Texte intégral
Mes chers amis, je suis très heureux et je suis très ému ce soir. Je suis très ému d'être à Reims, je suis très ému que ce soit aujourd'hui, je suis très ému parce que vous êtes si nombreux. Je n'ai pas souvenir d'un meeting de notre famille politique dans cette ville qui ait réuni un jour comme aujourd'hui une audience aussi nombreuse que celle que vous êtes et je veux que mes premiers mots de gratitude soient pour vous. Je vous remercie d'être venus et je vous remercie d'être engagés.
Tous et vous me permettrez d'adresser un salut particulier à la jeune femme, qui traduit en langage des signes pour les sourds et malentendants, que je suis heureux de saluer comme je salue tous ceux qui participent à cette campagne malgré les difficultés de leur handicap.
Je suis très heureux parce que je suis accompagné ce soir.
Alors, je veux simplement vous dire à quel point les l'équipe que nous formons, qui a traversé le désert, à quel point elle est formidable et chaleureuse.
Je veux dire ma gratitude d'abord à Jean-Louis Schneider, le maire de Reims pour avoir manifesté sa présence et son amitié.
Je veux saluer les députés sénateurs et députés européens de la Marne, à tous seigneurs tous honneurs, Françoise FERAT, sénateur de la Marne, Yves Détraigne, sénateur de la Marne, Jean-Marie Beaupuy, député européen. Je veux dire ma gratitude de tous les jours, car je l'appelle au téléphone tous les jours, pour que nous calions, vérifions, la crédibilité de ce que nous disons aux Français. C'est un homme d'une richesse intérieure et d'un courage qui mérite qu'on le salue ; de surcroît, il est député de la Marne, Charles-Amédée de Courson.
Ils sont accompagnés par Gérard Vignoble, député du nord, et Jean-Marie Cavada, député européen.
Je veux dire un petit mot à deux des amis qui sont au premier rang. Je suis très heureux que Jean-Philippe Collard soit là dans sa région d'origine, le grand pianiste, Jean-Philippe Collard et, vous le comprendrez, j'ai un mot particulier d'amitié, d'affection, de reconnaissance pour quelqu'un qui a joué un grand rôle dans la vie de notre pays, dans la vie de cette famille politique, dans ma vie, qui, cet après-midi, dans le monde, a publié un article pour indiquer désormais qu'il me soutenait, et pour toutes les raisons du monde, je suis heureux qu'il soit là, Bernard Stasi.
C'est donc une famille, avec son combat, sa solidité, ce qu'elle croit de l'avenir de la France. C'est parce que nous partageons une certaine idée de l'avenir de la France que vous êtes là et que je suis là.
C'est parce que nous sentons des choses, qui probablement ne sont pas des choses habituelles dans le monde politiques français, que je suis candidat à l'élection présidentielle et que vous êtes là pour exprimer avec force, chaleur, le soutien que vous m'avez apporté.
Je veux vous dire exactement ce que je crois de la situation du pays.
Je veux vous dire en quoi il me semble que nous avons raison de nous battre, comme nous nous battons, comme, en réalité, on ne s'est jamais battu depuis longtemps dans la vie politique française.
Dans la vie politique française, on se bat dans un combat classique d'un camp contre l'autre, de la droite contre la gauche, le parti socialiste contre l'UMP, puisque ce sont les 2 appareils qui gouvernent ces 2 clans et ces 2 camps depuis longtemps.
C'est le combat politique habituel.
Quand il y a compétition, c'est pour le contrôle d'un camp, ce n'est pas pour changer la vie politique du pays.
Eh bien, je veux vous dire les raisons pour lesquelles, nous, nous avons choisi une démarche différente, difficile sans doute, mais, ne vous trompez pas, la plus prometteuse et la plus enthousiasmante que l'on puisse rencontrer quand on est un citoyen.
Nous avons choisi une démarche différente, nous avons choisi une démarche exceptionnelle, parce que, mes chers amis, la situation du pays est exceptionnelle. Je veux vous dire simplement ceci : jamais je n'aurais imaginé, dans ma vie d'homme, de voir s'accumuler autant de difficultés, autant de risques, autant de crises dans la vie d'un pays que celles que nous découvrons actuellement sous nos yeux.
Chacune de ces difficultés, à elle seule, apparaîtrait comme un Himalaya et l'addition de toutes ces crises entre elles fait courir à notre nation des risques qui sont des risques qui menacent son développement dans le siècle qui vient.
Jamais je n'aurais cru que l'on pouvait trouver, dans la vie de notre pays, en même temps, un chômage qui est constamment sous-estimé, enfin, qui jusqu'à maintenant était constamment sous-estimé, puisque vous l'avez suivi sans doute, les instances officielles de l'Union européenne viennent d'adresser un avertissement à la France en lui disant : excusez-nous, vos chiffres du chômage sont faux.
Dans notre pays, toute la communication autour de : c'est en train de s'arranger, les chiffres du chômage, toute la communication autour de : on est à 2 millions de chômeurs, toute cette communication est battue en brèche simplement parce que des gens compétents, honnêtes ont regardé les statistiques.
Savez-vous, par exemple -je rentre d'un périple qui m'a conduit, ce week-end, en Guyane, puis, à la Martinique, puis, en Guadeloupe- que pas un chômeur d'Outre-mer n'est compté dans les statistiques du chômage français, pas un.
Savez-vous que les 2 tiers des RMIstes français ne sont pas comptés dans les statistiques du chômage et, ainsi, quand vous additionnez, l'une après l'autre, les catégories qui sont exclues, directement exclues, élégamment exclues, habilement exclues des statistiques du chômage, vous vous apercevez de la réalité que vous avez autour de vous, dans chacune de vos familles, c'est-à-dire que, en France, il n'y a pas 2 millions de chômeurs. Il y a 4 millions de chômeurs et que c'est bien cela qui épuise l'énergie et le moral du pays.
Je ne dis pas cela seulement contre le gouvernement actuel, parce qu'il y a un point sur lequel le gouvernement actuel a raison, c'est que les statistiques que nous avons aujourd'hui, c'est à quelques réglages près, et des réglages vont toujours dans le même sens, comme vous savez, s'agissant des statistiques dont l'humoriste britannique disait : les statistiques c'est la forme la plus élaborée du mensonge !" Mais à quelques détails près, ces statistiques-là sont les mêmes aujourd'hui qu'elles étaient hier.
C'est selon moi une des raisons pour lesquelles notre pays a tant de mal à faire la vérité, c'est que les gouvernants passent leur temps à mentir au pays sur la situation réelle du pays.
Eh bien, quand je serais élu président de la République, je changerai les statistiques du chômage pour que tout soit clair, pour qu'aucun Français ne puisse ignorer quelle est la situation réelle du pays et que, regardant la vérité en face, nous choisissions le chemin du redressement qui seul peut nous permettre de nous tirer d'une situation qui blesse toutes les familles françaises et spécialement les plus jeunes des Français.
Nous avons le chômage, nous avons la dette. Je me suis juré que je parlerai, à temps et à contretemps, tous les soirs, à tous les meetings et dans toutes les émissions télévisées, du scandale que les gouvernants successifs ont laissé se créer dans notre pays et qui est qu'il y a désormais presque mille deux cents milliards d'euros de dettes qui pèsent sur les épaules des garçons et des filles qui sont là et qui vont devoir, ces mille deux cents milliards d'euros de dettes, les rembourser dans les années qui viennent parce que nous n'avons pas été responsables et sérieux dans la gestion des affaires publiques. Tous gouvernements confondus successifs de gauche et de droite, nous avons laissé s'accumuler un poids sur les épaules de nos enfants qui devraient les amener à nous condamner le jour où chacun prendra conscience de la légèreté et du laxisme qui ont été ceux des gouvernants successifs.
Je veux rompre avec la logique du déficit et de la dette. Je veux que notre pays redevienne équilibré et que nous puissions enfin regarder nos enfants dans les yeux, en disant : nous avons été, après tout, dignes de la responsabilité qui était la nôtre, vous transmettre un pays en bonne santé de manière que vous puissiez en faire l'usage que votre génération décidera d'en faire.
Je veux rompre avec la logique du déficit et de la dette et cela commence par ne pas faire de promesses que l'on ne pourra pas assumer. Je ne suis pas d'accord lorsque je vois mes deux concurrents principaux accumuler les dizaines de milliards d'euros de promesses.
Mes chers amis, nous n'en avons pas le premier sou, alors, qu'est-ce que cela veut dire de faire des promesses que l'on ne saura pas tenir ?
Je suis pour que nous soyons à la hauteur de notre responsabilité de gouvernants et de notre responsabilité de citoyens. Je dis que la dette est devant nous et, réduire les dépenses publiques, ce n'est pas une petite affaire. Il faut que vous sachiez que la France dépense, tous les jours, la France publique, la France officielle, dépense tous les jours, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses.
Est-ce que vous connaissez une famille, une entreprise, un commerce, une usine, qui pourrait vivre en dépensant, chaque jour, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses ?
Je suis pour que nous retrouvions la voie de l'équilibre, la voie du sérieux, que nous fassions face à nos responsabilités et que nous soyons la première génération politique depuis vingt-cinq ans qui rende au pays l'équilibre dont il a besoin pour survivre et pour regarder dignement ses enfants.
Nous avons un immense problème avec nos banlieues et, à la vérité, un problème que, observez-le bien, la France est seule à avoir. Nous avons laissé peu à peu se dégrader la situation de tous ceux qui vivent dans un certain nombre de quartiers au point que, désormais, ils ont le sentiment d'être abandonnés, les jeunes Français issus de l'immigration et les jeunes Français issus des Français de souche, tous ont le sentiment que, dans ce pays, on n'est pas à égalité, que, selon la couleur de la peau, la consonance du nom, l'âge, l'adresse, les relations de la famille, on n'est pas à chance égale et que l'on refuse à un certain nombre d'entre les plus jeunes des nôtres les chances élémentaires qui leur permettraient, en effet, d'assumer leur vie de femme et d'homme et il y a, en effet, des violences. Il y a, en effet, de l'insécurité.
J'ai entendu une statistique, hier, un sondage, hier, alors que je rentrais en avion de Guadeloupe. On a demandé aux Français : "Est-ce que vous pensez que la sécurité s'est améliorée depuis 5 ans ?" 85 % des Français répondent que non, 15 % disent oui, 45 % disent : "Elle s'est dégradée" et 40 % disent : "pas grand chose n'a changé".
Je ne suis pas de ceux qui prétendent que c'est facile de mener une politique de sécurité. J'ai toujours pensé que c'était difficile, mais, ce que je n'aime pas, ce sont les rodomontades de ceux qui, ayant la charge de ce difficile secteur, considèrent qu'ils peuvent publier des communiqués de victoire et expliquer à tout le monde que le travail était fait et que les choses ont profondément changé.
Je pense que, dans un secteur comme celui-là, il faut beaucoup de réalisme et beaucoup d'humilité et beaucoup de soutien de la part de tout le monde.
Je pense, en particulier, qu'il faut éviter de faire monter les tensions, de faire monter les affrontements entre les différentes catégories de Français. Je pense que les peuples sont très fragiles et très sensibles à cela. C'est très facile de pousser les peuples vers des sentiments primaires, des sentiments de rejet.
Ce qui est difficile, c'est de passer la marche arrière. Ce qui est difficile, c'est de faire qu'après les périodes électorales les gens reviennent à de meilleurs sentiments parce que, parmi toutes les personnes concernées, avec celles dont on regarde la couleur de la peau, celles dont on regarde l'origine, celles dont on entend la consonance du nom, celles qui ont une religion différente de la religion de la majorité, il faut savoir une chose : nous allons devoir vivre ensemble. Vous entendez ce que je dis ? Et, les enfants qui sont là, nous allons devoir vivre ensemble et c'est ensemble qu'il va falloir vivre.
Je regrette de le dire, ce n'est pas populaire, sûrement pas, ce n'est pas électoral, sûrement pas, mais j'ai besoin de vous dire ceci : l'immigration n'est pas à la cause de tous nos maux. Il y a des difficultés avec l'immigration, sans aucun doute, comme il y a, dans notre pays, des difficultés sociales, des difficultés d'éducation, mais l'immigration, les difficultés que nous rencontrons avec elle, elles ne sont pas la cause des difficultés de la nation. Elles en sont la conséquence.
Les grands peuples, les peuples en bonne santé, d'abord, ils arrivent à réguler l'immigration tant que possible et, ensuite, ils arrivent à l'intégration, parce que le pays est vivant, parce que les écoles fonctionnent bien, parce qu'il y a de l'emploi, parce qu'il y a des usines, parce qu'ils font attention à avoir une attitude équilibrée.
J'étais, cet après-midi, avec un journaliste québécois dans le train. Je parlais avec lui. Voilà un pays, le Québec, qui a une immigration plus importante que la nôtre, cette immigration qu'ils arrivent à considérer comme un des atouts du pays, pour ne pas dire, cher Bernard, une chance et, donc, il y a cette conscience là que nous devons avoir.
Je n'ignore aucun des problèmes que rencontre les Français de souche avec des populations immigrées dont beaucoup, d'ailleurs, des enfants sont devenus Français. Je n'ignore aucun de leurs problèmes et je n'ignore même aucun des problèmes que rencontrent les immigrés dans leur vie difficile dans notre pays, parce que toutes les portes se ferment devant eux, même quand ils ont fait des études, même quand ils ont pris soin de s'intégrer, d'adopter le look, comme l'on dit, les attitudes, la manière d'être, mais tout cela je veux vous dire, tout cela qui provoque des tensions, qui fait monter la passion, qui fait que l'on se regarde du coin de l'oeil, qui fait que l'on se méfie les uns des autres, tout cela, ce ressentiment, c'est un ennemi de la France.
Ce ressentiment nous empêche d'avancer. On a besoin de regarder les difficultés en face, on a besoin d'y trouver des réponses. On a besoin d'apporter ces réponses tous ensemble. Nous allons devoir vivre ensemble et c'est ensemble que nous en sortirons et c'est ensemble que nous construirons notre pays.
Je sais bien que, cela, on ne le dit pas, parce qu'il est électoralement plus payant d'aller sur l'autre terrain. C'est électoralement plus payant d'aller exciter comme cela, en dessous, des choses qui ne demandent qu'à flamber, de prendre le tisonnier pour faire repartir les flammes, parce qu'ils croient, ces candidats-là -ils sont plusieurs- qu'évidemment c'est plus payant, la passion que la raison.
Eh bien, devant vous et à Reims, terre française, je veux dire que, nous, en tout cas, nous avons choisi de défendre la raison en matière de relations entre les citoyens français, le respect réciproque et la compréhension et que nous ne voulons pas aller dans le sens de ceux qui excitent les affrontements, les ressentiments et les haines.
Je n'irai pas non plus dans le sens de ceux, de celle, en particulier, qui veut dériver toutes ces questions sur je ne sais quelle utilisation du drapeau.
Il se trouve que j'aime la France.
Il se trouve que j'aime la France. Il se trouve que j'aime notre patrie. Il se trouve que je me sens bien dans sa langue, mais je dois rappeler à tout le monde que la France, la nation, ce ne sont pas les signes extérieurs de la nation, la France et la nation, ce sont les valeurs de la République et, dans notre pays, c'est la République qui a fait la nation et pas la nation qui a fait la République.
C'est parce que nous avons écrit "liberté, égalité, fraternité" sur tous les frontons de nos monuments publics que nous sommes, en effet, un peuple qui ne ressemble à aucun autre.
Tous les autres peuples de la planète -je l'ai écrit dans mon dernier livre Projet d'espoir chez Plon, publicité gratuite et lecture salutaire ! je l'ai vérifié-, tous les autres peuples du monde choisissant une devise nationale l'ont fait pour exalter leur identité ou pour rappeler le lien avec leur religion, tous. Les seuls qui avons choisi d'écrire ces 3 mots : liberté, égalité, fraternité, qui sont 3 vertus universelles, les seuls, ce sont les Français et, à notre suite, un certain nombre d'autres peuples qui sont dans notre famille francophone.
Nous sommes les seuls à l'avoir fait et cela veut dire des choses très importantes et très profondes.
Vous me pardonnerez de faire 2 minutes ou 30 secondes de philosophie avec vous. Quand on dit : liberté, égalité, fraternité, on dit que l'on a un projet de résistance, parce que la liberté, ce n'est pas naturel. Il a fallu beaucoup de temps pour la construire et il faut beaucoup de temps à chacun d'entre nous pour construire sa propre liberté. Ce qui est naturel, c'est la servitude, mais pas la liberté.
L'égalité, ce n'est pas naturel, ce qui l'est, c'est l'inégalité, la loi du plus fort. C'est le plus riche ou le plus puissant qui impose sa loi, mais, nous, nous considérons que, parce que nous sommes citoyens, nous relevons de la même loi que nous soyons pauvres ou que nous soyons riches. Et on ferait bien de s'en souvenir, en France, un peu plus souvent que c'est la même loi qui devrait s'adresser aux pauvres et qui devrait s'adresser aux riches.
La fraternité, ce n'est pas naturel. Ce qui est naturel, c'est le chacun pour soi. C'est : je préfère mes filles à mes cousines, mes cousines à mes voisines... Vous vous souvenez de cette affaire ! C'est cela qui est naturel.
Et nous, parce que nous croyons à quelque chose -et je dis nous croyons à quelque chose en étant à Reims-, en prenant tous les héritages de l'humanisme français, l'héritage qui vient d'Athènes et de Rome, l'héritage qui vient de Jérusalem, l'héritage qui vient du christianisme -je le dis au pied de la cathédrale- l'héritage qui vient de l'humanisme laïque et des lumières- nous prenons tout cela. C'est notre creuset, c'est notre patrimoine, c'est notre héritage et nous en faisons le bien le plus précieux que nous avons à défendre, celui qui dit : Excusez-nous, on voit bien que vous voulez nous pousser les uns contre les autres, mais, nous, on a quelque chose à vous dire. Bien que ce soit difficile à croire et difficile à défendre, nous considérons que les hommes sont frères et nous avons bien l'intention de le montrer dans le projet de société qui est celui de la société française.
Et ce n'est pas facile de le dire, ce n'est pas électoral de le dire, comme ils nous le montrent, tous les jours, dans leurs campagnes débridées, mais, nous, c'est la ligne que nous avons choisie et nous n'avons pas l'intention d'y manquer. Nous avons l'intention de rester sous cette ligne parce que c'est celle que la France attend et, cette ligne que la France attend, elle la choisira lorsque le moment sera venu, c'est-à-dire le 22 avril prochain et le 6 mai.
Cependant, qu'arrivent Denis Badré, sénateur des Hauts de Seine et Jean-Jacques Jegou, sénateur du Val-de-Marne, voilà ce que nous avons devant nous, ce pays si profondément meurtri, ce pays si profondément divisé, voyez-vous.... les messes basses, cela suffit ! Quand on a été prof, il n'y a pas grand chose qui vous échappe dans la salle et, parfois, vous avez envie de donner des avertissements, fussent-ils destinés à d'éminents députés européens !
Ce pays brisé, ce pays fracturé, ce pays divisé et que des gens veulent diviser plus encore, ce pays-là, il a tout cela à résoudre : le chômage, la dette, l'exclusion, les banlieues, l'éducation, alors que tant de gens doutent de l'école aujourd'hui, l'école qui est notre seule chance. J'y reviendrai dans un instant. Nous avons tous les problèmes qui tiennent au réchauffement de la planète. Nous avons tous les problèmes qui tiennent à la mondialisation. J'étais chez Chausson, cet après-midi, avec l'immense défi que représente le fait que des entreprises soient durement concurrencées par d'autres entreprises, par exemple, chinoises et ces entreprises-là ont l'immense avantage de n'avoir à respecter aucune norme environnementale et d'avoir une monnaie, qui est si profondément sous-évaluée, que le rapport entre l'heure de travail en Chine et l'heure de travail en France est de 1 à 75.
Si l'on n'a pas cela en tête, on n'a rien en tête.
Évidemment, certains disent : "Il faut fermer les frontières." Excusez-moi de le dire, on ne peut pas fermer les frontières quand on est un pays qui exporte le travail d'à peu près un ouvrier ou un technicien sur trois dans notre pays.
Donc, évidemment, quand on a cette question devant soi, il n'y a qu'une seule réponse possible, c'est : il faut que l'Europe protège la loyauté et l'équité de nos échanges, protège les conditions dans lesquelles nos usines, nos industries produisent. Nous voulons bien être sur des marchés concurrentiels, à condition que les autres respectent les mêmes règles que, nous, nous imposons à nous-mêmes.
Pour cela, il faut que l'Europe existe et, pour qu'elle existe, il faut qu'on la reconstruise. Il ne faut pas seulement qu'on la reconstruise dans les textes, il faut qu'on la reconstruise dans les coeurs.
La chose la plus triste qui soit arrivée, pour moi, sur les 2 dernières décennies de notre histoire, c'est que les Français, qui avaient voulu le grand projet d'Union européenne, les Français qui avaient voulu que l'on fasse un marché commun d'abord, puis après beaucoup plus encore, un ensemble politique doté d'une même monnaie pour résister à ce qu'était la puissance notamment de la monnaie américaine qui était souveraine, qui faisait ce qu'elle voulait à la surface de la planète.
Les Français, qui avaient voulu tout cela, un jour, se sont détournés du projet européen.
On a commis des erreurs, on a laissé faire des choses qu'on n'aurait pas du faire. J'explique très souvent que je comprends très bien pourquoi on a demandé à la commission européenne à Bruxelles de faire des normes pour que les produits puissent circuler au travers des frontières, parce que, avant, évidemment, les frontières se fermaient. En Allemagne, on ne laissait pas entrer la bière française, parce qu'on prétendait que la bière française n'était pas faite selon des conditions d'hygiène et, évidemment, ce n'était pas vrai. C'était juste fait pour ne pas avoir de concurrence française en Allemagne et c'était pareil pour l'ensemble des produits industriels, agro alimentaires. Les frontières étaient fermées. Donc, je comprends très bien l'idée, qui est intervenue au milieu des années 80, en 86 et qui s'est appelée l'acte unique.
On a dit : ces histoires qui empêchent les produits français d'aller en Allemagne et les produits allemands d'aller en France.... Les phares des voitures étaient jaunes en France, blanc en Allemagne. C'était fait pour que l'on ne puisse pas vendre les voitures des uns chez les autres.
Je comprends très bien ceux qui ont fait cela, mais que n'ont-ils eu l'idée de mettre les administrations chargées de faire les normes dans une autre ville qu'à Bruxelles.
J'aurais voulu qu'ils les mettent à Milan ou à Francfort, n'importe où en tout cas, de manière que ne se glisse pas, dans l'esprit des Français, l'idée que cette grande idée européenne se résumait, dans les années 80 et 90, à s'occuper de la manière dont on fabriquait les fromages au lait cru, à s'occuper de la manière dont on pouvait aller vendre des produits sur les marchés de villages, à s'occuper de la manière dont devait fonctionner les tondeuses à gazon et le niveau sonore qui était le leur, à s'occuper, bref, de tous ces problèmes de la vie de tous les jours qui sont nécessaires, mais pas suffisants et qui ne correspondent pas à la vocation première qui était celle de l'Europe.
Je voudrais que, désormais, et ce sera le cas si je suis élu président de la République française, l'Europe s'occupe de l'essentiel et pas de l'accessoire.
Je regrette de dire que, pour moi, l'Europe devrait s'occuper de défense un peu plus qu'elle ne le fait. Elle devrait s'occuper de lutte contre le terrorisme et les trafics d'êtres humains, un peu plus qu'elle ne le fait. Elle devrait s'occuper de politique internationale et du Proche Orient un peu plus qu'elle ne le fait. Elle devrait s'occuper du climat et de l'énergie un peu plus qu'elle ne le fait et elle devrait considérer que son projet, le grand projet européen dépasse, et de loin, la seule obsession de la concurrence sur tous les sujets et dans tous les domaines de la vie qui est la nôtre.
Par exemple, je suis au regret de dire -je vais me faire sans doute beaucoup d'ennemis, mais après tout, j'en ai déjà un certain nombre. Je peux en assumer quelques-uns de plus- que je trouvais que c'était très bien le 12 pour demander les renseignements téléphoniques et, alors, l'introduction d'innombrables numéros commençant par 118, que l'on a tout le temps du mal à mémoriser... Et, en tout cas, personne ne sait qui est au bout du fil. On ne connaît pas les entreprises qui sont ainsi prestatrices de services. C'est devenu plus compliqué, moins fiables et des emplois sont partis de France par centaines parce que les centres d'appels sont partis à l'étranger. Je ne vois pas ce que l'on y a gagné et c'est pourquoi, je vous le dis, élu président de la République, y compris face à l'Europe, je défendrai les services publics de notre pays, les services publics en banlieue, les services publics en zone rurale. Je défendrai la Poste et j'ai le sentiment, en le faisant, que je ne suis pas moins bon citoyen européen, moins bon citoyen français et même que je ne suis pas moins bon militant de l'idéal Européen que tous les autres qui croient que, l'Europe, cela se résume à l'argent, au commerce, au fric, aux échanges et à la concurrence échevelée.
Je veux de la concurrence, mais je veux que l'on remette les choses à leur place. Il y a des choses plus importantes pour l'avenir de notre pays et notamment la cohésion sociale. C'est en remettant ainsi -je le dis du plus profond de ce que je crois- l'Europe à l'endroit, l'essentiel en haut et l'accessoire en bas, que l'on va retrouver, au sein du peuple français, l'amour de cet idéal et le soutien de ce grand projet.
Je veux réconcilier les Français avec l'Europe et je veux réconcilier l'Europe avec la France.
Voilà un des objectifs que je me fixe pour l'avenir, pour la décennie dans laquelle nous entrons et c'est pourquoi je dis : lorsque le moment sera venu de sortir de la crise que nous vivons ensemble, depuis le non au référendum du mois de mai 2005, crise qui a évidemment éclaboussé l'ensemble de l'Europe, lorsque le moment sera venu de sortir de cette crise, que nous aurons trouvé de quoi répondre aux questions qui furent celles des Français... Les Français ont voté non et je sais très bien pourquoi ils ont voté non. C'est parce que le texte était illisible. Je dis souvent : il était illisible même pour ceux qui l'ont écrit, parce que je crois qu'il y a une partie qui était écrite sous l'angle politique et une autre sous l'angle technique, juridique, qui était faite uniquement pour les juristes et pas les citoyens.
Tous les Français, lorsqu'ils ont reçu le traité chez eux, cela pesait déjà dans la boîte. Ils ont ouvert ce traité, plein de bonne volonté, par millions. Ils ont voulu voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Au bout de huit pages, ils étaient complètement pommés. Ils ont dit : "Écoute, cela ne peut pas continuer, dans ce truc, il y a un piège" et ils ont voté contre le piège.
Et, le piège qu'ils ont cru discerner ou qu'ils ont discerné, c'était que, derrière les paragraphes si compliqués, derrière les choses auxquelles on ne comprenait rien, en réalité, il y avait un projet de société et ce projet de société n'était pas le projet de société qu'ils avaient choisi pour la France. Alors, ils ont voté non au texte illisible et non au projet qu'ils croyaient deviner derrière l'illisibilité de ce texte.
Il y avait, en plus, cette affaire d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, décidée de manière irresponsable par les dirigeants européens, spécialement par les dirigeants français.
Savez-vous -je veux le dire devant vous- que, l'adhésion de la Turquie, l'ouverture de l'Union à la Turquie, il y a des arguments pour et des arguments contre. Pour ma part, j'étais contre, mais je reconnais qu'il y avait des arguments pour, des gens qui avaient une autre vision de l'Europe que la mienne ou, après tout, de l'histoire que la mienne. Il y avait des arguments qui méritaient d'être pris en considération.
Ce qui est inacceptable, anormal, que nous n'aurions jamais dû laisser passer si nous avions été le peuple de citoyen que nous sommes en train de reconstruire, c'est qu'une telle décision soit prise sans que les élus du peuple français, les députés et les sénateurs aient même le droit, ait même le droit de dire un mot sur la décision la plus importante qui allait être prise au nom des citoyens qu'ils représentaient.
Je trouve inacceptable que, dans notre pays, le parlement en soit réduit au point qu'il est écarté, de manière méprisante, des grandes décisions historiques qui concernent l'avenir du peuple qu'il représente, des grandes et des petites décisions historiques. Nous n'aurions jamais dû l'accepter.
Savez-vous, par exemple, que, quand on a décidé -je dis cela en forme de parenthèse sur le rôle et la place du parlement en France- de manière scandaleuse, à mes yeux, de privatiser les autoroutes qui étaient remboursées, qui allaient être une pompe à cash incroyable pour les intérêts privés, le parlement n'a même pas eu le droit de dire son mot, alors que la loi l'y obligeait. Je suis allé tout seul, tout seul à titre personnel, au Conseil d'État pour contester, tout seul, une décision qui était illégale et illégitime à l'encontre des intérêts du peuple français.
Ce jour-là, je le dis au passage, car j'entends de la part des dirigeants socialistes une campagne que je trouve franchement déplacée du genre : "François Bayrou a toujours voté avec la droite. Il n'a jamais défendu des valeurs de gauche"...
Je veux rappeler ceci : lorsqu'il s'est agi de défendre l'allocation spécifique de solidarité des chômeurs, pendant les tout premiers mois de la législature, que le gouvernement Raffarin avait décidé de supprimer, les 14,5 malheureux euros que l'on donne aux gens qui n'ont plus rien, je suis monté à la tribune, seul, pour défendre l'Allocation Spécifique de Sécurité des chômeurs. Je n'ai pas entendu la gauche à ce moment.
Lorsqu'il s'est agi de lutter contre la privatisation des autoroutes pour empêcher que tombe dans la poche d'intérêts privés très puissants l'argent qui avait été économisé et investi par les Français, je suis monté, tout seul, à la tribune. Je suis allé, tout seul, au Conseil d'État. Je n'ai pas beaucoup entendu la gauche à ce moment-là, parce qu'elle a sans doute naturellement des sentiments beaucoup plus bienveillants que les miens à l'égard des intérêts privés en question qu'elle connaît parfaitement bien.
Je peux multiplier les exemples des positions que nous avons prises, des combats que nous avons menés, tout seuls, non pas parce que nous étions d'un bord ou de l'autre, mais pour une raison très profonde : c'est parce que nous sommes quelque chose qui est, me semble-t-il, la majorité en France, c'est-à-dire des républicains et des citoyens qui considérons que la solidarité est le premier des devoirs que nous devons remplir au nom de l'État . Nous le défendrons contre des gouvernements de gauche, quand ils y manqueront, contre des gouvernements de droite, quand ils y manqueront. Nous les défendrons contre tout le monde parce que c'est le droit des Français.
Mais, il est vrai, il faut accepter de regarder les choses en face, que nous n'avons pas, que je n'ai pas la même idée de la solidarité ou de l'assistance qu'ont les dirigeants du Parti socialiste.
C'est vrai, en fait, que le réflexe est toujours le même : ils croient que l'État peut tout faire, que l'État peut tout payer, qu'il peut tout prendre en charge, qu'il suffit de promettre et que les chèques des impôts suivront.
Il se trouve que je n'ai pas cette idée. Par exemple, puisqu'on en est aux confidences, je n'ai pas approuvé... J'ai compris, mais je n'ai pas approuvé la décision qui a été prise par la région Ile-de-France de donner une carte de circulation permanente à tous les RMIstes d'Ile-de-France et à toute leur famille. Je ne l'ai pas approuvé, non pas parce que je n'aurais pas de compassion à l'égard des RMIstes, mais parce que je sais ce qui se passe dans la tête d'un certain nombre d'autres citoyens qui considèrent que, quand on travaille, on a toutes les charges et, quand on ne travaille pas, les avantages que l'on vous donne sont tels que l'on ne voit pas bien pourquoi on ferait l'effort de travailler.
Je demande que l'on réfléchisse, que l'on n'y réfléchisse pas que camp contre camp, mais citoyens avec citoyen. Je vais vous dire pourquoi. Nous avons découvert, en faisant des études, en particulier Valérie LETARD, notre jeune collègue sénatrice du Nord, qu'une des raisons pour lesquelles il y avait toujours plus de RMIstes et toujours moins de gens qui revenaient au travail, c'était que le fait de travailler faisait perdre instantanément les avantages que l'on avait quand on était en inactivité et que, donc, cela vous dissuadait de faire l'effort de travailler au lieu de vous encourager à faire l'effort de travailler.
Parce que, quand vous additionnez la dispense des impôts locaux, la dispense de la redevance télévision, les aides diverses que vous recevez pour le logement, la gratuité des cantines pour les enfants, maintenant, ces cartes de circulation, quand vous additionnez tout cela et que vous êtes une jeune femme qui élève des enfants toute seule, que le travail que l'on vous propose est un travail qui est loin de votre domicile, qu'il vous rapportera des sommes assez faibles, vous faites les additions et vous vous rendez compte, au bout du chemin, que vous y perdrez et, alors, votre corps défendant, même si ce n'est pas dans vos autres intérêts, à ce moment-là, vous y renoncez.
Je trouve que c'est une grande pitié pour la France et nous nous sommes fixés une loi, une règle. Nous voulons que, pour tous les citoyens français qui reprennent un travail en venant des minima sociaux, tous ces citoyens soient assurés d'une chose : s'ils travaillent, ils y gagneront. Il y aura une différence importante entre la situation qui était celle de l'assistance et la situation qui est celle du travail.
Est-ce une attitude d'un bord ou de l'autre ? Je sais une chose avec certitude, c'est que c'est une attitude généreuse, parce qu'il n'est pas généreux d'enfermer les gens dans ces situations où, peu à peu, on se marginalise. Il y a des avantages qui, en réalité, sont des handicaps. Cela paraît comme des avantages et des privilèges. Puis, au bout du chemin, cela vous abandonne tout seul et vous vous retrouvez sans retraite, sans possibilité d'avoir transmis à vos enfants quelque chose de votre activité professionnelle, en tout cas, de l'image de parents qui travaillent. Bref, on vous fait perdre beaucoup.
C'est la raison pour laquelle nous avons choisi, pour lutter contre l'exclusion, d'édicter un principe et une grande politique qui sera celle de l'activité universelle. On considérera que, l'on n'est pas quitte avec une personne, une femme ou un homme lorsqu'on lui aura fait le chèque du RMI. On considérera qu'il faut lui apporter quelque chose en plus, c'est-à-dire la possibilité d'avoir une activité dans la société, dans les associations ou dans les collectivités locales, une activité, de manière à arrondir ses fins de mois et surtout à retrouver l'attitude, la dignité, la force, l'inscription dans la société de quelqu'un qui travaille plutôt que de quelqu'un qui, à son corps défendant, est obligé de rester dans la marginalité.
Ceci est de la générosité et ceci est, en même temps, je le crois, du réalisme. Voyez toute cette immense bataille que nous avons à mener pour reconstruire notre pays, pour reconstruire son économie bien sûr, son emploi bien sûr, parce qu'il n'y a pas de politique sociale sans emploi.
Je considère que, si l'on n'a pas d'emploi à offrir à quelqu'un, en réalité, au bout du chemin, on lui offre des belles paroles et pas grand-chose d'autre. C'est la raison pour laquelle, élu président de la République, je donnerai à toutes les entreprises françaises quelle que soit leur taille, la possibilité de créer 2 emplois nouveaux sans avoir à payer de charges pendant 5 ans, autrement, que les 10 % pour la retraite.
Je considère que, là, nous avons la possibilité de multiplier les emplois qui s'adresseront à eux, spécialement aux jeunes diplômés, spécialement aux jeunes qui ont passé une licence, un baccalauréat ou une maîtrise et qui se retrouvent sans rien, au grand désespoir de leur famille qui s'inquiète, qui se ronge les sangs... Toutes, parce que toutes nos familles, toutes, elles avaient vécu avec une idée simple, une idée formidable, qui était la grande idée du contrat républicain français.
Cette idée était celle-ci : si les enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle des parents. C'était cela la France. C'est avec cela qu'on a vécu, tous.
Puis, aujourd'hui, si les enfants travaillent bien à l'école, s'ils acquièrent des diplômes, s'ils ont des bac+4, des bac+5, des bac+6, s'ils n'ont pas les relations suffisantes dans la famille, ils restent sur le bord de la route. Ceci est une atteinte au contrat républicain.
C'est avec cela qu'il va falloir que nous nous battions et il n'y a que 2 choses à faire : multiplier les emplois, multiplier les vrais emplois, pas les emplois qui sont perpétuellement à la charge du contribuable, parce qu'on sait qu'ils ne durent pas, multiplier les vrais emplois et la mesure que nous avons décidée et budgétée sur ce point : 2 emplois sans charges pendant 5 ans. Cette mesure contribue à multiplier les emplois et il y a une autre chose à faire -je le dis au passage et je vais conclure sur ce point- c'est que, tous ensemble, nous prenions conscience que l'université ne peut plus être seulement l'endroit où l'on distribue des connaissances générales. Il faut que nous bâtissions, avec l'université, en investissant sur elle, mais avec elle, une autre obligation qui est celle de formations et d'insertions professionnelles. Quand on a eu un diplôme, il faut aussi trouver un métier.
Je sais combien cela va être un grand effort, mais c'est nécessaire, de même qu'est nécessaire la prise de conscience de la nation que je propose, dont je fais le pilier central de la politique que je veux défendre pour notre pays, le pilier central, dans les temps que nous vivons, dans les temps de mondialisation, c'est-à-dire de concurrence rude et sauvage, qui sont les nôtres, avec les atouts qui sont ceux de la France dans ces temps-là.
Si nous voulons être le grand pays que nous méritons d'être, il n'y a qu'un choix à prononcer, un seul : la chance de la France et la seule chance possible, c'est que nous ayons les enfants et les jeunes les mieux formés de la planète. Cela veut dire qu'il n'y a qu'un investissement à conduire, si l'on devait n'en couvrir qu'un, il n'y a qu'un investissement, c'est l'éducation. L'éducation d'abord, l'éducation ensuite et l'éducation enfin.
C'est pourquoi, fort de cette certitude, je soutiens et je soutiendrai l'Éducation nationale et ceux qui la font vivre. Fort de cette certitude, je sais qu'il est plus facile de se faire des succès électoraux en les flinguant, mais je voudrais que ceux ou celles qui les flinguent aillent devant une classe pendant 20 heures par semaine et voient dans les collèges tels qu'ils sont aujourd'hui quelle est la capacité des femmes et des hommes qui portent l'effort de ne jamais se rendre et de se battre jusqu'au bout pour former nos jeunes compatriotes.
Je les soutiendrai. Nous leur garantirons les moyens, je le dis à l'avance, parce que, comme cela, d'une certaine manière -à Reims, on ne peut pas me dire le contraire- et que, donc, nous aurons évité un certain nombre de lourdes discussions sur ce sujet dans les années qui viennent, je leur garantirai les moyens, mais, en échange, il faut que nous signions un contrat, et que ce contrat dise à la France : il y a des échecs de l'école que nous n'acceptons plus. Il y a des échecs de l'école que nous allons corriger patiemment et le premier échec est celui-ci.... Garantis par le soutien de la nation, garantis par le soutien personnel que les élus de la nation leur apporteront et, en premier, le président de la République, garantis par les moyens, il y a une chose que nous allons faire : nous allons apprendre à lire et à écrire à tous les enfants avant qu'ils ne rentrent en sixième.
Je sais très bien que ce n'est pas facile. Je connais très bien les obstacles. Je sais que nous ne sommes plus la société de l'écrit, que nous sommes la société de l'image, que ce n'est pas facile d'apprendre à lire, notamment dans des milieux où la télévision est allumée 6 ou 7 heures dans la journée et, le reste du temps, ce sont les jeux vidéo. Je sais très bien que ce n'est pas facile, mais on va le faire.
Je sais très bien qu'il arrive que les enfants n'apprennent pas à lire facilement, non pas pour des raisons pédagogiques, mais pour des raisons psychologiques, parce que les familles sont, aujourd'hui, le lieu de tensions, comme vous le savez, extrêmement dures, notamment les familles des milieux défavorisés et il y a beaucoup d'enfants qui trinquent. Ces enfants, il faut les repérer tôt et les accompagner tôt, avec du soutien psychologique, si l'on veut qu'ils se rattrapent et qu'ils se reconstruisent et, nous, nous croyons que tout le monde peut se reconstruire. Encore faut-il faire l'effort nécessaire pour cela.
Voilà la priorité de la nation : on va apprendre à lire et écrire à tous les enfants. On va garantir le calme dans les établissements scolaires, y compris les établissements scolaires des milieux les plus défavorisés et on va garantir une autre chose qui est l'excellence républicaine. Je veux que, dans tous les établissements, fussent-ils des quartiers les plus difficiles, un enfant qui a les moyens, le potentiel, le courage, la volonté, puisse réussir au collège le plus éloigné, d'une banlieue de grande ville ou d'une vallée pyrénéenne. Il puisse réussir exactement de la même manière que l'on réussit si l'on est inscrit à Henri IV quand on a les parents qui habitent les bons quartiers.
De tous les défis que j'ai énumérés, celui-ci est le plus important. Nous, la France, nous allons choisir d'avoir la meilleure éducation du monde, parce que, si nous n'avons pas la meilleure du monde, nous ne gagnerons pas la bataille et nous pouvons avoir la meilleure éducation du monde, parce que nous avons eu la meilleure éducation nationale que tous les pays nous enviaient alentours et au-delà. Nous avons une éducation très supérieure à l'éducation des États-Unis, à celle de la Grande-Bretagne, à celle de l'Allemagne. Cela était la fierté de notre peuple. Plus encore, cela était la charpente qui a permis à la maison de France de se construire.
Je veux que l'on retrouve la meilleure éducation nationale du monde et nous ne ménagerons aucun effort pour cela. Il en va de l'avenir de nos enfants et des enfants de nos enfants, parce que nous avons décidé que, la France, c'était un grand projet pour le XXI ème siècle. Voilà les défis qui sont devant nous, sans compter les défis internationaux, sans compter ce qui se passe au Proche Orient et au Moyen-Orient, sans compter cette grande affaire de biodiversité, d'atmosphère, de risques, sans compter le terrorisme, immense défi que nous avons devant nous.
Ces défis-là exigent qu'une génération fasse enfin ce que les générations précédentes ont refusé de faire. Je suis arrivé, au bout de ce chemin, après avoir longuement participé, et de toutes mes forces, à la vie politique de mon pays, longuement observé avec autant d'acuité que je pouvais en avoir, la vie politique de mon pays, je suis arrivé à cette conclusion : il y a 25 ans que l'on nous fait vivre la guerre d'un parti contre l'autre. Il y a 25 ans que nous multiplions les échecs. Il faut tourner la page sur cette mise en scène d'une opposition artificielle et il faut entrer dans une autre page, dans un autre chapitre.
Si nous voulons résoudre les problèmes du pays, il faut, une fois pour toutes, que nous acceptions de travailler ensemble plutôt que de travailler les uns contre les autres et, donc, si je suis élu président de la République, je nommerai un gouvernement dans lequel je prendrai bien soin de présenter des visages nouveaux. On a beaucoup besoin de visages nouveaux, des expériences nouvelles, mais un gouvernement qui représentera aussi équitablement que possible les grandes sensibilités du pays pour qu'aucun citoyen français, devant les décisions que nous serons amenées à prendre et à proposer à notre peuple, ne puisse imaginer ou ne puisse soupçonner que ces décisions sont faites à l'avantage des uns contre les autres, pour des intérêts partisans plutôt que pour l'intérêt général.
Nous avons besoin de rebâtir la France et la raison pour laquelle évidemment le combat que nous engageons, là, est essentiel... Si vous observez le champ politique, les trois candidats qui peuvent être élus, alors, vous découvrirez qu'il n'y en a qu'un seul sur les trois qui puissent, en effet, rassembler les énergies, dépasser les frontières de ces camps, obliger les gens à sortir de la forteresse dans laquelle ils sont enfermés, inviter le pays, non pas seulement à vivre ensemble, mais à travailler ensemble, il n'y a qu'une seule possibilité, une seule majorité possible pour le pays contrairement à ce qu'ils racontent. Ils vont faire, l'un et l'autre, au mieux, entre 20 et 25 % au premier tour de l'élection présidentielle. Dois-je leur rappeler que ce n'est pas avec 20 ou 25 % que l'on gouverne le pays ?
Pour gouverner le pays, il faut arriver à 50 % et nous sommes les seuls à pouvoir tendre la main à des responsables publics de haut niveau, compétents, à pouvoir tendre la main droite vers la droite, tendre la main gauche vers la gauche de manière à expliquer à tout le monde que, désormais, comme chaque fois qu'elle était en péril, la France sort de ces divisions pour entrer dans le rassemblement car, pour reconstruire un pays, il faut d'abord le rassembler.
C'est ce que nous avons l'intention de faire et c'est cela qui va tout changer et c'est pourquoi vous êtes là et c'est pourquoi je suis si heureux de vous avoir rencontrés ce soir à Reims. Ce qui commence, c'est un chapitre nouveau de l'histoire de notre pays. Merci de m'aider à l'écrire."Source http://www.bayrou.fr, le 5 avril 2007
Tous et vous me permettrez d'adresser un salut particulier à la jeune femme, qui traduit en langage des signes pour les sourds et malentendants, que je suis heureux de saluer comme je salue tous ceux qui participent à cette campagne malgré les difficultés de leur handicap.
Je suis très heureux parce que je suis accompagné ce soir.
Alors, je veux simplement vous dire à quel point les l'équipe que nous formons, qui a traversé le désert, à quel point elle est formidable et chaleureuse.
Je veux dire ma gratitude d'abord à Jean-Louis Schneider, le maire de Reims pour avoir manifesté sa présence et son amitié.
Je veux saluer les députés sénateurs et députés européens de la Marne, à tous seigneurs tous honneurs, Françoise FERAT, sénateur de la Marne, Yves Détraigne, sénateur de la Marne, Jean-Marie Beaupuy, député européen. Je veux dire ma gratitude de tous les jours, car je l'appelle au téléphone tous les jours, pour que nous calions, vérifions, la crédibilité de ce que nous disons aux Français. C'est un homme d'une richesse intérieure et d'un courage qui mérite qu'on le salue ; de surcroît, il est député de la Marne, Charles-Amédée de Courson.
Ils sont accompagnés par Gérard Vignoble, député du nord, et Jean-Marie Cavada, député européen.
Je veux dire un petit mot à deux des amis qui sont au premier rang. Je suis très heureux que Jean-Philippe Collard soit là dans sa région d'origine, le grand pianiste, Jean-Philippe Collard et, vous le comprendrez, j'ai un mot particulier d'amitié, d'affection, de reconnaissance pour quelqu'un qui a joué un grand rôle dans la vie de notre pays, dans la vie de cette famille politique, dans ma vie, qui, cet après-midi, dans le monde, a publié un article pour indiquer désormais qu'il me soutenait, et pour toutes les raisons du monde, je suis heureux qu'il soit là, Bernard Stasi.
C'est donc une famille, avec son combat, sa solidité, ce qu'elle croit de l'avenir de la France. C'est parce que nous partageons une certaine idée de l'avenir de la France que vous êtes là et que je suis là.
C'est parce que nous sentons des choses, qui probablement ne sont pas des choses habituelles dans le monde politiques français, que je suis candidat à l'élection présidentielle et que vous êtes là pour exprimer avec force, chaleur, le soutien que vous m'avez apporté.
Je veux vous dire exactement ce que je crois de la situation du pays.
Je veux vous dire en quoi il me semble que nous avons raison de nous battre, comme nous nous battons, comme, en réalité, on ne s'est jamais battu depuis longtemps dans la vie politique française.
Dans la vie politique française, on se bat dans un combat classique d'un camp contre l'autre, de la droite contre la gauche, le parti socialiste contre l'UMP, puisque ce sont les 2 appareils qui gouvernent ces 2 clans et ces 2 camps depuis longtemps.
C'est le combat politique habituel.
Quand il y a compétition, c'est pour le contrôle d'un camp, ce n'est pas pour changer la vie politique du pays.
Eh bien, je veux vous dire les raisons pour lesquelles, nous, nous avons choisi une démarche différente, difficile sans doute, mais, ne vous trompez pas, la plus prometteuse et la plus enthousiasmante que l'on puisse rencontrer quand on est un citoyen.
Nous avons choisi une démarche différente, nous avons choisi une démarche exceptionnelle, parce que, mes chers amis, la situation du pays est exceptionnelle. Je veux vous dire simplement ceci : jamais je n'aurais imaginé, dans ma vie d'homme, de voir s'accumuler autant de difficultés, autant de risques, autant de crises dans la vie d'un pays que celles que nous découvrons actuellement sous nos yeux.
Chacune de ces difficultés, à elle seule, apparaîtrait comme un Himalaya et l'addition de toutes ces crises entre elles fait courir à notre nation des risques qui sont des risques qui menacent son développement dans le siècle qui vient.
Jamais je n'aurais cru que l'on pouvait trouver, dans la vie de notre pays, en même temps, un chômage qui est constamment sous-estimé, enfin, qui jusqu'à maintenant était constamment sous-estimé, puisque vous l'avez suivi sans doute, les instances officielles de l'Union européenne viennent d'adresser un avertissement à la France en lui disant : excusez-nous, vos chiffres du chômage sont faux.
Dans notre pays, toute la communication autour de : c'est en train de s'arranger, les chiffres du chômage, toute la communication autour de : on est à 2 millions de chômeurs, toute cette communication est battue en brèche simplement parce que des gens compétents, honnêtes ont regardé les statistiques.
Savez-vous, par exemple -je rentre d'un périple qui m'a conduit, ce week-end, en Guyane, puis, à la Martinique, puis, en Guadeloupe- que pas un chômeur d'Outre-mer n'est compté dans les statistiques du chômage français, pas un.
Savez-vous que les 2 tiers des RMIstes français ne sont pas comptés dans les statistiques du chômage et, ainsi, quand vous additionnez, l'une après l'autre, les catégories qui sont exclues, directement exclues, élégamment exclues, habilement exclues des statistiques du chômage, vous vous apercevez de la réalité que vous avez autour de vous, dans chacune de vos familles, c'est-à-dire que, en France, il n'y a pas 2 millions de chômeurs. Il y a 4 millions de chômeurs et que c'est bien cela qui épuise l'énergie et le moral du pays.
Je ne dis pas cela seulement contre le gouvernement actuel, parce qu'il y a un point sur lequel le gouvernement actuel a raison, c'est que les statistiques que nous avons aujourd'hui, c'est à quelques réglages près, et des réglages vont toujours dans le même sens, comme vous savez, s'agissant des statistiques dont l'humoriste britannique disait : les statistiques c'est la forme la plus élaborée du mensonge !" Mais à quelques détails près, ces statistiques-là sont les mêmes aujourd'hui qu'elles étaient hier.
C'est selon moi une des raisons pour lesquelles notre pays a tant de mal à faire la vérité, c'est que les gouvernants passent leur temps à mentir au pays sur la situation réelle du pays.
Eh bien, quand je serais élu président de la République, je changerai les statistiques du chômage pour que tout soit clair, pour qu'aucun Français ne puisse ignorer quelle est la situation réelle du pays et que, regardant la vérité en face, nous choisissions le chemin du redressement qui seul peut nous permettre de nous tirer d'une situation qui blesse toutes les familles françaises et spécialement les plus jeunes des Français.
Nous avons le chômage, nous avons la dette. Je me suis juré que je parlerai, à temps et à contretemps, tous les soirs, à tous les meetings et dans toutes les émissions télévisées, du scandale que les gouvernants successifs ont laissé se créer dans notre pays et qui est qu'il y a désormais presque mille deux cents milliards d'euros de dettes qui pèsent sur les épaules des garçons et des filles qui sont là et qui vont devoir, ces mille deux cents milliards d'euros de dettes, les rembourser dans les années qui viennent parce que nous n'avons pas été responsables et sérieux dans la gestion des affaires publiques. Tous gouvernements confondus successifs de gauche et de droite, nous avons laissé s'accumuler un poids sur les épaules de nos enfants qui devraient les amener à nous condamner le jour où chacun prendra conscience de la légèreté et du laxisme qui ont été ceux des gouvernants successifs.
Je veux rompre avec la logique du déficit et de la dette. Je veux que notre pays redevienne équilibré et que nous puissions enfin regarder nos enfants dans les yeux, en disant : nous avons été, après tout, dignes de la responsabilité qui était la nôtre, vous transmettre un pays en bonne santé de manière que vous puissiez en faire l'usage que votre génération décidera d'en faire.
Je veux rompre avec la logique du déficit et de la dette et cela commence par ne pas faire de promesses que l'on ne pourra pas assumer. Je ne suis pas d'accord lorsque je vois mes deux concurrents principaux accumuler les dizaines de milliards d'euros de promesses.
Mes chers amis, nous n'en avons pas le premier sou, alors, qu'est-ce que cela veut dire de faire des promesses que l'on ne saura pas tenir ?
Je suis pour que nous soyons à la hauteur de notre responsabilité de gouvernants et de notre responsabilité de citoyens. Je dis que la dette est devant nous et, réduire les dépenses publiques, ce n'est pas une petite affaire. Il faut que vous sachiez que la France dépense, tous les jours, la France publique, la France officielle, dépense tous les jours, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses.
Est-ce que vous connaissez une famille, une entreprise, un commerce, une usine, qui pourrait vivre en dépensant, chaque jour, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses ?
Je suis pour que nous retrouvions la voie de l'équilibre, la voie du sérieux, que nous fassions face à nos responsabilités et que nous soyons la première génération politique depuis vingt-cinq ans qui rende au pays l'équilibre dont il a besoin pour survivre et pour regarder dignement ses enfants.
Nous avons un immense problème avec nos banlieues et, à la vérité, un problème que, observez-le bien, la France est seule à avoir. Nous avons laissé peu à peu se dégrader la situation de tous ceux qui vivent dans un certain nombre de quartiers au point que, désormais, ils ont le sentiment d'être abandonnés, les jeunes Français issus de l'immigration et les jeunes Français issus des Français de souche, tous ont le sentiment que, dans ce pays, on n'est pas à égalité, que, selon la couleur de la peau, la consonance du nom, l'âge, l'adresse, les relations de la famille, on n'est pas à chance égale et que l'on refuse à un certain nombre d'entre les plus jeunes des nôtres les chances élémentaires qui leur permettraient, en effet, d'assumer leur vie de femme et d'homme et il y a, en effet, des violences. Il y a, en effet, de l'insécurité.
J'ai entendu une statistique, hier, un sondage, hier, alors que je rentrais en avion de Guadeloupe. On a demandé aux Français : "Est-ce que vous pensez que la sécurité s'est améliorée depuis 5 ans ?" 85 % des Français répondent que non, 15 % disent oui, 45 % disent : "Elle s'est dégradée" et 40 % disent : "pas grand chose n'a changé".
Je ne suis pas de ceux qui prétendent que c'est facile de mener une politique de sécurité. J'ai toujours pensé que c'était difficile, mais, ce que je n'aime pas, ce sont les rodomontades de ceux qui, ayant la charge de ce difficile secteur, considèrent qu'ils peuvent publier des communiqués de victoire et expliquer à tout le monde que le travail était fait et que les choses ont profondément changé.
Je pense que, dans un secteur comme celui-là, il faut beaucoup de réalisme et beaucoup d'humilité et beaucoup de soutien de la part de tout le monde.
Je pense, en particulier, qu'il faut éviter de faire monter les tensions, de faire monter les affrontements entre les différentes catégories de Français. Je pense que les peuples sont très fragiles et très sensibles à cela. C'est très facile de pousser les peuples vers des sentiments primaires, des sentiments de rejet.
Ce qui est difficile, c'est de passer la marche arrière. Ce qui est difficile, c'est de faire qu'après les périodes électorales les gens reviennent à de meilleurs sentiments parce que, parmi toutes les personnes concernées, avec celles dont on regarde la couleur de la peau, celles dont on regarde l'origine, celles dont on entend la consonance du nom, celles qui ont une religion différente de la religion de la majorité, il faut savoir une chose : nous allons devoir vivre ensemble. Vous entendez ce que je dis ? Et, les enfants qui sont là, nous allons devoir vivre ensemble et c'est ensemble qu'il va falloir vivre.
Je regrette de le dire, ce n'est pas populaire, sûrement pas, ce n'est pas électoral, sûrement pas, mais j'ai besoin de vous dire ceci : l'immigration n'est pas à la cause de tous nos maux. Il y a des difficultés avec l'immigration, sans aucun doute, comme il y a, dans notre pays, des difficultés sociales, des difficultés d'éducation, mais l'immigration, les difficultés que nous rencontrons avec elle, elles ne sont pas la cause des difficultés de la nation. Elles en sont la conséquence.
Les grands peuples, les peuples en bonne santé, d'abord, ils arrivent à réguler l'immigration tant que possible et, ensuite, ils arrivent à l'intégration, parce que le pays est vivant, parce que les écoles fonctionnent bien, parce qu'il y a de l'emploi, parce qu'il y a des usines, parce qu'ils font attention à avoir une attitude équilibrée.
J'étais, cet après-midi, avec un journaliste québécois dans le train. Je parlais avec lui. Voilà un pays, le Québec, qui a une immigration plus importante que la nôtre, cette immigration qu'ils arrivent à considérer comme un des atouts du pays, pour ne pas dire, cher Bernard, une chance et, donc, il y a cette conscience là que nous devons avoir.
Je n'ignore aucun des problèmes que rencontre les Français de souche avec des populations immigrées dont beaucoup, d'ailleurs, des enfants sont devenus Français. Je n'ignore aucun de leurs problèmes et je n'ignore même aucun des problèmes que rencontrent les immigrés dans leur vie difficile dans notre pays, parce que toutes les portes se ferment devant eux, même quand ils ont fait des études, même quand ils ont pris soin de s'intégrer, d'adopter le look, comme l'on dit, les attitudes, la manière d'être, mais tout cela je veux vous dire, tout cela qui provoque des tensions, qui fait monter la passion, qui fait que l'on se regarde du coin de l'oeil, qui fait que l'on se méfie les uns des autres, tout cela, ce ressentiment, c'est un ennemi de la France.
Ce ressentiment nous empêche d'avancer. On a besoin de regarder les difficultés en face, on a besoin d'y trouver des réponses. On a besoin d'apporter ces réponses tous ensemble. Nous allons devoir vivre ensemble et c'est ensemble que nous en sortirons et c'est ensemble que nous construirons notre pays.
Je sais bien que, cela, on ne le dit pas, parce qu'il est électoralement plus payant d'aller sur l'autre terrain. C'est électoralement plus payant d'aller exciter comme cela, en dessous, des choses qui ne demandent qu'à flamber, de prendre le tisonnier pour faire repartir les flammes, parce qu'ils croient, ces candidats-là -ils sont plusieurs- qu'évidemment c'est plus payant, la passion que la raison.
Eh bien, devant vous et à Reims, terre française, je veux dire que, nous, en tout cas, nous avons choisi de défendre la raison en matière de relations entre les citoyens français, le respect réciproque et la compréhension et que nous ne voulons pas aller dans le sens de ceux qui excitent les affrontements, les ressentiments et les haines.
Je n'irai pas non plus dans le sens de ceux, de celle, en particulier, qui veut dériver toutes ces questions sur je ne sais quelle utilisation du drapeau.
Il se trouve que j'aime la France.
Il se trouve que j'aime la France. Il se trouve que j'aime notre patrie. Il se trouve que je me sens bien dans sa langue, mais je dois rappeler à tout le monde que la France, la nation, ce ne sont pas les signes extérieurs de la nation, la France et la nation, ce sont les valeurs de la République et, dans notre pays, c'est la République qui a fait la nation et pas la nation qui a fait la République.
C'est parce que nous avons écrit "liberté, égalité, fraternité" sur tous les frontons de nos monuments publics que nous sommes, en effet, un peuple qui ne ressemble à aucun autre.
Tous les autres peuples de la planète -je l'ai écrit dans mon dernier livre Projet d'espoir chez Plon, publicité gratuite et lecture salutaire ! je l'ai vérifié-, tous les autres peuples du monde choisissant une devise nationale l'ont fait pour exalter leur identité ou pour rappeler le lien avec leur religion, tous. Les seuls qui avons choisi d'écrire ces 3 mots : liberté, égalité, fraternité, qui sont 3 vertus universelles, les seuls, ce sont les Français et, à notre suite, un certain nombre d'autres peuples qui sont dans notre famille francophone.
Nous sommes les seuls à l'avoir fait et cela veut dire des choses très importantes et très profondes.
Vous me pardonnerez de faire 2 minutes ou 30 secondes de philosophie avec vous. Quand on dit : liberté, égalité, fraternité, on dit que l'on a un projet de résistance, parce que la liberté, ce n'est pas naturel. Il a fallu beaucoup de temps pour la construire et il faut beaucoup de temps à chacun d'entre nous pour construire sa propre liberté. Ce qui est naturel, c'est la servitude, mais pas la liberté.
L'égalité, ce n'est pas naturel, ce qui l'est, c'est l'inégalité, la loi du plus fort. C'est le plus riche ou le plus puissant qui impose sa loi, mais, nous, nous considérons que, parce que nous sommes citoyens, nous relevons de la même loi que nous soyons pauvres ou que nous soyons riches. Et on ferait bien de s'en souvenir, en France, un peu plus souvent que c'est la même loi qui devrait s'adresser aux pauvres et qui devrait s'adresser aux riches.
La fraternité, ce n'est pas naturel. Ce qui est naturel, c'est le chacun pour soi. C'est : je préfère mes filles à mes cousines, mes cousines à mes voisines... Vous vous souvenez de cette affaire ! C'est cela qui est naturel.
Et nous, parce que nous croyons à quelque chose -et je dis nous croyons à quelque chose en étant à Reims-, en prenant tous les héritages de l'humanisme français, l'héritage qui vient d'Athènes et de Rome, l'héritage qui vient de Jérusalem, l'héritage qui vient du christianisme -je le dis au pied de la cathédrale- l'héritage qui vient de l'humanisme laïque et des lumières- nous prenons tout cela. C'est notre creuset, c'est notre patrimoine, c'est notre héritage et nous en faisons le bien le plus précieux que nous avons à défendre, celui qui dit : Excusez-nous, on voit bien que vous voulez nous pousser les uns contre les autres, mais, nous, on a quelque chose à vous dire. Bien que ce soit difficile à croire et difficile à défendre, nous considérons que les hommes sont frères et nous avons bien l'intention de le montrer dans le projet de société qui est celui de la société française.
Et ce n'est pas facile de le dire, ce n'est pas électoral de le dire, comme ils nous le montrent, tous les jours, dans leurs campagnes débridées, mais, nous, c'est la ligne que nous avons choisie et nous n'avons pas l'intention d'y manquer. Nous avons l'intention de rester sous cette ligne parce que c'est celle que la France attend et, cette ligne que la France attend, elle la choisira lorsque le moment sera venu, c'est-à-dire le 22 avril prochain et le 6 mai.
Cependant, qu'arrivent Denis Badré, sénateur des Hauts de Seine et Jean-Jacques Jegou, sénateur du Val-de-Marne, voilà ce que nous avons devant nous, ce pays si profondément meurtri, ce pays si profondément divisé, voyez-vous.... les messes basses, cela suffit ! Quand on a été prof, il n'y a pas grand chose qui vous échappe dans la salle et, parfois, vous avez envie de donner des avertissements, fussent-ils destinés à d'éminents députés européens !
Ce pays brisé, ce pays fracturé, ce pays divisé et que des gens veulent diviser plus encore, ce pays-là, il a tout cela à résoudre : le chômage, la dette, l'exclusion, les banlieues, l'éducation, alors que tant de gens doutent de l'école aujourd'hui, l'école qui est notre seule chance. J'y reviendrai dans un instant. Nous avons tous les problèmes qui tiennent au réchauffement de la planète. Nous avons tous les problèmes qui tiennent à la mondialisation. J'étais chez Chausson, cet après-midi, avec l'immense défi que représente le fait que des entreprises soient durement concurrencées par d'autres entreprises, par exemple, chinoises et ces entreprises-là ont l'immense avantage de n'avoir à respecter aucune norme environnementale et d'avoir une monnaie, qui est si profondément sous-évaluée, que le rapport entre l'heure de travail en Chine et l'heure de travail en France est de 1 à 75.
Si l'on n'a pas cela en tête, on n'a rien en tête.
Évidemment, certains disent : "Il faut fermer les frontières." Excusez-moi de le dire, on ne peut pas fermer les frontières quand on est un pays qui exporte le travail d'à peu près un ouvrier ou un technicien sur trois dans notre pays.
Donc, évidemment, quand on a cette question devant soi, il n'y a qu'une seule réponse possible, c'est : il faut que l'Europe protège la loyauté et l'équité de nos échanges, protège les conditions dans lesquelles nos usines, nos industries produisent. Nous voulons bien être sur des marchés concurrentiels, à condition que les autres respectent les mêmes règles que, nous, nous imposons à nous-mêmes.
Pour cela, il faut que l'Europe existe et, pour qu'elle existe, il faut qu'on la reconstruise. Il ne faut pas seulement qu'on la reconstruise dans les textes, il faut qu'on la reconstruise dans les coeurs.
La chose la plus triste qui soit arrivée, pour moi, sur les 2 dernières décennies de notre histoire, c'est que les Français, qui avaient voulu le grand projet d'Union européenne, les Français qui avaient voulu que l'on fasse un marché commun d'abord, puis après beaucoup plus encore, un ensemble politique doté d'une même monnaie pour résister à ce qu'était la puissance notamment de la monnaie américaine qui était souveraine, qui faisait ce qu'elle voulait à la surface de la planète.
Les Français, qui avaient voulu tout cela, un jour, se sont détournés du projet européen.
On a commis des erreurs, on a laissé faire des choses qu'on n'aurait pas du faire. J'explique très souvent que je comprends très bien pourquoi on a demandé à la commission européenne à Bruxelles de faire des normes pour que les produits puissent circuler au travers des frontières, parce que, avant, évidemment, les frontières se fermaient. En Allemagne, on ne laissait pas entrer la bière française, parce qu'on prétendait que la bière française n'était pas faite selon des conditions d'hygiène et, évidemment, ce n'était pas vrai. C'était juste fait pour ne pas avoir de concurrence française en Allemagne et c'était pareil pour l'ensemble des produits industriels, agro alimentaires. Les frontières étaient fermées. Donc, je comprends très bien l'idée, qui est intervenue au milieu des années 80, en 86 et qui s'est appelée l'acte unique.
On a dit : ces histoires qui empêchent les produits français d'aller en Allemagne et les produits allemands d'aller en France.... Les phares des voitures étaient jaunes en France, blanc en Allemagne. C'était fait pour que l'on ne puisse pas vendre les voitures des uns chez les autres.
Je comprends très bien ceux qui ont fait cela, mais que n'ont-ils eu l'idée de mettre les administrations chargées de faire les normes dans une autre ville qu'à Bruxelles.
J'aurais voulu qu'ils les mettent à Milan ou à Francfort, n'importe où en tout cas, de manière que ne se glisse pas, dans l'esprit des Français, l'idée que cette grande idée européenne se résumait, dans les années 80 et 90, à s'occuper de la manière dont on fabriquait les fromages au lait cru, à s'occuper de la manière dont on pouvait aller vendre des produits sur les marchés de villages, à s'occuper de la manière dont devait fonctionner les tondeuses à gazon et le niveau sonore qui était le leur, à s'occuper, bref, de tous ces problèmes de la vie de tous les jours qui sont nécessaires, mais pas suffisants et qui ne correspondent pas à la vocation première qui était celle de l'Europe.
Je voudrais que, désormais, et ce sera le cas si je suis élu président de la République française, l'Europe s'occupe de l'essentiel et pas de l'accessoire.
Je regrette de dire que, pour moi, l'Europe devrait s'occuper de défense un peu plus qu'elle ne le fait. Elle devrait s'occuper de lutte contre le terrorisme et les trafics d'êtres humains, un peu plus qu'elle ne le fait. Elle devrait s'occuper de politique internationale et du Proche Orient un peu plus qu'elle ne le fait. Elle devrait s'occuper du climat et de l'énergie un peu plus qu'elle ne le fait et elle devrait considérer que son projet, le grand projet européen dépasse, et de loin, la seule obsession de la concurrence sur tous les sujets et dans tous les domaines de la vie qui est la nôtre.
Par exemple, je suis au regret de dire -je vais me faire sans doute beaucoup d'ennemis, mais après tout, j'en ai déjà un certain nombre. Je peux en assumer quelques-uns de plus- que je trouvais que c'était très bien le 12 pour demander les renseignements téléphoniques et, alors, l'introduction d'innombrables numéros commençant par 118, que l'on a tout le temps du mal à mémoriser... Et, en tout cas, personne ne sait qui est au bout du fil. On ne connaît pas les entreprises qui sont ainsi prestatrices de services. C'est devenu plus compliqué, moins fiables et des emplois sont partis de France par centaines parce que les centres d'appels sont partis à l'étranger. Je ne vois pas ce que l'on y a gagné et c'est pourquoi, je vous le dis, élu président de la République, y compris face à l'Europe, je défendrai les services publics de notre pays, les services publics en banlieue, les services publics en zone rurale. Je défendrai la Poste et j'ai le sentiment, en le faisant, que je ne suis pas moins bon citoyen européen, moins bon citoyen français et même que je ne suis pas moins bon militant de l'idéal Européen que tous les autres qui croient que, l'Europe, cela se résume à l'argent, au commerce, au fric, aux échanges et à la concurrence échevelée.
Je veux de la concurrence, mais je veux que l'on remette les choses à leur place. Il y a des choses plus importantes pour l'avenir de notre pays et notamment la cohésion sociale. C'est en remettant ainsi -je le dis du plus profond de ce que je crois- l'Europe à l'endroit, l'essentiel en haut et l'accessoire en bas, que l'on va retrouver, au sein du peuple français, l'amour de cet idéal et le soutien de ce grand projet.
Je veux réconcilier les Français avec l'Europe et je veux réconcilier l'Europe avec la France.
Voilà un des objectifs que je me fixe pour l'avenir, pour la décennie dans laquelle nous entrons et c'est pourquoi je dis : lorsque le moment sera venu de sortir de la crise que nous vivons ensemble, depuis le non au référendum du mois de mai 2005, crise qui a évidemment éclaboussé l'ensemble de l'Europe, lorsque le moment sera venu de sortir de cette crise, que nous aurons trouvé de quoi répondre aux questions qui furent celles des Français... Les Français ont voté non et je sais très bien pourquoi ils ont voté non. C'est parce que le texte était illisible. Je dis souvent : il était illisible même pour ceux qui l'ont écrit, parce que je crois qu'il y a une partie qui était écrite sous l'angle politique et une autre sous l'angle technique, juridique, qui était faite uniquement pour les juristes et pas les citoyens.
Tous les Français, lorsqu'ils ont reçu le traité chez eux, cela pesait déjà dans la boîte. Ils ont ouvert ce traité, plein de bonne volonté, par millions. Ils ont voulu voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Au bout de huit pages, ils étaient complètement pommés. Ils ont dit : "Écoute, cela ne peut pas continuer, dans ce truc, il y a un piège" et ils ont voté contre le piège.
Et, le piège qu'ils ont cru discerner ou qu'ils ont discerné, c'était que, derrière les paragraphes si compliqués, derrière les choses auxquelles on ne comprenait rien, en réalité, il y avait un projet de société et ce projet de société n'était pas le projet de société qu'ils avaient choisi pour la France. Alors, ils ont voté non au texte illisible et non au projet qu'ils croyaient deviner derrière l'illisibilité de ce texte.
Il y avait, en plus, cette affaire d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, décidée de manière irresponsable par les dirigeants européens, spécialement par les dirigeants français.
Savez-vous -je veux le dire devant vous- que, l'adhésion de la Turquie, l'ouverture de l'Union à la Turquie, il y a des arguments pour et des arguments contre. Pour ma part, j'étais contre, mais je reconnais qu'il y avait des arguments pour, des gens qui avaient une autre vision de l'Europe que la mienne ou, après tout, de l'histoire que la mienne. Il y avait des arguments qui méritaient d'être pris en considération.
Ce qui est inacceptable, anormal, que nous n'aurions jamais dû laisser passer si nous avions été le peuple de citoyen que nous sommes en train de reconstruire, c'est qu'une telle décision soit prise sans que les élus du peuple français, les députés et les sénateurs aient même le droit, ait même le droit de dire un mot sur la décision la plus importante qui allait être prise au nom des citoyens qu'ils représentaient.
Je trouve inacceptable que, dans notre pays, le parlement en soit réduit au point qu'il est écarté, de manière méprisante, des grandes décisions historiques qui concernent l'avenir du peuple qu'il représente, des grandes et des petites décisions historiques. Nous n'aurions jamais dû l'accepter.
Savez-vous, par exemple, que, quand on a décidé -je dis cela en forme de parenthèse sur le rôle et la place du parlement en France- de manière scandaleuse, à mes yeux, de privatiser les autoroutes qui étaient remboursées, qui allaient être une pompe à cash incroyable pour les intérêts privés, le parlement n'a même pas eu le droit de dire son mot, alors que la loi l'y obligeait. Je suis allé tout seul, tout seul à titre personnel, au Conseil d'État pour contester, tout seul, une décision qui était illégale et illégitime à l'encontre des intérêts du peuple français.
Ce jour-là, je le dis au passage, car j'entends de la part des dirigeants socialistes une campagne que je trouve franchement déplacée du genre : "François Bayrou a toujours voté avec la droite. Il n'a jamais défendu des valeurs de gauche"...
Je veux rappeler ceci : lorsqu'il s'est agi de défendre l'allocation spécifique de solidarité des chômeurs, pendant les tout premiers mois de la législature, que le gouvernement Raffarin avait décidé de supprimer, les 14,5 malheureux euros que l'on donne aux gens qui n'ont plus rien, je suis monté à la tribune, seul, pour défendre l'Allocation Spécifique de Sécurité des chômeurs. Je n'ai pas entendu la gauche à ce moment.
Lorsqu'il s'est agi de lutter contre la privatisation des autoroutes pour empêcher que tombe dans la poche d'intérêts privés très puissants l'argent qui avait été économisé et investi par les Français, je suis monté, tout seul, à la tribune. Je suis allé, tout seul, au Conseil d'État. Je n'ai pas beaucoup entendu la gauche à ce moment-là, parce qu'elle a sans doute naturellement des sentiments beaucoup plus bienveillants que les miens à l'égard des intérêts privés en question qu'elle connaît parfaitement bien.
Je peux multiplier les exemples des positions que nous avons prises, des combats que nous avons menés, tout seuls, non pas parce que nous étions d'un bord ou de l'autre, mais pour une raison très profonde : c'est parce que nous sommes quelque chose qui est, me semble-t-il, la majorité en France, c'est-à-dire des républicains et des citoyens qui considérons que la solidarité est le premier des devoirs que nous devons remplir au nom de l'État . Nous le défendrons contre des gouvernements de gauche, quand ils y manqueront, contre des gouvernements de droite, quand ils y manqueront. Nous les défendrons contre tout le monde parce que c'est le droit des Français.
Mais, il est vrai, il faut accepter de regarder les choses en face, que nous n'avons pas, que je n'ai pas la même idée de la solidarité ou de l'assistance qu'ont les dirigeants du Parti socialiste.
C'est vrai, en fait, que le réflexe est toujours le même : ils croient que l'État peut tout faire, que l'État peut tout payer, qu'il peut tout prendre en charge, qu'il suffit de promettre et que les chèques des impôts suivront.
Il se trouve que je n'ai pas cette idée. Par exemple, puisqu'on en est aux confidences, je n'ai pas approuvé... J'ai compris, mais je n'ai pas approuvé la décision qui a été prise par la région Ile-de-France de donner une carte de circulation permanente à tous les RMIstes d'Ile-de-France et à toute leur famille. Je ne l'ai pas approuvé, non pas parce que je n'aurais pas de compassion à l'égard des RMIstes, mais parce que je sais ce qui se passe dans la tête d'un certain nombre d'autres citoyens qui considèrent que, quand on travaille, on a toutes les charges et, quand on ne travaille pas, les avantages que l'on vous donne sont tels que l'on ne voit pas bien pourquoi on ferait l'effort de travailler.
Je demande que l'on réfléchisse, que l'on n'y réfléchisse pas que camp contre camp, mais citoyens avec citoyen. Je vais vous dire pourquoi. Nous avons découvert, en faisant des études, en particulier Valérie LETARD, notre jeune collègue sénatrice du Nord, qu'une des raisons pour lesquelles il y avait toujours plus de RMIstes et toujours moins de gens qui revenaient au travail, c'était que le fait de travailler faisait perdre instantanément les avantages que l'on avait quand on était en inactivité et que, donc, cela vous dissuadait de faire l'effort de travailler au lieu de vous encourager à faire l'effort de travailler.
Parce que, quand vous additionnez la dispense des impôts locaux, la dispense de la redevance télévision, les aides diverses que vous recevez pour le logement, la gratuité des cantines pour les enfants, maintenant, ces cartes de circulation, quand vous additionnez tout cela et que vous êtes une jeune femme qui élève des enfants toute seule, que le travail que l'on vous propose est un travail qui est loin de votre domicile, qu'il vous rapportera des sommes assez faibles, vous faites les additions et vous vous rendez compte, au bout du chemin, que vous y perdrez et, alors, votre corps défendant, même si ce n'est pas dans vos autres intérêts, à ce moment-là, vous y renoncez.
Je trouve que c'est une grande pitié pour la France et nous nous sommes fixés une loi, une règle. Nous voulons que, pour tous les citoyens français qui reprennent un travail en venant des minima sociaux, tous ces citoyens soient assurés d'une chose : s'ils travaillent, ils y gagneront. Il y aura une différence importante entre la situation qui était celle de l'assistance et la situation qui est celle du travail.
Est-ce une attitude d'un bord ou de l'autre ? Je sais une chose avec certitude, c'est que c'est une attitude généreuse, parce qu'il n'est pas généreux d'enfermer les gens dans ces situations où, peu à peu, on se marginalise. Il y a des avantages qui, en réalité, sont des handicaps. Cela paraît comme des avantages et des privilèges. Puis, au bout du chemin, cela vous abandonne tout seul et vous vous retrouvez sans retraite, sans possibilité d'avoir transmis à vos enfants quelque chose de votre activité professionnelle, en tout cas, de l'image de parents qui travaillent. Bref, on vous fait perdre beaucoup.
C'est la raison pour laquelle nous avons choisi, pour lutter contre l'exclusion, d'édicter un principe et une grande politique qui sera celle de l'activité universelle. On considérera que, l'on n'est pas quitte avec une personne, une femme ou un homme lorsqu'on lui aura fait le chèque du RMI. On considérera qu'il faut lui apporter quelque chose en plus, c'est-à-dire la possibilité d'avoir une activité dans la société, dans les associations ou dans les collectivités locales, une activité, de manière à arrondir ses fins de mois et surtout à retrouver l'attitude, la dignité, la force, l'inscription dans la société de quelqu'un qui travaille plutôt que de quelqu'un qui, à son corps défendant, est obligé de rester dans la marginalité.
Ceci est de la générosité et ceci est, en même temps, je le crois, du réalisme. Voyez toute cette immense bataille que nous avons à mener pour reconstruire notre pays, pour reconstruire son économie bien sûr, son emploi bien sûr, parce qu'il n'y a pas de politique sociale sans emploi.
Je considère que, si l'on n'a pas d'emploi à offrir à quelqu'un, en réalité, au bout du chemin, on lui offre des belles paroles et pas grand-chose d'autre. C'est la raison pour laquelle, élu président de la République, je donnerai à toutes les entreprises françaises quelle que soit leur taille, la possibilité de créer 2 emplois nouveaux sans avoir à payer de charges pendant 5 ans, autrement, que les 10 % pour la retraite.
Je considère que, là, nous avons la possibilité de multiplier les emplois qui s'adresseront à eux, spécialement aux jeunes diplômés, spécialement aux jeunes qui ont passé une licence, un baccalauréat ou une maîtrise et qui se retrouvent sans rien, au grand désespoir de leur famille qui s'inquiète, qui se ronge les sangs... Toutes, parce que toutes nos familles, toutes, elles avaient vécu avec une idée simple, une idée formidable, qui était la grande idée du contrat républicain français.
Cette idée était celle-ci : si les enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle des parents. C'était cela la France. C'est avec cela qu'on a vécu, tous.
Puis, aujourd'hui, si les enfants travaillent bien à l'école, s'ils acquièrent des diplômes, s'ils ont des bac+4, des bac+5, des bac+6, s'ils n'ont pas les relations suffisantes dans la famille, ils restent sur le bord de la route. Ceci est une atteinte au contrat républicain.
C'est avec cela qu'il va falloir que nous nous battions et il n'y a que 2 choses à faire : multiplier les emplois, multiplier les vrais emplois, pas les emplois qui sont perpétuellement à la charge du contribuable, parce qu'on sait qu'ils ne durent pas, multiplier les vrais emplois et la mesure que nous avons décidée et budgétée sur ce point : 2 emplois sans charges pendant 5 ans. Cette mesure contribue à multiplier les emplois et il y a une autre chose à faire -je le dis au passage et je vais conclure sur ce point- c'est que, tous ensemble, nous prenions conscience que l'université ne peut plus être seulement l'endroit où l'on distribue des connaissances générales. Il faut que nous bâtissions, avec l'université, en investissant sur elle, mais avec elle, une autre obligation qui est celle de formations et d'insertions professionnelles. Quand on a eu un diplôme, il faut aussi trouver un métier.
Je sais combien cela va être un grand effort, mais c'est nécessaire, de même qu'est nécessaire la prise de conscience de la nation que je propose, dont je fais le pilier central de la politique que je veux défendre pour notre pays, le pilier central, dans les temps que nous vivons, dans les temps de mondialisation, c'est-à-dire de concurrence rude et sauvage, qui sont les nôtres, avec les atouts qui sont ceux de la France dans ces temps-là.
Si nous voulons être le grand pays que nous méritons d'être, il n'y a qu'un choix à prononcer, un seul : la chance de la France et la seule chance possible, c'est que nous ayons les enfants et les jeunes les mieux formés de la planète. Cela veut dire qu'il n'y a qu'un investissement à conduire, si l'on devait n'en couvrir qu'un, il n'y a qu'un investissement, c'est l'éducation. L'éducation d'abord, l'éducation ensuite et l'éducation enfin.
C'est pourquoi, fort de cette certitude, je soutiens et je soutiendrai l'Éducation nationale et ceux qui la font vivre. Fort de cette certitude, je sais qu'il est plus facile de se faire des succès électoraux en les flinguant, mais je voudrais que ceux ou celles qui les flinguent aillent devant une classe pendant 20 heures par semaine et voient dans les collèges tels qu'ils sont aujourd'hui quelle est la capacité des femmes et des hommes qui portent l'effort de ne jamais se rendre et de se battre jusqu'au bout pour former nos jeunes compatriotes.
Je les soutiendrai. Nous leur garantirons les moyens, je le dis à l'avance, parce que, comme cela, d'une certaine manière -à Reims, on ne peut pas me dire le contraire- et que, donc, nous aurons évité un certain nombre de lourdes discussions sur ce sujet dans les années qui viennent, je leur garantirai les moyens, mais, en échange, il faut que nous signions un contrat, et que ce contrat dise à la France : il y a des échecs de l'école que nous n'acceptons plus. Il y a des échecs de l'école que nous allons corriger patiemment et le premier échec est celui-ci.... Garantis par le soutien de la nation, garantis par le soutien personnel que les élus de la nation leur apporteront et, en premier, le président de la République, garantis par les moyens, il y a une chose que nous allons faire : nous allons apprendre à lire et à écrire à tous les enfants avant qu'ils ne rentrent en sixième.
Je sais très bien que ce n'est pas facile. Je connais très bien les obstacles. Je sais que nous ne sommes plus la société de l'écrit, que nous sommes la société de l'image, que ce n'est pas facile d'apprendre à lire, notamment dans des milieux où la télévision est allumée 6 ou 7 heures dans la journée et, le reste du temps, ce sont les jeux vidéo. Je sais très bien que ce n'est pas facile, mais on va le faire.
Je sais très bien qu'il arrive que les enfants n'apprennent pas à lire facilement, non pas pour des raisons pédagogiques, mais pour des raisons psychologiques, parce que les familles sont, aujourd'hui, le lieu de tensions, comme vous le savez, extrêmement dures, notamment les familles des milieux défavorisés et il y a beaucoup d'enfants qui trinquent. Ces enfants, il faut les repérer tôt et les accompagner tôt, avec du soutien psychologique, si l'on veut qu'ils se rattrapent et qu'ils se reconstruisent et, nous, nous croyons que tout le monde peut se reconstruire. Encore faut-il faire l'effort nécessaire pour cela.
Voilà la priorité de la nation : on va apprendre à lire et écrire à tous les enfants. On va garantir le calme dans les établissements scolaires, y compris les établissements scolaires des milieux les plus défavorisés et on va garantir une autre chose qui est l'excellence républicaine. Je veux que, dans tous les établissements, fussent-ils des quartiers les plus difficiles, un enfant qui a les moyens, le potentiel, le courage, la volonté, puisse réussir au collège le plus éloigné, d'une banlieue de grande ville ou d'une vallée pyrénéenne. Il puisse réussir exactement de la même manière que l'on réussit si l'on est inscrit à Henri IV quand on a les parents qui habitent les bons quartiers.
De tous les défis que j'ai énumérés, celui-ci est le plus important. Nous, la France, nous allons choisir d'avoir la meilleure éducation du monde, parce que, si nous n'avons pas la meilleure du monde, nous ne gagnerons pas la bataille et nous pouvons avoir la meilleure éducation du monde, parce que nous avons eu la meilleure éducation nationale que tous les pays nous enviaient alentours et au-delà. Nous avons une éducation très supérieure à l'éducation des États-Unis, à celle de la Grande-Bretagne, à celle de l'Allemagne. Cela était la fierté de notre peuple. Plus encore, cela était la charpente qui a permis à la maison de France de se construire.
Je veux que l'on retrouve la meilleure éducation nationale du monde et nous ne ménagerons aucun effort pour cela. Il en va de l'avenir de nos enfants et des enfants de nos enfants, parce que nous avons décidé que, la France, c'était un grand projet pour le XXI ème siècle. Voilà les défis qui sont devant nous, sans compter les défis internationaux, sans compter ce qui se passe au Proche Orient et au Moyen-Orient, sans compter cette grande affaire de biodiversité, d'atmosphère, de risques, sans compter le terrorisme, immense défi que nous avons devant nous.
Ces défis-là exigent qu'une génération fasse enfin ce que les générations précédentes ont refusé de faire. Je suis arrivé, au bout de ce chemin, après avoir longuement participé, et de toutes mes forces, à la vie politique de mon pays, longuement observé avec autant d'acuité que je pouvais en avoir, la vie politique de mon pays, je suis arrivé à cette conclusion : il y a 25 ans que l'on nous fait vivre la guerre d'un parti contre l'autre. Il y a 25 ans que nous multiplions les échecs. Il faut tourner la page sur cette mise en scène d'une opposition artificielle et il faut entrer dans une autre page, dans un autre chapitre.
Si nous voulons résoudre les problèmes du pays, il faut, une fois pour toutes, que nous acceptions de travailler ensemble plutôt que de travailler les uns contre les autres et, donc, si je suis élu président de la République, je nommerai un gouvernement dans lequel je prendrai bien soin de présenter des visages nouveaux. On a beaucoup besoin de visages nouveaux, des expériences nouvelles, mais un gouvernement qui représentera aussi équitablement que possible les grandes sensibilités du pays pour qu'aucun citoyen français, devant les décisions que nous serons amenées à prendre et à proposer à notre peuple, ne puisse imaginer ou ne puisse soupçonner que ces décisions sont faites à l'avantage des uns contre les autres, pour des intérêts partisans plutôt que pour l'intérêt général.
Nous avons besoin de rebâtir la France et la raison pour laquelle évidemment le combat que nous engageons, là, est essentiel... Si vous observez le champ politique, les trois candidats qui peuvent être élus, alors, vous découvrirez qu'il n'y en a qu'un seul sur les trois qui puissent, en effet, rassembler les énergies, dépasser les frontières de ces camps, obliger les gens à sortir de la forteresse dans laquelle ils sont enfermés, inviter le pays, non pas seulement à vivre ensemble, mais à travailler ensemble, il n'y a qu'une seule possibilité, une seule majorité possible pour le pays contrairement à ce qu'ils racontent. Ils vont faire, l'un et l'autre, au mieux, entre 20 et 25 % au premier tour de l'élection présidentielle. Dois-je leur rappeler que ce n'est pas avec 20 ou 25 % que l'on gouverne le pays ?
Pour gouverner le pays, il faut arriver à 50 % et nous sommes les seuls à pouvoir tendre la main à des responsables publics de haut niveau, compétents, à pouvoir tendre la main droite vers la droite, tendre la main gauche vers la gauche de manière à expliquer à tout le monde que, désormais, comme chaque fois qu'elle était en péril, la France sort de ces divisions pour entrer dans le rassemblement car, pour reconstruire un pays, il faut d'abord le rassembler.
C'est ce que nous avons l'intention de faire et c'est cela qui va tout changer et c'est pourquoi vous êtes là et c'est pourquoi je suis si heureux de vous avoir rencontrés ce soir à Reims. Ce qui commence, c'est un chapitre nouveau de l'histoire de notre pays. Merci de m'aider à l'écrire."Source http://www.bayrou.fr, le 5 avril 2007