolas SARKOZY et François BAYROU. À l'ordre du jour aussi, la mobilisation des enseignants cette semaine. Ce sera l'occasion d'aborder avec vous plusieurs points concernant votre programme présidentiel. Mais tout d'abord un thème que vous avez lancé ce week-end, la VIe République.
Marie-Ève Malouines
Vous avez relancé le terme ce week-end, on n'a pas très bien compris si vous voulez modifier la constitution dans la pratique ou dans les textes, et dans ce cas-là est-ce que ce serait véritablement un changement de régime ?
Ségolène Royal
La réponse à cette question est très claire puisque dans le Pacte présidentiel que j'ai proposé, il y a bien sûr des réformes en profondeur, y compris des textes. Comment voulez-vous...
Marie-Ève Malouines
Ça change la constitution complètement ?
Ségolène Royal
Comment voulez-vous modifier la constitution sans modifier les textes et uniquement dans la pratique ? Non. Cette réforme des institutions que la France attend pour se remettre en mouvement, il faut moderniser la France et faire en sorte qu'il n'y ait plus aucune intelligence qui soit gaspillée...
Frédéric Haziza
Mais la question est de savoir comment.
Ségolène Royal
Il faut donc que les institutions fonctionnent bien, se modernisent, prennent en considération les changements profonds auxquels nous sommes confrontés, pour avoir à la fois un État plus efficace, une démocratie plus vivante, ça c'est la réforme de la démocratie parlementaire, avec en particulier l'interdiction du cumul de mandats et la suppression du 49.3 pour que le Parlement puisse correctement et sereinement délibérer. C'est la démocratie participative, avec la création des jurys citoyens, le référendum d'initiative populaire, ça c'est pour que les citoyens...
Patrick Roger
On peut prendre tous ces points un par un, si vous le voulez bien, mais au préalable, vous avez parlé de réunir une assemblée constituante. Jack LANG, qui est un de vos proches, s'interroge lui-même sur la formule. Est-ce que vous pouvez lui préciser ce que vous entendez par là ?
Ségolène Royal
Je veux que la réforme des institutions soit travaillée et anticipée et que ce ne soit pas dans le secret des cabinets ministériels ou dans un cercle restreint...
Frédéric Haziza
Anticipés, c'est-à-dire au Parlement ?
Ségolène Royal
... ou dans un cercle restreint de juristes, que le texte du référendum soit élaboré. Je veux donc faire en sorte de consulter en amont, dans le cadre d'un comité constituant, on peut l'appeler ainsi, qui rassemblera des parlementaires, qui rassemblera aussi des élus locaux puisqu'il va y avoir dans cette réforme de l'État...
Patrick Roger
Un comité consultatif ?... Je vous pose la question.
Ségolène Royal
Oui, c'est un comité consultatif, bien évidemment. Mais c'est très important de changer la façon dont l'on gouverne. Et il ne vous a pas échappé que je l'ai déjà appliquée, cette nouvelle méthode de gouvernement dans le cadre de ma campagne électorale, puisque j'ai pris le temps d'écouter les Français. Et donc je crois qu'il faudra en effet consulter en amont pour bien décider ensuite. Et pour que l'autorité de l'État s'affirme bien, il faut avoir le sentiment que les décisions prises en amont sont justes. Donc je vais voir comment ce comité constituant sera composé, il y aura bien évidemment des parlementaires, je pense qu'il y aura des responsables, des exécutifs régionaux ou locaux, parce qu'il y a un volet très important d'une nouvelle étape de régionalisation et je souhaite mettre dans ce comité constituant des citoyens, qui seront tirés au sort sur les listes électorales, autrement dit...
Frédéric Haziza
C'est une forme de jury populaire.
Ségolène Royal
... autrement dit un jury citoyen national qui sera membre de ce comité constituant, de ce conseil, en effet, qui permettra ensuite au chef de l'État de définir le contenu du texte du référendum qui sera soumis au peuple français.
Ségolène Royal
Ça va durer combien de temps, cette consultation ?
Frédéric Haziza
... le texte soumis au référendum ?
Ségolène Royal
Non, il faut respecter les institutions. Celui qui élabore le référendum soumis au peuple français, c'est le président de la République, mais bien évidemment il s'entoure d'un certain nombre d'avis, de conseils, et je souhaite que cette façon de faire, qui renforce à la fois l'autorité du chef de l'État, parce que l'on sait qu'en amont il a pris le soin d'écouter et de consulter, pas seulement des spécialistes ou des experts, mais aussi des parlementaires, des élus, des élus de terrain et des citoyens, il sera donc éclairé dans sa décision pour que le texte soit le mieux adapté à la situation de la France et à la modernisation des institutions dont elle a besoin. Je veux que la France devienne un grand pays moderne où le dialogue fonctionne bien, où les intelligences collectives se mettent au service de l'intérêt général. C'est vrai dans le domaine de la démocratie sociale, dans le domaine de la démocratie parlementaire. Il y a quatre piliers : la démocratie territoriale et la démocratie participative.
Frédéric Haziza
Concernant cette réforme institutionnelle, cet éventuel changement de République, la consultation de votre conseil consultatif, je crois que vous l'appelez comme ça, ça a duré combien de temps ?
Ségolène Royal
Écoutez, on ne va pas là entrer dans le détail...
Frédéric Haziza
Le référendum que vous voulez organiser, ce serait un référendum que vous voudriez quand ?
Ségolène Royal
Il prendra le temps nécessaire et, vous savez, nous y travaillons déjà puisque j'ai une base de travail déjà tout à fait élaborée, avec les rapports de Jean-Pierre BEL et de Jean-Marc AYRAUD. Donc j'ai un travail déjà très approfondi sur toutes les questions, plus le rapport qui vient de m'être remis à nouveau par Jean-Pierre BEL, qui s'est appuyé sur le travail des élus locaux concernant la démocratie territoriale. Il y a donc déjà là un travail considérable et il y a des constitutionnalistes qui actuellement approfondissent un certain nombre de choses et je veux ensuite que ce débat soit totalement transparent et soit mis au débat public pour que le texte dont les Français auront à se saisir corresponde bien à la modernisation des institutions dont la France a besoin. Je crois qu'aujourd'hui la France est en panne, il y a un sentiment de déclassement, il y a un sentiment de sur-place, parce que nos institutions ne sont pas suffisamment modernes et je veux faire évoluer cette espèce de culture de l'affrontement vers une culture de la discussion et du compromis, pour que les intérêts des uns et les intérêts des autres, au lieu de s'affronter dans des logiques parfois destructrices, puissent au contraire, comment dirais-je, entrer en dialogue les unes avec les autres - tout n'est pas compatible mais justement il appartient ensuite à l'autorité de l'État de choisir, une fois que les gens ont bien discuté, de choisir ce qui correspond à l'intérêt général.
Marie-Ève Malouines
Concernant les jurys citoyens, par exemple, est-ce que ça veut dire que l'action du chef de l'État serait évaluée par une forme de jury citoyen, régulièrement, comment ça se passerait ?
Ségolène Royal
La démocratie participative sera mise en mouvement à tous les niveaux de l'exercice de la responsabilité politique. Je suis la seule candidate à avoir fait depuis longtemps le constat de la crise démocratique. Les citoyens qui s'éloignent des urnes, qui s'abstiennent, qui se réfugient vers des votes contestataires, qui doutent dans l'efficacité de la politique. Et donc c'est parce que j'ai pris le temps de cette réflexion, que j'ai moi-même mis en application sur le territoire régional dont j'ai la charge la démocratie participative, d'ailleurs les résultats sont là puisqu'il y a eu des enquêtes auprès des habitants de la région, alors que d'habitude la région est une institution très éloignée des gens, on voit que les gens ont parfaitement compris quelles étaient les actions de la région et les plébiscitent largement. Je crois, moi, dans l'intelligence des citoyens et je pense que la France a besoin de ces intelligences collectives pour avancer, puisque nous avons des crises profondes, crises morales, crises sociales, crises économiques, crises institutionnelles, et donc c'est tout le peuple français qu'il faut mettre en mouvement, en tout cas tous ceux qui veulent participer aux décisions qui les concernent.
Frédéric Haziza
Mais vous avez entendu ce qu'a dit Nicolas SARKOZY à propos de vos jurys citoyens, il a dit : « Ségolène Royal veut sans doute installer des jurys populaires qui ressembleraient à des soviets ».
Ségolène Royal
Ça en dit long sur la façon dont lui-même exerce son mandat local. Cela veut dire donc qu'il ne consulte pas ses habitants. D'ailleurs le résultat est là puisque c'est un des rares maires de France qui ne respecte pas la loi sur la construction des logements sociaux. Je crois que s'il consultait sa population, cette population-là, ces habitants lui diraient : monsieur le maire, commencez par respecter la loi républicaine, vous qui êtes chargé non seulement de l'élaborer, mais de la faire appliquer. C'est très choquant et je crois en effet qu'il y a plusieurs catégories d'élus. Ceux qui ont compris qu'en associant les populations aux décisions qui les concernaient, c'était un plus, ça n'était pas une mise en cause des élus, c'était une façon de tirer la sonnette d'alarme au bon moment, lorsque les décisions qui sont annoncées ne rentrent pas suffisamment vite en application. Et c'est très intéressant, c'est très judicieux. Moi quand je fais des jurys de lycéens dans les lycées pour vérifier que ce que je décide est bien appliqué sur le territoire et que les décisions sont bien allées jusqu'au bout du cheminement et ne se sont pas arrêtées en chemin. C'est très utile quand on tire la sonnette d'alarme, ou par exemple dans les structures de la petite enfance, lorsque l'on annonce des places de crèche et qu'au bout d'un an ou deux on ne les voit pas sur le terrain. C'est très utile s'il y avait des associations de citoyens qui disent : voilà, vous aviez dit telle chose, nous on n'en voit pas la couleur sur le territoire. Ça met les élus devant leurs responsabilités et surtout ça fait remonter l'information du terrain, et enfin ça oblige à changer les formes de décision politique. Et donc c'est tout simplement la recherche de l'efficacité.
Patrick Roger
Parlons des élus et des élections. Dimanche vous n'avez pas abordé la question du mode de scrutin aux élections législatives. Etes-vous toujours favorable à l'introduction d'une dose de proportionnelle aux élections législatives ?
Ségolène Royal
Oui, c'est d'ailleurs bien indiqué dans...
Patrick Roger
Et à quel niveau ?
Ségolène Royal
... dans la partie « réformes institutionnelles » du Pacte présidentiel. Pourquoi est-ce que d'ailleurs je parle de pacte et pas de programme...
Patrick Roger
À quel niveau ?
Ségolène Royal
... ou de projet ? Parce qu'il a été construit avec les Français, ce Pacte présidentiel, il y a plus de 3 millions de personnes qui sont venues dans les débats ou sur le site. Donc il y aura...
Frédéric Haziza
Quelle dose de proportionnelle ?
Ségolène Royal
La dose de proportionnelle sera discutée dans le cadre de la réforme des institutions. À ce stade...
Frédéric Haziza
Oui mais le projet du PS ?
Ségolène Royal
Je suis candidate à l'élection présidentielle, donc à ce stade je mets sur la table, je rends publiques les grandes orientations des réformes institutionnelles et des autres réformes que j'entends mettre en place. Il y aura donc une dose de proportionnelle. À quel niveau ? Nous en discuterons. Mais elle sera significative.
Patrick Roger
Le projet du Parti socialiste fixait un niveau, il parlait de 120 députés ?
Ségolène Royal
Le Pacte présidentiel ne fixe pas de niveau...
Patrick Roger
Et Jean-Pierre BEL vous a fait des propositions également ?
Ségolène Royal
Jean-Pierre BEL a fait des propositions. Ces propositions vont être examinées, vont être débattues, vont être discutées dans le cadre du comité que j'évoquais tout à l'heure.
Frédéric Haziza
Alors il y a aussi les propositions des enseignants. Le choix des enseignants, madame ROYAL, est l'une des énigmes de cette campagne. Un reportage de Amandine ATALAYA et Julien WINTENBERGER qui se sont promenés parmi les professeurs du collège MICHELET du 19e arrondissement de la capitale.
REPORTAGE
Journaliste
Discussion animée salle des professeurs. Même à la pause déjeuner, la présidentielle fait débat. On représente souvent les professeurs comme votant à gauche. À tort, cette année les voilà hésitants.
Frédéric Garrigues , professeur d'histoire-géographie
Je crois que les enseignants sont ancrés sur des positions politiques traditionnelles qui voulaient que les enseignements soient majoritairement à gauche. Se répartit sur tout l'éventail politique, avec effectivement une petite tendance plutôt à gauche qu'à droite, mais il y a un rééquilibrage que l'on constate depuis 2002.
Journaliste
Et chose nouvelle, le bulletin François BAYROU en tente plus d'un cette année. Comme beaucoup, le principal garde le souvenir d'un ministre de l'Éducation nationale consensuel. Aujourd'hui il sent un intérêt croissant pour sa candidature.
Frédéric Garrigues
Elle prend un certain écho, c'est une évidence.
Journaliste
La plupart ici voteront tout de même Ségolène Royal, mais par défaut. C'est le choix du moindre mal, explique ce jeune professeur. Il attendait beaucoup de la gauche, elle le déçoit.
Martin COLAS, professeur d'histoire-géographie
Que l'ancien RPR ou UMP fasse des choses, on va dire négatives pour les professeurs, c'est normal, si je puis dire, donc on peut toujours contester mais ça nous paraît logique. On sera beaucoup plus en colère si ça vient de la gauche.
Journaliste
La proposition de la candidate au début de la campagne d'obliger les professeurs à rester 35 heures à l'intérieur du collège est mal passée. Martin ne comprend d'ailleurs pas où ses collègues d'histoire-géographie et lui pourraient bien travailler. Voici leur local.
Sylvie SAFAR, professeur d'histoire-géographie
Un peu de matériel informatique, on attend toujours la connexion Internet, mais ça n'est pas encore câblé jusqu'ici.
Journaliste
Les conditions de travail, voici leur préoccupation numéro un.
Sylvie SAFAR
Voyez, entre le bureau de la principale adjointe et le bureau du principal, vous avez cet espace pour pouvoir accueillir les parents.
Journaliste
Alors lorsque l'on évoque les promesses de la candidate du PS...
Sylvie SAFAR
Il faudrait aussi qu'on prenne le porte-avion et aussi il faudra supprimer le nucléaire. Il faudrait, il faudrait... Si on écoute tout ce que madame ROYAL dit, hein, on a du souci à se faire.
Journaliste
À un mois des élections, les voilà donc dubitatifs. En tout cas le vote de gauche n'est plus automatique et dans la salle des professeurs les sensibilités n'ont pas fini de s'affronter.
Fin du reportage
Frédéric Haziza
Comment expliquez-vous cette méfiance des enseignants ou défiance, je ne sais pas, à votre égard ?
Ségolène Royal
Écoutez, d'abord c'est pas uniquement à partir d'un reportage qu'on peut généraliser une méfiance ou une défiance. Moi je voudrais dire aux enseignants qu'ils sont des citoyens et qu'ils ont le droit à la liberté de vote comme tous les autres. Pourquoi voulez-vous qu'il y ait tout de suite des interprétations sur le vote de enseignants ?
Frédéric Haziza
On dit qu'ils votent BAYROU cette année.
Ségolène Royal
Écoutez, on va voir, le vote n'a pas encore eu lieu.
Patrick Roger
C'était un vote traditionnellement acquis à la gauche... Majoritairement.
Ségolène Royal
Aucun vote n'est traditionnellement acquis et aujourd'hui moins que jamais. Les enseignants sont exigeants et ils ont raison de l'être. Et au moment de l'heure de vérité, c'est-à-dire au moment où il faut glisser son bulletin dans l'urne, ce qu'il faudra faire, les uns et les autres, c'est de comparer les politiques des uns et les politiques des autres. Ce qui s'est passé depuis cinq années dans l'Éducation nationale, avec 125 000 emplois en moins, emplois toutes catégories confondues. Ce qui se passe à la prochaine rentrée scolaire, y compris dans des zones qui sont durement frappées par le chômage, où il y a des suppressions d'emplois et des fermetures de classes. Ça ce sont des décisions inadmissibles. Et les enseignants savent bien que pour la gauche, et en tout cas c'est mon engagement aussi, c'est que l'éducation est au coeur de mon projet présidentiel, parce que je crois que tout repart à partir de l'éducation. Quant à la polémique sur les 35 heures, elle n'a jamais fait partie de mes propositions, c'est une...
Marie-Ève Malouines
C'est un malentendu ?
Ségolène Royal
Attendez, c'est une vidéo tronquée qui, comme par hasard, réapparaît là dans les dernières semaines de campagne électorale, et je trouve le procédé totalement scandaleux...
Frédéric Haziza
Mais c'est un procédé au départ interne au PS.
Ségolène Royal
C'est un procédé scandaleux qui a été en effet diffusé par les autres partis politiques aussi sur tous les sites Internet des enseignants. C'est une vidéo tronquée, et donc je tiens à redire ici qu'il est inadmissible, comme cela vient d'être fait dans votre sujet, de présenter cela comme une proposition que j'ai faite...
Marie-Ève Malouines
Alors quelle est exactement votre proposition là-dessus, parce que vous avez quand même idée de ce qu'il faudrait revoir...
Ségolène Royal
J'ai dit que se posait un problème de qualité de travail et de présence des enseignants dans les établissements. Et d'ailleurs, l'enseignant que vous avez interrogé juste ensuite n'a pas dit autre chose lorsqu'elle a montré les locaux. Et j'ai dit très clairement...
Frédéric Haziza
Manque de moyens.
Ségolène Royal
Et j'ai dit très clairement que pour que les enseignants puissent rester plus longtemps dans les établissements scolaires, y compris pour faire leur lourd travail de préparation des cours et de correction des copies, il fallait au préalable leur donner des locaux suffisants, des bureaux, des secrétariats, des moyens informatiques. Et c'est ce que je demanderai désormais lorsqu'il y aura des rénovations de collèges et de lycées, c'est ce que je fais d'ailleurs concrètement dans ma région, chaque fois qu'il y a une rénovation de lycée, je prévois des bureaux, des matériels informatiques et je veux aller plus loin en donnant des secrétariats aux enseignants, le secrétariat collectif, pour qu'ils puissent travailler dans de bonnes conditions...
Marie-Ève Malouines
Mais l'État l'impulsera parce que c'est les régions et les départements qui le font maintenant.
Ségolène Royal
Attendez, laissez-moi parler, parce que c'est quand même suffisamment grave et comme j'entends reprendre cette polémique, qui s'était calmée puisque j'avais eu l'occasion de refaire le point et comme par hasard elle ressort à quelques semaines du premier tour de l'élection présidentielle, je tiens à mettre les points sur les « i ». Le débat avait lieu dans le cadre d'un débat informel, d'un brain storming informel, dans une réunion qui n'était pas filmée. Elle a été tronquée, c'est-à-dire qu'on a ressorti seulement une phrase me faisant dire que je voulais exiger que les enseignants restent 35 heures dans l'établissement. Ceci est faux, est inexact. Ce qui fait foi, c'est ce qui est dans le Pacte présidentiel. Qu'est-ce que je dis, dans ce pacte ? C'est que premièrement l'éducation redeviendra la priorité et les enseignants savent que sur cette question ils peuvent comparer les politiques de droite et les politiques de gauche et ils savent que ce sont les gouvernements de gauche qui ont rendu et qui ont augmenté les moyens donnés à l'Éducation nationale. Deuxièmement, ce que je leur dis, c'est qu'au plus haut niveau du chef de l'État et de la présidence de la République, il y aura l'affirmation de la reconnaissance du métier d'enseignant...
Frédéric Haziza
De quelle manière ?
Ségolène Royal
Car ce dont ils souffrent aujourd'hui, c'est un sentiment de déclassement. Ils ont l'impression d'être concurrencés par une foultitude d'informations périphériques, Internet, la télévision, et donc ils ne savent plus si la nation, la République, accordent autant d'importance à leur métier. Je leur dis oui, le creuset de la République est là, et il est uniquement là. Et dans tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés, la question du lien social dans les banlieues, la question de la désertification rurale, la question de la préparation des jeunes à leurs futurs emplois, la question de la lutte contre les inégalités sociales, la question de l'articulation avec les familles, l'articulation aussi de la prévention de la délinquance. C'est par l'éducation que l'on pourra le mieux répondre à l'ensemble de ces défis. Mais je leur dis aussi qu'ils ne seront pas seuls, et en particulier lorsque la droite a supprimé tous les aides éducateurs, la droite a supprimé les contrats éducatifs locaux, la droite a supprimé la police de proximité et donc souvent la délinquance fait irruption dans l'établissement scolaire, parce que les services publics sont à la périphérie de l'école et qu'ils permettent justement à l'école d'être ce lieu sanctuarisé, apaisé, à l'abri des tensions et des problèmes extérieurs. Aujourd'hui ça n'est plus le cas. Eh bien moi je rendrai à l'école son exigence d'harmonie et de lieu paisible, parce que je remettrai du service public à la périphérie de l'école pour prendre en charge les problèmes qui n'ont pas à retomber sur les enseignants...
Frédéric Haziza
Ça passera par une augmentation du budget de l'Éducation nationale ?
Ségolène Royal
Je rendrai, dès la rentrée prochaine, les moyens aux écoles qui viennent d'être annoncés... dont les suppressions viennent d'être annoncées maintenant, c'est-à-dire déstabilisant un peu plus le système scolaire. Et ce que je voudrais dire aussi solennellement aux enseignants, c'est que le ministre de l'Éducation nationale que je choisirai aura comme instruction de cesser d'accabler l'école par une accumulation de réformes, simplement pour y attacher son nom, des réformes qui s'empilent les unes sur les autres avant même qu'elles n'aient le temps d'entrer en application, c'est ce qui se passe encore aujourd'hui, avec les décrets ROBIEN sur la bivalence, alors même que les réformes antérieures ne sont toujours pas appliquées. Le décret ROBIEN sera retiré et les principales actions que je mettrai(s) en place, c'est la remise à niveau des moyens d'un côté et le droit à l'expérimentation pédagogique de l'autre, sans subir les contrôles tatillons.
Marie-Ève Malouines
Pas de réforme mais des moyens ?
Ségolène Royal
Pas de réformes inutiles et supplémentaires avant de faire l'état des lieux des réformes précédentes, de celles qui marchent, de celles qui sont utiles, de celles qui ne marchent pas et de celles qui ne sont pas appliquées. Il n'y aura donc pas de réforme nouvelle avant que les moyens ne soient remis à disposition des établissements scolaires et en particulier aussi tous les moyens pour lutter contre la violence à l'école, où là il faudra mettre en place des nouveaux moyens et des nouveaux métiers, notamment à la périphérie de l'école. Et deuxièmement, avant que l'on puisse libérer les initiatives pédagogiques et le droit à l'expérimentation des équipes pédagogiques, et les établissements scolaires qui voudront mettre en place des actions par équipes, parce que c'est la principale demande, c'est : donnez-nous des moyens horaires, des heures, pour pouvoir travailler en équipes, parce que c'est comme cela que l'on peut échanger nos savoir-faire et c'est comme cela que l'on peut le mieux faire réussir les élèves.
Patrick Roger
Est-ce que le ministre de l'Éducation que vous nommerez aura pour instruction de revoir la carte scolaire ?
Ségolène Royal
Ça n'est pas la principale priorité ni la principale préoccupation. Vous l'avez noté, dans le cadre de ce que je viens de dire, les priorités sont celles que je viens d'indiquer. La question de la carte scolaire qui est celle de la mixité scolaire, c'est-à-dire des enseignants qui souffrent d'être dans des établissements qu'ils qualifient eux-mêmes de ghettos scolaires, se pose donc en effet le problème de la mixité scolaire. Nous mettrons le temps de l'année scolaire - je l'ai déjà dit - pour poser très clairement les problèmes qui se posent aux établissements scolaires, aux équipes pédagogiques, mais surtout aussi, comme me l'ont dit les enseignants, pour bien affirmer l'idée que la mixité scolaire se traduit aussi dans la mixité urbaine. C'est parce qu'on a laissé faire aussi des ghettos urbains qu'un certain nombre d'écoles se sont retrouvées dans des situations de ghettos scolaires. Mais en même temps ça permettra aussi de donner beaucoup plus aux écoles qui en ont le plus besoin. Aujourd'hui, dans certaines zones d'éducation prioritaire, l'écart des moyens n'est pas suffisant. Il est beaucoup trop faible. Et donc il va falloir mettre le paquet, si j'ose dire, sur les établissements scolaires pour qu'ils aient les moyens de mettre en place des pédagogies par projet, pour que les enseignants qui y travaillent ne soient pas freinés par un certain nombre de manques de moyens matériels et de manques en terme de dotations horaires pour travailler en équipes, comme je l'ai dit tout à l'heure, et qu'il y ait aussi, sur la base du volontariat avec des rémunérations supérieures, donner aux enseignants qui travaillent dans les endroits les plus difficiles. Moi je veux donner plus aux établissements qui en ont le plus besoin et là où le travail quotidien des enseignants est le plus difficile.
Frédéric Haziza
Alors on va abandonner les enseignants et on va voir qu'il n'y a pas que chez les enseignants, madame ROYAL, que vous ne faites pas l'unanimité. Marie-George BUFFET, la candidate du Parti communiste, semble...
Ségolène Royal
Heureusement que je ne fais pas l'unanimité partout...
Frédéric Haziza
On va voir ce qu'elle dit de vous. Elle semble douter de ce qu'elle a appelé votre capacité...
Ségolène Royal
Sinon il n'y aurait même pas de débat politique.
Frédéric Haziza
... à changer la vie des Français, et puis on essaye de débattre ensuite avec vous.
Marie-George BUFFET
Aujourd'hui il faut avoir la lucidité de voir la gravité du danger. La candidate qui semble susceptible de représenter toute la gauche au second tour ne propose pas à notre peuple un projet qui change vraiment la vie. Elle ne permet donc pas que la gauche, dans sa diversité, se rassemble face à la droite, elle désoriente profondément le peuple de gauche. La droite n'a pas gagné. Qui aujourd'hui a vraiment tranché ce qu'il votera le 22 avril ? Sinon toutes celles et ceux qui veulent forcer la main des électeurs et électrices au nom d'un soi-disant vote utile. Le vote utile, c'est d'abord le vote utile à vous-même, à votre famille, à vos proches. Le vote utile, c'est le vote qui répond à vos attentes, le vote qui porte votre espoir d'un véritable changement en France. Le vote utile à gauche, c'est le vote qui sort de la spirale des échecs et des renoncements pour mettre en avant les valeurs de justice sociale, d'égalité et de solidarité.
Marie-Ève Malouines
Alors comment est-ce que vous prenez ces propos de Marie-George BUFFET, qui sont un peu agressifs pour vous, en disant que vous n'êtes pas assez à gauche, finalement ?
Ségolène Royal
Écoutez, moi je suis mon chemin, c'est-à-dire que je veux à la fois une France juste et une France forte. J'ai entendu le désespoir des Français, leurs inquiétudes...
Frédéric Haziza
C'est votre nouveau slogan « une France juste et une France forte » ?
Ségolène Royal
Je crois qu'on ne fait pas de la politique par slogans, mais par valeurs. Et ma conviction profonde, c'est que lorsque la France est plus juste, elle est aussi plus forte. Et qu'on ne peut pas aujourd'hui faire de l'efficacité économique sans lutter aussi contre toutes les formes de précarité. Et moi mon projet s'oppose à celui de la droite. Il s'oppose à celui de la droite parce qu'il n'est pas fondé sur les mêmes valeurs. Je le vois dans le projet de Nicolas SARKOZY, il propose de généraliser le CNE, les précarité, il pense que c'est comme cela que l'on va pouvoir lutter pour la productivité des entreprises. Moi je crois tout le contraire, je crois que l'efficacité économique, qui est quand même aujourd'hui un des ressorts pour remettre la France en mouvement, parce que c'est en débloquant la machine économique que l'on pourra aussi distribuer des salaires et créer à nouveau des emplois, et c'est cela aujourd'hui qui ne va pas en France. Il va falloir donc réinvestir dans la recherche, qui a été dramatiquement sacrifiée, dans l'innovation, dans la qualité des relations sociales...
Marie-Ève Malouines
On va parler de Nicolas SARKOZY tout à l'heure. Mais là on voudrait parler un peu de la gauche parce que le problème qui se pose, c'est des sondages mais quand même, la gauche n'a jamais été aussi faible globalement. C'est quand même un peu inquiétant pour vous, parce que vous arrivez au premier tour et comment vous faites pour le deuxième, comment vous faites pour vous rassembler avec Marie-George BUFFET qui a des propos assez distants de vous ?
Ségolène Royal
On verra, c'est le déroulement de la campagne électorale.
Marie-Ève Malouines
Ça ne vous inquiète pas du tout de voir la gauche si faible ?
Ségolène Royal
Je ne fais pas de polémique avec les autres candidats de gauche. Moi, mon adversaire, il est clair. Mon adversaire c'est le candidat sortant, parce que je crois qu'il nous laisse une France en très mauvais état, chacun en fait le constat et il est comptable, il est responsable de ce bilan, et notamment du profond endettement de la France, du déficit du commerce extérieur, de la machine économique en panne, du creusement des inégalités et des précarités, la question des cités ou des banlieues, où il ne peut même pas se rendre, où ce problème n'est pas réglé, où ça peut repartir à tout moment, on vient de le voir, le désengagement sur les services publics, et notamment dans le domaine de l'Éducation nationale, la santé aussi, où la situation va mal. Et en même temps... et en même temps, ce que je veux dire aux Français, parce que je ne veux pas leur tenir non plus un discours misérabiliste...
Frédéric Haziza
On essaye de vous poser quand même quelques questions...
Ségolène Royal
Oui, misérabiliste... Oui, mais on est dans une élection présidentielle. Et ce que je crois c'est que les Français ils ont besoin maintenant de comprendre la cohérence des projets. Et ça n'est pas ceux qui se mettent telle ou telle étiquette qui sont le plus forcément à gauche ou à droite. Les Français en ont assez justement de l'instrumentalisation des étiquettes politiques. Ce qu'ils veulent, c'est la politique par la preuve. Comment la politique par la preuve ? D'abord il faut qu'ils regardent pour chaque candidat, ce que chaque candidat a fait dans son expérience passée par rapport aux responsabilités qu'il a exercées. Moi je peux dire, la tête haute, que chaque fois que j'ai eu des responsabilités publiques, que ce soit dans les ministères, éducation, famille, environnement, que j'ai profondément réformés, que je suis allée de l'avant, que j'ai affronté les lobbies et les rapports de force de toutes sortes, que j'ai fait prévaloir l'intérêt général, que j'ai accompli des réformes en profondeur, je peux dire aujourd'hui aussi, à la tête de la région Poitou-Charentes que j'ai montré que j'étais capable à la fois de faire baisser le chômage, de réduire l'endettement, sans augmenter les impôts et en mettant en place des actions nouvelles. Donc il va falloir aussi que chaque candidat puisse dire ce qu'il a fait et comment il a géré le pouvoir public dont il a été dépositaire à un moment... En ce qui concerne les deux autres candidats, leur bilan il faudra aussi que vous le fassiez.
Frédéric Haziza
Oui mais également d'autres candidats à gauche.
Ségolène Royal
Parce que c'est trop facile les discours et les écarts entre les discours et les actes.
Marie-Ève Malouines
Revenons quand même sur la gauche, permettez-moi d'insister. Vous dites : mon adversaire c'est Nicolas SARKOZY et François BAYROU. Lionel JOSPIN aussi en 2002 disait : mon adversaire c'est Jacques CHIRAC. Et puis finalement il n'a pas été au second tour, pourquoi, parce que la gauche avait énormément de candidats. Et vous avez un peu ce problème quand même cette année, c'est qu'il y a énormément de candidats à gauche. Alors comment vous faites pour les concilier, ou au moins leur électorat ?
Ségolène Royal
D'abord je voudrais rectifier ce que vous venez de dire. Bien sûr j'ai des adversaires, mais je suis aussi en bataille politique de façon positive, c'est-à-dire autour d'un pacte présidentiel, d'un projet. Je suis en bataille pour un dépassement, pour que la France ait vraiment ce qu'elle mérite, pour qu'elle puisse saisir toutes ses chances. Et c'est là-dessus, sur les nouvelles règles du jeu, sur les nouvelles valeurs et sur les propositions concrètes que je propose aux Français, y compris donc sur l'évaluation de mes actions passées, que j'entends être évaluée, être jugée, être choisie et mériter ce vote. Alors maintenant j'en viens à votre question. Il y a en effet une grande dispersion des candidats de gauche au premier tour...
Frédéric Haziza
Une trop grande dispersion ?
Ségolène Royal
Pas trop grande puisque c'est leur liberté d'être candidats et à partir du moment où ils ont eu les parrainages. Mais en effet, il y a un risque de dispersion au premier tour, c'est vrai... Et c'est pourquoi...
Frédéric Haziza
Risque d'un nouveau 21 avril ?
Ségolène Royal
Ça n'est pas écarté, bien évidemment, compte tenu de cette dispersion qui est plus forte à gauche qu'à droite, et comme l'électorat de gauche souvent est très exigeant, c'est vrai, donc cette campagne, il y a encore plusieurs semaines pour convaincre. Et donc tout dépend de ma force de conviction, de ceux qui sur le terrain avec moi se battent pour faire comprendre que la France a besoin d'un réel changement, mais aussi d'un changement réaliste au sens où il sera effectivement concrétisé et mis en application. C'est aussi la crédibilité d'un projet. Il ne s'agit pas de s'autoproclamer de gauche, il faut aussi que les citoyens aient la conviction que ce qui est proposé, et c'est cela le sens de mon engagement, sera effectivement et rapidement réalisé, c'est-à-dire faire réduire les inégalités et les précarités et en même temps agir pour la compétitivité des entreprises dans un pays qui est en panne sur le plan économique. Et moi c'est ce dépassement-là, très neuf, que je veux réaliser et tenir bon sur un certain nombre de valeurs et sur le lien social. Et en même temps regarder la réalité en face, telle qu'elle est. Et avant devenir vous voir j'étais avec un groupe de chefs d'entreprises qui me font confiance et qui disent : en effet il est temps de réconcilier la France avec les entreprises pour que l'envie de créer, l'envie de prendre des risques, l'envie de conquérir des marchés soit conciliable avec la hausse des bas salaires, la formation professionnelle et la sécurisation au travail.
Frédéric Haziza
Qu'est-ce que vous répondez aux électeurs de gauche qui disent aujourd'hui : le vote utile pour battre Nicolas SARKOZY, c'est plus BAYROU que ROYAL ?
Ségolène Royal
Je leur dis qu'ils se trompent, dans la mesure où ces deux candidats sont des candidats de droite. En plus, il y en a un qui n'a pas de programme et qui s'en vante...
Frédéric Haziza
C'est ?
Ségolène Royal
Eh bien c'est François BAYROU. Il le dit sur toutes les chaînes de télévision : je n'ai pas de programme et je m'en vante puisqu'on n'est pas élu sur un programme. Donc c'est quand même aussi tromper, d'une certaine façon, les électeurs que de ne pas dire à l'avance ce qui sera fait. Donc c'est une exigence aussi de transparence, de vérité et de réalisme...
Frédéric Haziza
Et sur l'autre candidat ?
Ségolène Royal
L'autre candidat est le candidat qui va prolonger la politique sortante. Il fait un certain nombre de propositions nouvelles, il y a donc une confrontation des projets, des valeurs, des points de vue, du regard que l'on porte sur la France, sur son potentiel, sur ses capacités. Il a échoué dans ses responsabilités ministérielles, ça c'est la réalité. Comment peut-il prétendre demain réussir à un autre niveau de responsabilités, mais il faut que ce débat-là ait lieu en respect des personnes pour que les électeurs puissent choisir dans quelle France ils veulent vivre demain.
Frédéric Haziza
On va voir justement ce que pense cet autre candidat de vous, madame ROYAL, Nicolas SARKOZY.
Nicolas SARKOZY
À l'arrivée les Français vont choisir. Et ils vont choisir sur une stratégie claire. Madame ROYAL, qu'est-ce qu'elle veut ? Elle veut revenir à la politique socialiste de l'époque JOSPIN. C'est son droit le plus absolu. Moi je propose une stratégie de changement pour la France.
Marie-Ève Malouines
Alors Nicolas SARKOZY a reçu aujourd'hui le soutien de Jacques CHIRAC. Qu'est-ce que vous en pensez, est-ce que vous pensez que c'est un appui de poids et déterminant dans cette campagne ?
Frédéric Haziza
Et pour être précis, madame ROYAL...
Ségolène Royal
Mais je n'en ai jamais douté.
Marie-Ève Malouines
De l'appui de CHIRAC ?
Ségolène Royal
Oui, que l'UMP soutienne l'UMP, oui, ça me paraît... ça me paraît cohérent. Ce qui est plus surprenant c'est que ça vous surprenne.
Frédéric Haziza
Non mais Jacques CHIRAC dit : je soutiens Nicolas SARKOZY et je lui accorde mon vote et mon soutien.
Ségolène Royal
Oui.
Frédéric Haziza
Pour vous c'est chaleureux, c'est pas excessivement chaleureux ou pas ?
Ségolène Royal
Mais c'est la continuité de la politique de la droite telle qu'elle est conduite. Donc effectivement Nicolas SARKOZY, et c'en est la preuve, même s'il s'en défend, est le candidat sortant de la majorité sortante.
Marie-Ève Malouines
Et donc il est comptable du bilan du gouvernement VILLEPIN ?
Ségolène Royal
Évidemment. Il fait partie de ce gouvernement depuis le départ, il y a exercé des fonctions éminentes et donc bien sûr il est responsable. Et heureusement, c'est la démocratie, on est responsable de ses actes. C'est la politique par la preuve. Donc il est responsable du constat lui-même catastrophiste qu'il fait de la situation de la France. Voilà. Le niveau de la dette, c'est quand même un des résultats de la politique de ce gouvernement. Le déficit des comptes sociaux aussi, la machine économique en panne encore, la montée des précarités aussi, les problèmes de sécurité qui ne sont pas résolus, les projets dans les banlieues où le feu couve encore sous la cendre, les retraits des moyens au service public, comme je l'ai dit tout à l'heure. Oui, tout cela c'est le bilan de la politique de la droite et c'est le bilan de Nicolas SARKOZY. Donc il faut qu'il l'assume, ça c'est une question de vérité et de responsabilité politique, c'est le coeur même de la démocratie, que lorsqu'on a exercé pendant cinq ans des responsabilités, on ait quand même le courage d'en assumer le bilan.
Frédéric Haziza
Alors vous vous dites c'est l'héritier de Jacques CHIRAC, en gros. Il vous dit : vous êtes l'héritière des années JOSPIN.
Ségolène Royal
Je ne crois pas.
Frédéric Haziza
Non ?
Ségolène Royal
Je ne crois pas puisque je vous ai dit le contraire tout à l'heure, au sens où j'assume les valeurs au nom desquelles nous avons agi, mais j'ai dit aussi que la France a changé, que le monde a bougé, que la politique a changé. Donc je regarde vers l'avenir et l'avenir c'est une France qui a changé en cinq ans. Donc je ne suis ni dans le reniement, comme vous voudriez me le faire dire...
Frédéric Haziza
Mais non...
Ségolène Royal
Ni dans la répétition des années du passé puisque les conditions actuelles de la France ont changé. Donc ce que je veux c'est inventer les années qui viennent...
Patrick Roger
Et Lionel JOSPIN et le PS ne l'avaient pas vu changer.
Ségolène Royal
Et inventer et... Attendez, les élections présidentielles arrivent, c'est moi qui ai été désignée, par 60 % des militants. Donc le Parti socialiste a adhéré à cette nouvelle façon de faire et à cette nouvelle façon d'assumer la politique et de dépasser les dogmes et d'inventer les nouvelles solutions qui vont correspondre à la façon...
Patrick Roger
Dépasser les dogmes, est-ce que ce n'est pas aussi dépasser des clivages anciens, à ce moment-là ?
Ségolène Royal
Oui bien sûr, dépasser des clivages anciens, bien sûr.
Patrick Roger
Justement pour arriver à une majorité au second tour, 50 %, qu'à l'heure actuelle, si l'on en croit les intentions de vote, la gauche, les deux gauches à elles seules ne sont pas à même de réunir ?
Ségolène Royal
Mais c'est juste.
Patrick Roger
Donc vous êtes prête à élargir au second tour, à vous tourner...
Ségolène Royal
Évidemment, c'est la nature même de l'élection présidentielle.
Patrick Roger
À vous tourner vers de nouveaux partenaires ?
Ségolène Royal
Mais il ne s'agit pas de négocier entre partenaires, à ce stade, puisque l'élection présidentielle c'est un lien direct entre le pays et une personnalité politique, appuyé sur au départ le soutien de partis politiques. Moi j'ai cette chance d'avoir franchi toutes ces étapes. Et donc aujourd'hui se noue le dialogue direct avec le pays pour ensuite, effectivement, élargir dans le cadre d'une majorité présidentielle, le plus grand nombre de Français qui se reconnaîtront dans cette vision d'une France qui veut se relever.
Patrick Roger
Oui mais si BAYROU et SARKOZY c'est blanc bonnet et bonnet blanc, où trouvez-vous votre majorité présidentielle ?
Ségolène Royal
Ils ne sont pas propriétaires de leurs électeurs. La preuve, c'est qu'il y a aujourd'hui une grande volatilité de l'électorat. C'est ça qui est nouveau. C'est ça qui a profondément changé. On ne peut donc pas plaquer des raisonnements arithmétiques comme il y a quelques années, c'est fini. C'est fini. Et aujourd'hui chaque électeur est extrêmement exigeant. Les électeurs refusent d'être mis dans des cases. Ils n'en veulent plus de ces cases. Et là ça fait un certain nombre d'années que je l'ai compris. C'est pourquoi j'ai lancé cette démarche participative, pour comprendre vraiment ce que les gens ne voulaient plus et ce qu'ils voulaient. Donc moi je suis dans un dépassement, à partir bien sûr de mon identité de gauche, à partir bien sûr du parti qui me porte, mais je suis dans une logique de dépassement parce que je crois qu'il faut impérativement répondre à la crise démocratique, en apportant des réponses nouvelles. Et en quoi ces réponses nouvelles restent de gauche, profondément de gauche ? C'est parce que je crois que face aux insécurités qui sont subies, autant pour le territoire national qu'à l'échelle du monde, qu'à l'échelle de la planète, nous devons absolument inventer les sécurités nouvelles qui permettront aux Français de retrouver ou de trouver tout simplement le goût du risque, l'esprit d'entreprendre, la confiance dans leur avenir, le désir d'avenir. Je le dis souvent et donc si chacun est dans une posture positive à l'égard de l'avenir, à ce moment-là la France réussira à nouveau à se remettre en marche, et pas comme le fait la droite en opposant les Français les uns contre les autres. C'est ça la différence profonde entre les deux.
Marie-Ève Malouines
Votre démarche, c'est-à-dire que ça dépasse les structures partisanes et partis politiques, c'est directement auprès des citoyens, donc ça veut dire que les partis qu'il y a actuellement seraient amenés à bouger, à se recomposer en cas de victoire à la présidentielle ?
Ségolène Royal
Mais il y aura forcément des mutations des partis politiques. Déjà là, le Parti socialiste est en mutation. Il y a eu cette masse de nouveaux adhérents qui sont arrivés, il y a eu un effort considérable pour changer les méthodes de la campagne électorale, il y a une volonté de regarder la réalité telle qu'elle est. Je dis le socialiste du 21e siècle, la réalité des choses, comment est-ce qu'on pouvait à nouveau réinventer des convergences intelligentes entre les intérêts des uns et ceux des autres, comment est-ce qu'on peut stopper ce système ou quelques-uns s'enrichissent aux dépens du plus grand nombre, où il y a une angoisse montante, où il y a toutes les formes de violence et de brutalité, et en même temps où il y a des talents exceptionnels qui sont gaspillés. Et je le sais, en tant que présidente de région, je le vois avec mes collègues, il y a du potentiel considérable, il y a des gens qui sont désespérés de ne pas pouvoir déployer leur énergie au niveau du territoire national et de la création de richesses. Je veux que la France recommence à créer des richesses, des activités, et que les entrepreneurs aient confiance dans leur pays. Et moi je veux leur donner les moyens à la fois de l'agilité mais aussi le sens de la responsabilité à l'égard des territoires. Et je sais qu'ils y sont prêts et que les syndicats de salariés, les représentants de salariés peuvent contribuer puissamment à relever la France et à la moderniser. C'est ça le message de confiance que je veux donner, je crois que c'est dans une nouvelle harmonie et dans un respect mutuel, dans cette République du respect que j'appelle de mes voeux, que nous serons aussi les plus efficaces.
Frédéric Haziza
Une dernière question, madame ROYAL. Jacques CHIRAC vient de rendre hommage à Lucie AUBRAC. En quoi le message de Lucie AUBRAC reste d'actualité, le message de Lucie AUBRAC et de la résistance ?
Ségolène Royal
Ah, le message de la résistance et du courage est toujours d'actualité. On le voit aussi aujourd'hui par rapport aux malheurs du monde. Heureusement qu'il y a toujours des forces qui se lèvent, qui disent non, qui refusent, qui acceptent même de risquer leur vie, qui transmettent ensuite sans relâche ce message. Et Lucie AUBRAC avait dit il y a quelques semaines : je veux tenir jusqu'au vote de l'élection présidentielle pour continuer à participer à l'avenir de mon pays. Elle n'aura pas pu le faire, mais en tout cas ce message, sa mémoire, son courage, sa générosité, c'était une femme aussi profondément gentille, qui rayonnait de bonheur et de générosité et qui portait ce témoignage-là pour les générations futures. Son message ne sera pas oublié.
Frédéric Haziza
C'est ça l'identité nationale ?
Ségolène Royal
Ou, bien sûr, ça fait partie profondément de l'identité nationale, de la fierté nationale, de l'explication de ce qui fait la France aujourd'hui, c'est-à-dire cette addition de courages individuels, engagés dans des combats collectifs.
Frédéric Haziza
Merci, madame ROYAL, d'avoir répondu à nos questions. Merci de votre fidélité et à mercredi prochain.