Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur l'histoire de la construction européenne et sur l'avenir de l'Union, Paris le 27 mars 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Concert donné au Sénat le 27 mars 2007 pour le cinquantenaire du Traité de Rome

Texte intégral

Monsieur le Président du Comité d'Honneur du 50ème anniversaire du Traité de Rome, Monsieur le Ministre, Cher Maurice FAURE,
Mesdames et Messieurs mes Ambassadeurs, Excellences,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union Européenne, Cher Hubert HAENEL,
Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs, Chers collègues,
Mesdames et Messieurs les membres du Comité d'Honneur,
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Partout en Europe, tout au long de ce mois, on a commémoré le cinquantième anniversaire du Traité de Rome. Et c'est déjà un signe d'espoir. Commémorer, c'est d'abord se rappeler, se rappeler que l'Union Européenne a apporté la paix et la prospérité à notre continent. Mais commémorer, c'est aussi se rassembler pour préparer l'avenir.
Bien sûr, la construction européenne traverse aujourd'hui une phase d'interrogations, d'incertitudes. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois. Mais les Européens restent unis, bien plus unis qu'on ne le dit, ici et là, parce que le pessimisme est à la mode.
Je vais en donner un seul exemple, parce qu'il me paraît extrêmement révélateur. On l'a un peu oublié, mais, avant le dernier élargissement, c'était à qui ferait le pronostic le plus sombre. À vingt-cinq ou vingt-sept, l'Union allait être paralysée, c'était inévitable.
Nous avons maintenant un peu de recul -près de trois ans- depuis le traité d'Athènes. Une étude, fort savante, du centre d'études européennes de Sciences Po indique que l'Union, loin d'être paralysée, prend aujourd'hui ses décisions plus rapidement qu'avant. Il faut aujourd'hui, en moyenne, quatre mois de moins qu'avant l'élargissement pour adopter un acte communautaire.
Pourquoi cela ? Chacun a vu qu'on était plus nombreux autour de la table, et chacun a fait un effort pour s'adapter. Personne n'a profité de la situation pour freiner. Il y a là, me semble-t-il, une preuve d'unité et une volonté d'avancer qui dément les discours les plus pessimistes.
Notre Union reste solide. S'il est utile, aujourd'hui, de revenir aux sources de l'entreprise commune, ce doit être d'abord pour y trouver une inspiration en vue de nouveaux développements.
Les auteurs du traité de Rome ont été à la fois pragmatiques et visionnaires. Nous leur devons une immense gratitude. Certains sont ici et je tiens à les saluer tout particulièrement.
Après l'échec de la CED (Communauté Européenne de Défense) et du projet de « communauté politique », ils ont été assez pragmatiques pour changer de terrain, en se tenant à l'écart des querelles sur la « supranationalité ». Mais ils ont été assez visionnaires pour lancer un projet d'union douanière qui, à l'époque -les plus anciens d'entre nous s'en souviennent-, apparaissait comme un pari extrêmement audacieux.
Cette combinaison de pragmatisme et d'audace, cette vision lumineuse, se sont retrouvées dans toutes les avancées ultérieures de la construction européenne : achèvement du marché intérieur, accords de Schengen, Union monétaire, lancement de l'Europe de la défense...
Les Européens ont su promouvoir un projet politique -parce que l'Union, ce n'est pas, ce ne doit pas être seulement un grand marché- un projet fondé sur des valeurs et des règles communes et une solidarité entre les membres dont les nouveaux adhérents peuvent témoigner.
C'est avec ce même état d'esprit, en résistant au pessimisme ambiant et en nous donnant les moyens d'aller à nouveau de l'avant, que nous devons, alors que nous commémorons cet anniversaire, considérer et prendre en mains l'avenir de l'Union. Il y a bien des domaines où de grands projets communs peuvent cimenter les Européens. Certains chantiers sont déjà lancés, d'autres vont venir. Mais nous savons tous que c'est seulement ensemble que nous pouvons réussir. Restons unis. Nous serons ainsi plus forts pour défendre nos valeurs communes. Et c'est ainsi -c'est ma conviction- que nous préserverons notre dessein européen.
Au moment de laisser la place à la musique, une comparaison s'impose à moi : l'Europe est comme un orchestre. Bien sûr, ce n'est pas un orchestre ordinaire : il n'y a pas de chef unique, et chaque musicien est, tour à tour, premier violon pendant six mois. Ce n'est pas non plus un orchestre parfait : les dissonances peuvent exister. Mais c'est un ensemble où chacun est nécessaire ; et quand nous sommes à l'unisson, on a envie de nous écouter.
Et comme « la musique vaut toutes les philosophies du monde » nous dit Beethoven, c'est à la musique que je souhaite céder la place dans quelques instants, en vous invitant à un voyage musical dans l'Europe baroque.
Période foisonnante d'échanges et de créations, je vous propose de découvrir -ou re-découvrir- les oeuvres des grands compositeurs de cette époque. Compositeurs européens, ils font désormais partie du patrimoine musical de l'humanité : Bach, Vivaldi, Haendel, Telemann, Campra... dont les influences réciproques ont mené chacun d'entre eux à la quintessence de leur art.
Évadons-nous donc grâce au langage universel qu'est la musique. Laissons ces notes nous transporter sur la voie de la sagesse, ce qui n'est pas un luxe en ces temps si peu calmes. Cédons à cette invitation au voyage et rêvons avec volupté, grâce à l'Ensemble les Cyclopes...
Bonne soirée à tous.Source http://www.senat.fr, le 30 mars 2007