Interview de M. José Bové, candidat à l'élection présidentielle 2007, au Courrier de Mantes du 28 mars 2007, sur les problèmes des banlieues et le pouvoir d'achat.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Courrier de Mantes

Texte intégral

Q - François Bayrou a récemment passé une journée à Mantes-la-Jolie. Vous y êtes resté deux jours. Qu'avez-vous voulu montrer ?
R - Nous avons fait le choix délibéré de décentraliser le QG de campagne pour être au plus près des gens, là où se jouent les problèmes principaux de l'avenir de ce pays, par rapport à la jeunesse, notamment. Il était important de montrer qu'il y a une autre manière de faire la campagne, qu'elle n'est pas que paillettes, qu'on vient faire un tour en banlieue et qu'on repart lorsque les télés ont fait leur boulot.
Q - Que retenez-vous de cette banlieue justement ?
R - Que ce soit ici, à Vénissieux, à Vaulx-en-Velin, Marseille ou ailleurs, il y a beaucoup de souffrances, un besoin de respect. Il existe un sentiment de ne pas appartenir à la communauté nationale et d'être mis de côté, qu'il s'agisse des jeunes ou des anciens.
Q - Comment pourriez-vous y répondre ?
R - C'est une question de dignité, d'abord. Tous les échos sont les mêmes : la seule présence de l'État dans ces quartiers, c'est la police. Bon, les policiers n'étaient pas là quand je suis arrivé au Val-Fourré...
On a aussi un environnement qui se dégrade. Je pense aux tours de logements. Il faut un moratoire à ces démolitions. Le discours tenu est « un logement détruit, un logement construit ». Dans la réalité, ça n'est pas ce qui se passe. Il faut d'abord construire pour reloger les gens et démolir ensuite... dans la concertation.
Q - Vous bénéficiez d'une forme de sympathie dans l'opinion mais qui ne semble pas se traduire par des intentions de vote. Comment l'expliquez-vous ?
R - Ma candidature a été annoncée le 1er février. Jusqu'au 19 mars, beaucoup croyaient que je n'aurai pas mes parrainages. On démarre donc longtemps après tout le monde.
Je mets un coup de pied dans la fourmilière et crée une situation nouvelle : je veux montrer qu'on peut avoir une réflexion sociale, écologique et évoquer la question de la démocratie avec des gens de différents horizons. Bref, quelqu'un de la société civile, engagé dans un mouvement social, peut aussi entrer dans le combat électoral.
Q - Au risque de créer des divisions, à gauche en l'occurrence, et un éparpillement des voix...
R - Je ne les ai pas créées. Nous avons travaillé depuis plus d'un an pour construire une unité. On a été victime du jeu des appareils. Et nous n'acceptons pas le diktat de ceux qui sont responsables de la division.
Q - Sur quels thèmes va se gagner l'élection présidentielle, selon vous ?
R - La question de la démocratie est importante : il y a une vraie fracture entre les citoyens et la politique, une coupure entre ce que les gens vivent au quotidien et ceux qui sont censés les représenter.
Q - Et le pouvoir d'achat ?
R - Nous sommes pour un SMIC à 1 500 euros brut immédiat. Dans les six mois qui suivent l'élection, il faut organiser un Grenelle des salaires avec une réunion tripartite pouvoir public, syndicats et organisations patronales. Là, on refixe les règles pour arriver aux 1 500 euros nets. En même temps, je propose un effort pour les minima sociaux : 300 euros supplémentaires et revalorisations des retraites...
Q - Avec de l'argent que vous prenez où ?
R - En terme de fiscalité, ces dix dernières années, on a globalement perdu 10 points de la richesse nationale, qui sont passés de la masse salariale à la rémunération des entreprises. Il y a nécessité à faire rebasculer ces dix points, ce qui représente environ 190 milliards d'euros. Il faut aussi réaffecter de façon différente les budgets des ministères.
Q - Quels sont les ministères prioritaires ?
R - C'est l'éducation. Je diminue par deux le budget de la Défense. Il est aberrant de continuer le processus d'armement nucléaire qui est une folie gaullienne des années soixante.
Q - Êtes-vous favorable à l'ouverture des commerces le dimanche ?
R - Je suis pour que les salariés disposent de deux jours de congés hebdomadaires. S'ils demandent à travailler le dimanche, c'est pour avoir plus d'argent à la fin du mois. Si on modifie la grille des salaires et qu'on permet aux gens d'avoir un revenu décent, je pense qu'on peut maintenir la fermeture des commerces le dimanche.Source http://www.josebove2007.org, le 4 avril 2007