Texte intégral
Q- J. Chapuis : Je me souviens, je vous ai entendu à Lille, à votre convention présidentielle, vous invoquiez "le Dieu des fourmis et le Dieu des étoiles". A onze jours du premier tour, je voulais savoir s'ils étaient toujours avec vous pour vous donner la victoire ?
R- J'espère ! Mais en l'occurrence, la victoire est dans les urnes, et ce sont les électrices et les électeurs qui vont en décider. Et je ne crois pas à l'indécision qu'avancent les organismes de sondages, parce que je crois que c'est un parachute qu'ils se réservent pour expliquer les erreurs ou les manoeuvres qu'ils ont faites au cours de la campagne électorale présidentielle.
Q- J.-P. Elkabbach : Vous continuez à penser réellement qu'au premier tour vous dépasserez les 20 % ?
R- Oui, je le pense, mais c'est mon intuition personnelle. Cela semble recoupé par un certain nombre d'informations, tout de même, qui sont crédibles. Mais vous savez que dans ce domaine-là, les choses changent, il reste encore dix jours.
Q- J.-P. Elkabbach : Vous vous posiez jusqu'ici et ces derniers temps "en sage apaisé", et puis, on a l'impression que vous recommencez. Vous disiez hier que pour être président de la République française, "il vaut mieux être un Français, de souche". Cela vous a échappé cette formule ?
R- Ce n'est exactement comme cela, ce n'est pas exactement ma réponse. On m'a dit "quel est ce qui vous différencie de N. Sarkozy ? ", j'ai dit : "Il y a une chose qui nous différencie, c'est que, en effet, N. Sarkozy, qui s'en est prévalu de nombreuses fois, est un candidat qui vient de l'immigration, et moi je suis un candidat qui vient du terroir". Monsieur Sarkozy riposte d'une façon agressive, alors que mon propos n'était que la traduction de l'exacte vérité.
Q- J.-P. Elkabbach : Mais il y avait un peu, tout le monde l'a remarqué, de xénophobie ou d'exclusion à l'égard de celui qui n'est pas né dans le terroir ou dans un château, ou...
R- Non, pas du tout. J'ai toujours dit, que je considérais les Français d'origine étrangère, comme des Français à part entière. Simplement, je crois tout de même, compte tenu de la particularité du président de la République, du chef de l'Etat, je ne suis pas absolument sûr qu'il soit même de bon goût, de se présenter à ce poste quand on n'est pas représentatif du peuple qu'on prétend représenter. Je signale d'ailleurs, qu'aux Etats-Unis, ni M. Schwartzenegger, ni M. Kissinger n'ont pu être candidats à la présidence. Et il s'agit pourtant d'un pays d'émigration.
Q- F. Le Moal : L'idéal, c'est cela, c'est de faire comme Etats-Unis, en gros : on n'est pas né aux Etats-Unis, on ne peut pas être président de la République... donc peut faire pareil en France, on n'est pas né en France, on ne peut pas se présenter à la présidence de la République ?
R- Cela me paraît normal. Ce n'est pas qu'"on ne peut pas", légalement, on le peut, la preuve...
Q- J.-P. Elkabbach : Non, non, mais ce que veut dire F. Le Moal, c'est que vous souhaiteriez qu'ici, ce soit la même chose ?
Q- F. Le Moal : Qu'on change la loi ?
R- Oui, mais je veux dire que c'est moralement, c'est moral, c'est une question...C'est exactement comme la personne que vous invitez dans votre salon, et qui va s'asseoir tout de suite dans le fauteuil du grand-père ! Bon, voilà...C'est...
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, cela fait...Vous voulez dire, cela fait sale ? Ce n'est pas bon ?
R- Non, c'est une question de délicatesse, de délicatesse de sentiment. Et il me semble que le président de la République, le chef de l'Etat, est un homme, dont la fonction implique une incarnation de la nation et du peuple. Bon. J'estime que j'incarne mieux le peuple français que N. Sarkozy, c'est mon droit de le penser !
Q- J.-P. Elkabbach : Oui. D'abord, vous rendez-vous compte que vous choquez les trois quarts des Français qui viennent de l'immigration et qui sont nés Français de sang mêlé ?
R- Non, non ! Parce qu'ils n'ont pas l'intention d'être candidats à la présidence de la République. Cela ne me choque pas du tout que monsieur Sarkozy soit ministre, même Premier ministre, et tous les postes possibles. Je dis que la fonction de président de la République, chef de l'Etat, me paraît avoir un caractère particulier qui, à mes yeux, voilà, me fait un meilleur candidat que
N. Sarkozy.
Q- J.-P. Elkabbach : J.-M. Le Pen, mais jusqu'à quel moment on doit en baver parce qu'on a été un petit-fils ou fils d'immigré ?!!
R- Non... !
Q- J.-P. Elkabbach : Je vous pose la question. Mais savez-vous quand même que, N. Sarkozy n'est pas né à l'étranger, il est né à Paris, dans le 17 ème arrondissement ?
R- Je sais tout cela.
Q- J.-P. Elkabbach : Eh bien alors ?
R- Ecoutez, ce n'est pas moi qui a fait état de mon origine immigrée. Monsieur Sarkozy s'en est largement servi tout au long de sa vie politique. Et je me souviens d'un débat que nous avons eu, très court d'ailleurs, quand j'étais invité en duplex comme faire-valoir dans une de ces émissions...
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, et vous aviez accepté...
R- Il m'a dit : "Moi, Monsieur, je suis fier, je ne suis pas français par le sang, je suis français par l'accession..."
Q- J.-P. Elkabbach : Et il vous a répondu, parce que, apparemment cela l'a touché. Il était à Tours hier : "Oui, je suis le fils d'un Hongrois et le petit-fils d'un Grec, né à Salonique, qui s'est battu pour la France pendant la Première guerre mondiale ! Oui, je suis un Français de sang mêlé, qui pense que l'on est Français en proportion de l'amour que l'on porte à la France ! Et de ce que l'on est prêt à faire pour elle !"
R- C'est rigolo, parce que j'ai là une citation qui est...vous me direz que le témoignage est celui de M. de Villiers, alors évidemment, il n'est pas absolument sûr. Mais...
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, il trouve que vous êtes "disqualifié"...
R- Il aurait déclaré un jour, c'est dans le livre de M. Branca, il aurait dit : "Tu as de la chance, toi, Philippe, tu aimes la France, son histoire, ses paysages. Moi, tout cela me laisse froid, je ne m'intéresse qu'à l'avenir" A l'avenir de Sarkozy, bien sûr.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, à l'avenir pour lequel il dit...
R- "Doctus cum libro", moi, je fais les citations, c'est tout. Est-ce que c'est vrai, pas vrai ? C'est à monsieur de Villiers de nous dire : est-ce que c'est vrai que Sarkozy lui a dit cela ? je ne sais pas. Alors, M. Sarkozy parle "des valeurs françaises", je ne vois pas en quoi monsieur Sarkozy aurait mieux défendu les valeurs françaises que moi. Et sur ce terrain-là, je n'accepte pas non plus les leçons !
Q- F. Le Moal : Alors, autre citation, c'est votre fille, ce matin, M. Le Pen, qui dit sur France 2 : "Est-ce que, effectivement ça me pose un problème, en gros, que C. Sarkozy dise que, elle n'a pas un seule goutte de sang français dans les veines ?"
R- Oui, moi aussi, cela me pose...Oui, je trouve cela quand même un petit peu choquant, oui, c'est vrai ! Je trouve un peu choquant que, la femme qui va peut-être devenir la première dame de France, ait dit : "'Je suis fière de n'avoir pas une seule goutte de sang français dans les veines", oui, parce que...
Q- J.-P. Elkabbach : Mais cela, c'est une attaque de famille contre famille, là, ce matin. On est vraiment, alors, vraiment...
R- C'est la bataille politique ! Chacun essaye de faire valoir ses arguments, voilà ! Je vous dis les raisons pour lesquelles je me considère comme meilleur candidat, et d'autres peuvent faire valoir leurs propres arguments.
Q- F. Le Moal : Mais on peut voter pour vous, même si on est de sang mêlé,cela ne pose pas de problèmes ?
R- Mais parfaitement, on peut parfaitement...Il y en aura beaucoup je tiens à vous le dire. Mais ils n'ont pas l'intention d'être candidats à la présidence de la République, cela ne leur pose pas de problèmes, voyez-vous.
Q- J.-P. Elkabbach : Au dernier moment, on a l'impression que J.-M. Le Pen restera toujours J.-M. Le Pen. Parce qu'il vous faut...
R- C'est probable cela.
Q- Il vous faut provoquer, invectiver, fulminer, gâcher...
R- Non, non..
Q- ...toute l'impression de calme que vous aviez donnée !
R- Mais pas du tout, c'est vous qui prenez pour des invectives ce qui n'est qu'une simple constatation, un élément de débat parfaitement calme. Je ne vois pas pourquoi, la susceptibilité de certaines personnes devrait être ménagée dans la campagne électorale. L'idée qu'ils se font d'eux-mêmes ! "Ils se desservent eux-mêmes avec assez de verve, et n'aiment point trop qu'un autre les leur servent", voilà, c'est cela.
Q- J.-P. Elkabbach : Cyrano.
R- C'est la bataille politique.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, mais là, ne sort-elle pas de ce qu'elle doit être ?
R- Cela n'était même pas une attaque, c'est une constatation. J'ai dit : je me réfère à une notion, dont monsieur Sarkozy s'est servi très longuement pour justifier justement, sa politique en disant : "moi je suis un fils d'immigré". C'est vrai que son père a été naturalisé en 1980, bon...Voilà, je ne lui en fais pas grief, en effet. C'est son problème.
Q- J.-P. Elkabbach : Non, c'est l'exclusion et le rejet.
R- Non, pas du tout !
Q- J.-P. Elkabbach : Et d'autres qui sont nés comme lui peuvent le sentir.
R- Non, non, je ne rejette pas... Ecoutez, ma femme est demi grecque, par conséquent je ne l'ai pas rejetée !
Q- J.-P. Elkabbach : Depuis quelques jours, en tout cas, on a l'impression que vous vous en prenez à N. Sarkozy, que vous durcissez le ton, là je suis plus sérieux, comme si il commençait à vous inquiéter ?
R- Non, parce que je le fais entrer dans l'épure d'un deuxième tour, voyez, je considère quand même, que, avec tout le mal qu'il s'est donné, les moyens considérables qui sont à sa disposition, il me paraîtrait extraordinaire qu'il ne soit pas au deuxième tour.
Q- J. Chapuis : Et il peut vous empêcher, vous, d'être au deuxième tour ?
R- ...Par conséquent, je m'attends à le trouver devant moi au devant tour, ou derrière moi d'ailleurs.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, cela c'est facile. Et vous voulez qu'il ait 82 % des Français votant pour lui ?
R- Oui, c'est cela. Vous croyez qu'on va recommencer cette mascarade une deuxième fois. Eh bien, vous allez avoir des surprises.
Q- J.-P. Elkabbach : Ne pourrait-il pas réussi ce que F. Mitterrand avait réalisé avec le PC, mais cette fois à l'égard de votre parti, le Front national ?
On n'en est pas là.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, mais n'est-ce pas une crainte ?
R- Vous savez, quand un parti comme l'UMP a collectionné les échecs qu'il a collectionnés, il me paraît en très mauvaise position pour essayer de servir de catalyseur à la politique française.
Q- J.-P. Elkabbach : J. Chapuis, vient de dire que monsieur Le Pen, risque de se retrouver au deuxième tour face à N. Sarkozy.
Q- J. Chapuis : Cela veut dire qu'il y en a deux qui tombent. Lesquels ? Apparemment Bayrou-Royal. Mais pourquoi ?
R- Comme il y en a quatre sur la ligne, il y en a deux qui...
Q- J. Chapuis : Mais pourquoi, eux ?
R- ...vont tomber, c'est sûr.
Q- J. Chapuis : Ok. Alors, quel portrait faites-vous de S. Royal ?
R- S. Royal, je trouve qu'elle est..."cheap", si vous voulez, je ne la vois pas en présidente de la République, elle dévide comme une très bonne élève de l'ENA qu'elle est, une ancienne de l'ENA ; elle dévide ses notes, comme cela, sur un ton monocorde, sans élan, sans passion, sans coeur dirais-je, bien que elle est quand même comme tous les autres candidats, toujours l'amour à la bouche : "l'amour des citoyens, l'amour des Français,l'amour de la France", etc...Mais je ne la vois pas en présidente de la République.
Q- J.-P. Elkabbach : "Cheap", que voulez-vous dire ?
R- "Cheap"... c'est petit, c'est...voilà. "Cheap", "cheap"...Vous savez... Vous ne jouez pas au poker M. Elkabbach ?
Q- J.-P. Elkabbach : Non, je ne joue pas au poker, je vous laisse cela M. Le Pen.
R- Non, je ne joue pas moi. Je sais y jouer.
Q- J.-P. Elkabbach : Et F. Bayrou ?
R- F. Bayrou, je vais vous dire, à mon avis, c'est une créature des sondages. Je pense qu'il ne faut pas oublier...
Q- J.-P. Elkabbach : Mais il va faire plus que vous, peut-être...
R- ...il ne faut pas oublier qu'il n'est pas Le Chevalier blanc qu'il prétend être, chargeant les moulins de la décadence française. Il est le chef d'un parti politique important, il est le chef de l'UDF, un des deux piliers de la majorité depuis des années et des années.
Q- J. Chapuis : Vous faites comme L. Jospin, vous vous voyez déjà au deuxième tour ? Comme L. Jospin en 2002, vous vous voyez déjà au deuxième tour, mais cela peut ne pas arriver ?
R- Bien sûr, c'est évident, c'est la glorieuse incertitude du sport.
Q- J.-P. Elkabbach : A. Montebourg affirmait l'autre jour, qu'"entre la droite UMP et le FN, se mijotait un prochain accord". Et vous l'avez traité devant nous, à Europe 1, d'"illuminé".
R- Oui, il a des visions.
Q- J.-P. Elkabbach : D'après le journal Le Monde, le 9 avril, c'est votre fille, M. Le Pen, qui confiait : "Nous sommes parvenus à instaurer un véritable dialogue entre Sarkozy et Le Pen". Généralement, elle sait ce qu'elle dit. Est-ce qu'elle est aussi "illuminée" ?
R- Non, mais écoutez, c'est peut-être le dialogue public qui se fait de tribune à tribune. Parce que je peux vous dire que je n'ai entamé aucun dialogue avec N. Sarkozy.
Q- J. Chapuis : Non, mais vous dites qu'on peut discuter avec lui ?
R- Oui, je l'ai vu... Oui, je pense, évidemment, puisque, il n'a pas que "l'aversion viscérale" que J. Chirac prétendait avoir pour moi. Alors, comme il n'a pas d'"aversion", il n'a pas dit en tous les cas jusqu'à présent qu'il avait "une aversion viscérale"...
Q- J. Chapuis : Hier, il a dit quand même : "M. Le Pen, c'est pas donné à tout le monde d'aimer les Français. Pour bien gouverner les Français, il faut les aimer". Ce n'est pas de "l'aversion viscérale" cela ?
R- Oui, écoutez non... Non, ce n'est pas de "l'aversion viscérale", c'est un raisonnement politique
Q- J. Chapuis : Vous dire à vous que "vous n'aimez pas les Français" !!
R- J'aime les Français ou je n'aime pas les Français...J'ai prouvé dans des circonstances difficiles, que je les aimais. Ce n'est pas son cas !
J.-P. Elkabbach : Donc, on durcit ou on dialogue ce matin ? Que nous dites-vous ?
R- Nous sommes dans un parti politique...dans un pays où il y a une compétition politique, nous ne sommes pas en guerre ! Je n'ai pas des ennemis en face de moi, j'ai des adversaires, des concurrents. Et je débats avec eux sur la meilleure manière de désigner ou de désigner le meilleur candidat pour être chef de l'Etat de la France, pour permettre les réformes que ces gens-là n'ont justement pas faites pendant 30 ans !
R- J'espère ! Mais en l'occurrence, la victoire est dans les urnes, et ce sont les électrices et les électeurs qui vont en décider. Et je ne crois pas à l'indécision qu'avancent les organismes de sondages, parce que je crois que c'est un parachute qu'ils se réservent pour expliquer les erreurs ou les manoeuvres qu'ils ont faites au cours de la campagne électorale présidentielle.
Q- J.-P. Elkabbach : Vous continuez à penser réellement qu'au premier tour vous dépasserez les 20 % ?
R- Oui, je le pense, mais c'est mon intuition personnelle. Cela semble recoupé par un certain nombre d'informations, tout de même, qui sont crédibles. Mais vous savez que dans ce domaine-là, les choses changent, il reste encore dix jours.
Q- J.-P. Elkabbach : Vous vous posiez jusqu'ici et ces derniers temps "en sage apaisé", et puis, on a l'impression que vous recommencez. Vous disiez hier que pour être président de la République française, "il vaut mieux être un Français, de souche". Cela vous a échappé cette formule ?
R- Ce n'est exactement comme cela, ce n'est pas exactement ma réponse. On m'a dit "quel est ce qui vous différencie de N. Sarkozy ? ", j'ai dit : "Il y a une chose qui nous différencie, c'est que, en effet, N. Sarkozy, qui s'en est prévalu de nombreuses fois, est un candidat qui vient de l'immigration, et moi je suis un candidat qui vient du terroir". Monsieur Sarkozy riposte d'une façon agressive, alors que mon propos n'était que la traduction de l'exacte vérité.
Q- J.-P. Elkabbach : Mais il y avait un peu, tout le monde l'a remarqué, de xénophobie ou d'exclusion à l'égard de celui qui n'est pas né dans le terroir ou dans un château, ou...
R- Non, pas du tout. J'ai toujours dit, que je considérais les Français d'origine étrangère, comme des Français à part entière. Simplement, je crois tout de même, compte tenu de la particularité du président de la République, du chef de l'Etat, je ne suis pas absolument sûr qu'il soit même de bon goût, de se présenter à ce poste quand on n'est pas représentatif du peuple qu'on prétend représenter. Je signale d'ailleurs, qu'aux Etats-Unis, ni M. Schwartzenegger, ni M. Kissinger n'ont pu être candidats à la présidence. Et il s'agit pourtant d'un pays d'émigration.
Q- F. Le Moal : L'idéal, c'est cela, c'est de faire comme Etats-Unis, en gros : on n'est pas né aux Etats-Unis, on ne peut pas être président de la République... donc peut faire pareil en France, on n'est pas né en France, on ne peut pas se présenter à la présidence de la République ?
R- Cela me paraît normal. Ce n'est pas qu'"on ne peut pas", légalement, on le peut, la preuve...
Q- J.-P. Elkabbach : Non, non, mais ce que veut dire F. Le Moal, c'est que vous souhaiteriez qu'ici, ce soit la même chose ?
Q- F. Le Moal : Qu'on change la loi ?
R- Oui, mais je veux dire que c'est moralement, c'est moral, c'est une question...C'est exactement comme la personne que vous invitez dans votre salon, et qui va s'asseoir tout de suite dans le fauteuil du grand-père ! Bon, voilà...C'est...
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, cela fait...Vous voulez dire, cela fait sale ? Ce n'est pas bon ?
R- Non, c'est une question de délicatesse, de délicatesse de sentiment. Et il me semble que le président de la République, le chef de l'Etat, est un homme, dont la fonction implique une incarnation de la nation et du peuple. Bon. J'estime que j'incarne mieux le peuple français que N. Sarkozy, c'est mon droit de le penser !
Q- J.-P. Elkabbach : Oui. D'abord, vous rendez-vous compte que vous choquez les trois quarts des Français qui viennent de l'immigration et qui sont nés Français de sang mêlé ?
R- Non, non ! Parce qu'ils n'ont pas l'intention d'être candidats à la présidence de la République. Cela ne me choque pas du tout que monsieur Sarkozy soit ministre, même Premier ministre, et tous les postes possibles. Je dis que la fonction de président de la République, chef de l'Etat, me paraît avoir un caractère particulier qui, à mes yeux, voilà, me fait un meilleur candidat que
N. Sarkozy.
Q- J.-P. Elkabbach : J.-M. Le Pen, mais jusqu'à quel moment on doit en baver parce qu'on a été un petit-fils ou fils d'immigré ?!!
R- Non... !
Q- J.-P. Elkabbach : Je vous pose la question. Mais savez-vous quand même que, N. Sarkozy n'est pas né à l'étranger, il est né à Paris, dans le 17 ème arrondissement ?
R- Je sais tout cela.
Q- J.-P. Elkabbach : Eh bien alors ?
R- Ecoutez, ce n'est pas moi qui a fait état de mon origine immigrée. Monsieur Sarkozy s'en est largement servi tout au long de sa vie politique. Et je me souviens d'un débat que nous avons eu, très court d'ailleurs, quand j'étais invité en duplex comme faire-valoir dans une de ces émissions...
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, et vous aviez accepté...
R- Il m'a dit : "Moi, Monsieur, je suis fier, je ne suis pas français par le sang, je suis français par l'accession..."
Q- J.-P. Elkabbach : Et il vous a répondu, parce que, apparemment cela l'a touché. Il était à Tours hier : "Oui, je suis le fils d'un Hongrois et le petit-fils d'un Grec, né à Salonique, qui s'est battu pour la France pendant la Première guerre mondiale ! Oui, je suis un Français de sang mêlé, qui pense que l'on est Français en proportion de l'amour que l'on porte à la France ! Et de ce que l'on est prêt à faire pour elle !"
R- C'est rigolo, parce que j'ai là une citation qui est...vous me direz que le témoignage est celui de M. de Villiers, alors évidemment, il n'est pas absolument sûr. Mais...
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, il trouve que vous êtes "disqualifié"...
R- Il aurait déclaré un jour, c'est dans le livre de M. Branca, il aurait dit : "Tu as de la chance, toi, Philippe, tu aimes la France, son histoire, ses paysages. Moi, tout cela me laisse froid, je ne m'intéresse qu'à l'avenir" A l'avenir de Sarkozy, bien sûr.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, à l'avenir pour lequel il dit...
R- "Doctus cum libro", moi, je fais les citations, c'est tout. Est-ce que c'est vrai, pas vrai ? C'est à monsieur de Villiers de nous dire : est-ce que c'est vrai que Sarkozy lui a dit cela ? je ne sais pas. Alors, M. Sarkozy parle "des valeurs françaises", je ne vois pas en quoi monsieur Sarkozy aurait mieux défendu les valeurs françaises que moi. Et sur ce terrain-là, je n'accepte pas non plus les leçons !
Q- F. Le Moal : Alors, autre citation, c'est votre fille, ce matin, M. Le Pen, qui dit sur France 2 : "Est-ce que, effectivement ça me pose un problème, en gros, que C. Sarkozy dise que, elle n'a pas un seule goutte de sang français dans les veines ?"
R- Oui, moi aussi, cela me pose...Oui, je trouve cela quand même un petit peu choquant, oui, c'est vrai ! Je trouve un peu choquant que, la femme qui va peut-être devenir la première dame de France, ait dit : "'Je suis fière de n'avoir pas une seule goutte de sang français dans les veines", oui, parce que...
Q- J.-P. Elkabbach : Mais cela, c'est une attaque de famille contre famille, là, ce matin. On est vraiment, alors, vraiment...
R- C'est la bataille politique ! Chacun essaye de faire valoir ses arguments, voilà ! Je vous dis les raisons pour lesquelles je me considère comme meilleur candidat, et d'autres peuvent faire valoir leurs propres arguments.
Q- F. Le Moal : Mais on peut voter pour vous, même si on est de sang mêlé,cela ne pose pas de problèmes ?
R- Mais parfaitement, on peut parfaitement...Il y en aura beaucoup je tiens à vous le dire. Mais ils n'ont pas l'intention d'être candidats à la présidence de la République, cela ne leur pose pas de problèmes, voyez-vous.
Q- J.-P. Elkabbach : Au dernier moment, on a l'impression que J.-M. Le Pen restera toujours J.-M. Le Pen. Parce qu'il vous faut...
R- C'est probable cela.
Q- Il vous faut provoquer, invectiver, fulminer, gâcher...
R- Non, non..
Q- ...toute l'impression de calme que vous aviez donnée !
R- Mais pas du tout, c'est vous qui prenez pour des invectives ce qui n'est qu'une simple constatation, un élément de débat parfaitement calme. Je ne vois pas pourquoi, la susceptibilité de certaines personnes devrait être ménagée dans la campagne électorale. L'idée qu'ils se font d'eux-mêmes ! "Ils se desservent eux-mêmes avec assez de verve, et n'aiment point trop qu'un autre les leur servent", voilà, c'est cela.
Q- J.-P. Elkabbach : Cyrano.
R- C'est la bataille politique.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, mais là, ne sort-elle pas de ce qu'elle doit être ?
R- Cela n'était même pas une attaque, c'est une constatation. J'ai dit : je me réfère à une notion, dont monsieur Sarkozy s'est servi très longuement pour justifier justement, sa politique en disant : "moi je suis un fils d'immigré". C'est vrai que son père a été naturalisé en 1980, bon...Voilà, je ne lui en fais pas grief, en effet. C'est son problème.
Q- J.-P. Elkabbach : Non, c'est l'exclusion et le rejet.
R- Non, pas du tout !
Q- J.-P. Elkabbach : Et d'autres qui sont nés comme lui peuvent le sentir.
R- Non, non, je ne rejette pas... Ecoutez, ma femme est demi grecque, par conséquent je ne l'ai pas rejetée !
Q- J.-P. Elkabbach : Depuis quelques jours, en tout cas, on a l'impression que vous vous en prenez à N. Sarkozy, que vous durcissez le ton, là je suis plus sérieux, comme si il commençait à vous inquiéter ?
R- Non, parce que je le fais entrer dans l'épure d'un deuxième tour, voyez, je considère quand même, que, avec tout le mal qu'il s'est donné, les moyens considérables qui sont à sa disposition, il me paraîtrait extraordinaire qu'il ne soit pas au deuxième tour.
Q- J. Chapuis : Et il peut vous empêcher, vous, d'être au deuxième tour ?
R- ...Par conséquent, je m'attends à le trouver devant moi au devant tour, ou derrière moi d'ailleurs.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, cela c'est facile. Et vous voulez qu'il ait 82 % des Français votant pour lui ?
R- Oui, c'est cela. Vous croyez qu'on va recommencer cette mascarade une deuxième fois. Eh bien, vous allez avoir des surprises.
Q- J.-P. Elkabbach : Ne pourrait-il pas réussi ce que F. Mitterrand avait réalisé avec le PC, mais cette fois à l'égard de votre parti, le Front national ?
On n'en est pas là.
Q- J.-P. Elkabbach : Oui, mais n'est-ce pas une crainte ?
R- Vous savez, quand un parti comme l'UMP a collectionné les échecs qu'il a collectionnés, il me paraît en très mauvaise position pour essayer de servir de catalyseur à la politique française.
Q- J.-P. Elkabbach : J. Chapuis, vient de dire que monsieur Le Pen, risque de se retrouver au deuxième tour face à N. Sarkozy.
Q- J. Chapuis : Cela veut dire qu'il y en a deux qui tombent. Lesquels ? Apparemment Bayrou-Royal. Mais pourquoi ?
R- Comme il y en a quatre sur la ligne, il y en a deux qui...
Q- J. Chapuis : Mais pourquoi, eux ?
R- ...vont tomber, c'est sûr.
Q- J. Chapuis : Ok. Alors, quel portrait faites-vous de S. Royal ?
R- S. Royal, je trouve qu'elle est..."cheap", si vous voulez, je ne la vois pas en présidente de la République, elle dévide comme une très bonne élève de l'ENA qu'elle est, une ancienne de l'ENA ; elle dévide ses notes, comme cela, sur un ton monocorde, sans élan, sans passion, sans coeur dirais-je, bien que elle est quand même comme tous les autres candidats, toujours l'amour à la bouche : "l'amour des citoyens, l'amour des Français,l'amour de la France", etc...Mais je ne la vois pas en présidente de la République.
Q- J.-P. Elkabbach : "Cheap", que voulez-vous dire ?
R- "Cheap"... c'est petit, c'est...voilà. "Cheap", "cheap"...Vous savez... Vous ne jouez pas au poker M. Elkabbach ?
Q- J.-P. Elkabbach : Non, je ne joue pas au poker, je vous laisse cela M. Le Pen.
R- Non, je ne joue pas moi. Je sais y jouer.
Q- J.-P. Elkabbach : Et F. Bayrou ?
R- F. Bayrou, je vais vous dire, à mon avis, c'est une créature des sondages. Je pense qu'il ne faut pas oublier...
Q- J.-P. Elkabbach : Mais il va faire plus que vous, peut-être...
R- ...il ne faut pas oublier qu'il n'est pas Le Chevalier blanc qu'il prétend être, chargeant les moulins de la décadence française. Il est le chef d'un parti politique important, il est le chef de l'UDF, un des deux piliers de la majorité depuis des années et des années.
Q- J. Chapuis : Vous faites comme L. Jospin, vous vous voyez déjà au deuxième tour ? Comme L. Jospin en 2002, vous vous voyez déjà au deuxième tour, mais cela peut ne pas arriver ?
R- Bien sûr, c'est évident, c'est la glorieuse incertitude du sport.
Q- J.-P. Elkabbach : A. Montebourg affirmait l'autre jour, qu'"entre la droite UMP et le FN, se mijotait un prochain accord". Et vous l'avez traité devant nous, à Europe 1, d'"illuminé".
R- Oui, il a des visions.
Q- J.-P. Elkabbach : D'après le journal Le Monde, le 9 avril, c'est votre fille, M. Le Pen, qui confiait : "Nous sommes parvenus à instaurer un véritable dialogue entre Sarkozy et Le Pen". Généralement, elle sait ce qu'elle dit. Est-ce qu'elle est aussi "illuminée" ?
R- Non, mais écoutez, c'est peut-être le dialogue public qui se fait de tribune à tribune. Parce que je peux vous dire que je n'ai entamé aucun dialogue avec N. Sarkozy.
Q- J. Chapuis : Non, mais vous dites qu'on peut discuter avec lui ?
R- Oui, je l'ai vu... Oui, je pense, évidemment, puisque, il n'a pas que "l'aversion viscérale" que J. Chirac prétendait avoir pour moi. Alors, comme il n'a pas d'"aversion", il n'a pas dit en tous les cas jusqu'à présent qu'il avait "une aversion viscérale"...
Q- J. Chapuis : Hier, il a dit quand même : "M. Le Pen, c'est pas donné à tout le monde d'aimer les Français. Pour bien gouverner les Français, il faut les aimer". Ce n'est pas de "l'aversion viscérale" cela ?
R- Oui, écoutez non... Non, ce n'est pas de "l'aversion viscérale", c'est un raisonnement politique
Q- J. Chapuis : Vous dire à vous que "vous n'aimez pas les Français" !!
R- J'aime les Français ou je n'aime pas les Français...J'ai prouvé dans des circonstances difficiles, que je les aimais. Ce n'est pas son cas !
J.-P. Elkabbach : Donc, on durcit ou on dialogue ce matin ? Que nous dites-vous ?
R- Nous sommes dans un parti politique...dans un pays où il y a une compétition politique, nous ne sommes pas en guerre ! Je n'ai pas des ennemis en face de moi, j'ai des adversaires, des concurrents. Et je débats avec eux sur la meilleure manière de désigner ou de désigner le meilleur candidat pour être chef de l'Etat de la France, pour permettre les réformes que ces gens-là n'ont justement pas faites pendant 30 ans !