Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur la nécessaire mobilisation dès le premier tour de l'élection présidentielle de 2007 en faveur de Ségolène Royal ainsi que sur sa conception de la politique et de France, Paris le 10 avril 2007.

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Circonstance : Meeting au gymnase Japy à Paris le 10 avril 2007

Texte intégral

Chers Amis, Chers Camarades,
Depuis le temps que Ségolène Royal me parlait de Japy, enfin j'y suis. Je voulais être là, à Paris, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle car, pour moi, Paris est un exemple. Ce ne fut pas toujours le cas, je le reconnais. Mais, depuis six ans, c'est un exemple, et même un bel exemple de démocratie participative, de politique du logement, de politique des transports.
Nous voulons faire la France, c'est-à-dire Paris en plus grand, dans le respect de notre diversité. Mais, il est vrai aussi que ce qui a été la démarche engagée ici, à Paris, par Bertrand Delanoé, est pour nous une source d'inspiration. Soyez fiers, depuis six ans, du travail engagé, de ce mandat qui vous a été donné, de ce mandat que vous allez rendre aux Parisiens et, le moment venu, nous serons là, encore rassemblés, pour demander une nouvelle fois la confiance des parisiens pour continuer à agir et poursuivre le travail de transformation.
Je viens ici comme Premier secrétaire du Parti socialiste, conscient d'être là dans la première fédération socialiste de France : 20 000 adhérents ! Que de convoitise ! Que d'enjeu pour le prochain congrès, mais nous n'en sommes pas là !
Merci à tous ceux qui, depuis longtemps, sont socialistes et qui y sont restés et merci à tous ceux qui nous ont rejoint ; merci à ces nouveaux adhérents qui resteront après et qui travailleront avec nous.
Je viens là, à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle. J'ai, comme vous, conscience que nous sommes dans un moment historique. Sans doute aussi grave et aussi lourd de conséquences que le mois 1981. Il ne s'agit plus cette fois-ci d'élire pour la première fois un Président de la République de gauche, François Mitterrand. Il s'agit d'élire la première femme Présidente de la République de gauche. Mais il s'agit aussi d'en terminer avec 12 ans d'une présidence irresponsable, celle de Jacques Chirac, venu sur un malentendu -la fracture sociale ; à l'époque, c'était en 1995, il faisait croire qu'il n'était pas vraiment un candidat de droite, qu'il y avait même plus à droite que lui -en l'occurrence Edouard Balladur qui était à ce moment-là soutenu par Nicolas Sarkozy et François Bayrou. Jacques Chirac fut élu sur ce malentendu, sur cette manoeuvre. Ensuite, ce fut le plan Juppé et tout le reste ; la dissolution de l'Assemblée nationale qui fut la meilleure décision qu'il ait prise de tout son mandat ; une cohabitation de 5 ans, un Président irresponsable qui a utilisé la peur, l'insécurité en 2002, au risque -et c'est ce qui s'est produit- de mettre l'extrême droite en situation de surgir au second tour de l'élection présidentielle. Un Président donc qui a été réélu dans cette circonstance, avec les voix de tous les républicains, et notamment des socialistes, et qui n'en a tenu aucun compte, qui n'a jamais pris la dimension de ce qu'avait été le vote du 5 mai 2002 : un vote pour la République. Qu'en a-t-il fait de la République ? La République de son clan, la République de son parti, la République de son programme ! Voilà ce qu'il a fait.
Et que dire de ces élections régionales, victorieuses pour la gauche, qui n'ont rien changé -même pas le Premier ministre de l'époque. Et le référendum qu'il a décidé et qu'il a perdu tout en restant, en restant jusqu'au bout. Mais, le bout est là, nous y sommes. Il faut maintenant mettre un terme à cette présidence-là, une présidence irresponsable, une présidence d'échecs, une présidence dont il n'est pas -il est vrai- le seul comptable car il y a aussi un candidat sortant dans cette élection présidentielle : Nicolas Sarkozy. Il est soutenu par Jacques Chirac. Il l'a même été récemment par Bernadette Chirac. C'est vous dire ! Il est soutenu par l'ensemble du gouvernement ou presque. Il est donc le candidat sortant.
Il faut mettre un terme à cette politique menée depuis 5 ans qui a échoué . Pourquoi donc ne revendiquent-ils pas leur bilan ? Aussi bien Nicolas Sarkozy que, d'une certaine façon, François Bayrou ? Si ce bilan était bon, si cette politique avait réussi, ils s'en vanteraient, ils s'en réclameraient, ils s'en revendiqueraient ! C'est là qu'intervient la supercherie dans cette élection. Personne n'ose dire, dans le camp de la droite, qu'il y a une solidarité de fait, qu'il y a une responsabilité de fait dans l'échec qui s'est produit depuis 5 ans. Et pourquoi ? Parce que, comment pourraient-ils demain réussir alors qu'ils ont été les acteurs de l'échec depuis 2002.
Le moment est grave, il est important. Il y a de l'incertitude, il y a de l'indécision et je respecte l'indécision . Il nous faut être capables, les uns et les autres, maintenant, de lever l'indécision. Dans cette campagne, le seul enjeu pour nous, c'est la France. Cette France, nous l'aimons autant que les autres ; la France, nous considérons qu'elle nous appartient à nous tous, qu'elle n'est la propriété de personne. Nous revendiquons cette France, nous la portons et nous n'avons pas besoin, nous, de dire que nous aimons la France en demandant à ceux qui l'aimeraient moins que nous de partir. Même pour de mauvaises raisons, même pour des raisons fiscales.
Mais, dans cette élection, il y a bien deux conceptions de la France :
Ce que nous portons, les uns les autres, sans exclure quiconque, c'est une France de valeurs universelles , c'est une France ouverte, c'est une France solidaire, c'est une France généreuse, c'est une France exigeante, c'est la France des Droits de l'Homme, c'est la France de la justice, c'est la France de la République. Voilà la France que nous voulons pour notre pays et pour les années qui viennent. Nous n'excluons personne, nous n'écartons personne de ce chemin-là qui nous conduit vers la France de demain.
Et il y a une conception de la France repliée sur elle-même , une France inquiète, une France peureuse, une France qui s'abrite, une France qui veut se protéger, une France qui écarte, qui empêche, qui stigmatise.
Voilà pourquoi, dans cette élection, il faut défendre une conception de la France, la nôtre. Il faut aussi défendre une conception du pouvoir. Car, ce que dit Ségolène Royal sur la « France présidente », ce n'est pas l'accaparement par un parti, par une femme Présidente de la République, par une majorité de tout le pouvoir dans notre pays. La « France présidente », c'est l'idée la plus belle qui soit, que tous les citoyens, tous les acteurs, toutes les forces vives de ce pays, de notre pays, seront associés aux décisions qui les concerneront. De ce point de vue, le changement des institutions, la responsabilité du Chef de l'Etat, le renforcement des droits du Parlement, la nouvelle étape de la régionalisation, de la décentralisation, le droit donné aux citoyens d'être consultés sur l'essentiel, tout cela construira un nouveau rapport au pouvoir.
En face de nous, il y a une autre conception, celle de l'accaparement, celle de la concentration, celle de l'exercice solitaire du pouvoir où Nicolas Sarkozy n'est pas simplement candidat -comme on le croit- à l'élection présidentielle car il veut être président depuis toujours, en tout cas depuis 5 ans ; il s'y prépare. Il a même dit que son ambition était de changer de trottoir quand il a quitté la place Beauvau ! Son souhait est donc d'aller voir en face ce qui pourrait s'y produire ; il y a longtemps qu'il repère les lieux. Je me demande même si, au sein de la place Beauvau, il n'y avait pas installé une longue-vue pour regarder ce qui se décidait à l'Elysée. Mais, il ne veut pas simplement être Président ; il veut être aussi Premier ministre, Ministre de l'Intérieur -par nature, Ministre des Affaires Etrangères -par risque, Ministre de l'Economie et des Finances -sûrement ; tout, il veut tout le pouvoir : le pouvoir pour lui-même, le pouvoir pour son clan, le pouvoir pour son parti... Tout le pouvoir !
C'est donc là aussi qu'il faut faire un choix le 6 mai prochain.
Mais, il y a aussi une conception de la politique . J'ai grand espoir pour le 22 avril, mais il faut bien le dire, il y aura des électeurs qui ne voteront pas tous Ségolène Royal. C'est ainsi, nous n'y pouvons rien... Encore que nous pouvons quand même faire le meilleur résultat possible. Mais, pour autant, j'ai du respect pour ceux qui ne voteront pas Ségolène Royal ; je ne considère pas qu'ils seraient du côté des fraudeurs, des voyous, des délinquants. Je ne dis pas que nous sommes le « parti des honnêtes gens », comme l'a dit Nicolas Sarkozy. Incroyable d'ailleurs de sa part !
Nous, nous voulons une « République du respect » ; au lendemain du premier tour, nous nous devons de rassembler tous les citoyens, toutes les Françaises et tous les Français pour les amener au travail collectif. Nul ne sera rejeté, écarté et nous devons faire en sorte que notre pays soit plus fort au lendemain du 6 mai prochain et ne pas faire cette distinction insupportable entre les bons et les mauvais Français, les bons et les mauvais citoyens, les Français et les étrangers, les jeunes et les moins jeunes, ceux qui sont nés ici et ceux qui sont nés ailleurs. Ségolène Royal doit être la candidate de tout le peuple rassemblé.
Nous avons une conception de la politique qui nous conduit à revendiquer notre identité . Oui, nous sommes socialistes et nous nous retrouvons avec nos amis radicaux de gauche et du Mouvement des citoyens, avec ceux qui ont voté « oui » et ceux qui ont voté « non » au référendum sur le Traité constitutionnel. Bienvenue ! Nous sommes la gauche et nous sommes fiers de notre histoire. Et quand on vient nous emprunter nos références, visiter notre panthéon, nous ne devons rien craindre. Nicolas Sarkozy a découvert Jaurès. C'est une rencontre récente. Sur la foi d'une note des Renseignements Généraux, je suppose. Et le voilà qui embarque Blum dans l'aventure. Pourquoi Blum ? Qu'a-t-il mérité, le pauvre Blum, pour être ainsi emmener dans l'équipage de Nicolas Sarkozy ? Mais, il ne connaît pas bien son histoire. Il pensait que Blum avait remis en cause les 35 heures pour faire les 40 heures. Mais, nous n'avons rien à craindre de cet hommage du vice à la vertu ; qu'ils prennent toutes nos références, parce que nous sommes fiers d'être la gauche qui a donné le meilleur d'elle-même pour que la République soit ce qu'elle est aujourd'hui. Merci Jaurès, Merci Blum, Merci Mendès-France, Merci Mitterrand, Merci Jospin, merci à tous ceux qui ont fait que la France est là.
Nous revendiquons ce que nous sommes sans sectarisme, sans fermeture . Mais eux, que nous disent-ils sur ce qu'ils sont ? J'entendais encore, il y a peu, Nicolas Sarkozy dire qu'il n'était pas un candidat de la droite, mais un candidat de la vie. Se pose alors cette question : s'il est le candidat de la vie, qu'est-ce que nous sommes nous ! Mais, il n'est pas le seul à dissimuler son identité ! Même Le Pen ne veut plus être d'extrême droite, il veut être du centre droit ; il n'est plus xénophobe, il se découvre francophile ! Il y en a un qui a même perdu son identité ; vous le verrez parfois errer au travers des ruelles, comme un voyageur sans bagage, un homme sans mémoire ; il ne sait plus son nom ; il pense qu'il n'a jamais été député à l'Assemblée nationale depuis 1986 ; il ignore qu'il a été Ministre de l'Education sous Balladur et sous Juppé. Il ne sait pas qu'il est membre d'un parti ; il pense qu'il faut être contre tous les partis ; il ne sait pas qu'il fait de la politique ! Il vient de nulle part et repartira je ne sais où ; il dit même qu'il est plus à gauche que nous ! C'est possible ! Mais, je crois savoir qu'il a quand même, Ministre de l'Education nationale, voulu faire passer un texte qui remettait en cause la loi Falloux, la loi laïque qui permettait d'éviter que l'on finance l'école privée de n'importe quelle façon.
Que chacun assume son identité, son histoire, son passé, sa responsabilité . Comment se présenter devant les citoyens, en oubliant ce que l'on a été, les uns les autres, et eux notamment. Comment laisser croire, quand on a été 20 ans député à l'Assemblée nationale, qu'on a voté tous les textes de la droite chaque fois qu'elle a été majoritaire et contre tous les textes de la gauche chaque fois qu'elle a été en responsabilité, comment faire croire qu'on serait nouveau, « neuf », pur. Il nous fait croire -et c'est une illusion- qu'il n'est pas député mais exploitant agricole dans le Béarn ! Il nous faut croire qu'il était sur son tracteur dans un concours de laboure quand nous le voyons, nous, depuis tant d'années exercer des responsabilités.
Dans cette élection, c'est donc une conception de la politique, parce que ce serait trop simple, au moment des scrutins, lorsqu'il faut se différencier, lorsqu'il ne faut pas porter un bilan, assumer un passé, lorsqu'il ne faut pas accepter son propre échec, d'utiliser le manteau des autres, les mots des autres, les formules des autres, les nôtres, pour porter là le discours du changement qui n'en est pas un. La seule candidate du changement, dans cette élection, c'est Ségolène Royal et personne d'autre.
Ce n'est pas la même conception de la France, pas la même conception du pouvoir, pas la même conception de la politique, pas la même conception non plus de l'être humain . Nous, nous pensons que nous naissons libres et égaux. Nous pensons que nous portons une liberté, mais aussi une responsabilité. Nous croyons au progrès, mais nous savons aussi que des causes sociales peuvent agir ; et nous pensons aussi que la responsabilité individuelle est en cause lorsque se commet une infraction ou une faute. Nous assumons l'explication, mais aussi le rôle de l'individu dans son propre destin. C'est ce qui fait que nous sommes, les uns et les autres, des femmes et des hommes de progrès, des républicains, des citoyens. Jamais nous ne pourrions laisser penser qu'il y aurait comme une « destinée génétique » qui condamnerait les uns à la déviance avant même qu'ils ne soient nés et d'autres qui, par destin sans doute génétique, pourraient être plus riches que les autres, plus puissants que les autres, voire même capables sans doute d'être Président de la République. NON, la présidence de la République n'est pas dans les gênes, mais dans le suffrage universel ; ce sont les citoyens qui vont voter, et qui le feront librement sans prédéterminisme.
Voilà l'enjeu des deux tours de l'élection présidentielle. Le seul enjeu qui vaille, c'est le changement . La seule personne qui porte le changement, le vrai, c'est Ségolène Royal . Non pas simplement parce qu'elle est une femme, non pas même parce qu'elle est une femme socialiste, mais parce qu'elle a donné une dimension à sa candidature.
Sa méthode, sa démarche -la démocratie participative, le dialogue, l'écoute, ne s'est pas imposée sans mal, y compris auprès des socialistes. Nous pensions, en tant que socialistes, que nous en connaissions forcément plus que les citoyens, puisque nous sommes socialistes ! Ségolène Royal nous a fait comprendre que l'on ne pouvait pas élaborer un programme, un pacte présidentiel sans le peuple lui-même, sans qu'il soit associé, sans qu'il soit impliqué, sans qu'il soit pris en compte.
Elle porte le changement, parce qu'elle rassemble. Elle porte le changement parce qu'elle est elle-même porte parole du pacte présidentiel. Ce pacte présidentiel, c'est le changement. Que nous dit-elle ? Il faut une France plus forte : oui, une France plus forte de sa jeunesse : Merci Razzye, nous avons besoin d'avoir confiance dans la jeunesse, et la jeunesse a besoin d'avoir confiance dans le pouvoir, dans les institutions. Il faut une France forte de sa Recherche, forte de son économie, de ses entreprises, de son pacte républicain. Mais, s'il faut une France forte, elle ne pourra l'être que si elle est aussi une France juste : juste pour la santé, juste pour le pouvoir d'achat, juste pour l'emploi, juste pour la répartition des richesses.
Voilà ce que nous devons porter partout dans les semaines qui viennent.
CONCLUSION
Il nous faut lancer un appel à la mobilisation . Je pense que nous sommes devant un choix essentiel dès le premier tour. Tout se jouera au premier tour. Le 22 avril, que chacun s'en convainc. Je ne suis pas là pour réveiller des peurs, pour brandir des menaces, pour exorciser des démons.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que si la gauche ne fait pas le choix dès le premier tour de Ségolène Royal, elle ne pourra pas être en situation de pouvoir l'emporter au second . Il ne s'agit pas simplement de nous protéger, de nous laisser passer ou de diminuer les autres, mais l'élection présidentielle ce n'est pas le moment d'envoyer des messages, d'adresser des alertes. L'élection présidentielle est faite pour choisir le prochain Président de la République. L'élection présidentielle, c'est pour avoir au deuxième tour le choix entre deux projets de société : celui que représentera le candidat de droite -et qu'importe son nom- et celui que présentera la candidate de la gauche et cela ne peut être que Ségolène Royal.
À nos amis qui se veulent plus à gauche que nous, il y en a, et je ne parles pas là de François Bayrou, je veux leur dire qu'ils doivent bien comprendre qu'il n'y a rien de pire qu'une « droite brûlante », qu'une « droite dure », quand, par ailleurs, ils nous qualifient de « gauche tiède », « molle ».
Ce que nous avons à faire, c'est permettre qu'il y ait un espoir autour de la gauche, autour de la gauche et pour la gauche dans notre pays. Pendant ces prochains jours et jusqu'au bout, dites bien que le risque majeur ce serait celui de la confrontation avec la jeunesse, ce serait la poursuite de la politique actuelle, celle menée depuis 2002. Dites bien que le risque serait le conflit avec le monde du travail, le risque serait aussi l'affrontement avec les quartiers.
Dites bien que la chance qui nous est offerte, à tous et à toutes, est de donner confiance dans notre avenir, confiance dans le changement ; la chance, c'est Ségolène Royal, Présidente de la République.
C'est la seule chance et il nous faut la saisir dès le 22 avril pour porter Ségolène au plus haut et en faire la première femme Présidente de la République française.