Réponses de Mme Marie-George Buffet, députée PCF et candidate à l'élection présidentielle 2007, aux questions de la CFE-CGC sur les salaires, le logement, l'emploi, la protection sociale, les politiques économique et sociale et la politique internationale et européenne, Paris le 4 avril 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Salaires, pouvoir d'achat, logement
Q - Êtes-vous favorable à l'instauration de deux nouveaux salaires minima afin de tenir compte de la problématique du temps de travail (forfait jours) et de la qualification Cadre ?
R - Je suis entièrement d'accord avec l'affirmation qui, dans le document que vous m'avez adressé, précède votre question : en matière d 'évolution des revenus, « l'effort doit porter en priorité sur l'élément principal de la rémunération que constitue le salaire ». Avec la pression constante sur les revenus du travail, l'augmentation des contrats précaires et du temps partiel imposé, la France est devenue un pays de bas salaires : la moitié des salariés gagne aujourd'hui moins de 1315 euros par mois ! Au point qu'on parle maintenant de « travailleurs pauvres ».
En la matière, il ne doit pas être question d'un simple « coup de pouce », mais d'un signe fort indiquant une véritable inversion de tendance. Je propose donc que, dès le 1er juin, le gouvernement porte le SMIC à 1500 euros brut et qu'à la rentrée, une réforme du financement de la protection sociale permette de ne laisser aucune retraite en dessous du niveau du SMIC.
Cette hausse du SMIC, je ne la conçois aucunement comme un « aplatissement » des salaires vers les plus bas d'entre eux, mais tout au contraire comme une incitation forte à une réévaluation de tous les salaires à partir de la hausse des minima hiérarchiques. Je propose donc qu'en juillet soit convoquée une Conférence nationale sur les salaires, l'emploi, la qualification et la formation avec cet objectif de réévaluation et que s'ouvre une négociation sur un plan de rattrapage de la perte de pouvoir d'achat des fonctionnaires. Les propositions de la CFE-CGC seraient naturellement examinées dans le cadre de cette Conférence.
Q - Comment comptez-vous faire du logement intermédiaire un aspect essentiel d'une dynamique en faveur du logement ?
R - Aujourd'hui, 9 millions de personnes en France n'ont pas accès à un logement digne. Face à cette grave crise du logement, je propose de créer un grand service public national du logement, décentralisé, afin de garantir le droit à un logement de qualité pour tous. Ce service public serait le bras armé d'une véritable politique du logement bénéficiant de moyens financiers pour construire 120 000 logements de haute qualité environnementale par an tout en limitant les loyers à 20 % des revenus des ménages. Le logement intermédiaire doit avoir toute sa place dans cette dynamique d'ensemble. Je précise que je propose d'ouvrir droit à une fiscalité des revenus locatifs et patrimoniaux tenant compte de l'ensemble des revenus du ménage et à des aides à l'investissement et à l'amélioration de l'habitat, notamment pour permettre la baisse des postes charges et chauffage.
Q - Quels dispositifs pour les ménages qui ne gagnent plus assez pour acheter leur logement et qui gagnent trop pour être aidés ?
R - Je pense qu'il y a nécessité de réinstaurer un circuit bancaire public permettant notamment la distribution des prêts aux bailleurs sociaux et aux familles bénéficiant d'une accession sociale à la propriété, un réinvestissement financier de l'État et, pour ces financements, une priorité accordée aux aides à l'investissement sur les aides à la personne, aux aides à la pierre sur les aides fiscales.
Q - Êtes-vous favorable à la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu pour les catégories intermédiaires ?
R - Je suis pour augmenter, progressivement certes, mais sensiblement la part des impôts progressifs dans la fiscalité des ménages, au détriment des impôts indirects, si injustes. Je suis donc pour rompre avec la politique d'abaissement de l'impôt sur le revenu qui a été conduite jusqu'ici, notamment entre 2002 et aujourd'hui. D'ailleurs, les couches moyennes salariées ont très peu bénéficié de ces mesures, surtout s'agissant de la refonte du barème à 5 tranches et de l'instauration d'un « bouclier fiscal ». Je propose d'abolir ces deux dispositions au profit d'un nouveau barème de l'impôt sur le revenu avec 10 tranches et une remontée du taux marginal de la dernière tranche à 55 % avec un minimum imposable de 18 000 euros. De la même façon, les revenus financiers et immobiliers du capital seraient soumis à l'impôt progressif, alors qu'ils sont aujourd'hui largement exonérés. C'est ainsi, par exemple, que je propose de supprimer le crédit d'impôt qui a été substitué à l'avoir fiscal, tandis que toutes les plus-values de cession seraient soumises au barème de l'IR, au lieu du taux actuel de 19 % et des nombreuses exonérations prévues par la loi de finances 2007.
Q - Pensez-vous, comme la CFE-CGC, que le prélèvement à la source pose des problèmes insurmontables de confidentialité, de mise en cause du dispositif du quotient familial ? Êtes-vous d'accord avec l'analyse de la CFE-CGC sur le fait que la fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG entraînerait une progressivité plus de l'impôt et un problème de financement pour les régimes de Sécurité sociale concernés ?
R - Oui, je suis d'accord avec la CFE-CGC sur les dangers graves que recèle le prélèvement à la source, lequel, d'ailleurs, est envisagé par ses promoteurs en vue d'une fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, ce que je rejette catégoriquement. Cela reviendrait effectivement à amoindrir la progressivité de l'impôt sur le revenu, seul impôt progressif avec l'ISF, puisque la CSG est un prélèvement proportionnel. De plus, cela reviendrait à une véritable fuite en avant dans l'étatisation de la Sécurité sociale, au lieu de consolider et renouveler son financement mutualisé à partir de la valeur ajoutée des entreprises, via une cotisation sociale calculée sur la base des salaires versés.
Q - Pensez-vous que la fiscalité sur les individus, impôts d'État et locaux, doit faire l'objet d'une approche globale pour la rendre moins confiscatoire ? Êtes-vous opposée, comme la CFE-CGC, à l'assujettissement de la taxe d'habitation aux revenus ?
R - S'il s'agit d'aller vers l'extension de la pratique du « bouclier fiscal », j'y suis résolument opposée. Certes, la pression fiscale sur les couches populaires et moyennes peut être moindre, mais cela exige une réforme d'ensemble de la fiscalité. C'est mon option. Elle associerait notamment une plus forte imposition des revenus du capital, un impôt sur les sociétés plus efficace pour l'emploi et les qualifications et plus rentable (incluant la suppression des zones franches et des régimes dérogatoires, une modulation de l'impôt selon l'utilisation des bénéfices en faveur ou non de l'emploi et des salaires, l'instauration d'une taxation sur les transactions financières), une taxe professionnelle dont la base serait élargie aux actifs financiers des entreprises et des banques, et un recul de la part des impôts indirects.
Q - Souhaitez-vous réduire le taux de prélèvement obligatoire ?
R - Non. Les prélèvements obligatoires servent à financer les dépenses utiles de développement des capacités humaines. Il est bon qu'ils augmentent pour la santé, l'éducation, la formation tout au long de la vie, la recherche, les retraite... Bien évidemment, est posée la question fondamentale de la bonne utilisation des recettes qu'ils procurent à la société. Cela exige, selon moi, des pouvoirs de contrôle, d'évaluation et d'intervention décentralisés des salariés et de leurs organisations, des citoyens, de leurs associations et de leurs élus sur cette utilisation, au lieu d'un rationnement sous prétexte de rationalisation.
La campagne pour abaisser les prélèvements obligatoires, par le biais notamment de la baisse des impôts, mais aussi des cotisations sociales patronales, débouche sur un énorme fiasco. Depuis 1994, les cotisations sociales patronales, par exemple, ont été diminuées de plus de 170 milliards d'euros. Ces exonérations totalisent 23 milliards d'euros en 2006, soit l'équivalent de l'effort privé et public pour la formation professionnelle. Outre les effets d'aubaine, cela a tiré vers le bas toute la structure des salaires par effet de substitution et mise en concurrence accrue des salariés, pénalisant la demande globale et accentuant l'insuffisance des qualifications. Certes, cela a accompagné l'explosion des profits des grandes entreprises, mais la croissance demeure très lente et pauvre en créations d'emplois de qualité, tandis que les sorties de capitaux redoublent et que nombre de PME se trouvent en butte à des difficultés inédites. C'est que cette campagne cache l'ampleur des prélèvements financiers sur les richesses produites et qui tendent, eux, à étouffer les entreprises : en 2005, selon les comptes de la Nation, les entreprises non financières ont payé effectivement 128 milliards d'euros de cotisations sociales d'employeur, mais elles ont payé 224 milliards en intérêts aux créanciers et en dividendes aux actionnaires. Ce sont ces prélèvements que je propose d'abaisser. Je propose la création d'un Fonds national et régionalisé pour sécuriser l'emploi et la formation : il prendrait en charge (bonifications) une partie des intérêts payés aux banques par les entreprises sur le crédit pour leurs investissements. Plus ceux-ci programmeraient d'emplois et de formations et plus la bonification serait importante, allégeant le coût du crédit. Et le Fonds offrirait aussi des garanties pour les emprunts, en liaison avec des institutions spécialisées comme la SOFARIS et OSEO.
Croissance et emploi
Q - Êtes-vous d'accord pour engager une politique en faveur de la formation fondée sur des moyens financiers adaptés et des règles de fonctionnement et d'évaluation des résultats ?
R - Oui. D'accord pour engager une politique soutenant très activement la formation avec des moyens financiers, des règles de fonctionnement et d'évaluation des résultats. Il s'agirait de développer et démocratiser la validation des acquis de l'expérience (VAE), de s'attaquer aux inégalités d'accès aux formations continues avec une priorité aux moins formés. Il s'agirait aussi de rendre effectifs ces nouveaux droits individualisés à la formation (de type DIF, mais avec de bien plus longues durées), droits qui concernent l'accès à la formation mais aussi le choix par la personne de la formation suivie. Il s'agirait encore et surtout d'allonger les durées de formations en cherchant à généraliser les formations longues de un ou deux ans et, pour commencer, viser 10 % du temps de travail, c'est-à-dire quatre ans de la vie active. Il s'agirait de mettre en place des soutiens et suivis personnalisés, pour tous ceux qui sont rebutés par la formation, à la suite notamment d'échec scolaire, pour leur permettre d'y accéder.
Cela nécessite en même temps de garantir une continuité du revenu pendant les périodes de formation. On organiserait l'évaluation et le contrôle des fonds publics destinés à la formation continue avec une transparence démocratique. Il s'agirait de viser l'efficacité véritable en termes d'emploi et d'insertion dans l'emploi qualifié, comme de vérifier et garantir le contenu qualifiant des formations ainsi que leurs débouchés dans l'emploi de qualité. Les cotisations sociales, notamment les cotisations patronales, seraient relevées. Une modulation des taux de cotisations patronales viserait à pénaliser les entreprises qui licencient et multiplient les emplois précaires et, inversement, à inciter les entreprises à développer l'emploi stable et de qualité. Les revenus financiers des entreprises seraient assujettis à une nouvelle cotisation à même hauteur que la cotisation sur les salaires pour financer l'augmentation des droits et revenus des chômeurs, des précaires, des titulaires de minima sociaux, ainsi que pour des aides véritables visant une insertion dans l'emploi ou dans la formation choisie et de qualité. Pour la formation continue, les contributions financières des entreprises seraient relevées et davantage mutualisées afin de permettre un meilleur accès de tous aux qualifications, notamment les chômeurs, les femmes et les salariés des PME.
Q - La recherche doit-elle devenir une priorité de l'investissement public et privé et au moyen de quels dispositifs d'accompagnement ?
R - Oui, comme la formation, la recherche doit devenir une priorité en actes et pas seulement en paroles. Les incitations fiscales actuelles, notamment le crédit d'impôt recherche sont très contradictoires, « trustées » par les grands groupes et finalement assez inefficaces. Je propose de mobiliser le crédit bancaire, à partir d'une nouvelle utilisation des aides publiques versées aux entreprises, afin d'encourager de façon sélective les investissements matériels et de recherche. J'envisage, comme souligné plus haut, un nouveau mécanisme de crédit bonifié et, pour le diffuser, un pôle financier public autour de la Caisse des dépôts.
Au lieu de chercher à rationner tant et plus la dépense publique, je suis pour une relance des dépenses publiques utiles, avec un doublement de l'effort budgétaire national pour la recherche et l'enseignement supérieur sur la législature à venir. Je me prononce également pour un reversement intégral de la TVA aux établissements publics de recherche et d'enseignement supérieur.
Q - Faut-il spécialiser la France et l'Europe sur certains secteurs stratégiques et comment ?
R - Il est indispensable de développer le secteur des technologies de l'information et de la communication, et, de faire monter en gamme et en valeur ajoutée nos productions plus traditionnelles. Cela nécessite, avant tout, de très gros efforts pour la formation et la recherche et une responsabilisation sociale et territoriale des grandes entreprises.
En ce qui concerne la recherche industrielle et technologique, je me prononce en faveur d'un grand Etablissement public de Recherche technologique et industrielle intégrant les missions de valorisation de la recherche (ANVAR) et agissant dans le cadre d'une logique de service public. Il s'appuierait sur ses composantes régionales et serait géré selon des modalités analogues au CNRS, qui garderait la maîtrise des programmes de recherche fondamentale.
Enfin, je suis pour la transformation des pôles de compétitivité en pôle de coopération, avec, notamment, des obligations de partage de résultats de recherches entre les grands groupes et les PME, un soutien massif mutualisé de la formation, en vue de réaliser des objectifs chiffrés d'emplois de qualité.
Q - Quel rôle assignez-vous à l'État en matière de développement économique et de régularisation des effets de la mondialisation ?
R - Il faut rompre avec le libéralisme, c'est à dire le soutien de l'État à la domination des marchés et, principalement aujourd'hui, du marché financier. L'intervention de l'État doit favoriser l'intervention des salariés, de leurs organisations et des citoyens, avec leurs élus, sur la gestion des entreprises et l'utilisation de tous les fonds (fonds publics, crédits, profits). Il s'agit d'aller vers des gestions d'efficacité sociale en liaison avec le déploiement d'un nouveau type d'entreprises publiques, notamment dans les secteurs stratégiques comme l'énergie, l'eau, la culture et la communication, le financement... Celles-ci assumeraient une grande mission nouvelle de sécurisation de l'emploi et de la formation avec la promotion d'investissements matériels et de recherche efficients.
Quant à l'État actionnaire, il ne doit pas se contenter d'être un partenaire dormant. Il faut une profonde démocratisation de l'Agence des participations de l'État, celles-ci devant jouer un rôle d'incitation au développement de gestions d'efficacité sociale. Il s'agit de mobiliser le crédit bancaire à partir d'une autre utilisation des fonds publics et un pôle public financier dont les opérations pousseraient à une réorientation de la Banque centrale européenne. Il s'agit de transformer la fiscalité et la para-fi fiscalité de façon à encourager la création d'emplois et la formation, avec l'essor de la recherche. C'est vrai pour les impôts sur les entreprises, c'est vrai pour les cotisations sociales dont je propose de moduler le taux en fonction d'un ratio rapportant les salaires versés à la valeur ajoutée globale (produits financiers inclus) de chaque entreprise. C'est vrai s'agissant de la construction européenne, qui devrait viser une sécurisation de l'emploi et de la formation commune à tous les Européens.
Enfin, la mondialisation elle-même doit être maîtrisée. Cela, certes, peut impliquer des protections contre les mises en concurrence sauvages imposées par les multinationales, mais en aucun cas le « protectionnisme » ne peut être la bonne réponse face aux immenses défi s de coopérations avec les nouvelles technologies. Il faut une transformation radicale du rapport de l'Union européenne aux pays émergents et en développement. Au-delà, une refonte des organisations internationales et mondiales est nécessaire. Cela concerne en particulier le FMI, la Banque mondiale et l'OMC.
Q - Quels dispositifs comptez-vous mettre en place pour assurer la sécurisation des parcours professionnels ?
R - Je propose des progrès majeurs du Code du travail : pour une sécurisation de l'entrée dans l'emploi et des parcours professionnels, à l'opposé de la précarisation. Il s'agit d'engager la construction d'un système de sécurité d'emploi ou de formation. Achevé, il assurerait à chacune et chacun un bon emploi ou une bonne formation pour un meilleur emploi, avec une garantie de droits et de revenus relevés, une sécurité sociale contre le chômage et la précarité.
1. Mise en place de Conférences nationales et régionales :
Je propose que, dès le début du quinquennat, une Conférence nationale soit réunie avec la participation des syndicats, des associations, des élus, des représentants des entreprises, des institutions financières et des services publics, pour élaborer un projet de loi de sécurisation de l'emploi et de la formation, suivie de Conférences annuelles régionales et nationales dressant le bilan des situations, délibérant d'engagements annuels chiffrés de création et de conversion d'emplois, de relèvement des droits à revenus et à formation minima...
2. De nouveaux droits pour les chômeurs, un service public et social de l'emploi et de la formation :
Je propose une revalorisation des taux et de la durée d'indemnisation du chômage ; un « Congé de reclassement » considérablement renforcé pour tout salarié licencié ; une modulation des cotisations chômage des employeurs pénalisant ceux qui précarisent ; l'engagement de négociations pour une nouvelle convention UNEDIC encadrées par la loi pou un bon retour à l'emploi des chômeurs, avec des formations choisies ; la refonte de l'ANPE avec son articulation à l'UNEDIC, à l'AFPA et à l'Éducation nationale pour un grand service public et social de sécurisation de l'emploi et de la formation auquel seront affiliés tous les résidents d'âge actif.
3. Transformation des emplois précaires en emplois stables :
Je propose la mise en place d'un plan pluriannuel de résorption de l'emploi précaire dans le public comme dans le privé : le CNE et le « contrat senior » seront abrogés ; le recours à l'intérim sera strictement réduit et les rémunérations des stagiaires protégées.
4. De nouveaux droits face aux licenciements et délocalisations et pour une sécurisation du reclassement choisi :
Je propose que les salariés et les Comités d'entreprise puissent imposer des moratoires suspensifs, appuyés par l'exigence du remboursement par les entreprises des aides reçues, pour faire des propositions alternatives (y compris en amont des difficultés, pour une gestion prévisionnelle des emplois démocratisée), dont l'examen par les employeurs soit obligatoire. Ces propositions pourraient être soutenues par un Fonds national régionalisé de sécurisation de l'emploi et de la formation. Les entreprises seraient incitées à coopérer pour contribuer à la réalisation des engagements annuels chiffrés et pour de nouvelles obligations (pourcentage d'emplois pour les jeunes, transformation d'emplois précaires, action contre les discriminations...). L'actuel congé de reclassement serait considérablement amélioré, sa durée étant portée à 18 mois, et son bénéfice généralisé à tout salarié victime d'un licenciement économique dont l'emploi n'aurait pas été préservé ou transformé.
5. Sécurisation de l'entrée des jeunes dans l'emploi, des parcours professionnels et de la fi n de vie active :
Je propose que soient promus de nouveaux CDI d'entrée sécurisée des jeunes dans l'emploi, avec un volet formation, sans baisse du taux de rémunération, dont l'ampleur sera variable selon le niveau de formation initiale ou de compétences de son titulaire et un volet travail payé au même taux horaire que les autres postes de même niveau de responsabilité. Le CDI sera la norme d'emploi pour tous et progressivement sécurisé. Le droit à la formation sera considérablement développé et démocratisé. Des contrats de pluri-activités (permettant de passer d'une entreprise à une autre où à une formation pour revenir à l'emploi, en toute sécurité de droits et de revenus, avec des mutualisations entre entreprises) seront institués.
6. Réduction du temps de travail :
La réduction de la durée hebdomadaire légale du travail (à 40 heures en 1936, à 39 heures en 1981, à 35 heures en 2000) accompagne les progrès de la société et de la civilisation. Mieux utiliser son temps de vie personnelle pour se cultiver, aider ses enfants à grandir et s'épanouir, prendre soin de son corps et de sa santé ne s'oppose nullement à la valeur travail. C'est au contraire une possibilité d'être dans une situation morale et physique supérieures pour accomplir dans de bonnes conditions une activité sociale et être à la hauteur des responsabilités qui en découlent. Je propose donc que les lois Fillon soient abrogées et les lois Aubry réformées, avec la suppression du forfait jour, la réintroduction des pauses dans le temps de travail, la limitation des heures supplémentaires au surcroît d'activité et la remise en cause de l'annualisation. Outre la revalorisation des salaires, je pense que les primes et les indemnités de RTT doivent être intégrées dans les salaires. À terme, il faudra aller vers les 32 heures hebdomadaires sans réduction des salaires.
Q - L'amélioration de l'égalité professionnelle suppose-t-elle des efforts supplémentaires de la part des pouvoirs publics et lesquels ?
R - Je propose que, dès le début de la législature, des mesures concrètes soient prises pour une application réelle de l'égalité homme/femme au travail, avec obligation de résultat dans les entreprises. Si les entreprises, comme c'est le cas aujourd'hui, se contentent de publier un bilan sans que les choses évoluent tellement vers l'égalité, je propose de mettre en place une législation permettant de sanctionner ces entreprises hors la loi.
Q - Quels dispositifs pour favoriser l'emploi des jeunes diplômés dans le cadre d'un contrat de travail rémunéré en lieu et place des stages sans salaire ?
R - Je vous renvoie à la réponse, plus complète, que je vous ai faite quant à ma proposition de construire un système de sécurité d'emploi et de formation, qui inclut notamment la création de nouveaux CDI d'entrée sécurisée des jeunes dans l'emploi.
Q - Réforme de l'assurance maladie, accompagnement renforcé des chômeurs... Êtes-vous d'accord avec ces deux préalables ?
R - Oui ! Je suis d'accord avec la nécessité d'une réforme de progrès de l'assurance maladie, impliquant, notamment, un nouveau calcul de la cotisation sociale patronale : son taux serait modulé en fonction d'un ratio rapportant les salaires versés dans l'entreprise à la valeur ajoutée globale qu'elle crée. D'accord aussi avec un accompagnement « renforcé », c'est à dire, pour moi, très amélioré, des chômeurs (permettant notamment d'améliorer radicalement l'indemnisation du chômage et d'instituer une aide véritable au retour à l'emploi y compris par la formation choisie), comme je l'ai décrit plus haut.
Q - Pour la CFE-CGC, la lutte contre le chômage ne justifie pas la suppression des garanties prévues par le Code du travail et la création de nouveaux contrats de travail, ni la diminution des garanties du CDI actuel. Êtes-vous d'accord ?
R - Totalement d'accord avec vous sur ce point : montée du chômage, d'une part, et casse du code du travail, précarisation de l'emploi, de l'autre, marchent du même pas parce qu'ils sont la conséquence de même choix politiques et économiques « libéraux ». L'éradication du chômage et de la précarité passent par des mesures rompant avec cette logique, que j'ai tenté d'exposer plus haut. Parmi ces mesures, il y a effectivement le fait que le CDI doit être la norme d'emploi pour tous.
Protection sociale
Q - Le financement de la protection sociale justifie-t-il un élargissement des assiettes de prélèvement et la création de ressources plus larges comme celle que propose la CFE-CGC avec la cotisation sociale sur la consommation ?
R - S'il s'agit de la « TVA sociale », je n'y suis pas favorable. Comme je l'ai indiqué plus haut, l'impôt indirect, notamment la TVA, est le plus injuste de tous, puisqu'il frappe chacun au même niveau, le plus riche et le plus pauvre. L'élévation indispensable du pouvoir d'achat passe au contraire par un abaissement de la TVA, jusqu'au taux zéro pour les produits de première nécessité.
Ma position est que le financement de la protection sociale doit être assis sur les cotisations et non sur l'impôt. Actuellement, je l'ai rappelé, les exonérations de cotisations sociales des entreprises se montent à 23 milliards d'euros chaque année. Je rappelle que le déficit annuel de la Sécurité sociale est de 8 milliards. Je propose d'augmenter certains taux de cotisations et de créer une assiette supplémentaire sur les profits financiers des entreprises. À elle seule, cette nouvelle cotisation au même taux que la cotisation patronale maladie rapporterait 20 milliards d'euros.
J'ajoute que les propositions que j'avance en termes de développement de l'emploi, des salaires, de la formation permettraient des augmentations sensibles de cotisations sociales.
Q - La CFE-CGC est profondément attachée à l'aspect solidaire du régime de santé. Êtes-vous d'accord avec cette approche ?
R - J'y suis également profondément attachée. Je suis pour inverser les logiques actuelles et partir des besoins de la population. Les réformes libérales, en effet, ont détruit la solidarité, fait exploser les inégalités d'accès aux soins, le développement de la pauvreté et renforcé la crise d'efficacité du système.
L'évaluation des besoins de santé devrait être effectuée par tous les acteurs sociaux, par exemple par des conseils de santé à mettre en place au plus près de la population notamment au niveau des conseils communautaires puis par des États généraux de la santé.
On doit évidemment permettre de meilleurs remboursements et le développement du tiers payant, tout particulièrement pour la lunetterie et le dentaire.
Enfin il faut construire une véritable démocratie sanitaire et sociale, tout d'abord au niveau de la gouvernance qui doit être complètement revue. Des élections des administrateurs à la représentation proportionnelle doivent être impérativement organisées, la représentation des associations d'usagers doit être garantie.
Il est crucial de s'émanciper de la domination de l'étatisation et de la privatisation (Medef, assureurs...). La gestion des caisses d'assurance maladie doit être démocratisée et transparente, elle doit se rapprocher des salariés des entreprises, des acteurs sociaux. Les représentants des assurés et des usagers doivent être associés à la définition de véritables parcours de soins efficaces. Ils doivent pouvoir intervenir réellement sur les choix des politiques de santé.
Q - Considérez-vous que les risques liés aux conditions de travail doivent être mieux pris en compte qu'actuellement et indemnisés en fonction de la perte de revenus réels ?
R - Les risques liés aux conditions de travail doivent sans cesse faire l'objet d'actions de prévention et de protection. Les organisations syndicales, la médecine de travail, les CHSCT disposent d'une riche expérience, d'un savoir collectif qui doit pleinement compter dans l'organisation des conditions de travail. Or, dans ce domaine également, les exigences de rentabilité et les méthodes de gestion portent souvent atteinte au nécessaire exercice de la démocratie sociale qui doit être sérieusement développée en la matière. Dans certains cas, des négociations doivent aboutir pour améliorer les mesures de prévention et réparation comme les retraites anticipées en cas de contact avec l'amiante, par exemple. Lorsqu'il y a des victimes, leurs droits et leur dignité sont à reconnaître. Je considère comme une nécessité de poursuivre la réduction du temps de travail et de garantir un véritable droit à la retraite pour tous les salariés, dès 60 ans, et 55 ans pour les métiers pénibles !
Q - Le stress mérite selon la CFE-CGC de la part des entreprises et des administrations une approche plus efficace. Êtes-vous d'accord et développerez-vous une politique de prévention et de réparation dans ce domaine ?
R - Au cours d'un débat avec plus de 400 syndicalistes issus de cinq organisations syndicales différentes, 400 hommes et femmes travaillant dans tous les secteurs de la vie économique, j'ai pu vérifier combien ces salariés et ces fonctionnaires étaient partagés par une même ambition. Devant les menaces qui pèsent sur l'avenir de leur métier, face à la dégradation de leurs conditions de travail, tous et toutes ont la même volonté d'être écoutés. Tous et toutes ont la même envie d'être utiles à leurs collègues comme au développement de leur métier. Tous et toutes montrent le même attachement à leur travail et à la reconnaissance de son utilité sociale. Tous et toutes développent des propositions particulièrement riches pour leur entreprise. Mais aucun n'est jamais véritablement entendu.
Bien au contraire, les nouvelles méthodes de management tendent à traduire, pour chaque salarié, concrètement et brutalement les exigences de rentabilité imposées à l'entreprise par les propriétaires. Récemment, les suicides de salariés du Technocentre de Renault en ont révélé dramatiquement les conséquences possibles. La meilleure prévention consiste à développer dans l'entreprise la reconnaissance des qualifications, de l'apport de chaque individu, de conditions de travail respectant l'individu et les besoins de coopération. La politique que je propose veut s'en prendre à la dictature de la rentabilité financière, aussi bien au niveau micro que macroéconomique avec un ensemble de politiques s'inscrivant dans un nouveau type de développement.
Q - Quelle politique allez-vous mettre en place pour la famille dans un souci de meilleur équilibre entre le temps professionnel et le temps familial ?
R - La possibilité de concilier vie professionnelle et vie familiale est particulièrement conditionnée au rôle que joue la société en matière d'accueil des enfants. Je propose de mettre en place un Service public de l'enfance pour l'accueil pédagogique des enfants. Crèches collectives, haltes garderie, assistantes maternelles regroupées dans un seul et même service public afin de permettre aux parents de choisir leur mode de garde.
Pour la petite enfance, je propose la création d'un million de places d'accueil collectif en quinze ans. Coût estimé : 12 milliards d'euros, répartis entre l'État, les collectivités locales, la CAF, les entreprises et les familles payantes. Cela se traduirait par la création de 150 000 emplois.
Je suis également pour l'attribution d'une allocation relevée dès le premier enfant et jusqu'au dernier. Pour que celles et ceux qui font le choix de prendre le congé maternité/paternité, actuellement de trois ans, je suis favorable à ce que ce congé soit partagé entre le père et la mère et qu'il soit mieux rémunéré.
Je propose également des mesures pour que les parents qui se retirent de l'activité professionnelle durant cette période, ainsi que celles et ceux qui connaissent une activité professionnelle à temps partiel, ne soient pas pénalisés et retrouvent leur poste de travail. Qu'elles et ils bénéficient d'une formation, d'un déroulement de carrière non amputé, d'une évolution de salaire normale, d'une retraite à taux plein.
Enfin, je propose de développer de grandes campagnes d'information pour avancer plus encore sur le partage des tâches au sein la famille, afin que les femmes ne soient pas seules à assumer la vie familiale et l'éducation.
Dialogue social et représentativité
Q - Que comptez-vous mettre en oeuvre pour permettre aux organisations syndicales représentatives de développer leur nombre d'adhérents ? Êtes-vous favorable à un dispositif de type Contrat d'engagement social permettant la reconnaissance du fait syndical et la valorisation de l'engagement syndical ?
R - Je considère que la démocratie et la citoyenneté doivent entrer dans l'entreprise comme l'entreprise doit être au coeur de la démocratie. C'est un des points essentiels de mon programme. L'exigence de démocratiser les relations sociales suppose d'aller bien plus loin dans le rôle devant être reconnu aux organisations syndicales. Les syndicats, et à travers eux les salariés, doivent disposer du pouvoir d'intervenir dans la définition des stratégies des entreprises. Ils doivent se voir reconnu un droit suspensif sur les licenciements collectifs avec la possibilité de présenter des propositions alternatives qui feront l'objet d'un processus de débat approfondi avec les directions d'entreprise mais aussi les territoires et l'État, les élus et les populations. Ils doivent être en mesure d'opposer aux stratégies financières de leur direction des choix de développement durable de l'activité, de l'emploi, des salaires et de la recherche. La reconnaissance de ces nouveaux pouvoirs constituerait un immense progrès démocratique. Mais elle aiderait aussi à fonder notre développement économique sur d'autres bases que celle des profits, de la rentabilité financière et du mépris des salariés.
Je considère que le renforcement de la démocratie sociale ainsi que le respect, la reconnaissance et l'élargissement des droits des salariés et de leurs syndicats, dans les grandes entreprises comme dans les PME, dans le privé comme dans la fonction publique, constituent la meilleure façon de valoriser le fait syndical et d'encourager les salariés à le renforcer.
Q - Êtes-vous favorable au fait de réserver le bénéfice des accords d'entreprise aux seuls adhérents des organisations syndicales ?
R - Non : les acquis de l'action syndicale doivent bénéficier à tous les salariés. C'est d'ailleurs parce qu'elle est au service de l'intérêt général qu'elle doit être encouragée et non freinée, voire réprimée.
Q - Quelle disposition comptez-vous prendre pour que les décrets d'application de la loi du 17 janvier 2002 sur la présence des administrateurs salariés dans les conseils de surveillance et d'administration des entreprises paraissent ?
R - Il suffit que le gouvernement en prenne la décision.
Place de la France dans le monde
Q - Quelles sont vos propositions pour la mise en oeuvre d'une Constitution européenne et pour le développement d'une Europe sociale ?
R - Le non du peuple français le 29 mai au traité constitutionnel européen a été un rejet non pas de l'Europe, mais des politiques et des institutions libérales qui la plongent dans la crise. Il a traduit le refus des peuples européens de la dictature de la « concurrence libre et non faussée » destructrice des garanties sociales, des services publics, des souverainetés populaires et leur exigence d'une Union européenne refondée sur d'autres bases.
Les grandes lignes de cette refondation se dessinent à partir de la vie même. Elles prennent racine dans les mobilisations contre la directive Bolkestein et la précarité, pour la défense du service public ou contre la guerre d'Irak ; dans les exigences formulées par le mouvement syndical européen, les altermondialistes, les forces politiques progressistes, les multitudes de débats sur les alternatives au traité constitutionnel. Elles sont posées au travers les luttes pour une politique industrielle et énergétique européenne et la reconquête publique du fleuron de l'industrie européenne que représente Airbus.
Il n'y a pas d'avenir dans le choix des dirigeants actuels de l'Union européenne qui veulent, contre la volonté de ses peuples, poursuivre la marche forcée dans le sens du libéralisme en tentant de « sauver », d'une manière ou d'une autre, la Constitution libérale. Le choix du peuple français doit être respecté.
La France doit donc dès 2007 retirer sa signature du traité constitutionnel et empêcher toute nouvelle tentative d'adoption. Elle doit proposer d'engager un grand débat à l'échelle de l'Union européenne, associant ses peuples, pour un nouveau traité fondamental qui permette de libérer l'Europe de ses politiques et de ses institutions libérales.
Q - Quels projets mettrez-vous en avant prioritairement lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008 ?
R - Amené à présider l'Europe pour six mois au début 2008, notre pays devrait oeuvrer à l'affirmation d'un véritable modèle social européen dont les lignes de force pourraient être : le changement du rôle et des missions de la Banque centrale européenne, placée sous le contrôle du Parlement européen, pour favoriser la création d'emplois ; le remplacement du pacte de stabilité par un pacte de progrès social pour l'emploi et la croissance ; la suppression des directives de « libéralisation » et la reconnaissance des services publics comme secteur spécifique ne pouvant pas être soumis aux règles de la concurrence; de nouvelles législations contre les délocalisations et le dumping social et fiscal ; une mobilisation des instruments financiers et politiques pour des politiques européennes industrielle, agricole, de recherche, de l'énergie répondant aux enjeux sociaux, environnementaux, de développement solidaire des pays membres ; la mise de l'Union européenne hors AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) ; l'adoption d'une charte de l'environnement.
Q - Êtes-vous d'accord pour consentir un effort budgétaire suffisant pour préserver et développer l'attractivité du territoire notamment en investissant dans la qualité des services publics structurant ?
R - Je défends le principe d'une responsabilité publique nationale sur les biens et services essentiels pour lesquels l'égalité d'accès et de traitement, la solidarité et la sécurité collective doivent prévaloir. L'énergie, les transports, l'éducation, la culture, la santé, le logement, la poste et les télécommunications, l'eau doivent être à la portée de chacun. Pour cela, j'entends engager immédiatement cinq batailles : revenir sur les privatisations ; développer des pôles publics d'impulsion et de coopération; rénover le service public ; recruter les agents publics de l'État ; créer des services publics européens.
Sans attendre, il convient de stopper la vague de libéralisation qui se poursuit. Cela suppose un moratoire sur tous les textes de directives et de règlements concernant les services d'intérêts généraux.
Q - Êtes-vous favorable à une évaluation systématique des aides accordées aux entreprises sur les critères de croissance et d'emploi ? Êtes-vous favorable à une procédure de récupération des aides accordées en cas de suppression d'emplois ou de délocalisation ?
R - 65 milliards d'euros d'aides publiques sont reçues chaque année par les entreprises. C'est l'équivalent de toutes les dépenses hospitalières en France! C'est plus que le budget de l'Éducation nationale! C'est le double de la Défense! Cela représente près de 1000 euros par habitant, tout ça pour aider les patrons.
Cet argent, il faut l'utiliser autrement, en encourageant l'investissement pour mettre l'argent au service de l'investissement, de la formation, de l'emploi et des salaires et donc pour inventer un autre modèle de croissance, social, écologique et durable, et en pénalisant les investissements financiers.
Q - Quelle solution préconisez-vous pour réformer la taxe professionnelle afin d'améliorer la compétitivité des entreprises sans obérer gravement les ressources des collectivités territoriales ?
R - La taxe professionnelle devrait être transformée en un véritable impôt pour l'efficacité du capital des entreprises, assis sur leurs actifs matériels et financiers : je propose ainsi d'introduire dans la base de l'impôt les capitaux financiers des entreprises, des banques et établissements financiers, des sociétés d'assurances, de la grande distribution. Assorti d'un taux de l'ordre de 0,5 %, cette réforme de la taxe professionnelle pourrait rapporter en année pleine quelque 18 milliards d'euros. Je propose que les recettes importantes ainsi dégagées soient redistribuées aux communes selon des critères de besoins sociaux. Ce qui, joint à la suppression de la « décentralisation Raffarin », permettrait la réduction de la taxe d'habitation.
Q - Comment réduire la dette qui pèse sur l'équilibre du budget et le niveau des prélèvements obligatoire et limite par là même le rôle de l'État ?
R - En 1990, la dette publique de la France ne représentait que 35% du PIB. C'est à partir de cette date que la croissance a « décroché » par rapport au reste du monde : les politiques libérales ont dégradé l'emploi et freiné la création de richesses. Faute de recettes fiscales et sociales suffisantes, la « croissance molle » rend plus difficile le bouclage des budgets; elle engendre ainsi des déficits qui alimentent la dette.
Comment sortir de l'impasse ? En favorisant la création des richesses nécessaires à l'élévation des revenus de tous et au financement des dépenses publiques utiles. Il conviendra alors de se souvenir d'une règle élémentaire de l'analyse économique : il est légitime pour l'État de s'endetter jusqu'à un certain point si les dépenses ainsi financées contribuent à élever le potentiel de croissance de l'économie nationale (qualité des emplois, formation des salariés, développement des nouvelles technologies, avec les investissements matériels qui permettent de les mettre en oeuvre). C'est cette croissance supérieure qui, dans un deuxième temps, permettra à la fois de rembourser la dette et de financer des services publics efficaces.
La priorité n'est donc certainement pas de comprimer à tout prix les dépenses publiques, mais bien plutôt de favoriser sélectivement les dépenses porteuses d'efficacité économique et sociale: services publics de santé, d'éducation, de recherche, de protection de l'environnement, financement des retraites et de la Sécurité sociale. Cela, tout en décidant les réformes de la fiscalité et du crédit que j'ai décrites.
Cependant, agir au niveau européen est désormais aussi important que d'agir au niveau national. Plus de croissance, plus d'emploi et plus de dynamisme des entreprises en France ne peuvent se concevoir, comme je l'ai indiqué, qu'avec une redéfinition des objectifs de la Banque centrale européenne, un contrôle démocratique de son action par le Parlement européen et les parlements nationaux et le remplacement du pacte de stabilité budgétaire par un pacte de progrès social pour l'emploi et la croissance qui s'imposerait non seulement aux gouvernements européens, à la Commission de Bruxelles mais aussi à la Banque centrale européenne. Au lieu d'une concurrence destructrice, une politique sélective du crédit bancaire et un objectif commun de développement de l'emploi en qualité et en quantité tireraient vers le haut la croissance et l'efficacité économique de tous les territoires européens. Ce serait la seule façon saine de maîtriser la dette publique en France et en Europe.Source http://www.cfecgc.org, le 6 avril 2007