Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE CGC, à France-Culture le 11 avril 2007, sur la rémunération des chefs d'entreprise et la prise de conscience "éthique" sur le système fiscal français.

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Florence Turne : En France les actions des candidats en campagne sont allées crescendo après la révélation du montant de l'indemnité de départ accordée à l'ancien patron d'AIRBUS. Au total Noël FORGEARD aurait perçu plus de 8 millions et demi d'euros en quittant EADS en juillet 2006, départ décidé après les retards subis par le programme de l'A380 et alors qu'AIRBUS allait engager un plan de restructuration qui prévoit de supprimer 10.000 emplois sur quatre ans (... ) Effectivement la vigueur de l'indignation, qu'elle soit politique ou syndicale ne doit pas se traduire par une législation estime Bernard Van CRAEYNEST, président de la CFE-CGC.
Bernard van Craeynest : Pour ce qui est de la CFE-CGC, nous n'avons aucun problème pour admettre qu'un dirigeant, surtout d'une très grosse entreprise, avec une très lourde charge soit fort bien rémunéré. Mais pour ce qui est de son salaire qui doit constituer le principal de sa rémunération et des éventuelles avantages annexes, style stock-options, bonus, etc. Il nous semble qu'il faudrait que les éléments soient encadrés d'une part par une décision du Conseil d'administration et en particulier, la part variable, que celle-ci soit définie, approuvée par l'Assemblée générale des actionnaires. Cela nous permettrait je pense de rester dans des limites raisonnables et éventuellement d'avoir, compte tenu du caractère officiel de la rémunération, une espèce de raison gardée, plutôt que de voir des systèmes où même lorsqu'on a failli, on bénéficie quand même de largesses qui sont tout à fait déplacées.
Jean-Claude Pajak : Vous ne demandez pas aux candidats à l'élection présidentielle, une loi cadre, vous ne souhaitez pas que l'Etat intervienne sur cette question de la rémunération des dirigeants d'entreprise ?
BVC : Je serais évidemment tout à fait favorable à une loi si elle était appliquée partout, or on sait pertinemment que ce n'est pas le cas dans d'autres pays. Simplement, ce que j'observe c'est que lorsqu'on prend en compte la mode anglo saxonne, il faudrait la prendre jusqu'au bout. Aux Etats-Unis lorsqu'un dirigeant est pris en flagrant délit de ne pas avoir respecté ses objectifs et d'avoir conduit son entreprise sur la voie de l'échec, il est immédiatement remercié et il touche zéro. Pour répondre à votre question sur la loi, le problème encore une fois c'est que, si nous nous mettons à avoir un système trop rigide en France et que ce n'est pas le cas ailleurs, on risque d'encourager les délocalisations. Je vous rappelle qu'il y a déjà des systèmes fiscaux en particulier qui attirent des sièges sociaux, notamment en Suisse - je ne souhaite pas que l'on offre des possibilités de renforcer cette délocalisation, en particulier les sièges sociaux d'entreprises.
JCP : Vous êtes optimiste sur cette prise de conscience finalement que vous appelez, cette prise de conscience éthique ?
BVC : J'espère vivement que la raison l'emportera, sinon, nous pourrons avoir les plus beaux discours sur le sujet et les plus grandes déclarations, notamment des politiques - je crains que nous continuions à diviser dans ce pays et être dans une stratégie de l'échec.Source http://www.cfecgc.org, le 16 avril 2007