Interview de Mme Ségolène Royal, députée PS et candidate à l'élection présidentielle 207, à "France Info" le 23 mars 2007, sur les principaux axes de son programme électoral et sur la divergence créée au sein du PS par MM. Fabius, Jospin et Rocard qui appellent à l'alliance avec M. François Bayrou.

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Média : France Info

Texte intégral

Olivier de Lagarde
Et on retourne à Marseille, est-ce que vous êtes là Ségolène Royal ?
Ségolène Royal
Oui bonjour.
Olivier de Lagarde
Bonjour, candidate socialiste à la présidentielle. Bon dans quatre minutes, vous allez répondre à « La question d'info ». D'abord un petit mot sur ce sondage CSA publié ce matin par LE PARISIEN, le premier qui depuis bien longtemps vous donne à égalité au deuxième tour avec Nicolas SARKOZY. J'imagine que ça vous met du baume du coeur ?
Ségolène Royal
C'est peut-être surtout la traduction de la prise de conscience petit à petit au fur et à mesure des efforts d'explication et de présentation de mon projet pour la France que les Français commencent à comprendre, la cohérence de ce pacte présidentiel et comment il a la possibilité de changer en profondeur ce qui ne va pas aujourd'hui en France.
Olivier de Lagarde
Alors pour être tout à fait honnête il y a un autre sondage IPSOS pour LE POINT aujourd'hui alors là vous donne perdante à 46 contre 54 à Nicolas SARKOZY, seuls les sondeurs y comprendront quelque chose. Vous avez fait chanter la Marseillaise hier à Marseille, ce n'est pas trop ce qu'on a l'habitude d'entendre dans un meeting de gauche d'habitude ?
Ségolène Royal
Oui mais il est quand même temps de remettre les choses au clair, notamment sur l'identité nationale. Et puis à Marseille cela me semblait là aussi cohérent et intéressant de ré expliquer ce qu'était la Marseillaise, il y a parfois des malentendus sur ce chant républicain. Vous savez il y a beaucoup de jeunes en particulier qui disent « mais le sang impur abreuve nos sillons » c'est une chanson violente que l'on ne veut pas sentir, donc j'ai rappelé cette histoire du chant républicain qui est au contraire est le chant de la lutte contre toutes les formes de tyrannie, qui était la lutte de la résistance des républicains contre toutes les forces de l'ancien régime.
Olivier de Lagarde
Vous préférez la Marseillaise à l'international.
Ségolène Royal
Ah oui bien sûr par rapport à notre histoire ! Mais pour les socialistes vous savez être français c'est aussi être tourné vers le monde, il y a toujours une dimension internationaliste aussi.
Olivier de Lagarde
Ségolène Royal on se retrouve dans deux petites minutes. (...) Et question rituelle posée aujourd'hui à Ségolène Royal en direct et en duplex depuis Marseille : Ségolène Royal donnez-moi trois bonnes raisons de voter pour vous.
Ségolène Royal
D'abord parce que je suis la seule à pouvoir incarner le changement face au candidat de la droite qui est le candidat sortant et qui finalement propose de prolonger ce qui a été fait en France depuis 5 ans avec le résultat que l'on connaît, même si aujourd'hui il prétend avoir de nouvelles idées. Comment pourrait-il incarner la rupture après avoir gouverné pendant 5 ans. Ce que je veux aussi en France ce sont de nouvelles règles du jeu. Il faut poser un regard neuf sur les problèmes qui se posent aujourd'hui aux Français pour que la France se relève. Et en particulier mes priorités sont celles-ci : d'abord il faut réconcilier les Français avec l'entreprise, soutenir les PME qui innovent, qui créent des emplois, qui investissent et qui exportent en luttant contre toutes les formes de gaspillage de dépenses aujourd'hui de l'argent public qui sont données de façon non différenciées entre des entreprises qui n'en ont pas besoin et celles qui en ont besoin. Il faut aussi faire une société du donnant donnant, c'est-à-dire qu'à chaque nouveau droit désormais doit correspondre un devoir parce que je ne veux pas d'une société de l'assistanat. Et enfin je crois que la France a besoin d'un ordre juste, c'est-à-dire des règles qui sont applicables par tous et qui sont les mêmes pour tous et en particulier, celles qui vont permettre dans cet ordre juste de mettre fin à toutes les formes de précarité. Moi je crois que c'est la valeur travail, c'est la cohésion nationale, c'est la façon dont chacun sera au clair sur les efforts qu'il doit fournir parce que l'Etat et les pouvoirs publics garantiront à chacun des services publics qui fonctionnent bien, de l'égalité réelle des chances, de la sécurité dans le travail, c'est-à-dire tout le contraire du programme de la droite qui fait de la précarité la référence, je crois moi tout le contraire, c'est en sécurisant les gens qu'on pourra leur demander d'être motivés dans leur travail et donc ensuite les entreprises pourront supporter les difficultés et les coups durs qu'elles peuvent connaître face à la mondialisation. Autrement dit je veux que la France reprenne confiance en elle-même et puisse saisir toutes ses chances.
Olivier de Lagarde
Merci alors Ségolène Royal pour cette quintessence de votre programme. On a l'impression tout de même qu'il a un petit peu de mal à passer auprès des cadres du parti socialiste. Vous avez vu qu'il y a un nouveau manifeste signé par plusieurs anciens collaborateurs de François MITTERRAND, Laurent FABIUS, Lionel JOSPIN ou Michel ROCARD qui appellent à une alliance avec François BAYROU.
Ségolène Royal
Pourquoi pas, c'est leur droit mais ce que j'observe c'est que ses anciens fonctionnaires sont pour la plupart tous passés dans le monde des affaires. Et moi je crois que la France doit aussi permettre une nouvelle génération de se lever parce qu'il faut qu'une nouvelle génération puisse voir le monde aujourd'hui tel qu'il est, la France a changé, le monde a changé, la compétition internationale est là, alors la politique doit changer et personne n'est propriétaire de l'appareil de l'Etat. Donc c'est vrai que ceux qui ont occupé ou tenu l'appareil de l'Etat pendant des années et des années ne sont pas forcément ceux qui sont les mieux placés pour demain, voir comment il faut changer en profondeur la façon de faire les choses. Aujourd'hui la France souffre vous savez d'un endettement très grave, d'un déficit des comptes publics et donc il faut que l'ensemble de l'imagination des anciens fonctionnaires sans doute, avec leurs compétences mais aussi des nouvelles générations puissent apporter des réponses neuves à une France qui se veut tourner vers l'avenir.
Olivier de Lagarde
Mais ça ne vous pose pas un problème quand même ce désamour de l'intelligentsia de gauche ?
Ségolène Royal
Oh je crois qu'on ne peut pas résumer la prise de parole, d'ailleurs les (inaudible ???) comme ils s'appellent ont très mal fini vous savez dans l'histoire. Mais je crois que de toute façon ils posent un débat qui est intéressant, c'est leur liberté de parole. Mais moi je ne vois pas du tout les choses de cette façon là, je crois qu'on ne refait pas, on ne construit pas la France du futur avec les vieilles recettes. Et je ne vois pas dans ce qu'ils disent ce qu'il y a comme nouvelles règles du jeu. Moi je crois qu'il faut aujourd'hui penser les choses autrement. Je pense que la France ne doit pas avoir peur de la mondialisation et en même temps l'Europe doit savoir se protéger pour lutter contre les délocalisations qui détruisent l'emploi en France. Et j'observe que ces hauts fonctionnaires n'ont jamais fait de propositions allant dans ce sens, ils sont extrêmement libéraux. Et moi je pense qu'il faut dépasser l'opposition entre le libéralisme échevelé et destructeur et en même temps une vision trop passéiste des choses, c'est un nouveau modèle économique qu'il faut construire, celui que je propose après avoir écouté les Français. Celui aussi que portent les jeunes dirigeants d'entreprise qui veulent aussi une autre culture en France dans l'entreprise, que l'on sorte de l'affrontement pour aller vers une culture du compromis de la négociation sociale, de la modernité des relations entre salariés et dirigeants d'entreprise. Et je crois que cette réforme là elle est nécessaire, elle est possible c'est ce que j'appelle la VIème République qui veut à la fois une politique plus active, plus rapide, plus efficace, un état moins lourd, une nouvelle vague de décentralisation et en même temps un dialogue social extrêmement moderne qui permettra aux salariés de partager les intérêts de l'entreprise lorsque celle-ci rencontre des difficultés.
Olivier de Lagarde
Un dernier petit mot sur les retraites. Ce matin dans Le Journal des Finances vous affirmez que vous voulez assurer le financement des retraites grâce à un fonds de pension collectif. Vous ne parlez pas de la loi FILLON, est-ce que vous voulez abroger la loi FILLON ?
Ségolène Royal
Je remettrais à plat la loi FILLON sur les retraites.
Olivier de Lagarde
Mais remise à plat ça veut dire abrogation ou pas ?
Ségolène Royal
Ca veut dire que oui une partie. Non pas abrogation telle qu'elle parce que je crois que la façon moderne de gouverner ça n'est pas forcément faire table rase du passé uniquement pour se faire plaisir. Il faut gouverner de façon intelligente, c'est-à-dire d'abord faire confiance au dialogue social et je l'ai dit dés mon élection les partenaires sociaux seront réunis, il leur appartiendra de remettre à plat le dossier des retraites. J'ai déjà reçu les organisations patronales et les organisations syndicales. Je crois que les représentants des organisations syndicales sont aujourd'hui dans des dynamiques de construction et de vision d'avenir sur la France, qu'elles sont prêtes à discuter avec les entreprises pour voir qu'elle est la meilleure façon à la fois de respecter les salariés et en même temps de mobiliser la compétitivité des entreprises, donc c'est très nouveau en France. Je crois qu'on va se rapprocher du modèle du nord de l'Europe qui permet d'avoir à la fois...
Olivier de Lagarde
Mais...
Ségolène Royal
Les pays où il y a le moindre grève, à la fois les bas salaires les plus élevés et en même temps...
Olivier de Lagarde
Je dois...
Ségolène Royal
Et en même temps, attendez, et en même temps les entreprises les plus compétitives. Oui c'est cette réconciliation que je veux créer en France et je crois qu'aujourd'hui c'est possible si l'on arrive à nouer des liens de confiance à la place des stratégies de méfiance.
Olivier de Lagarde
Merci Ségolène Royal candidate socialiste à la présidentielle. Vous étiez en duplex et en direct depuis Marseille.